LeTai-Chi est l'art martial qui serait le plus pratiqué au monde. Combinant art martial et relaxation, cette gymnastique douce venue tout droit de

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Objectif DĂ©couvrir l'art oratoire antique et les plus grands rhĂ©teurs. La rhĂ©torique est un art oratoire ou la maniĂšre de parler avec force et persuasion. Elle est particuliĂšrement prisĂ©e chez les grecs anciens, comme une technique de communication, la science de bien parler, au-delĂ  mĂȘme du pur discours politique, prenant en compte l’effet sur le destinataire, son ressenti. 1. DĂ©finitions ‱ Étymologie Le mot rhĂ©torique » vient du latin rhetorica lui-mĂȘme issu du grec rĂȘtorikĂȘ dĂ©signant la technique de l’art oratoire ou l’art de bien parler . Ainsi, le rhĂ©teur » est un bon orateur, qui sait utiliser le langage et ses ressources pour persuader et convaincre son auditoire. ‱ Sens La rhĂ©torique est une science du langage utilisant des moyens techniques figures de style, ornements, rythme, effet pathĂ©tique
 qui persuadent l’auditoire du bien-fondĂ© d’un discours. Elle dĂ©signe autant le langage technique judiciaire et politique que l’art de parler avec un effet maĂźtrisĂ© sur un public dans un domaine autre, comme la littĂ©rature, le théùtre ou l’économie. Plusieurs autres disciplines sont liĂ©es Ă  la rhĂ©torique comme - la stylistique qui Ă©tudie surtout la maniĂšre d’écrire, le style, comme la tournure de l’expression propre d’un Ă©crivain ou orateur. - l’argumentation qui est une Ă©criture dans un but de dĂ©montrer, de persuader et de convaincre au sujet d’une vĂ©ritĂ© Ă  rechercher. - la dialectique qui est une mĂ©thode de raisonnement prenant en compte des positions diverses, se nourrissant de la pluralitĂ© des connaissances et points de vue. ‱ Moyens La rhĂ©torique se base sur trois critĂšres - la preuve d’un raisonnement vĂ©ridique, CicĂ©ron exige de prouver la vĂ©ritĂ© de ce qu’on affirme ». - l’approbation de l’auditoire se concilier la bienveillance des auditeurs ». - l’émotion Ă©veiller en eux toutes les Ă©motions qui sont utiles Ă  la cause ». S’associent alors diffĂ©rentes fonctions du langage - le logos ou le discours rationnel et la structure logique. - le pathos ou l'effet de charme et de sĂ©duction du langage. - l’éthos ou la fonction morale du langage dĂ©veloppant la vertu exemplaire. Doc. 1. CicĂ©ron en l'an 50 avant 2. Histoire littĂ©raire Polymnie connue aussi sous le nom d’Eloquentia est la muse de la rhĂ©torique, la muse des hymnes nuptiaux et de deuil, accompagnĂ©s de musique. Elle est souvent reprĂ©sentĂ©e debout, avec un sceptre ou rouleau sur lequel est inscrit suadere, signifiant persuader » ou le nom de grands orateurs du monde greco-romain. a. La rhĂ©torique dans l'antiquitĂ© grecque ‱ Origine La rhĂ©torique est nĂ©e au 5e siĂšcle avant en Sicile puis Ă  AthĂšnes, introduite par le sophiste Gorgias Professeur d’éloquence et orateur, cĂ©lĂšbre pour sa culture et de sa maĂźtrise du discours. Elle est alors la maĂźtrise d’une parole efficace en matiĂšre de politique et de justice. Les orateurs AnaximĂšne, Aristote, DĂ©mĂ©trios, CicĂ©ron, Quintilien, HermogĂšne thĂ©orisent la discipline qui devient l’un des sept arts Ă  maĂźtriser dans un parcours scolaire. Ils dĂ©finissent les moyens techniques efficaces du discours et les questions thĂ©oriques essentielles que sont la vĂ©ritĂ© s’opposant au vraisemblable, l’évidence au lieu commun.‱ Les sophistes Les sophistes sont des orateurs itinĂ©rants qui dispensent des cours basĂ©s essentiellement sur la puissance du langage, considĂ©rĂ©s plus tard par Platon comme des manipulateurs. Il s’agit d’accĂ©der Ă  la reconnaissance par la puissance de l’art oratoire. Les plus puissants sont Gorgias capable disait-il de soutenir n’importe quelle thĂšse au moyen d’un style plein d’aisance ; Hippias d’Elis qui faisait montre de son immense savoir ; Protagoras qui maĂźtrisait l’art de la controverse et de l’improvisation. ‱ Platon et la dialectique 428-347 avant. Doc. 2. Platon, dĂ©tail de L'Ecole d'AthĂšne par Raphael 16e siĂšcle . Le philosophe s’insurge contre la mĂ©thode sophiste en recherchant la vĂ©ritĂ© et prenant en compte les positions diverses. Il s’agit de ne soutenir que la vĂ©ritĂ© et non de dĂ©fendre le vraisemblable. Le dialogue vĂ©ritable permet l’accĂšs au savoir. Il oppose la rhĂ©torique qui argumente sur le probable afin de convaincre et la philosophie qui est quĂȘte d’une vĂ©ritĂ© fondĂ©e. ‱ Aristote 324-322 avant Le philosophe est Ă©lĂšve de Platon et dĂ©finit la rhĂ©torique comme un art utile pour communiquer des idĂ©es fondĂ©es sur des preuves rationnelles. Il dĂ©termine trois genres rhĂ©toriques qui obĂ©issent Ă  des registres et mĂ©thodologies distinctes - le dĂ©libĂ©ratif qui pousse au choix et Ă  l’action ; - le dĂ©monstratif qui juge la valeur de quelque chose ; - le judiciaire qui sert Ă  l’accusation ou la dĂ©fense auprĂšs du juge. La RhĂ©torique, composĂ©e vers 329 avant dĂ©finit le fonctionnement de la rhĂ©torique, les effets sur la psychologie des locuteurs et les effets stylistiques. Elle traite de sujets philosophiques comme la justice, le droit ou la loi. b. La rhĂ©torique dans l'antiquitĂ© latine A partir du 2e siĂšcle avant l’art oratoire tient une place prĂ©pondĂ©rante dans la vie publique romaine, ainsi que dans les Ă©coles elle fait partie des humanitĂ©s ». Elle se base sur les thĂ©ories grecques de Platon et Aristote mais elle privilĂ©gie la pratique de l’expression. Les principaux orateurs sont CicĂ©ron et Quintilien. ‱ CicĂ©ron 106-43 avant CicĂ©ron est un orateur et magistrat romain influent, considĂ©rĂ© comme l’un des plus grands rhĂ©teurs de l’antiquitĂ©. Il a rĂ©digĂ© de nombreux discours et traitĂ©s De Inventione oratoria, De Oratore qui thĂ©orisent les bases de l’éloquence latine en ajoutant Ă  celle d’Aristote la notion d’éthos qui pose les valeurs citoyennes et morales comme indissociables de la rhĂ©torique. ‱ Quintilien 30-95 ap. Quintilien est un plaideur rĂ©putĂ© Ă  qui on confĂšre trĂšs vite une chaire de rhĂ©torique Ă  Rome. Il pense la rhĂ©torique comme la raison est la vertu de l’homme ». Il thĂ©orise sur l’enseignement de la discipline dans son Institutio Oratoria de l’apprentissage du langage parfait Ă  la maĂźtrise de la grammaire et de la poĂ©sie ; de l’écriture narrative aux declamationes qui sont des discours sur des exemples hypothĂ©tiques. L’élĂšve acquiert une parfaite maĂźtrise du langage tout en manifestant une conscience citoyenne. Il fonde les cinq Ă©tapes de l’entrainement rhĂ©torique - L’Inventio l’invention. - La Dispositio la structure. - L’Elocutio le style. - La Memoria l’apprentissage et mĂ©morisation du discours. - L’Actio l’oralisation du discours. L'essentiel La rhĂ©torique Ă©volue de sa fonction politique vers l’art de bien parler. Toutefois, le terme prend aujourd’hui une connotation nĂ©gative puisqu’il est associĂ© Ă  un discours vide, masquant ce dĂ©faut par de jolies prouesses de langage. Vous avez dĂ©jĂ  mis une note Ă  ce cours. DĂ©couvrez les autres cours offerts par Maxicours ! DĂ©couvrez Maxicours Comment as-tu trouvĂ© ce cours ? Évalue ce cours ! Fiche de cours VidĂ©os Profs en ligne
Etbien il en est de mĂȘme lorsque l'on doit nĂ©gocier. Une expĂ©rience menĂ©e sur 50 personnes a permis de dĂ©montrer l'influence de l'alcool dans notre capacitĂ© Ă 
Texte intĂ©gral 1 Vers la fin de sa vie, Speroni caressa l’idĂ©e de publier une Ă©dition dĂ©finitive de ses dialogues, ... 2 L’édition des Dialogi parut Ă  Venise chez les fils d’Alde Manuce ; l’édition de 1542 comprend les ... 3 On trouvera le rĂ©cit de sa vie dans le dernier volume de l’édition des Ɠuvres de Speroni procurĂ©e ... 4 Sur l’inachĂšvement du Dialogo della Retorica, voir l’anecdote reprise par Mario Pozzi d’aprĂšs l’éd ... 5 Par rhĂ©torique, nous entendons la rhĂ©torique persuasive hĂ©ritĂ©e de l’antiquitĂ© classique, dont Cic ... 6 Les trattatelli se trouvent tous dans le tome V des Opere de Speroni, alors que le fragment du dia ... 1Sperone Speroni 1500-1588 a choisi d’exprimer ses idĂ©es sur la littĂ©rature, la philosophie, les langues, l’amour, les femmes, parmi d’autres sujets, dans des dialogues dont il n’a pas donnĂ© d’édition dĂ©finitive de son vivant1. La premiĂšre Ă©dition de ces dialogues, qui remonte Ă  1542, n’est pas elle-mĂȘme de son fait, mais est due Ă  son ami Daniele Barbaro qui la fit imprimer, sans doute avec l’accord de Speroni, Ă  la suite d’un fĂącheux Ă©pisode de plagiat qui impliqua Alessandro Piccolomini2. L’ouverture, le fragment, voire l’inachĂšvement, caractĂ©risent tant l’Ɠuvre que la biographie du Padouan Speroni3, qui reste pourtant fidĂšle au principe du dialogue qu’il pratiqua tout au long de sa vie. Une exception notable Ă  ce choix est constituĂ©e par l’Apologia dei Dialogi, Ɠuvre tardive, remontant Ă  1574, et qu’il Ă©crivit pour effacer les soupçons, suscitĂ©s Ă  son encontre par un anonyme gentilhomme romain, d’avoir Ă©crit contre la doctrine de l’Église. Outre l’Apologia, dans laquelle par ailleurs Speroni confirme sa confiance inĂ©branlable dans le dialogue socratique, celui-ci ne s’écarte de la forme dialoguĂ©e que dans quelques brefs traitĂ©s, concernant essentiellement la rhĂ©torique, et dans des discours prononcĂ©s dans des occasions diverses. À cet Ă©gard s’imposent deux constats. Tout d’abord, Speroni, homme qui a dĂ©libĂ©rĂ©ment optĂ© pour la forme ouverte et flexible du dialogue contre la fermeture et la rigueur du traitĂ©, choisit gĂ©nĂ©ralement cette derniĂšre forme, ou plus prĂ©cisĂ©ment le trattatello, souvent non abouti ou brusquement interrompu dans son dĂ©veloppement, pour exprimer ses idĂ©es sur la rhĂ©torique qui est au cƓur de ses prĂ©occupations littĂ©raires, civiques et humaines. En deuxiĂšme lieu, il faut rappeler que Speroni a Ă©galement consacrĂ© un important dialogue Ă  la rhĂ©torique, qui est pratiquement le seul de ses grands dialogues Ă  ne pas avoir Ă©tĂ© terminĂ©4. Faut-il voir lĂ  une sorte de gĂȘne face Ă  la dĂ©finition de la rhĂ©torique ? Une gĂȘne peut-ĂȘtre engendrĂ©e par la difficultĂ© d’aborder de maniĂšre adĂ©quate le sujet sur lequel il a le plus rĂ©flĂ©chi ? On objectera que chez Speroni, comme chez ses contemporains, la question de la rhĂ©torique est partout prĂ©sente et ne concerne pas seulement les Ă©crits qui la mentionnent explicitement5. Cela Ă©tant, il demeure vrai que pour mener Ă  bien une Ă©tude sur l’art de persuader selon l’auteur des Dialogi il vaut mieux partir des Ă©crits qu’il a spĂ©cifiquement consacrĂ©s Ă  ce sujet, mĂȘme s’il sera parfois nĂ©cessaire d’en dĂ©passer les limites. Le corpus sur lequel nous nous sommes penchĂ© comporte ainsi le Dialogo della retorica, les petits traitĂ©s Dell’arte oratoria, Del genere giudiciale, Del genere demonstrativo, Sopra il libro II della Retorica d’Aristotile, Della narrazione oratoria e istorica, Della imitazione, le dialogue inachevĂ© Sopra Virgilio et le Dialogo delle Lingue qui, comme son titre l’indique, ne concerne pas directement la rhĂ©torique, mais la langue, qui est la matiĂšre premiĂšre de la rhĂ©torique6. 7 Les caractĂ©ristiques essentielles du dialogue Ă  la Renaissance ont Ă©tĂ© synthĂ©tisĂ©es par Anne Godar ... 8 S. Speroni, Apologia dei Dialoghi, in Trattatisti
, ouvr. citĂ©, p. 684 Ogni dialogo sente non p ... 2Nous commencerons par analyser la dĂ©finition en nĂ©gatif de la rhĂ©torique qui se dĂ©gage des dialogues et des trattatelli, c’est-Ă -dire ce qu’elle ne devrait pas ĂȘtre ; nous verrons ensuite ce qu’elle devrait en revanche ĂȘtre et quel rĂŽle social lui est attribuĂ© par les diffĂ©rentes voix qui s’expriment dans les textes de Speroni que nous avons examinĂ©s. À l’intĂ©rieur des dialogues, les opinions de l’auteur pour ou contre une certaine conception de la rhĂ©torique ne s’identifient pas forcĂ©ment avec celles qu’exprime tel ou tel autre personnage participant au dĂ©bat7. À ce propos, il est peut-ĂȘtre intĂ©ressant de retenir d’entrĂ©e de jeu que Speroni lui-mĂȘme a dĂ©fini ses dialogues comme des comĂ©dies oĂč les idĂ©es dĂ©battues tiennent lieu de personnages8. Ce qui l’intĂ©resse est en effet de fournir la vision la plus complĂšte possible sur un sujet en intĂ©grant Ă  la discussion les points de vue les plus divers. Il revient alors au lecteur de se faire une opinion Ă  partir de tout ce qu’il a entendu dire au cours des discussions. Et cela vaut aussi pour les petits traitĂ©s que nous prenons en considĂ©ration, qui sont souvent des textes prĂ©paratoires Ă  ceux plus aboutis des dialogues. Nous vĂ©rifierons finalement, en guise de conclusion, l’impact qu’ont eu sur l’écriture de Speroni ses convictions thĂ©oriques en nous arrĂȘtant notamment sur quelques figures et artifices stylistiques rĂ©currents dans ses textes. Une vision critique affirmĂ©e 9 Au sujet de CicĂ©ron, Soranzo prĂ©cise qu’il a Ă©tĂ© plus un orateur qu’un rhĂ©teur, c’est-Ă -dire qu’il ... 3La question qui anime la discussion sur la rhĂ©torique dans l’Ɠuvre de Speroni concerne la place, la nature et surtout la pratique de celle-ci dans la culture et plus en gĂ©nĂ©ral la vie de son Ă©poque. Car, comme l’observe Soranzo, l’un des interlocuteurs du Dialogo della Retorica, ni CicĂ©ron ni Quintilien n’ont su donner des rĂšgles et des prĂ©ceptes clairs et prĂ©cis pour ceux qui voudraient s’essayer Ă  cet art exigeant et difficile9. Soranzo se demande ensuite si le toscan littĂ©raire, codifiĂ© par Bembo dans ses Prose della volgar lingua 1525, est adaptĂ© pour traiter les trois types de causes oratoires – judiciaire, dĂ©libĂ©rative et dĂ©monstrative – qui n’ont rien Ă  voir avec les nouvelles de Boccace, lesquelles constituent le modĂšle le plus abouti pour la prose vulgaire. Que devra donc faire l’auteur moderne pour parfaire son Ă©loquence, de quels modĂšles devra-t-il s’inspirer ? Soranzo espĂšre que ses deux interlocuteurs pourront l’aider Ă  rĂ©soudre ses doutes 10 De plus, je me demande si l’art oratoire de la langue latine convient aux autres langues, en part ... Oltra di questo, io sono in dubio, se l’arte oratoria della lingua latina si convegna con l’altre lingue, spetialmente con la toscana che noi usiamo hoggidi; nella quale io ho opinione che a dilettare alcun maninconico, imitando il Boccaccio, qualche novella si possa scrivere senza piĂč; cosa veramente diversa dalle tre guise di cause, le quali da latini scrittori sola, et generale materia della loro arte retorica, si nominarono. Da questi adunque, et da altri tai dubij che di continuo mi s’aggirano nell’intelletto, infin’hora non ho trovato chi mi svilluppi10. 11 Par son Dialogus Ciceronianus sive de optimo genere dicendi Érasme entendait moins attaquer l’éloq ... 12 Valerio dĂ©clare en effet au dĂ©but du dialogue Voi apparecchiatevi non solamente ad udire, ma a ... 13 Marc Fumaroli, L’Âge de l’éloquence. RhĂ©torique et res litteraria » de la Renaissance au seuil d ... 4DĂ©jĂ  la maniĂšre dont est formulĂ©e la question de Soranzo laisse comprendre que l’issue du dĂ©bat ne sera peut-ĂȘtre pas si favorable Ă  l’éloquence cicĂ©ronienne qu’Érasme avait condamnĂ©e dans son dialogue Ciceronianus, paru Ă  BĂąle en 1528, un an tout juste avant la date oĂč est censĂ© se dĂ©rouler le Dialogo della Retorica11. Comme on l’a dĂ©jĂ  dit, ce dernier est inachevĂ© et ne dĂ©veloppe que l’argumentaire de Brocardo, auquel Valerio aurait dĂ» rĂ©pondre par des arguments contraires12. Ce dernier n’en contient pas moins, Ă  l’instar des autres textes sur la rhĂ©torique de Speroni, certaines critiques Ă  cĂŽtĂ© d’aspects plus favorables Ă  la rhĂ©torique cicĂ©ronienne. Certes Marc Fumaroli range l’auteur des Dialogi parmi les tenants du cicĂ©ronianisme, mais notre impression est que pour Speroni CicĂ©ron est un peu comme l’ombre encombrante d’un pĂšre dont il voudrait s’émanciper sans y parvenir rĂ©ellement. Sa pensĂ©e, ainsi que celle de ses contemporains, est nourrie de l’Ɠuvre de CicĂ©ron au point que mĂȘme lorsqu’il croit prendre ses distances par rapport au rhĂ©teur romain, il n’y arrive pas tout Ă  fait. Sans vouloir appliquer Ă  Speroni des Ă©tiquettes simplistes trouvĂ©es Ă  posteriori par la critique, on retiendra la juste observation de Marc Fumaroli selon lequel dans le domaine louvoyant de la rhĂ©torique, oĂč l’on est toujours le sophiste de quelqu’un, ce n’est qu’au prix d’une simplification polĂ©mique, et risquĂ©e, que l’on peut diviser l’éloquence en deux camps ; l’un des justes et l’autre des coupables13 ». À travers la sophistique, on entendait alors stigmatiser un art du discours qui tendait Ă  dissocier forme et sens, expression et contenu. C’est sur ce plan de la recherche d’une Ă©loquence n’encourant pas ce dĂ©faut que se situe la contribution de Speroni Ă  la rĂ©flexion sur la rhĂ©torique. C’est lĂ  son souci majeur et le fil rouge qui orientera notre lecture de ses Ă©crits, non exempts d’incohĂ©rences et de contradictions. 5AprĂšs que Soranzo a exprimĂ© ses doutes, la parole passe Ă  Brocardo. Celui-ci, sous prĂ©texte de lui rĂ©pondre, en profite pour exposer son point de vue sur la rhĂ©torique, alors que ses deux autres interlocuteurs, Soranzo et Valerio, se bornent Ă  lui poser les questions permettant de faire progresser le dĂ©bat. Cette circonstance est importante pour interprĂ©ter d’une maniĂšre correcte le Dialogo della Retorica. Les opinions de Brocardo ne sauraient se confondre avec celles de l’auteur ni de ses deux autres interlocuteurs, d’oĂč l’exigence de confronter les idĂ©es de ce personnage avec ce que Speroni a dit dans ses autres Ă©crits sur l’art de persuader. Au cours de ses interventions, Brocardo prĂ©cise par la nĂ©gative ce que n’est pas selon lui la rhĂ©torique et ce que doit Ă©viter l’orateur. Il met Ă  la fin ce dernier en garde contre les risques d’une certaine conception de la doctrine de l’imitation. 14 Ora, mentre che noi ridiamo e giuochiamo, o Brocardo, il Cardinale don Ercole col Priuli e col Na ... 15 Le bien parler au profit de l’avoir, des personnes et de l’honneur des mortels » Dialogo della R ... 6DĂšs le dĂ©but du Dialogo della Retorica est Ă©tablie, de maniĂšre indirecte, une nette dĂ©marcation entre la rhĂ©torique et la philosophie. Avant mĂȘme d’entamer la discussion sur l’art de persuader, les interlocuteurs font en effet allusion Ă  un autre dĂ©bat, autour de l’immortalitĂ© de l’ñme, qui se serait dĂ©roulĂ© en mĂȘme temps que le leur chez l’ambassadeur vĂ©nitien Gasparo Contarini14. C’est lĂ  une maniĂšre de nous faire comprendre que Brocardo, Soranzo et Valerio Ă©cartent ce type de discussion spĂ©culative pour aborder un aspect essentiel de la vie civile, en l’occurrence l’art oratoire Il parlar bene », comme le dit Soranzo, a beneficio dell’avere, delle persone, et dell’onor de’ mortali15 ». Les interlocuteurs du Dialogo della Retorica entreprennent donc de dĂ©battre de la rhĂ©torique antique, ou cicĂ©ronienne, malgrĂ© les rĂ©serves de Soranzo sur la possibilitĂ© de continuer Ă  la pratiquer Ă  l’époque moderne. C’est en ce sens, nous semble-t-il, qu’il faut interprĂ©ter ses doutes sur la difficultĂ© d’exercer l’art oratoire antique en toscan. Et nous verrons que cette rĂ©serve mentale de Soranzo est assumĂ©e par Brocardo. 16 Au sujet de la distinction entre rhĂ©torique et philosophie, il est d’usage de rappeler que Speroni ... 7Celui-ci entame la discussion en observant que la spĂ©culation philosophique exige des connaissances et des qualitĂ©s que peu d’esprits possĂšdent, ce qu’en revanche ne requiert pas un dĂ©bat autour de l’art de bien dire, qui peut ĂȘtre le sujet d’une discussion agrĂ©able non moins que savante entre “honnĂȘtes gens” comme le sont les trois interlocuteurs du dialogue de Speroni16. Un autre prĂ©supposĂ© essentiel qui sĂ©pare la philosophie de l’art de persuader concerne, toujours d’aprĂšs Brocardo, leurs finalitĂ©s divergentes la spĂ©culation philosophique prĂ©tend arriver Ă  la vĂ©ritĂ©, tandis que l’orateur se contente de nous communiquer non pas la vĂ©ritĂ© profonde des choses, mais une sorte de vĂ©ritĂ© apparente, telle qu’elle est perçue par la majoritĂ© des personnes. À travers cette maniĂšre de procĂ©der, l’orateur se rapproche du peintre qui, en s’aidant du pinceau comme l’orateur le fait avec la plume, reproduit 17 [
] mon enveloppe extĂ©rieure, qui est sous les yeux de chacun ; de mĂȘme, pour faire un bon discou ... [
] la estrema mia superficie, nota agli occhi di ciascheduno ; similmente a ben orare in ogni materia basta il conoscere un certo non so che della veritĂ , che di continuo ci stĂ  innanzi, si come cosa la quale ne i nostri animi naturalmente di saperla desiderosi, volle imprimer Domenedio17. 18 Le rapport Ă©troit entre peinture et littĂ©rature a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© par les thĂ©oriciens entre 1550 et ... 19 L’art de la parole, Ă©crit CicĂ©ron, est Ă  dĂ©couvert, Ă  la portĂ©e, pour ainsi dire, et Ă  la dispos ... 8Deux Ă©lĂ©ments nous frappent dans cette citation. D’une part, le lien Ă©tabli entre l’orateur et le peintre souligne l’importance de la dimension esthĂ©tique du discours oratoire, qui doit possĂ©der une beautĂ© immĂ©diatement perceptible par le spectateur18. De l’autre, l’accent est mis sur l’intĂ©rĂȘt naturel et spontanĂ©, voire innĂ©, des hommes Ă  l’égard de ces simulacres de vĂ©ritĂ© que communique l’orateur et qu’ailleurs Speroni fait coĂŻncider avec l’opinion. Autrement dit, l’orateur, comme le peintre, est celui qui sait dire dans un langage qui plaĂźt des choses susceptibles d’intĂ©resser, sinon tout le monde, du moins le plus grand nombre19. Il n’en va pas de mĂȘme de la spĂ©culation philosophique qui n’intĂ©resse, comme on l’a dit, qu’un nombre restreint de savants. L’orateur a encore sur le philosophe l’avantage que l’apprentissage de son art se fait plus agrĂ©ablement et plus vite que celui de la vĂ©ritĂ© philosophique. Celle-ci ne s’atteint qu’aprĂšs de longues annĂ©es d’études pĂ©nibles nelle scole » dans les Ă©coles », donc Ă  l’écart du commerce humain dont ne pouvait se passer l’auteur du Dialogo della Retorica. 20 Troppo erra chi ha opinione che l suo intelletto [de l’orateur], che non sa nulla, sia uno armar ... 21 CicĂ©ron expose cette conception du savoir de l’orateur dans son dialogue De Oratore, conçu et rĂ©di ... 22 Sur la conscience historique de Speroni, voir Riccardo Scrivano, Cultura e letteratura in Speron ... 9AprĂšs avoir indiquĂ© les diffĂ©rences de nature existant entre la rhĂ©torique et la philosophie, Brocardo prend ses distances par rapport Ă  certains principes et rĂšgles Ă©noncĂ©s par CicĂ©ron dans le De Oratore. Il se dĂ©marque par exemple de l’opinion cicĂ©ronienne d’aprĂšs laquelle le bon orateur devrait possĂ©der le savoir le plus vaste dans les domaines les plus divers puisqu’il est amenĂ© Ă  parler de tout20. Cette conception cicĂ©ronienne rĂ©pugne Ă  Brocardo d’un cĂŽtĂ© pour les raisons dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©es relatives Ă  la diffĂ©rence entre la formation du philosophe et celle de l’orateur, et de l’autre parce que l’idĂ©e Ă©tait nĂ©e d’une polĂ©mique ayant eu lieu Ă  l’époque du rhĂ©teur romain21. La position de Brocardo sur la culture de l’orateur procĂšde donc moins de la critique d’une opinion de CicĂ©ron que de l’affirmation du principe, cher Ă  Speroni, selon lequel, pour fonder leur art de persuader, ses contemporains doivent davantage se conformer aux besoins de leur Ă©poque qu’à l’autoritĂ© de CicĂ©ron22. 10Nous ne pĂ©nĂ©trons au cƓur du dĂ©bat sur la rhĂ©torique que lorsque Soranzo soulĂšve la question dĂ©terminante, qui revient avec insistance aussi dans les trattatelli, de la maniĂšre dont l’orateur doit persuader 23 [
] dites-moi au moins une chose, puisque la tĂąche de l’orateur est de persuader ceux qui l’écout ... [
] ditemi almeno una cosa, cioĂš, che sendo uffitio dell’oratore il persuader gli ascoltanti dilettando, insegnando, et movendo; in qual modo di questi tre, piĂč convenevole all’arte sua con maggior laude di se, rechi ad effetto il suo desiderio23. 24 Il diletto sia la virtĂč dell’oratione onde ella prende la bellezza et la forza a persuader chi l ... 25 Par le discernement de l’auteur, par le consentement et le plaisir de l’auditoire » Dialogo de ... 26 Ibid., note 1. 11Brocardo lui rĂ©pond sans hĂ©siter que c’est en plaisant Ă  son auditoire, c’est-Ă -dire par le diletto », que l’orateur est le plus susceptible de le persuader et de le rallier Ă  sa cause24. Brocardo poursuit en faisant une distinction entre la maniĂšre de persuader des philosophes, qui essayent de convaincre con la causa trattata » par la cause traitĂ©e », c’est-Ă -dire par la soliditĂ© de leur doctrine, et l’orateur qui y parvient con l’arbitrio, col nuto, et col piacere de gli auditori25 ». Le nuto » correspond, comme le souligne Pozzi, Ă  la libre adhĂ©sion, au consentement spontanĂ© des auditeurs au discours de l’orateur26. 27 On lit par exemple au dĂ©but du De Oratore de CicĂ©ron l’éloquence en dĂ©ployant sa force n’a qu’ ... 28 Speroni rapporte que pour Platon la rhĂ©torique Ă©tait une mala arte » puisque lusingando il giu ... 29 Le terme mos, moris est la traduction d’éthos, maniĂšre de se comporter, d’agir, mƓurs bonnes ou m ... 30 RhĂ©torique 1365a On persuade par le caractĂšre, quand le discours est de nature Ă  rendre l’orat ... 12Le diletto » tant prisĂ© par Brocardo, et sur lequel on reviendra, est Ă  opposer non pas au movere » en soi, mais Ă  une maniĂšre malhonnĂȘte de persuader qui fait violence aux Ă©motions de l’auditoire. La question du movere » chez Speroni est Ă  mettre directement en rapport avec CicĂ©ron, auquel Brocardo reproche Ă  plusieurs reprises de lui avoir accordĂ© trop d’importance27. La surĂ©valuation de ce moyen de persuasion est selon lui mauvaise pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il fait perdre de vue le discours oratoire en soi pour se concentrer sur ses effets sur l’auditoire. En second lieu, dans son petit traitĂ© Dell’Arte oratoria, Speroni rappelle que Platon avait condamnĂ© l’art oratoire en raison de l’accent mis sur le movere, qui pour le philosophe grec n’est qu’une maniĂšre de flatter le juge en influençant son jugement28. À travers le movere Speroni attaque, sur la lancĂ©e de Platon, non pas la rhĂ©torique tout court, mais la mauvaise rhĂ©torique, c’est-Ă -dire la sophistique, correspondant au mensonge et Ă  la mauvaise foi. Mais n’y aurait-il pas une autre maniĂšre, acceptable et bonne cette fois-ci, d’agir sur les Ă©motions des hommes ? Speroni, qui dans le Dialogo della Retorica avait insistĂ© sur l’incompatibilitĂ© entre la science du philosophe et l’art du rhĂ©teur, trouve malgrĂ© tout une rĂ©ponse Ă  sa question dans l’Ɠuvre d’un philosophe, c’est-Ă -dire dans la RhĂ©torique d’Aristote, prĂ©cisĂ©ment lĂ  oĂč celui-ci parle des maniĂšres de persuader propres au genre dĂ©monstratif. Speroni observe ainsi dans son trattatello sur l’art oratoire qu’Aristote voit dans le mos la preuve propre au style dĂ©monstratif29. Par mos, le philosophe grec entendait essentiellement le caractĂšre de l’orateur, en voulant dire par lĂ  qu’un orateur honnĂȘte Ă©tait plus apte Ă  gagner la confiance de l’auditoire qu’un autre moins honnĂȘte, pourvu que son discours fĂ»t digne de foi. Autrement dit, Aristote croyait que la bonne rĂ©putation de l’orateur pouvait rendre encore plus persuasif un discours qui l’était dĂ©jĂ  en soi par ses qualitĂ©s morales et stylistiques30. Sous-jacente Ă  la formulation d’Aristote se trouve l’idĂ©e qu’un orateur vertueux ne peut produire qu’un discours vertueux et qu’un discours honnĂȘte ne peut venir que d’un orateur honnĂȘte. Aristote substitue donc Ă  une catĂ©gorie psychologique telle que le movere, qui se fonde sur un choix dĂ©libĂ©rĂ© de sĂ©duire l’auditoire, la catĂ©gorie morale du mos, qui est innĂ©e chez l’orateur et qui par consĂ©quent ne prĂ©voit ni calcul ni effort de sa part. Le philosophe grec n’a jamais dit que le mos Ă©tait une forme de persuasion plus efficace que le movere. Mais Speroni n’hĂ©site pas Ă  accomplir le pas qu’Aristote n’a pas osĂ© franchir Facciamo noi quel che non fa Aristotele » et Ă  dĂ©clarer 31 Del genere demonstrativo, in Sperone Speroni, Opere, Venise, Domenico Occhi, 1740, t. V, p. 549 ... [che il mos] sia miglior prova del movimento Ăš cosa nota perchĂ© il mos opera existimatione virtutis, che Ăš cosa bonissima ; ed ha rispetto allo intelletto, e non alli affetti, al quale intelletto mostra che sia da preferir l’onesto e la laude alla vita biasimevole31. 32 Elle ne nous Ă©meut pas, mais nous calme en nous consolant dans nos propres misĂšres » Del genere ... 33 Au penchant des Ă©motions » Dialogo della Retorica, p. 644. 34 De cette maniĂšre dont nous agissons lorsque nous nous efforçons de soulever les choses lourdes et ... 35 En ce qui concerne le mos bisogna che sia invenzione e giudicio dell’orator in quanto orator p ... 13D’aprĂšs Speroni le mos est un meilleur moyen de persuasion que le movere car il fait appel aux facultĂ©s rationnelles de l’homme, plutĂŽt qu’aux Ă©motions. Et la raison pousse spontanĂ©ment l’homme Ă  choisir ce qui est bon pour lui. En revanche une persuasion s’adressant surtout aux passions et aux Ă©motions n’aurait pas les mĂȘmes effets positifs, car nous savons comment sous l’effet aveuglant de la passion et des Ă©motions il est possible de faire des choix contraires Ă  notre bien. Si la persuasion qui fait appel aux ressources Ă©motionnelles de l’homme trouble, bouleverse, excite les passions, la persuasion qui se fonde sur le mos a pour effet contraire et bĂ©nĂ©fique de calmer les esprits, car elle non pur move, ma acqueta, consolandoci nelle nostre miserie proprie32 ». Cette persuasion, loin d’accentuer le penchant de ceux qui Ă©coutent, sait se conformer all’inclinazion dell’affetto » de l’auditoire33. Elle agit sans forcer le public et non pas in quel modo che noi moviamo le cose gravi all’insĂč et le leggere all’ingiĂč »34, Speroni accentue ensuite bien plus qu’Aristote l’idĂ©e que ce type de persuasion par le caractĂšre doit ĂȘtre plutĂŽt une qualitĂ© du discours oratoire que de la personnalitĂ© de l’orateur35. La catĂ©gorie Ă©thique et rationnelle du mos correspond donc Ă  la catĂ©gorie esthĂ©tique du diletto » dont parlait Brocardo dans le Dialogo della Retorica, dans la mesure oĂč elle aussi appartient au discours et n’est aucunement un artifice extĂ©rieur mis en Ɠuvre par l’orateur. 36 AprĂšs avoir constatĂ© que DĂ©mosthĂšne fut plus philosophe » que CicĂ©ron, Speroni observe Non Ăš ... 14De ce que nous venons d’observer peuvent ĂȘtre tirĂ©es quelques conclusions. D’aprĂšs Speroni, la seule persuasion valable est celle qui respecte les dispositions d’ñme du public sans l’exciter, mais Ă  l’inverse en l’apaisant. Cela ne signifie pas pour autant que Speroni dĂ©fende une Ă©loquence elumbe » molle, sans nerf, pour reprendre l’un des qualificatifs qu’il donne Ă  l’art oratoire cicĂ©ronien36. Il affirme au contraire que l’orateur, qui valorise le diletto » et le mos en misant de cette façon sur les caractĂšres du discours et de l’orateur qui font davantage appel Ă  la raison qu’à l’émotion de ceux qui Ă©coutent, peut ĂȘtre plus efficace et mieux apte Ă  enseigner que le philosophe, car comme l’observe Valerio dans le Dialogo della Retorica, 37 [
] trĂšs grande doit ĂȘtre la violence de l’orateur sur nos esprits dĂšs lors qu’il nous persuade Ă  ... [
] grandissima violentia dee esser quella dell’oratore ne’ nostri animi qual’hora a ben fare ne persuade ; cosa optando con le parole in una hora, che in molti anni virtuosamente vivendo, a gran pena suole acquistarsi il filosofo37. 38 Un art adaptĂ© Ă  la civilitĂ© et Ă  la libertĂ© publique » Dialogo della Retorica, p. 647. 15Si la rhĂ©torique a effectivement ce pouvoir, elle est arte conveniente alla civiltĂ  della vita e alla pubblica libertĂ 38» . Speroni, Ă  la diffĂ©rence d’Érasme qui, parlant d’un point de vue Ă©vangĂ©lique et spirituel, avait soulignĂ© l’inutilitĂ©, voire la nocivitĂ© de la rhĂ©torique cicĂ©ronienne, souligne au contraire la nature positive et pour ainsi dire laĂŻque de la rhĂ©torique qui persuade par des moyens Ă©minemment rationnels et dont la sphĂšre d’action est la vie civile. 39 Speroni critique l’opinion de CicĂ©ron d’aprĂšs lequel il faut elegger un grande al quale si facci ... 16L’autre question importante dĂ©battue dans le Dialogo della Retorica, dans certains des trattatelli sur l’art oratoire et en partie aussi dans le Dialogo delle Lingue concerne l’imitation. La cible de l’ironie de Speroni, relayĂ©e par Brocardo dans le dialogue sur la rhĂ©torique, devient en prioritĂ© Bembo mĂȘme s’il n’est pas explicitement nommĂ©. Speroni critique Bembo dans la mesure oĂč ce dernier reprend la recommandation que CicĂ©ron avait adressĂ©e aux aspirants orateurs et poĂštes de choisir un unique et seul grand auteur comme modĂšle pour parfaire leur style et ensuite de le suivre avec constance et conviction39. L’imitation d’un unique modĂšle, fĂ»t-il excellent, telle que la conseille Bembo sur la lancĂ©e de CicĂ©ron, risque de dĂ©boucher sur une rhĂ©torique froide, sans Ăąme et, dirions-nous, sans originalitĂ© ou inventio, pour reprendre la terminologie de Speroni 40 Les mots doivent ĂȘtre semblables aux idĂ©es de l’esprit, dont ils expriment le sens [
] Si nous vo ... Le parole deono esser simili alli concetti dell’animo, delli quali esse sono significatrici [
] Adunque se volemo che la nostra orazione sia simile, ed imiti la orazione di un altro, bisogna che l nostro intelletto prima si faccia simile all’intelletto di quello, e le cose, ovver concetti miei alli concetti di quello40. 41 Il est certain que celui qui s’exprime seulement comme Bembo n’a ni art ni intelligence. Il ignor ... 42 Il adapterait ses mots Ă  ses idĂ©es, non pas Ă  celles d’autrui [
]. L’invention est donc la chose ... 43 Voyez maintenant combien je suis tombĂ© bas et dans quelle Ă©troite prison et avec quels liens je m ... 44 Les imitateurs ne sont rien. Il ne faut pas imiter les bons auteurs en parlant comme eux sur tous ... 17MalgrĂ© la prĂ©sence, surtout dans les trattatelli, restĂ©s inĂ©dits, de quelques allusions directes Ă  Bembo, Speroni ou ses personnages visent toutefois moins le talentueux Bembo que ses imitateurs mĂ©diocres et sans esprit E certo chi imita solo come il Bembo, costui non ha arte nĂ© intelligenzia. Non ha arte del dire, ma scrive ad imitazione d’alcuno41 ». Speroni n’entend pas pour autant nier l’utilitĂ© du principe d’imitation, ni la valeur des propositions esthĂ©tiques et linguistiques de Bembo, mais plutĂŽt signaler le danger de suivre des rĂšgles et des prĂ©ceptes stylistiques imposĂ©s de l’extĂ©rieur, alors que ceux-ci devraient naĂźtre de l’expĂ©rience littĂ©raire concrĂšte de chaque auteur. L’imitateur non seulement n’est ni poĂšte ni orateur, mais il n’a pas mĂȘme l’intelligence des choses, car s’il les comprenait, egli accomodarebbe le parole sue alli suoi concetti, non alli altrui [
]. Adunque la invenzione Ăš la principal cosa, la qual chi fa bene, parla bene e costui principalmente dee accomodar le parole alla sua invenzione42 ». Dans le Dialogo della Retorica, la condamnation de l’imitation servile est prĂ©sentĂ©e comme rĂ©sultant de la mauvaise expĂ©rience qu’en a faite Brocardo. Celui-ci, qui fut disciple de Bembo avant de se dĂ©tourner de ses prĂ©ceptes et de son enseignement, raconte avoir perdu les meilleures annĂ©es de sa vie en essayant d’assimiler les mots et les tournures syntaxiques et stylistiques de PĂ©trarque et de Boccace, avec des rĂ©sultats trĂšs dĂ©cevants. En effet, Ă  la fin de son rĂ©cit il commente, non sans ironie quand on connaĂźt ses prĂ©cĂ©dents Vedete voi oggimai a qual bassezza discesi e in che stretta prigione e con che lacci m’incatenai43» . Loin de constituer une aide, l’imitation servile devient, selon les mots de Speroni dans le traitĂ© Dell’arte oratoria, une entrave sĂ©rieuse pour l’aspirant orateur ou poĂšte Gli imitatori non sono nulla. I buoni autori non vanno imitati che in ogni materia parliamo a lor modo, o che non parliamo se non di quello che essi parlano44 ». 45 En n’étant pas ineptes, mais en Ă©tant prudents, clairs et en expliquant bien nos idĂ©es » Dell’ar ... 18La seule forme d’imitation concevable pour l’auteur des Dialogi est celle qui consiste Ă  imiter les grands auteurs in non essere inetti, ma prudenti, chiari, ed esplicar bene li nostri concetti45 ». Cette thĂšse est davantage dĂ©veloppĂ©e dans le fragment qui nous reste du Dialogo sopra Virgilio, oĂč des interlocuteurs qui ne sont identifiĂ©s que par les lettres de l’alphabet A et B discutent autour des dettes de Virgile Ă  l’égard d’HomĂšre. Le dialogue Ă©tant inachevĂ©, on n’y trouve pas de dĂ©veloppement abouti, mais on y lit quand mĂȘme un Ă©loge de Virgile qui n’a pas servilement copiĂ© HomĂšre et qui s’est plutĂŽt inspirĂ© de l’Ɠuvre du poĂšte grec pour construire son propre style personnel 46 Dialogo sopra Virgilio Fragmento, in Sperone Speroni, Opere, Venise, Domenico Occhi, 1740, t. II ... Ed io vi dico, che se egli Ăš il vero che lo imitare sia somigliare, il dir che Omero sia da Virgilio imitato Ăš una estrema bugia perchĂ© Virgilio da ciascuno altro poeta Ăš sanza modo diverso, e sol se stesso assomiglia. NĂš il dir Virgilio una e piĂč cose, che prima Omero dicesse, fa Virgilio suo imitatore siccome ancora il considerarsi in piĂč scienzie una istessa cosa, non fa lor simili. Basti che la maniera del dirle non Ăš omerica, ma sola Ăš propria virgiliana46. 47 Pietro Bembo, Prose della volgar lingua Introduzione e note di Carlo Dionisotti, Turin, UTET, 19 ... 48 Dans les Dialoghi piacevoli de NicolĂČ Franco on lit par exemple que celui qui veut imiter PĂ©trarqu ... 49 R. Scrivano, Cultura e letteratura
 », art. citĂ©, p. 38. 19Ces considĂ©rations de Speroni sur les dettes de Virgile Ă  l’égard d’HomĂšre ne contredisent pas certaines observations de Bembo dans sa lettre De imitatione adressĂ©e Ă  Giovan Francesco Pico. Bembo y distingue nettement entre l’imitation stylistique et l’imitation du contenu. La premiĂšre ne saurait ĂȘtre Ă©clectique, alors que la seconde est libre d’aller chercher des Ă©lĂ©ments dans les Ɠuvres les plus diverses47. En dĂ©fendant la libertĂ© de Virgile de s’inspirer de l’Ɠuvre d’HomĂšre, Speroni ne fait que s’aligner sur ce qu’a dit l’auteur des Prose au sujet de l’imitation du contenu. Il s’en dĂ©tache toutefois lorsqu’il insiste sur l’individualitĂ© du style de Virgile. Par son insistance sur l’unicitĂ© du style de Virgile, Speroni paraĂźt rejoindre son contemporain NicolĂČ Franco. Dans les Dialoghi piacevoli, ce dernier recommande en effet Ă  l’apprenti poĂšte de ne pas perdre son Ăąme en s’efforçant de modeler son style sur celui d’un grand auteur, et il conseille au contraire de pratiquer une Ă©mulation saine et critique en essayant de faire aussi bien, Ă  sa façon, que son illustre modĂšle48. L’attitude ambivalente de Speroni Ă  l’égard de la doctrine esthĂ©tique de Bembo constitue un exemple probant de la tendance de notre auteur Ă  intĂ©grer des positions esthĂ©tiques contradictoires Ă  l’intĂ©rieur d’un mĂȘme discours. Elle est rĂ©vĂ©latrice de la subtilitĂ©, soulignĂ©e par Riccardo Scrivano, dont l’auteur des Dialogi a besoin pour tirer, de positions opposĂ©es, des solutions moyennes capables de satisfaire Ă  des exigences diverses49 ». 50 Qui direi che questo vizio dello imitare Ăš venuto al mondo con lo studio delle lingue, specialmen ... 51 Dell’arte oratoria, p. 542. 52 Sur l’attitude critique de Speroni face Ă  la tradition humaniste, voir Francesco Bruni, Sperone ... 20L’hostilitĂ© de Speroni Ă  l’égard de l’imitation servile vise particuliĂšrement ce qu’on pourrait qualifier d’imitation linguistique, dans laquelle il voit la source mĂȘme du processus imitatif50. Dans ce dernier type d’imitation, Speroni stigmatise le temps excessif qu’à son sens les hommes de lettres de son Ă©poque accordent Ă  l’apprentissage des langues anciennes. Consacrant une trop grande partie de leur Ă©nergie intellectuelle Ă  l’assimilation et Ă  la pratique de langues mortes, ils perdent de vue ce qui est essentiel au progrĂšs de la pensĂ©e et des arts, c’est-Ă -dire les idĂ©es, et ainsi ils ne sont perfetti » en aucun art ni langue51. Speroni critique ici une certaine pĂ©dagogie humaniste plus soucieuse des formes que de la substance du savoir52. Il laisse en mĂȘme temps planer le doute selon lequel l’attachement Ă  la tradition est davantage une maniĂšre de dĂ©fendre une position de pouvoir et des privilĂšges acquis par les tenants de l’érudition humaniste que l’effet d’un rĂ©el souci de protĂ©ger et de faire progresser la culture antique. En fait, la cible rĂ©elle de Speroni dans cette critique de l’imitation est le sentiment d’infĂ©rioritĂ© que les Modernes continuent Ă  Ă©prouver Ă  l’égard des Anciens. Pour l’auteur des Dialogi, ce complexe d’infĂ©rioritĂ© correspond Ă  un manque de courage et Ă  une forme de paresse intellectuelle. Ses contemporains prĂ©fĂšrent se cantonner Ă  l’imitation de modĂšles prestigieux, sous le prĂ©texte qu’ils ne pourraient pas faire mieux, et se plaindre de l’état insatisfaisant des progrĂšs du savoir plutĂŽt que d’essayer d’emprunter le chemin, certes pĂ©rilleux, du neuf et de l’inconnu 53 Et tout naĂźt d’une lĂąche peur des modernes, laquelle les porte Ă  croire qu’ils ne sont rien par e ... E tutto nasce da un vil timor de’ moderni, che fa lor credere che nulla siano per se medesimi, nĂš che esser possano alcuna cosa in qual si voglia scienzia, se non quanto son simiglianti agli antichi, e pajon loro, come loro ombre e questa Ăš sola la loro gloria e felicitĂ 53. 54 Dialogo delle Lingue, in Sperone Speroni, Dialogue des Langues, ouvr. citĂ©, p. 15-16. 55 Les interlocuteurs du Dialogo delle Lingue sont Bembo, un Cortigiano, tenant de l’homonyme concept ... 56 D’abord blĂąmĂ© et crucifiĂ© par certains hypocrites, il est maintenant adorĂ© et honorĂ© comme le Chr ... 21Cela dit, Speroni ne condamne pas le bien fondĂ© de l’apprentissage du latin et du grec, comme on peut le voir dans le Dialogo delle Lingue oĂč il prĂȘte Ă  Lazzaro Bonamico, illustre professeur de latin et de grec au Studio de Padoue, des arguments culturellement et politiquement valables au service des langues qu’il enseigne54. Toutefois il fait prononcer Ă  Peretto, c’est-Ă -dire au philosophe Pietro Pomponazzi, les louanges de la traduction55. GrĂące Ă  l’existence de traductions d’Ɠuvres antiques, le savant, notamment le philosophe, aura plus de loisir Ă  consacrer Ă  l’approfondissement de la pensĂ©e de grands philosophes du passĂ©, fondement du progrĂšs des connaissances humaines. Peretto termine son plaidoyer pour la traduction sur une comparaison marquante, oĂč le traducteur des philosophes est comparĂ© au Christ primieramente biasimato e crucifisso d’alcuni ippocriti, ora alla fine da chi l conosce come Iddio e Salvator nostro si riverisce e si adora56 ». 57 Dialogo delle Lingue, p. 31. 58 Pour ce qui suit, voir notamment Mario Pozzi, Speroni e il genere epidittico », in Sperone Spero ... 22Mais en quoi l’éloge des mĂ©rites de la traduction prononcĂ© par Peretto rejoint-il la critique de l’imitation chez Speroni ? Ce lien est pertinent dans la mesure oĂč il peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme une invitation tacite Ă  ne pas se laisser distraire par des questions formelles le parfait apprentissage d’une langue ancienne ou du vocabulaire de PĂ©trarque qui font perdre de vue l’essence des choses. On sent l’ironie de Speroni percer derriĂšre l’indignation du savant grec Janus Lascaris, scandalisĂ© en apprenant que Peretto lit en traduction latine non pas Aristote, mais l’un de ses commentateurs grecs57. L’ignorance du grec et l’imparfaite connaissance du latin n’ont pas empĂȘchĂ© Pomponazzi, comme le souligne un autre interlocuteur du Dialogo delle Lingue, non seulement de bien comprendre la philosophie antique, mais aussi de libĂ©rer la pensĂ©e de certaines fausses croyances qui entravaient son avancement. De mĂȘme, le poĂšte ou l’orateur qui veut rĂ©ussir son Ɠuvre et contribuer au progrĂšs de son art doit dĂ©laisser l’imitation stĂ©rile et chercher en lui-mĂȘme les ressources stylistiques et morales propres Ă  l’épanouissement de sa veine. Speroni a beau dire que la rhĂ©torique n’a pas maille Ă  partir avec la philosophie, sa critique Ă  l’encontre des dĂ©fauts de la culture de son temps est nourrie de l’esprit critique du rationalisme et du matĂ©rialisme aristotĂ©licien dont Pomponazzi fut l’un des interprĂštes les plus aigus. Cela est particuliĂšrement Ă©vident dans les trattatelli. Dans ces Ă©bauches, simples notes prĂ©paratoires ou excroissances textuelles non destinĂ©es Ă  la publication, le Padouan n’hĂ©site pas Ă  analyser de longs extraits de Platon et d’Aristote, ce qu’il n’aurait pas osĂ© faire dans les dialogues oĂč les idĂ©es sont vĂ©hiculĂ©es sous la forme nonchalante de la conversation mondaine. Cet intĂ©rĂȘt pour les idĂ©es et les doctrines philosophiques qui ressort du regard que Speroni porte sur la rhĂ©torique et la thĂ©orie littĂ©raire de son temps ne signifie toutefois pas qu’il ne rĂ©flĂ©chisse pas sur les fondements esthĂ©tiques de l’art de bien dire, comme on va maintenant le voir58. De l’excellence du genre dĂ©monstratif 23AprĂšs avoir expliquĂ© que la rhĂ©torique n’avait rien Ă  voir avec la philosophie et qu’elle devait s’émanciper de la sujĂ©tion Ă  l’autoritĂ© de l’antiquitĂ©, l’auteur des Dialogi prĂ©cise ce qu’est pour lui l’art oratoire, en en dĂ©finissant la nature, les fins et l’esthĂ©tique. 24Speroni parvient Ă  sa dĂ©finition de la rhĂ©torique par un parcours trĂšs tortueux que l’exĂ©gĂšte a parfois beaucoup de mal Ă  suivre, mais pour bien comprendre ses idĂ©es il est indispensable de suivre les voies qu’emprunte sa rĂ©flexion en en recherchant les traces dans les diffĂ©rentes Ɠuvres qui composent notre corpus. Ainsi n’est-il pas rare de se heurter Ă  des affirmations dĂ©concertantes qui sembleraient infirmer tout ce qu’on pensait avoir compris, comme dans ce qui suit 59 J’entends prouver que la rhĂ©torique, dĂ©finie par Platon subtilitĂ© et astuce, et non pas procĂ©dĂ© r ... Intendo di provare che la rettorica, la quale da Platone Ăš detta sagacitĂ  ed astuzia, non artificio razionale, quella che Ăš detta adulazione turpe e vile [
], sia artificio nobilissimo sopra tutti gli altri59. 25Par cette Ă©tonnante formulation, Speroni pencherait-il pour une Ă©loquence purement dĂ©corative oĂč la forme primerait sur les contenus ? Certainement pas. Il entend simplement prĂ©ciser que l’art oratoire qui l’intĂ©resse est celui des anciens, c’est-Ă -dire l’art de bien parler pour bien persuader et non pas la rhĂ©torique mĂ©diĂ©vale fondĂ©e sur le syllogisme et les preuves et donc trĂšs proche du raisonnement philosophique. Ce type d’éloquence est reprĂ©sentĂ© par la cause dĂ©monstrative. Rappelons que la rhĂ©torique comporte trois genres ou causes. Le genre judiciaire correspond au plaidoyer de l’avocat, le genre dĂ©libĂ©ratif au discours de l’homme politique et le genre dĂ©monstratif ou Ă©pidictique Ă  l’éloge. En quoi consiste, pour Speroni, la supĂ©rioritĂ© de la cause dĂ©monstrative sur les deux autres ? Dans les causes judiciaire et dĂ©libĂ©rative, la persuasion dĂ©pend davantage de l’habiletĂ© de l’orateur Ă  convaincre que de la substance de son discours. Cette spĂ©cificitĂ© repose sur le fait qu’en ces deux causes le discours n’est pas neutre, mais vise Ă  atteindre un rĂ©sultat qui n’est pas toujours acceptable, tant sur le plan de la morale que sur celui de la vĂ©ritĂ©. Si l’avocat peut plaider pour l’acquittement d’un coupable et l’homme politique tenter de prĂ©senter comme bonne une cause qui ne l’est pas, en revanche il n’y a pas de cause 60 [Il n’y a pas de cause] plus Ă©lĂ©gante dans l’expression, ni plus utile aux rĂ©publiques que la cau ... piĂč ornata nel dire, nĂ© piĂč utile alle republiche di questa mia dimostrativa i cui precetti hanno virtĂč non solamente di farne buoni oratori, ma a dover vivere honestamente con bella arte ne exhortano; il che di quelli delle altre due non aviene; con esse quali spesse fiate guerre ingiuste persuademo, et vendicando le nostre ingiurie, hor gli innocenti offendiamo, hor difendiamo i nocenti60. 26Si dans les genres judiciaire et dĂ©libĂ©ratif se crĂ©e une fracture entre le but visĂ© et la conviction de l’orateur, entre ce que l’orateur poursuit et le vrai, cela ne se produit pas avec la cause dĂ©monstrative qui est une forme d’éloquence Ă  l’état pur, valable par sa nature intrinsĂšque puisqu’elle reprĂ©sente la seule forme d’éloquence complĂštement dĂ©sintĂ©ressĂ©e, visant le diletto », c’est-Ă -dire Ă  persuader en faisant plaisir Ă  ceux qui Ă©coutent 61 Nous nous efforçons donc en vain d’enseigner et d’émouvoir sans plaire ; et en ne cherchant qu’à ... Indarno adunque d’insegnare, et di movere non dilettando ci fatichiamo; et dilettando senza altro quanta Ăš la forza del compiacere siamo possenti di persuader gli ascoltanti, riportando la disiata vittoria non per forza, ne quasi per merito di ragione, ma come grazia a noi fatta da gli ascoltanti, per quel diletto, che nelle menti di quelli suol partorire la oratione ben composta, et ben recitata61. 27Le style Ă©pidictique est donc indĂ©pendant de la personne de l’orateur ; si le discours est Ă©lĂ©gant et bien construit, il atteint son but persuasif mĂȘme s’il est pratiquĂ© par un mauvais interprĂšte. Et s’il n’arrive jamais qu’un bon orateur parvienne Ă  rendre bon un discours qui ne l’est pas au dĂ©part, il n’est pas rare qu’un mĂ©diocre orateur trouve le souffle qui lui manque dans une harangue bien agencĂ©e 62 Je suis fermement convaincu que dans les causes dĂ©libĂ©ratives et judiciaires la nature de l’orate ... Ho fermissima oppenione che nelle cause deliberative e giudiciali molto piĂč opri la natura dell’oratore e della materia che non fa l’arte oratoria; il contrario Ăš della causa demonstrativa, nella quale leggendo non Ăš men bella l’orazione che recitando; perĂČ veggiamo mediocri oratori bene informati delle civili materie, e aiutati dall’azzione e dalla memoria, in senato, et in giuditio soler parlare assai bene; che in tai casi, dalle cose trattate nascono in noi le parole; le quali concordate con li concetti dell’animo, ne riesce quella harmonia che fĂ  stupir chi l’ascolta62. 63 Quindi nacque il costume nella Republica atheniese, publicamente ogni anno quei cittadini lodare, ... 28Dans ce mĂȘme Dialogo della Retorica, Brocardo rappelle que le genre dĂ©monstratif Ă©tait en grand honneur dans la RĂ©publique d’AthĂšnes oĂč il Ă©tait pratiquĂ© pour cĂ©lĂ©brer l’éloge funĂšbre des citoyens qui s’étaient sacrifiĂ©s pour la patrie63. Ce type de louange non seulement consolait les familles, confĂ©rant une dimension publique Ă  leur douleur et reconnaissant la valeur civique du sacrifice de leurs proches, mais offrait Ă©galement aux citoyens de nobles exemples de courage. La notion d’exemple et d’enseignement n’est pas une exclusivitĂ© du genre Ă©pidictique, car elle se trouve Ă©galement dans les deux autres causes. Mais si ces derniĂšres font surtout appel Ă  l’émotion qui vise Ă  une persuasion immĂ©diate, la cause Ă©pidictique poursuit un tout autre type de persuasion. En effet, par les exemples de courage qu’elle fournit, elle ne fait pas appel aux Ă©motions le movere, mais plutĂŽt Ă  l’intelligence raisonnable. Elle ne poursuit donc pas une persuasion instantanĂ©e, mais les dĂ©cisions qu’elle suscite dans l’esprit de l’auditoire sont le fruit d’une rĂ©flexion longuement mĂ»rie dont les effets peuvent se voir bien longtemps aprĂšs la prononciation du discours de louange. La cause dĂ©monstrative ainsi suscite 64 [La cause dĂ©monstrative suscite] un troisiĂšme type d’émotion [
] plus noble que celui des passion ... una terza maniera di movimento [
] piĂč nobile, che non Ăš quel degli affetti; ed Ăš lo indurre a persuader gli ascoltanti a morir per la patria; e non morir allora allora, come persona tratta for di se stessa da qualche empito furioso; ma di lĂ  a un mese, e ad uno anno segno ciĂČ esser moto della ragione, non degli affetti; la qual chiamo mossa e non persuasa, considerando l’efficacia della ragione, che a ciĂČ l’induce64. 29PoussĂ© par l’enthousiasme, Speroni exagĂšre les bienfaits de l’éloquence dĂ©monstrative en perdant de vue le rĂ©alisme et la rigueur rationnelle qui sont gĂ©nĂ©ralement Ă  la base de son illustration de la bonne rhĂ©torique. Se laisserait-il donc lui aussi prendre au piĂšge de cette fausse Ă©loquence qu’il a en horreur ? L’enthousiasme de l’auteur des Dialogi vise seulement Ă  convaincre son public de la supĂ©rioritĂ© de la cause dĂ©monstrative en raison de son autonomie par rapport Ă  des variables qu’on peut qualifier d’extra-discursives. 30Étant donnĂ© ces prĂ©misses, on ne peut que tomber d’accord avec Brocardo, le principal interlocuteur du Dialogo della Retorica, lorsqu’il prĂ©cise que l’élĂ©ment fondateur de la persuasion dans la cause Ă©pidictique n’est ni l’inventio ni la dispositio mais l’elocutio, en somme tout ce qui contribue Ă  rendre le discours beau et Ă©lĂ©gant, autrement dit Ă  susciter chez les auditeurs ce plaisir qui est la fin du genre dĂ©monstratif. Des cinq parties de l’éloquence, invention, disposition, Ă©locution, action et mĂ©moire, 65 [
] l’élocution est sans aucun doute la partie principale, presque son cƓur, et je ne croirais pa ... [
] senza alcun dubio la elocuzione Ăš la prima parte, quasi suo cuore, e se anima la chiamassi non crederei di mentire; dalla quale, non che altro, il nome proprio della eloquenzia, come vivo da vita vien derivando. E per certo la invenzione e disposizione sono parti che alle cose pertengono, le quali, ritrovate nelle scienzie va ordinando la orazione; ma la terza, per quel che suona il vocabolo, Ăš propria parte delle parole, le quali non a caso ma con giudicio eleggiamo, e elette leghiamo65. 66 Ma la retorica e la poesia sono artificii delle voci degli uomini, non come gravi e acute ma prop ... 31Si Brocardo insiste sur la forme, ce n’est Ă©videmment pas pour la dissocier du fond du discours oratoire, mais au contraire pour prĂ©ciser le type de rapport qui, selon lui, doit exister entre ces deux aspects qui ne peuvent que progresser ensemble. La clĂ© de son dĂ©veloppement sur l’esthĂ©tique du discours Ă©pidictique repose sur la notion de numero, c’est-Ă -dire de rythme, concept qu’il emprunte Ă  la musique et Ă  la poĂ©sie et qu’il applique Ă  la prose, instrument expressif de l’orateur66. Dans l’esprit de Speroni, l’idĂ©e de numero suggĂšre plus prĂ©cisĂ©ment l’harmonie profonde et parfaite qui doit exister entre le fond et la forme du discours, mais Ă©galement entre les idĂ©es et l’ordre des mots qui les expriment, ordre qui reflĂšte Ă  son tour celui oĂč les idĂ©es se prĂ©sentent Ă  l’esprit de l’orateur 67 La tĂąche de l’orateur n’est donc pas de dire seulement des mots qui rĂ©sonnent bien, mais qui soie ... Adunque egli Ăš officio dell’oratore dir parole non solamente ben risonanti ma intelligibili e a’ concetti significati corrispondenti; perchĂ© sĂŹ come nei ritratti di Tiziano, oltra il disegno, la simiglianza consideriamo e, sendo tali sĂŹ come son veramente che i loro essempi pienamente ci rappresentino, opra perfetta e di lui degna gli estimiamo; cosĂŹ ancora nella orazione con la testura delle parole, con i loro numeri e con la loro concinnitĂ , le intenzioni significate paragoniamo, procurando che le parole pronunziate si pareggino alle sentenzie e con quello ordine le significhino che l’ha notate la mente67. 68 Pour cette raison, si les concepts sont sĂ©rieux, les mots qui leur correspondent doivent ĂȘtre com ... 32Cette insistance sur l’harmonie qui doit exister entre les concepts, le rythme, voire la texture syllabique des mots qui les vĂ©hiculent Per la qual cosa, se i concetti son gravi, le parole a dover loro rispondere deono farsi di sillabe che la lingua peni alquanto nel proferirle68 », correspond Ă  une plus noble prĂ©occupation de vĂ©ritĂ©, ou si l’on prĂ©fĂšre de sincĂ©ritĂ©. En effet, si l’orateur, n’étant pas philosophe, n’a pas accĂšs Ă  la catĂ©gorie absolue du vrai, il peut dire vrai, c’est-Ă -dire ĂȘtre sincĂšre et nous persuader en nous donnant une opinion, la sienne, en laquelle il croit vraiment. Et la preuve que l’orateur ne ment pas est interne Ă  son discours et tient Ă  la consonance harmonieuse qu’il a rĂ©ussi Ă  Ă©tablir entre le fond et la forme. C’est par ce biais que d’un cĂŽtĂ© est Ă©vitĂ© le piĂšge de l’éloquence mensongĂšre et que de l’autre l’opinion de l’orateur devient quelque chose de valable mĂȘme si elle ne prĂ©tend pas Ă  l’absolu de la vĂ©ritĂ© et ne demeure qu’une image du vrai. 33Un autre artifice stylistique essentiel de la cause dĂ©monstrative est l’amplificatio qui dans la perspective de notre auteur n’a Ă©videmment rien Ă  voir avec la boursouflure. Pour l’orateur, amplifier ne signifie pas agrandir dĂ©mesurĂ©ment et sans discernement, mais plutĂŽt donner du relief Ă  ce qu’il croit ĂȘtre important dans ce qu’il dit pour y attirer l’attention du public. En cela, l’orateur se distingue rĂ©solument de l’historien qui se borne Ă  aligner les faits l’un aprĂšs l’autre sans les hiĂ©rarchiser. Si par exemple l’orateur veut mettre en valeur un personnage qui a un rĂŽle secondaire dans un rĂ©cit, et qui en revanche en joue un capital aux fins de sa dĂ©monstration, il prendra ce personnage Ă  peine Ă©bauchĂ© 69 Et il l’étoffera, le mettra en lumiĂšre et le caractĂ©risera, ne parlant que de lui seul et pour lu ... Ed estenderĂ , ed illuminerĂ , e distinguerĂ , di lui solo, e per se solo trattando, e minutamente da ogni parte ravvolgendolo, e considerandolo, e quasi panno o seta paragonandolo ad alcuno altro e ciĂČ facendo, amplificherĂ  lui, e le cose sue, o aggiungendo dalle cose dette dall’istorico, o le dette snodando, ordinando, separandole dall’altre, ed illuminandole il che far non intende l’istorico, nĂ© dovea intenderlo69. 34Par sa notion d’amplificatio, Speroni rejoint la distinction qu’établit Aristote entre l’historien, qui rapporte le vrai, et le poĂšte qui modifie le vrai au profit d’une vĂ©ritĂ© plus haute et universelle qui est celle de l’art. 70 [Gli Spartani] alli quali era in odio, o parea essere odiosa l’arte del dire, erano in tanto di l ... 71 Del genere demonstrativo, p. 547. 35Pour donner encore plus de poids Ă  son illustration du bien fondĂ© de la cause dĂ©monstrative, l’auteur des Dialogi rappelle que les Spartiates eux-mĂȘmes, si peu enclins aux sentimentalismes et aux ornements du discours, cultivaient et apprĂ©ciaient l’éloge la laude. Ils eurent toutefois Ă  ses yeux le tort majeur de cultiver une forme d’éloge simple, autrement dit avec un minimum, voire sans aucun souci esthĂ©tique70. Cet Ă©loge fait sur un ton et un registre ordinaires n’a pas l’approbation de Speroni, car en ne se dĂ©marquant pas ou trop peu de la conversation courante, il ne parvient pas Ă  s’imprimer dans les mĂ©moires. Et pour montrer que l’organisation esthĂ©tique du discours n’est pas seulement un problĂšme formel mais touche bel et bien Ă  sa substance, il trouve des comparaisons simples, mais efficaces. Celui qui voudrait se faire faire un portrait ou bien une statue par un artiste chercherait tout d’abord del miglior maestro che si potesse trovare » le meilleur maĂźtre qu’il pourrait trouver », et ne se ferait pas reproduire tel qu’il est dans sa modeste rĂ©alitĂ©, mais piĂč grande71 ». Nous voyons encore revenir ce leitmotiv de Speroni axĂ© sur l’analogie entre la cause dĂ©monstrative et l’art, plus prĂ©cisĂ©ment les arts figuratifs et plastiques. Comme la peinture, l’art oratoire ne reproduit pas le vrai, mais en donne une image idĂ©alisĂ©e, filtrĂ©e par le regard et la sensibilitĂ© de l’auteur. 36Une fois dĂ©finie la nature et les caractĂ©ristiques de l’éloquence dĂ©monstrative, il nous reste encore Ă  dĂ©gager la fonction et la place prĂ©cises que Speroni lui attribue au sein de la sociĂ©tĂ©. Si les causes dĂ©libĂ©rative et judiciaire ont des fonctions sociales bien identifiables, peut-on dire la mĂȘme chose du genre Ă©pidictique ? Nous connaissons tout le cas que Speroni, qui a choisi le dialogue comme forme expressive et qui a renoncĂ© Ă  la spĂ©culation solitaire, fait de la vie sociale. Pour lui le discours, notamment celui qui a une forme artistique, est Ă  la base de la vie en sociĂ©tĂ© ; il est le reflet du respect que l’on doit Ă  soi-mĂȘme et aux autres et constitue en mĂȘme temps la meilleure garantie de la comprĂ©hension, voire de la paix entre les hommes. VoilĂ  pourquoi ce discours doit ĂȘtre ornĂ© 72 [
] pourquoi lorsque nous nous exprimons ne devons-nous pas parler civilement avec le respect dĂ» ... [
] perchĂ© parlando non si de’parlar civilmente con riverenzia verso chi ode e con ornamento delle parole e de’ gesti ? [
]. Se ci vengono forestieri in casa, noi copriamo li muri ed il suolo di razzi e tapeti; e non copriremo le nostre naturali parole di belli ornamenti parlando al principe72 ? 37L’allusion finale au prince est l’une des rares mentions directes du politique dans les Ă©crits de Speroni consacrĂ©s Ă  la rhĂ©torique. Elle mĂ©rite donc qu’on s’y arrĂȘte. Dans le Dialogo della Retorica, Brocardo dit qu’à son avis la cause dĂ©monstrative est la seule qui permette Ă  un obscur orateur de se faire connaĂźtre et de parvenir Ă  se faire une place dans la sociĂ©tĂ© 73 Imaginons un homme honnĂȘte plein d’éloquence et d’intelligence, qui sorti de sa patrie seul et nu ... Sia al mondo un buono uomo pien d’eloquenza e d’ingegno, il quale uscito dalla sua patria, solo e nudo quasi un altro Biante venga a starsi in Bologna, che farĂ  egli dell’arte sua? Se egli accusa o defende, ecco un vile avvocato che vende al vulgo le sue parole; se delibera, non sendo parte della republica, i suoi consigli non sono uditi. TacerĂ  egli e fia sua vita ociosa? Non veramente, ma di continuo con la sua penna nella causa demonstrativa, biasimando e lodando, la sua eloquenzia essercitarĂ ; la qual cosa non per odio o per premio ma per dir vero facendo, in poco tempo non solamente da’ pari suoi ma da’ signori e da’ regi sarĂ  temuto e stimato73. 38Le cƓur de la pensĂ©e de Brocardo se trouve dans les deux gĂ©rondifs biasimando et lodando qui renvoient Ă  une parole active et indĂ©pendante sachant autant prononcer des Ă©loges que profĂ©rer des condamnations, si nĂ©cessaire. Brocardo propose ici son portrait idĂ©al de l’homme de lettres et fixe en mĂȘme temps pour la littĂ©rature des objectifs qui ne sont pas forcĂ©ment ceux de l’auteur des Dialogi. 74 Or questo vostro eloquente se non m’inganna la simiglianza Ăš il ritratto dell’Aretino » Dialog ... 39L’homme de lettres idĂ©al selon Brocardo correspond Ă  un individu qui ne s’isole pas des problĂšmes de son temps et qui met sa plume au service de la sociĂ©tĂ©, tout en gardant une autonomie de jugement et d’inspiration. Et ce n’est pas un hasard si Ă  ce point du dialogue, Soranzo prononce le nom de l’ArĂ©tin, celui dont la plume agressive et mordante savait faire peur aux puissants74. Plus qu’un Ă©loge de l’ArĂ©tin, dont la personnalitĂ© et l’esthĂ©tique Ă©taient trĂšs Ă©loignĂ©es de celles de Speroni, il faut voir dans la mention directe du flĂ©au des princes un exemple d’homme de lettres qui avait su utiliser sa culture et sa verve discursive pour critiquer l’existant et exercer une pression sur le pouvoir en place. C’était lĂ  une maniĂšre de montrer aux puissants que l’homme de lettres, loin d’ĂȘtre un courtisan apprivoisĂ© cultivant un art purement dĂ©coratif, avait un rĂŽle important Ă  jouer en tant que conseiller des puissants et donc qu’il possĂ©dait une utilitĂ© sociale et politique certaine. Loin d’ĂȘtre un ornement des cours, la littĂ©rature pouvait ĂȘtre proche de la politique et donc de l’action. 75 Carlo Dionisotti, La letteratura italiana nell’etĂ  del Concilio di Trento », in Idem, Geografia ... 40La figure de l’homme de lettres tracĂ©e par Brocardo dans le Dialogo della Retorica correspond Ă  la figure sociale du poligrafo, dont l’ArĂ©tin fut l’exemple le plus accompli. Le polygraphe, qui aspire Ă  vivre de son talent, se veut plus autonome et orgueilleux que le poĂšte de cour, mais dans la sociĂ©tĂ© des annĂ©es 1540-1550 oĂč se situent les dialogues de Speroni, on a encore cruellement besoin d’un mĂ©cĂ©nat pour survivre. L’apparition du polygraphe sur la scĂšne culturelle italienne s’explique par cette ouverture vers le bas et par la relative libertĂ© de la culture italienne de ces annĂ©es qu’a si bien dĂ©crite Carlo Dionisotti, ouverture qui se clĂŽt inexorablement avant mĂȘme la fin du Concile de Trente et le triomphe de la Contre-RĂ©forme75. Mais pour un ArĂ©tin qui parvient au succĂšs et qui sait intimider les princes, combien d’autres hommes de lettres vivent dans la gĂȘne et ne parviennent ni Ă  trouver des ressources et une protection ni Ă  imposer ou simplement Ă  faire connaĂźtre leur veine critique. Le cas dĂ©jĂ  mentionnĂ© de NicolĂČ Franco, qui finit sur le bĂ»cher en 1570 pour avoir Ă©crit contre de hauts personnages de l’Église, est Ă  cet Ă©gard emblĂ©matique. 76 Sur la querelle qui opposa l’ArĂ©tin Ă  Antonio Broccardo, voir Paul Larivaille, Pietro Aretino, Rom ... 77 Selon G. Mazzacurati, avec le Dialogo della Retorica Ăš compiuta l’affermazione della letteratura ... 41Tout en admirant l’ArĂ©tin, auquel il fut liĂ© d’amitiĂ©, et tout en Ă©tant convaincu du nĂ©cessaire ancrage de la littĂ©rature et de l’homme de lettres Ă  la rĂ©alitĂ© de son temps, Speroni se situe sur des positions plus modĂ©rĂ©es et prend donc ses distances vis-Ă -vis de Brocardo76. MĂȘme s’il n’hĂ©sitait pas Ă  passer la rĂ©alitĂ© au crible de son esprit critique, il refusa toujours d’occuper le devant de la scĂšne pour pouvoir continuer Ă  dĂ©velopper sa rĂ©flexion en pleine libertĂ©. Ses positions sont celles d’un homme qui, tout en Ă©pousant la cause des Modernes et en reconnaissant la nĂ©cessitĂ© d’adapter la littĂ©rature Ă  l’évolution des temps, ne peut se passer de l’hĂ©ritage de la tradition. Cela ressort des contradictions qui caractĂ©risent ses opinions sur la rhĂ©torique. Bien que Speroni n’arrive plus Ă  justifier l’utilitĂ© des causes dĂ©libĂ©ratives et judiciaires, il ne dĂ©clare pas non plus ouvertement que la seule cause possible Ă  son Ă©poque est la dĂ©monstrative. De lĂ  dĂ©coule son impossibilitĂ© Ă  accomplir jusqu’au bout l’équivalence entre cause Ă©pidictique et littĂ©rature, qu’en revanche lui reconnaĂźt Mazzacurati77. Il prĂ©fĂšre donc laisser Ă  son lecteur cette tĂąche dĂ©licate. Son malaise face Ă  la situation de la rhĂ©torique dans la premiĂšre partie du xvie siĂšcle se traduit ainsi non seulement par les contradictions et les ambiguĂŻtĂ©s de son discours, mais Ă©galement par son incapacitĂ© Ă  donner une forme dĂ©finitive Ă  ses Ă©crits sur l’art de persuader. Ce n’est pas par hasard que ces derniers sont parmi les plus fragmentaires qu’il ait laissĂ©s. En guise de conclusion l’écriture Ă  l’épreuve 78 Mario Marti, Sperone Speroni retore e prosatore », in Dal certo al vero. Studi di filologia e di ... 79 À titre rĂ©capitulatif et de rappel Finalmente – dit Brocardo au sujet de la cause dĂ©monstrativ ... 80 Vents s’opposant Ă  la sĂ©rĂ©nitĂ© de la raison », les bourrasques », soleil qui en rĂ©flĂ©chissant ... 81 [
] io vi dico questa lingua moderna, tutto che sia attempatetta che no, esser perĂČ ancora assai ... 82 Tanto sarebbe trasferir Aristotele di lingua greca in lombarda, quanto traspiantare un narancio e ... 42Nous partirons de quelques considĂ©rations de Mario Marti qui reproche Ă  la prose de Speroni un excĂšs d’élaboration et de complexitĂ© qui fait quasiment perdre de vue la richesse de sa pensĂ©e. Le critique affirme mĂȘme que l’auteur des Dialogi est esclave de la forme encore plus que ses contemporains qui pourtant chĂ©rissaient la complexitĂ© syntaxique et stylistique78. Sans prĂ©tendre comparer Ă  notre tour la prose de Speroni avec celle de certains de ses contemporains, essayons de rĂ©pondre aux critiques de Marti en ayant Ă  l’esprit les nombreuses citations qui Ă©tayent notre contribution. Nous n’avons en effet pas besoin de faire une analyse dĂ©taillĂ©e de la prose de Speroni pour admettre que sa syntaxe est tortueuse et alambiquĂ©e, qu’elle abonde en propositions incises qui nous obligent Ă  revenir maintes fois au dĂ©but de la phrase pour rĂ©cupĂ©rer le fil de la pensĂ©e, et en constructions latinisantes oĂč le verbe est situĂ© Ă  la fin79. Il faut toutefois aussi admettre qu’une fois qu’on pĂ©nĂštre dans l’univers mental et expressif de Speroni, la complexitĂ© de sa prose devient moins gĂȘnante, alors qu’elle continue de nous frapper si nous extrayons de leur contexte des phrases et des pĂ©riodes isolĂ©es. Quant aux figures de style proprement dites – mĂ©taphores et similitudes essentiellement – et au lexique, s’il lui arrive d’emprunter des formules pĂ©trarquisantes et nĂ©o-platonisantes rebattues ou de recourir Ă  des termes recherchĂ©s, il est assez frĂ©quent que le choix soit plus personnel. Ainsi, Ă  cĂŽtĂ© de l’image traditionnelle des venti contrarij al sereno della ragione » qui agitent le procelle » de nos Ăąmes, ou encore de l’assimilation de la cause dĂ©monstrative au soleil qui riflettendo i suoi raggi l’altre due piĂč inferiori scalda e alluma80 », en figurent d’autres plus concrĂštes et familiĂšres pour notre sensibilitĂ©. Dans le Dialogo delle Lingue, la mĂ©taphore vĂ©gĂ©tale chargĂ©e de traduire l’état de la langue, relativement fade et convenue lorsqu’elle est profĂ©rĂ©e par Bembo81, devient plus expressive dans la bouche de Lascaris qui discute avec Pomponazzi82. 83 Dunque, alle cause venendo, come io dissi, cosĂŹ ridico di nuovo che la causa demostrativa Ăš la pi ... 43Au mĂȘme domaine des images concrĂštes et frappantes appartiennent certaines mĂ©taphores utilisĂ©es par Brocardo dans le Dialogo della Retorica, oĂč ce dernier assimile les diffĂ©rentes composantes de la cause dĂ©monstrative aux parties du corps humain veines, membres, os, nerfs, chair que lui-mĂȘme s’évertue Ă  Ă©numĂ©rer et Ă  dissĂ©quer en vĂ©ritable anatomiste de l’art de persuader83. On rencontre encore la sphĂšre du concret et du quotidien dans un autre procĂ©dĂ©, cher Ă  Speroni, qui consiste Ă  Ă©tablir un parallĂšle entre l’élĂ©gance formelle du discours oratoire et celle des vĂȘtements et des ornements dont les hommes se parent Ă  diffĂ©rentes occasions 84 Si quelqu’un est noble et riche, et n’adapte pas son habillement et son train de vie Ă  ses riches ... Se uno Ăš nobile e ricco, e non veste e non tien famiglia conveniente alle ricchezze e nobiltĂ  sua, vien riputato avaro e sordido. CosĂŹ un dotto e ben parlante, se in giudicio o in senato proverĂ  seccamente una cosa, sarĂ  riputato ed in vero sarĂ  un scempio. [
] Alle messe, a’ vespri, cose all’anima pertinenti, si orna il papa e li cardinali di belli manti d’oro e di gemme e noi nelle cose civili anderemo con parole spogliate e nude d’ogni bellezza84? 85 Et voici que les vĂȘtements de l’homme sont plus grands que sa personne ; sans quoi il n’y serait ... 86 Voir plus haut, note 72. 44La mĂ©taphore des vĂȘtements est Ă  nouveau reprise pour justifier la nĂ©cessitĂ© de l’amplificatio Ed ecco che le veste dell’uomo sono piĂč larghe della persona; altrimenti non vi starebbe comodamente; [
] e le parole sono veste e case, ove albergano i nomi, e le memorie, e concetti nostri85 ». Dans le mĂȘme registre on peut Ă©galement rappeler le rapport que Speroni Ă©tablit entre la rhĂ©torique et les tapis et les autres ornements domestiques qu’on utilise pour rendre la maison plus accueillante86. Ces quelques exemples nous permettent dĂ©jĂ  de dire que l’on ne trouve pas seulement d’images stĂ©rĂ©otypĂ©es chez Speroni et que celui-ci fait un vĂ©ritable effort pour adapter l’expression au point de vue des interlocuteurs de ses dialogues, ainsi que nous avons dĂ©jĂ  pu le constater prĂ©cĂ©demment. 87 Dialogo della Retorica, p. 661-662. 45Au sujet du Dialogo della Retorica, nous avons Ă©voquĂ© l’ironie subtile dont se sert Brocardo pour dĂ©noncer l’imitation servile de PĂ©trarque. L’on se souviendra que pour donner plus de force Ă  sa thĂšse, Brocardo retrace les Ă©tapes de son malheureux apprentissage d’imitateur de PĂ©trarque87. La critique de l’imitation, loin d’ĂȘtre ici exposĂ©e de maniĂšre abstraite, ressort de l’évocation de l’expĂ©rience nĂ©gative du principal interlocuteur du discours. Ce choix d’illustrer une opinion Ă  travers une expĂ©rience, et donc par un court rĂ©cit biographique, donne non seulement plus de force Ă  l’opinion, mais intĂ©resse davantage l’interlocuteur qui suit avec plaisir la reconstruction des Ă©tapes de l’échec de Brocardo. Dans cette partie du Dialogo della Retorica, les choses se passent exactement comme dans la conversation oĂč alternent dialogue et rĂ©cit, tant pour agrĂ©menter l’échange que pour donner plus de relief aux idĂ©es dĂ©battues. Ce dernier exemple montre avec nettetĂ© combien Speroni s’efforce de confĂ©rer Ă  son dialogue la dimension d’un Ă©change d’opinions vivant, oĂč les idĂ©es dĂ©battues sont vĂ©ritablement mises en scĂšne et animĂ©es par des personnages et non pas froidement exprimĂ©es comme dans un traitĂ©. 46S’il y a du vrai dans le jugement de Marti sur le style de Speroni, il nous semble toutefois qu’il est trop partial de s’arrĂȘter longuement sur les faiblesses de l’auteur des Dialogi et de nĂ©gliger ses mĂ©rites et les efforts rĂ©els qu’il a accomplis pour adapter son style Ă  la portĂ©e critique de ses idĂ©es. Selon nous, toutefois, l’aspect le plus novateur de l’Ɠuvre de Speroni ne rĂ©side pas tellement dans le choix du dialogue, dĂ©jĂ  opĂ©rĂ© avant lui par Bembo et Castiglione, pour ne citer que d’illustres prĂ©dĂ©cesseurs, mais dans le fait de nous avoir laissĂ© une Ɠuvre ouverte et qui a continuĂ© Ă  germer dans le temps sous la poussĂ©e des circonstances et des transformations historiques que l’auteur a pu connaĂźtre au cours de sa longue existence. Ainsi, des Ă©crits comme l’Apologia dei Dialogi, la deuxiĂšme partie du dialogue de l’Usura et d’autres textes rĂ©digĂ©s vers la fin de sa vie tĂ©moignent-ils non seulement de son ralliement Ă  l’esprit de la Contre-RĂ©forme, mais Ă©galement de sa disponibilitĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir et Ă  revenir sur ses idĂ©es. Si on devait comparer l’entreprise de Speroni Ă  celle d’un autre auteur de son Ă©poque c’est, toutes proportions gardĂ©es, le nom de Montaigne qui nous viendrait le plus spontanĂ©ment Ă  l’esprit. L’un et l’autre furent des gentilshommes impliquĂ©s dans la vie locale, mais refusant une trop grande proximitĂ© avec le pouvoir afin de garder la libertĂ© de continuer Ă  construire l’Ɠuvre tissĂ©e tout au long de leur existence. Un autre point leur est commun, qui est d’avoir mis Ă  la portĂ©e de leurs lecteurs leur esprit critique en les invitant ainsi implicitement, Ă  travers l’exemple de leurs Ă©crits, Ă  rĂ©sister contre les idĂ©es toutes faites ou la force de la tradition et de l’autoritĂ©. Haut de page Notes 1 Vers la fin de sa vie, Speroni caressa l’idĂ©e de publier une Ă©dition dĂ©finitive de ses dialogues, mais il ne donna pas suite Ă  ce projet. Ingolfo de’ Conti, petit fils de Speroni, publia entre 1596 et 1606 les Ɠuvres de son grand-pĂšre, mais ces Ă©ditions firent l’objet d’un jugement trĂšs sĂ©vĂšre de la part de Natale Dalle Laste et Marco Forcellini qui se chargĂšrent d’éditer en 1740 les Ɠuvres de Speroni ; cf. Sperone Speroni, Opere, introduzione di Mario Pozzi, Manziana Rome, Vecchiarelli Editore, 1989, 5 vol. reprint de l’édition des Ɠuvres de Speroni, Venise, Occhi, 1740 due Ă  Dalle Laste et Forcellini, p. VI-XI. 2 L’édition des Dialogi parut Ă  Venise chez les fils d’Alde Manuce ; l’édition de 1542 comprend les titres suivants Dialogo d’amore, Della dignitĂ  delle donne, Del tempo del partorire delle donne, Della cura famigliare, Della Usura, Della Discordia, Delle Lingue, Della Retorica, Delle Laudi del Cataio, Della Villa della S. Beatrice Pia degli Obici, Dialogo intitolato Panico e Bichi. Alessandro Piccolomini s’est librement inspirĂ© du dialogue de Speroni Della cura famigliare dans son ouvrage Dell’Instituzione di tutta la vita dell’uomo nato nobile e in cittĂ  libera Venetiis, apud H. Scotum, 1542 ; cet Ă©pisode est rĂ©sumĂ© dans les pages consacrĂ©es Ă  Speroni dans le recueil Trattatisti del Cinquecento, a cura di Mario Pozzi, Milan-Naples, Ricciardi, 1978, t. I, p. 1179. 3 On trouvera le rĂ©cit de sa vie dans le dernier volume de l’édition des Ɠuvres de Speroni procurĂ©e par Natale Dalle Laste et Marco Forcellini. Sur la biographie de Speroni, voir aussi A. Fano, Sperone Speroni 1500-1588. Saggio sulla vita e sulle opere, Parte I. La vita, Padoue, Fratelli Drucker, 1909. 4 Sur l’inachĂšvement du Dialogo della Retorica, voir l’anecdote reprise par Mario Pozzi d’aprĂšs l’édition des Opere de Speroni 1740, in Trattatisti del Cinquecento, ouvr. citĂ©, p. 681-682. 5 Par rhĂ©torique, nous entendons la rhĂ©torique persuasive hĂ©ritĂ©e de l’antiquitĂ© classique, dont CicĂ©ron donna l’exemple le plus accompli et qui remplaça entre la fin du xive et le dĂ©but du xve siĂšcle la rhĂ©torique mĂ©diĂ©vale fondĂ©e sur le syllogisme. Sur l’apprentissage de la rhĂ©torique Ă  la Renaissance, voir Paul F. Grendler, La Scuola nel Rinascimento italiano, Bari, Laterza, 1991 Ă©d. orig. Schooling in Renaissance Italy Literacy and Learning 1300-1600, Baltimore, The John Hopkins University Press, 1989, p. 225-226. 6 Les trattatelli se trouvent tous dans le tome V des Opere de Speroni, alors que le fragment du dialogue Sopra Virgilio et le Dialogo della Retorica se trouvent respectivement dans le tome II et dans le tome I. En ce qui concerne le Dialogo della Retorica, nous citons d’aprĂšs l’édition de M. Pozzi, in Trattatisti
, ouvr. citĂ© ; pour le Dialogo delle Lingue nous avons utilisĂ© l’édition bilingue Dialogues des langues, traduction de GĂ©rard GĂ©not et Paul Larivaille ; texte italien, introduction et notes par M. Pozzi, Paris, Les Belles Lettres, 2001. 7 Les caractĂ©ristiques essentielles du dialogue Ă  la Renaissance ont Ă©tĂ© synthĂ©tisĂ©es par Anne Godard et sont les suivantes 1 prĂ©pondĂ©rance du dialogue rĂ©fĂ©rentiel, c’est-Ă -dire du dialogue faisant intervenir des personnages historiques ; 2 prĂ©pondĂ©rance d’une dĂ©marche labyrinthique sur l’esprit de systĂšme ; 3 transgĂ©nĂ©ricitĂ©, ou appartenance Ă  plusieurs genres. À la Renaissance opĂšrent deux grandes traditions de dialogues ceux de type platonicien-cicĂ©ronien, dont les caractĂšres dominants sont la retenue formelle et le caractĂšre rĂ©fĂ©rentiel, et les dialogues inspirĂ©s de Lucien, dont le trait saillant est le caractĂšre fictionnel dans la mesure oĂč les protagonistes sont souvent des hĂ©ros rĂ©unis aux enfers ou des dieux de l’antiquitĂ© paĂŻenne » ; cf. Anne Godard, Le Dialogue Ă  la Renaissance, Paris, PUF, 2001, p. 22-23. La plupart des dialogues de Speroni appartiennent Ă  la premiĂšre tradition, mais ce dernier a aussi cultivĂ© la seconde, notamment dans le Dialogo dell’Usura. En gĂ©nĂ©ral, la production dialogique de la Renaissance se divise en deux grandes catĂ©gories d’une part les dialogues diĂ©gĂ©tiques, oĂč le dĂ©bat est introduit par un ou plusieurs narrateurs et dont le contexte est soigneusement dĂ©crit, d’autre part les dialogues mimĂ©tiques, oĂč ni le contexte ni les interlocuteurs du dĂ©bat ne font l’objet d’une prĂ©sentation prĂ©alable. Les dialogues de Speroni, dont le Dialogo della Retorica, relĂšvent de cette derniĂšre catĂ©gorie, voir Ă  ce propos Jean-Louis Fournel, Le monde des dialogues de Sperone Speroni langues communes et communautĂ©s de cultures », in QuĂȘte d’une identitĂ© collective chez les Italiens de la Renaissance, Paris, UniversitĂ© de la Sorbonne Nouvelle, 1990, p. 121-173 ; Nuccio Ordine, Il dialogo cinquecentesco italiano tra diegesi e mimesi », in Studi e Problemi di Critica Testuale, 37, 1988, p. 155-179, et du mĂȘme, Teoria e “situazione” del dialogo nel ’500 italiano », in Il Dialogo filosofico nel 500 europeo, a cura di D. Bigalli e G. Canziani, Milan, Franco Angeli, 1990, p. 13-33, en part. p. 14. Parmi les Ă©tudes fondamentales sur le dialogue Ă  la Renaissance on rappellera Virginia Cox, The Renaissance Dialogue, Cambridge, Cambridge University Press, 1992 ; Le Dialogue au temps de la Renaissance, Ă©d. Marie-ThĂ©rĂšse Jones Davis, Paris, Jean Touzot, 1984 ; Il Sapere delle parole. Studi sul dialogo latino e italiano del Rinascimento, a cura di Walter Geerts, Annick Paternoster & Franco Pignatti, Rome, Bulzoni, 2001. 8 S. Speroni, Apologia dei Dialoghi, in Trattatisti
, ouvr. citĂ©, p. 684 Ogni dialogo sente non poco della comedia. Dunque, sĂŹ come nelle comedie varie persone vengono in scena, e molte d’esse non molto buone, ma tutte quante a buon fine e perĂČ admesse dalla cittĂ ; ciĂČ sono servi maliziosi, innamorati senza alcun senno, adulatori, giovini e vecchie di male affare e parla ognuno da quel che egli Ăš o pare essere, e se parlasse altrimenti, non ostante che egli dicesse buone cose, male farebbe il suo uffizio e spiacerebbe al teatro; cosĂŹ il dialogo ben formato, sĂŹ come Ăš quel di Platone, ha molti e varii interlocutori che tal ragionano quale Ăš il costume e la vita che ciascuno d’essi ci rappresenta. » Sur les rapports existant entre les Dialogi de Speroni et la comĂ©die, voir par exemple Mireille Blanc, Entre Socrate et Dionysos ou le dialogue pendant la Renaissance italienne Sperone Speroni et Alessandro Piccolomini », in Essais sur le dialogue, Ă©d. Jean Lavedrine, Grenoble, Publications de l’universitĂ© de Langues et de Lettres de Grenoble, 2 vol., vol. II 1984, p. 107-144, notamment, p. 123-127. 9 Au sujet de CicĂ©ron, Soranzo prĂ©cise qu’il a Ă©tĂ© plus un orateur qu’un rhĂ©teur, c’est-Ă -dire qu’il a Ă©tĂ© meilleur dĂ©clamateur que pĂ©dagogue, si come quello che meglio parla, che non ci insegna a parlare » Dialogo della Retorica, in Trattatisti
, ouvr. citĂ©, p. 640. Le Dialogo della Retorica se dĂ©roule Ă  Bologne en dĂ©cembre 1529, lors du couronnement de Charles Quint par le pape ClĂ©ment VII. Les participants au dĂ©bat sont Antonio Broccardo 1500-1531, poĂšte anti-bembesque, Marcantonio Soranzo et Gian Francesco Valerio. Ce dernier fut secrĂ©taire de Bibbiena et trĂšs liĂ© Ă  la politique française et au roi François Ier. Le Dialogo della Retorica fut composĂ© entre 1538 et 1540 ; cf. Giancarlo Mazzacurati, La fondazione della letteratura », in Id., Il Rinascimento dei moderni. La crisi culturale del xvi secolo e la negazione delle origini, Bologne, Il Mulino, 1985, p. 238. 10 De plus, je me demande si l’art oratoire de la langue latine convient aux autres langues, en particulier Ă  la langue toscane que nous parlons aujourd’hui ; dans laquelle j’estime qu’on peut au mieux Ă©crire quelques nouvelles Ă  la maniĂšre de Boccace pour rĂ©jouir un esprit mĂ©lancolique et rien de plus ; ce qui est tout Ă  fait diffĂ©rent des trois types de causes, qui furent considĂ©rĂ©s par les Ă©crivains latins comme la matiĂšre unique et gĂ©nĂ©rale de leur art rhĂ©torique. Jusqu’à prĂ©sent je n’ai trouvĂ© personne pour m’aider Ă  dissiper ces doutes et d’autres analogues qui ne cessent de tourner dans mon esprit » Dialogo della Retorica, p. 640. 11 Par son Dialogus Ciceronianus sive de optimo genere dicendi Érasme entendait moins attaquer l’éloquence cicĂ©ronienne que mettre en garde contre le danger de dissocier la renovatio des arts et de la littĂ©rature de l’esprit du christianisme. Le dialogue d’Érasme inflige toutefois un coup trĂšs dur Ă  l’éloquence antique, qu’il juge dĂ©passĂ©e Verum ut olim fuerit utilis eloquentia Ciceronis, hodie quis est illius usus ? An in iudiciis ? Ibi res agitur articulis ac formulis, per procuratores et advocatos, quidvis potius quam ciceronianos, apud iudices, apud quos barbarus esset Cicero. [
] Maxime vero res hodie per consilium, quod arcanum vocant, conficiuntur ad id vix tres homines adhibentur, illitterati fere » Desiderio Erasmo da Rotterdam, Il Ciceroniano o dello stile migliore, testo latino critico, traduzione italiana, prefazione, introduzione e note a cura di Angiolo Gambaro, Brescia, La Scuola, 1965, p. 188. 12 Valerio dĂ©clare en effet au dĂ©but du dialogue Voi apparecchiatevi non solamente ad udire, ma a contradire ; e cosĂŹ faccia il Brocardo, il cui parere nella presente materia per avventura sarĂ  diverso dal mio » Dialogo della Retorica, p. 641. 13 Marc Fumaroli, L’Âge de l’éloquence. RhĂ©torique et res litteraria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique, GenĂšve, Droz, 2002 1re Ă©d., 1980, p. 94. 14 Ora, mentre che noi ridiamo e giuochiamo, o Brocardo, il Cardinale don Ercole col Priuli e col Navagero, in casa l’ambasciator Contarini, deono essere a questione, disputando fra loro della nostra immortalitĂ  » Dialogo della Retorica, p. 638. Don Ercole est Ercole Gonzaga, fils cadet de François Gonzague et d’Isabelle d’Este, Priuli est un gentilhomme vĂ©nitien, ami de Bernardo Tasso. Deux autres dialogues de Speroni devaient traiter de l’immortalitĂ© de l’ñme, le Dialogo della vita attiva e contemplativa et le Dialogo delle Lingue, mais ils dĂ©viĂšrent ensuite de ce premier objectif ; cf. Jean-Louis Fournel, Les Dialogues de Sperone Speroni libertĂ©s de la parole et rĂšgles de l’écriture, Marburg, Hitzeroth, 1990, p. 30-31. 15 Le bien parler au profit de l’avoir, des personnes et de l’honneur des mortels » Dialogo della Retorica, p. 639. 16 Au sujet de la distinction entre rhĂ©torique et philosophie, il est d’usage de rappeler que Speroni, qui fut Ă©lĂšve du philosophe Pietro Pomponazzi Ă  Bologne de 1523 Ă  1525, dĂ©clina en 1528 l’offre d’enseigner la philosophie Ă  l’UniversitĂ© de Padoue, car Ă  la suite de la mort de son pĂšre, il dut s’occuper personnellement de l’administration des biens de sa famille ; cf. M. Pozzi, Trattatisti
, ouvr. citĂ©, p. 692. Pomponazzi Ă©crivit en 1516 le Tractatus de immortalitate animae, dans lequel il disait qu’Aristote n’avait jamais dĂ©montrĂ© l’immortalitĂ© de l’ñme ; cf. Fournel, Les Dialogues
, ouvr. citĂ©, p. 32-34. 17 [
] mon enveloppe extĂ©rieure, qui est sous les yeux de chacun ; de mĂȘme, pour faire un bon discours oratoire dans des domaines diffĂ©rents, il suffit de connaĂźtre un certain je ne sais quoi de la vĂ©ritĂ© qui est constamment sous nos yeux, puisque c’est une chose que Dieu a voulu imprimer dans nos Ăąmes naturellement dĂ©sireuses de connaĂźtre » Dialogo della Retorica, p. 643. 18 Le rapport Ă©troit entre peinture et littĂ©rature a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© par les thĂ©oriciens entre 1550 et 1750. Pendant deux siĂšcles les critiques ont pensĂ© que, si le poĂšte ressemblait au peintre, c’était principalement par la vivacitĂ© picturale de sa reprĂ©sentation ou, plus prĂ©cisĂ©ment, de sa description – son pouvoir de peindre dans l’Ɠil de l’esprit des images claires du monde extĂ©rieur, comme un peintre les enregistre sur la toile » Rensselaer Wright Lee, Ut pictura poesis’. Humanisme et thĂ©orie de la peinture xve-xviiie siĂšcles, Paris, Macula, 1991 Ă©d. orig., 1967, p. 10. Ludovico Dolce, dans son Dialogo della pittura intitolato l’Aretino Venise, 1557, radicalise la conception commune en dĂ©clarant que les poĂštes, tous les Ă©crivains mĂȘme, sont des peintres. 19 L’art de la parole, Ă©crit CicĂ©ron, est Ă  dĂ©couvert, Ă  la portĂ©e, pour ainsi dire, et Ă  la disposition de chacun, instrument d’une pratique journaliĂšre, langage usuel de la conversation ; si bien que dans les autres genres on excelle Ă  proportion qu’on s’écarte davantage de l’intelligence et de la comprĂ©hension du vulgaire ; mais dans l’éloquence, ce serait la plus grave des fautes que de rejeter les façons de penser et de sentir communes Ă  tous les hommes » CicÉron, De Oratore. Ad Quintum Fratrem Libri Tres, livre I, texte Ă©tabli et traduit par Edmond Courbaud, Paris, Les Belles Lettres, 1938, p. 11-12. 20 Troppo erra chi ha opinione che l suo intelletto [de l’orateur], che non sa nulla, sia uno armario di ogni scienzia » Dialogo della Retorica, p. 644. Au dĂ©but du livre premier du De Oratore, on lit À mon sens, personne ne saurait devenir un orateur accompli, s’il ne possĂšde tout ce que l’esprit humain a conçu de grand et d’élevĂ©. Car c’est de toutes ces notions rĂ©unies que doit sortir la fleur et jaillir le flot du discours » CicÉron, De Oratore
, ouvr. citĂ©, livre I, p. 14. 21 CicĂ©ron expose cette conception du savoir de l’orateur dans son dialogue De Oratore, conçu et rĂ©digĂ© en 55 pour combattre contre la superficialitĂ© de l’enseignement des rhĂ©teurs romains qui prĂ©tendaient former un bon orateur Ă  coups de recettes et de rĂšgles sans se soucier de lui fournir de solides bases culturelles et critiques ; cf. CicÉron, De Oratore, ouvr. citĂ©, Introduction, p. X. 22 Sur la conscience historique de Speroni, voir Riccardo Scrivano, Cultura e letteratura in Sperone Speroni », in La Rassegna della Letteratura Italiana, 1951, p. 38-51. 23 [
] dites-moi au moins une chose, puisque la tĂąche de l’orateur est de persuader ceux qui l’écoutent en plaisant, en enseignant et en touchant Ă  savoir par lequel de ces trois moyens, qui soit le plus convenable Ă  son art et le plus digne d’éloges pour lui, il peut rendre effectif son souhait », Dialogo della Retorica, p. 640. Certains critiques estiment que les trattatelli, dont ceux sur la rhĂ©torique que nous Ă©tudions, sont postĂ©rieurs au dialogue inachevĂ© sur la rhĂ©torique ; voir par exemple Ă  ce sujet Pietro Floriani, Sperone Speroni, letterato nuovo », in Id., I gentiluomini letterati. Studi sul dibattito culturale nel primo Cinquecento, Naples, Liguori, 1981, p. 129, note 14. 24 Il diletto sia la virtĂč dell’oratione onde ella prende la bellezza et la forza a persuader chi l’ascolta », car, poursuit Brocardo, Indarno adunque d’insegnare, et di movere non dilettando ci fatichiamo; et dilettando senza altro quanta Ăš la forza del compiacere siamo possenti di persuader gli ascoltanti, riportando la disiata vittoria non per forza, ne quasi per merito di ragione, ma come grazia a noi fatta da gli ascoltanti, per quel diletto, che nelle menti di quelli suol partorire la oratione ben composta, et ben recitata » Dialogo della Retorica, p. 641. 25 Par le discernement de l’auteur, par le consentement et le plaisir de l’auditoire » Dialogo della Retorica, p. 642. 26 Ibid., note 1. 27 On lit par exemple au dĂ©but du De Oratore de CicĂ©ron l’éloquence en dĂ©ployant sa force n’a qu’un but agir sur les Ăąmes des auditeurs, pour les calmer ou les Ă©mouvoir » Ă©d. cit., p. 13. 28 Speroni rapporte que pour Platon la rhĂ©torique Ă©tait une mala arte » puisque lusingando il giudice in molti modi, fa che egli giudichi alla riversa » Dell’arte oratoria, p. 536. 29 Le terme mos, moris est la traduction d’éthos, maniĂšre de se comporter, d’agir, mƓurs bonnes ou mauvaises, usage, genre de vie, caractĂšre. 30 RhĂ©torique 1365a On persuade par le caractĂšre, quand le discours est de nature Ă  rendre l’orateur digne de foi, car les honnĂȘtes gens nous inspirent confiance plus grande et plus prompte sur toutes les questions en gĂ©nĂ©ral, et confiance entiĂšre sur celles qui ne comportent point de certitude, et laissent une place au doute. Mais il faut que cette confiance soit l’effet du discours, non d’une prĂ©vention sur le caractĂšre de l’orateur. Il ne faut donc pas admettre, comme quelques auteurs de Techniques, que l’honnĂȘtetĂ© mĂȘme de l’orateur ne contribue en rien Ă  la persuasion » Aristote, RhĂ©torique, texte Ă©tabli et traduit par MĂ©dĂ©ric Dufour, Paris, Les Belles Lettres, 1932, t. I, p. 76-77. 31 Del genere demonstrativo, in Sperone Speroni, Opere, Venise, Domenico Occhi, 1740, t. V, p. 549 [que le mos] soit une preuve meilleure que le recours Ă  l’émotion est bien connu car le mos opĂšre par le biais de la reconnaissance des mĂ©rites, qui est une chose trĂšs bonne. Il se rĂ©fĂšre Ă  l’intelligence et non aux passions, et il montre Ă  l’intelligence que l’honnĂȘtetĂ© et l’approbation sont Ă  prĂ©fĂ©rer Ă  une vie digne de blĂąme ». 32 Elle ne nous Ă©meut pas, mais nous calme en nous consolant dans nos propres misĂšres » Del genere demonstrativo, p. 550. 33 Au penchant des Ă©motions » Dialogo della Retorica, p. 644. 34 De cette maniĂšre dont nous agissons lorsque nous nous efforçons de soulever les choses lourdes et de faire aller vers le bas les choses lĂ©gĂšres » Dialogo della Retorica, p. 646. 35 En ce qui concerne le mos bisogna che sia invenzione e giudicio dell’orator in quanto orator perĂČ bisogna che sia nell’orazione, e non nella vita » Del genere demonstrativo, p. 550. 36 AprĂšs avoir constatĂ© que DĂ©mosthĂšne fut plus philosophe » que CicĂ©ron, Speroni observe Non Ăš dunque del tutto falso quel che dice Bruto di Cicerone, che fosse elumbe e senza nervo, mancando di prove, ed Asiano per conseguente, perchĂ© fuor dell’arte si estende; il che puĂČ andare in infinito » Dell’arte oratoria, p. 538. 37 [
] trĂšs grande doit ĂȘtre la violence de l’orateur sur nos esprits dĂšs lors qu’il nous persuade Ă  bien faire ; en rĂ©ussissant Ă  obtenir en une heure par de simples mots ce que le philosophe n’arrive pĂ©niblement Ă  conquĂ©rir qu’en vivant de maniĂšre vertueuse pendant de nombreuses annĂ©es » Dialogo della Retorica, p. 647. 38 Un art adaptĂ© Ă  la civilitĂ© et Ă  la libertĂ© publique » Dialogo della Retorica, p. 647. 39 Speroni critique l’opinion de CicĂ©ron d’aprĂšs lequel il faut elegger un grande al quale si facciamo simili nel dire » Dell’arte oratoria, p. 542. À propos de la question de l’imitation, on rappellera l’échange de lettres sur ce sujet entre Giovanni Francesco Pico della Mirandola, neveu du grand Pico, et Pietro Bembo. Giovanfrancesco Pico, dans sa lettre De imitatione ad Petrum Bembum, datĂ©e de 1512, nie l’utilitĂ© de l’imitation d’un modĂšle dans l’acte crĂ©ateur qui ne repose pas sur l’apprentissage d’une technique, mais sur la capacitĂ© innĂ©e de l’écrivain Ă  l’éveil spirituel. L’imitation ne saurait donc pas prendre pour modĂšle le texte de CicĂ©ron, mais l’idĂ©e de Beau vers laquelle le texte de CicĂ©ron n’est qu’une Ă©tape. Bembo rĂ©pondit Ă  Pico par une autre lettre du mĂȘme titre oĂč il insistait sur l’importance de l’imitation. D’aprĂšs Bembo, pour pouvoir rejoindre cette idĂ©e du Beau dont parlait Pico, il ne faut pas seulement un artiste d’exception, mais Ă©galement un modĂšle de rĂ©fĂ©rence qui puisse servir de point de dĂ©part Ă  l’élan de l’artiste. Bembo insiste sur l’unicitĂ© du modĂšle Ă  imiter, car quand on suit plusieurs modĂšles, selon la conception Ă©clectique prĂŽnĂ©e par Pico, on finit par avoir un style protĂ©iforme et donc monstrueux. Bembo conseillait donc de prendre CicĂ©ron comme unique modĂšle pour la prose et Virgile pour la poĂ©sie ; cf. M. Fumaroli, L’Âge de l’éloquence
, ouvr. citĂ©, p. 83-87. Sur l’échange de lettres entre Pico et Bembo, voir Giorgio Santangelo, Le epistole De Imitatione » di Giovanfrancesco Pico della Mirandola e Pietro Bembo, Florence, Olschki, 1954 ; Id., Il Bembo critico e il principio di imitazione, Florence, Sansoni, 1950. 40 Les mots doivent ĂȘtre semblables aux idĂ©es de l’esprit, dont ils expriment le sens [
] Si nous voulons donc que notre discours oratoire soit identique Ă  celui d’un autre et l’imite, il faut d’abord que notre intelligence devienne comme celle de cet autre, et que les choses, c’est-Ă -dire les idĂ©es, soient semblables Ă  celles d’un autre » Dell’arte oratoria, p. 542. 41 Il est certain que celui qui s’exprime seulement comme Bembo n’a ni art ni intelligence. Il ignore l’art de dire et Ă©crit en imitant quelqu’un d’autre » Dell’arte oratoria, p. 542. 42 Il adapterait ses mots Ă  ses idĂ©es, non pas Ă  celles d’autrui [
]. L’invention est donc la chose fondamentale, et qui invente bien, parle bien et doit surtout adapter ses mots Ă  ce qu’il a inventĂ© » Dell’arte oratoria, p. 542. 43 Voyez maintenant combien je suis tombĂ© bas et dans quelle Ă©troite prison et avec quels liens je m’enchaĂźnai moi-mĂȘme » Dialogo della Retorica, p. 662. Sur Antonio Brocardo, voir l’article qui lui a Ă©tĂ© consacrĂ© dans le Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, vol. 14, 1972, p. 383-384. 44 Les imitateurs ne sont rien. Il ne faut pas imiter les bons auteurs en parlant comme eux sur tous les sujets ou en parlant seulement de ce dont ils parlent » Dell’arte oratoria, p. 543. 45 En n’étant pas ineptes, mais en Ă©tant prudents, clairs et en expliquant bien nos idĂ©es » Dell’arte oratoria, p. 543. 46 Dialogo sopra Virgilio Fragmento, in Sperone Speroni, Opere, Venise, Domenico Occhi, 1740, t. II, p. 359-360 Et je vous dis que s’il est vrai qu’imiter veut dire ressembler, c’est un trĂšs grand mensonge que de dire qu’HomĂšre a Ă©tĂ© imitĂ© par Virgile car Virgile est trĂšs diffĂ©rent de tout autre poĂšte et ne ressemble qu’à lui-mĂȘme. Et que Virgile ait dit nombre de choses qu’avait dites avant lui HomĂšre ne fait de lui un imitateur de ce dernier de mĂȘme considĂ©rer une mĂȘme chose dans des disciplines diffĂ©rentes ne rend pas semblables ces disciplines. Il suffira de dire que la maniĂšre de s’exprimer de Virgile n’est pas homĂ©rique et que, n’appartenant qu’à lui, elle est proprement virgilienne. » 47 Pietro Bembo, Prose della volgar lingua Introduzione e note di Carlo Dionisotti, Turin, UTET, 1966 [1931], p. XVI. 48 Dans les Dialoghi piacevoli de NicolĂČ Franco on lit par exemple que celui qui veut imiter PĂ©trarque ou CicĂ©ron deve dare venti passi con i suoi piedi, et uno solo con quegli della sua guida » NicolĂČ Franco, Dialoghi piacevoli, Venise, Gabriel Giolito de’ Ferrari, 1542, Ire Ă©dition, Giolito, 1539, dialogue III, p. 64. 49 R. Scrivano, Cultura e letteratura
 », art. citĂ©, p. 38. 50 Qui direi che questo vizio dello imitare Ăš venuto al mondo con lo studio delle lingue, specialmente delle lingue aliene, come sono a noi aliene la Greca e la Latina, ed a noi Lombardi la Toscana » Della imitazione, p. 558. 51 Dell’arte oratoria, p. 542. 52 Sur l’attitude critique de Speroni face Ă  la tradition humaniste, voir Francesco Bruni, Sperone Speroni e l’Accademia degli Infiammati », in Filologia e Letteratura, XIII, 1967, p. 24-71. 53 Et tout naĂźt d’une lĂąche peur des modernes, laquelle les porte Ă  croire qu’ils ne sont rien par eux-mĂȘmes et qu’ils ne pourront jamais ĂȘtre quelque chose dans quelque discipline que ce soit, s’ils ne sont pas semblables aux anciens au point d’ĂȘtre comme leurs ombres voilĂ  leurs seuls titres de gloire et le seul bonheur qu’ils ont » Dialogo sopra Virgilio
, ouvr. citĂ©, p. 367. 54 Dialogo delle Lingue, in Sperone Speroni, Dialogue des Langues, ouvr. citĂ©, p. 15-16. 55 Les interlocuteurs du Dialogo delle Lingue sont Bembo, un Cortigiano, tenant de l’homonyme conception de la langue dont l’exposĂ© le plus accompli se trouve dans Il Cortegiano de Castiglione livre I, chap. XXIX et suivants, Lazzaro Bonamico, enfin le Scolare, ancien Ă©lĂšve de Pietro Pomponazzi, qui rapporte une discussion sur la langue qui eut lieu Ă  Bologne entre l’humaniste grec Janus Lascaris et son maĂźtre Pomponazzi. 56 D’abord blĂąmĂ© et crucifiĂ© par certains hypocrites, il est maintenant adorĂ© et honorĂ© comme le Christ notre Sauveur par ceux qui le connaissent » Dialogo delle Lingue, p. 37. 57 Dialogo delle Lingue, p. 31. 58 Pour ce qui suit, voir notamment Mario Pozzi, Speroni e il genere epidittico », in Sperone Speroni, Padoue, Editoriale Programma, 1989 numĂ©ro spĂ©cial de la revue Filologia Veneta consacrĂ© Ă  Speroni, p. 55-88. 59 J’entends prouver que la rhĂ©torique, dĂ©finie par Platon subtilitĂ© et astuce, et non pas procĂ©dĂ© rationnel, celle donc qui est appelĂ©e flatterie infĂąme et vile [
], est le plus noble de tous les arts » Dell’arte oratoria, p. 539. 60 [Il n’y a pas de cause] plus Ă©lĂ©gante dans l’expression, ni plus utile aux rĂ©publiques que la cause dĂ©monstrative. Par ses prĂ©ceptes, elle ne parvient pas seulement Ă  former de bons orateurs, mais elle rĂ©ussit Ă  nous exhorter adroitement Ă  vivre de maniĂšre honnĂȘte ; ce que ne font pas les deux autres causes, par lesquelles nous poussons souvent l’auditoire Ă  mener des guerres injustes, et, pour venger les injures subies, tantĂŽt offensons les innocents, tantĂŽt dĂ©fendons les coupables » Dialogo della Retorica, p. 656. 61 Nous nous efforçons donc en vain d’enseigner et d’émouvoir sans plaire ; et en ne cherchant qu’à divertir car telle est la force de la volontĂ© de plaire nous parvenons Ă  convaincre nos auditeurs, en rapportant la victoire espĂ©rĂ©e non pas par la force ni presque pas par les mĂ©rites de notre raison, mais par une sorte de grĂące que l’auditoire nous accorde Ă  la suite du plaisir qu’engendre d’habitude dans l’esprit du public le discours oratoire bien composĂ© et bien dĂ©clamĂ© » Dialogo della Retorica, p. 642. 62 Je suis fermement convaincu que dans les causes dĂ©libĂ©ratives et judiciaires la nature de l’orateur ainsi que celle du sujet traitĂ© ont plus d’effet que l’art oratoire ; c’est le contraire qui se passe avec la cause dĂ©monstrative, oĂč le discours oratoire n’est pas moins beau quand il est lu que quand il est dĂ©clamĂ©. Pour cette raison, nous voyons des orateurs mĂ©diocres bien informĂ©s sur les matiĂšres civiles, et aidĂ©s par l’action et la mĂ©moire, parler d’habitude fort bien au sĂ©nat et au tribunal ; car dans ces cas les mots jaillissent en nous des choses traitĂ©es. Des mots accordĂ©s aux idĂ©es de l’esprit naĂźt l’harmonie qui Ă©tonne ceux qui Ă©coutent » Dialogo della Retorica, p. 656-657. 63 Quindi nacque il costume nella Republica atheniese, publicamente ogni anno quei cittadini lodare, i quali fortemente per la lor patria combattendo, fossero stati ammazzati » Dialogo della Retorica, p. 656. 64 [La cause dĂ©monstrative suscite] un troisiĂšme type d’émotion [
] plus noble que celui des passions, et grĂące auquel on parvient Ă  persuader ceux qui Ă©coutent Ă  mourir pour la patrie ; non pas sur le champ, comme il peut arriver Ă  une personne qui a perdu le contrĂŽle de soi-mĂȘme sous l’effet d’un accĂšs de fureur, mais un mois voire une annĂ©e plus tard signe que cette action diffĂ©rĂ©e est un Ă©lan de la raison et non pas des passions je dirais cette personne Ă©mue et non pas persuadĂ©e, si l’on considĂšre la cause efficiente qui la pousse Ă  agir » Del genere demonstrativo, p. 547. 65 [
] l’élocution est sans aucun doute la partie principale, presque son cƓur, et je ne croirais pas mentir si je l’appelais Ăąme ; de l’élocution, et de rien d’autre, dĂ©rive le nom mĂȘme d’éloquence, ainsi que vivant dĂ©rive de vie. L’invention et la disposition sont certainement des parties qui concernent les choses que le discours ordonne aprĂšs les avoir repĂ©rĂ©es dans les diffĂ©rents domaines du savoir ; mais la troisiĂšme partie, ainsi que le terme l’indique, appartient aux mots que nous choisissons non au hasard mais avec discernement et qu’aprĂšs les avoir choisis nous lions ensemble » Dialogo della Retorica, p. 649. Pozzi signale que ce passage est inspirĂ© de CicĂ©ron, Orator, XIX, 61. 66 Ma la retorica e la poesia sono artificii delle voci degli uomini, non come gravi e acute ma propriamente come parole, cioĂš in quanto elle son segni dell’intelletto, quelle accordando sĂŹ fattamente che ne riesca una consonanzia, la quale, metaforicamente parlando, da’ primi retori al numero musico assimigliandola, numero anch’essa fu nominata; senza il qual numero non Ăš orazione la orazione, e col qual numero ogni volgare e inerudito ragionamento puĂČ aver nome orazione » Dialogo della Retorica, p. 649. La source de Speroni est Aristote, qui au sujet du rythme du discours Ă©crit Ce qui est arythmique est indĂ©terminĂ© ; or, le style doit ĂȘtre dĂ©terminĂ©, mais non pas par le mĂštre ; ce qui est indĂ©terminĂ© est impropre au plaisir et Ă  la connaissance ; toutes choses sont dĂ©terminĂ©es par le nombre ; or, le nombre, appliquĂ© Ă  la forme du style, est le rythme, dont les mĂštres ne sont que des sections. Le discours doit, par consĂ©quent, avoir un rythme, non un mĂštre ; autrement, ce serait un poĂšme » Aristote, RhĂ©torique, 1408b ; ed. cit., vol. III, p. 57. Dans le Grand Dictionnaire de la langue italienne de Salvatore Battaglia, on lit Ă  l’article numero metr. struttura metrica e prosodica. Per estensione il ritmo e l’armonia che ne deriva e che si apprezza nella lettura o nella recitazione di una composizione poetica o oratoria. Ritmo, movimento ritmico, cadenza ». 67 La tĂąche de l’orateur n’est donc pas de dire seulement des mots qui rĂ©sonnent bien, mais qui soient aussi intelligibles et rĂ©pondent aux idĂ©es signifiĂ©es ; car de mĂȘme que dans les portraits du Titien nous considĂ©rons la ressemblance en plus du dessin et que, si ceux-ci sont tels comme ils le sont vraiment qu’ils reproduisent parfaitement leurs modĂšles, nous les considĂ©rons comme Ɠuvre parfaite et digne de lui ; de mĂȘme dans le discours oratoire nous mettons Ă  l’épreuve les idĂ©es que nous voulons exprimer avec la texture des mots, leur rythme et leur harmonie, en veillant Ă  ce que les mots prononcĂ©s soient conformes aux idĂ©es et qu’ils les signalent dans le mĂȘme ordre oĂč l’esprit les a indiquĂ©es » Dialogo della Retorica, p. 672. Le terme de concinnitĂ  », qui signifie harmonie, symĂ©trie obtenue par la collocatio verborum », est tirĂ© de l’Orator XLIX-L de CicĂ©ron ; cf. Dialogo della Retorica, p. 672, note 3. 68 Pour cette raison, si les concepts sont sĂ©rieux, les mots qui leur correspondent doivent ĂȘtre composĂ©s de syllabes que la langue prononce avec beaucoup de difficultĂ© » Dialogo della Retorica, p. 672. 69 Et il l’étoffera, le mettra en lumiĂšre et le caractĂ©risera, ne parlant que de lui seul et pour lui seul, le retournant et l’examinant minutieusement de tous les cĂŽtĂ©s, tel un drap de laine ou de soie qu’il compare Ă  d’autres et ce faisant, il amplifiera le personnage et ses attributs, soit en ajoutant aux choses que l’historien en a dit, soit en les dĂ©veloppant, en les ordonnant, en les sĂ©parant des autres et en leur donnant plus de relief ce que l’historien n’entend pas faire et n’a pas Ă  faire » Del genere demonstrativo, p. 548. 70 [Gli Spartani] alli quali era in odio, o parea essere odiosa l’arte del dire, erano in tanto di loda cupidi, che andando a combattere sacrificavano alle Muse, acciocchĂ© i gesti loro fossero lodati [
], ma senza artificio, e semplicemente » Del genere demonstrativo, p. 547. 71 Del genere demonstrativo, p. 547. 72 [
] pourquoi lorsque nous nous exprimons ne devons-nous pas parler civilement avec le respect dĂ» Ă  ceux qui nous Ă©coutent, en nous servant de mots et de gestes Ă©lĂ©gants ? [
] Quand des Ă©trangers nous rendent visite chez nous, ne couvrons-nous pas les murs et le sol de notre demeure avec des tapisseries et des tapis ; pourquoi ne couvririons-nous pas nos mots naturels de beaux ornements quand nous parlons au prince ? » Dell’arte oratoria, p. 540 ; c’est nous qui soulignons. 73 Imaginons un homme honnĂȘte plein d’éloquence et d’intelligence, qui sorti de sa patrie seul et nu presque un autre Bias vienne demeurer Ă  Bologne, que fera-t-il de son art ? S’il accuse ou dĂ©fend, voici un vil avocat, dira-t-on, qui vend ses paroles Ă  la populace ; s’il dĂ©libĂšre, ne faisant pas partie de la rĂ©publique, ses conseils ne sont pas Ă©coutĂ©s. Devra-t-il se taire et mener une vie inactive ? Non pas vraiment, mais il exercera continuellement son Ă©loquence par sa plume dans la cause dĂ©monstrative, en blĂąmant et en louant ; et il le fera non pas par haine ou pour avoir une rĂ©compense mais pour faire Ɠuvre de vĂ©ritĂ©. Ce faisant, en peu de temps il sera craint et estimĂ© non seulement par ses pairs mais aussi par les seigneurs et par les princes » Dialogo della Retorica, p. 658-659 ; c’est nous qui soulignons. Rappelons que Bias, dont il est question dans cette citation, fut un des sept sages, particuliĂšrement apprĂ©ciĂ© par CicĂ©ron. 74 Or questo vostro eloquente se non m’inganna la simiglianza Ăš il ritratto dell’Aretino » Dialogo della Retorica, p. 659. 75 Carlo Dionisotti, La letteratura italiana nell’etĂ  del Concilio di Trento », in Idem, Geografia e storia della letteratura italiana, Turin, Einaudi, 1967, p. 183-204. 76 Sur la querelle qui opposa l’ArĂ©tin Ă  Antonio Broccardo, voir Paul Larivaille, Pietro Aretino, Rome, Salerno Editrice, 1997, p. 161-164. 77 Selon G. Mazzacurati, avec le Dialogo della Retorica Ăš compiuta l’affermazione della letteratura come scienza formale separata essa non aveva mai ricevuto prima, nella cultura italiana, una fondazione teorica tanto forte e recisa » La fondazione della letteratura », art. citĂ©, p. 250. 78 Mario Marti, Sperone Speroni retore e prosatore », in Dal certo al vero. Studi di filologia e di storia, Rome, Edizioni dell’Ateneo, 1962, p. 251-272, p. 265 Ma lo Speroni, piĂč che gli altri scrittori del suo tempo, predilige uno stile immaginoso e mosso, che spesso cade nel turgido e nell’enfatico, ricco di traslati, di metafore, di figure retoriche d’ogni genere, che dĂ nno origine all’inutilmente lambiccato ed al conseguente fastidio. È questo, forse, l’aspetto storicamente piĂč importante dello stile di Speroni, perchĂ© apre l’epoca nuova. Ma Ăš anche artisticamente il piĂč fiacco, perchĂ© allora la pur ricca umanitĂ  di quell’uomo cede alle lusinghe dell’orpello e se ne fa schiava ». 79 À titre rĂ©capitulatif et de rappel Finalmente – dit Brocardo au sujet de la cause dĂ©monstrative – l’arte e le cause oratorie a’ sentimenti di nostra vita aguagliando, posso dire che le due prime sono il senso del tatto, senza le quali non nasceva, non viverebbe la orazione; ma la causa dimostrativa, ornamento della retorica, Ăš occhio e luce che fa chiara la vita sua, lei a grado inalzando ove nulla dell’altre due non Ăš possente di pervenire » Dialogo della Retorica, p. 658. 80 Vents s’opposant Ă  la sĂ©rĂ©nitĂ© de la raison », les bourrasques », soleil qui en rĂ©flĂ©chissant ses rayons rĂ©chauffe et allume les deux autres causes infĂ©rieures » Dialogo della Retorica, respectivement, p. 647 et p. 658. 81 [
] io vi dico questa lingua moderna, tutto che sia attempatetta che no, esser perĂČ ancora assai picciola e sottile verga, la quale non ha appieno fiorito, non che frutti produtti che ella puĂČ fare certo non per difetto della natura di lei, essendo cosĂŹ atta a generar come le altre, ma per colpa di loro che l’ebbero in guardia, che non la coltivorno a bastanza, ma a guisa di pianta selvaggia, in quel medesimo deserto ove per sĂ© a nascere cominciĂČ, senza mai nĂ© adacquarla nĂ© potarla nĂ© difenderla dai pruni che fanno ombra, l’hanno lasciata invecchiare e quasi morire » Dialogo delle Lingue, p. 21-22. 82 Tanto sarebbe trasferir Aristotele di lingua greca in lombarda, quanto traspiantare un narancio e una oliva da un ben colto orticello in un bosco di pruni » Dialogo delle Lingue, p. 34-35. 83 Dunque, alle cause venendo, come io dissi, cosĂŹ ridico di nuovo che la causa demostrativa Ăš la piĂč orrevole, la piĂč perfetta, la piĂč difficile e finalmente la piĂč oratoria che niuna dell’altre due; la qual cosa mentre io tento di dimostrarvi, io vi prego che, non guardando alla fama degli scrittori della retorica, poniate mente alla veritĂ , la quale, da ragione aiutato, io mi apparecchio di palesarvi. PerciĂČ che altra cosa Ăš il parlar di questa arte, le vene sue, i suoi membri, l’ossa, i nervi e la carne sua annoverando e partendo, la qual guisa d’anatomia lei insegnando con le ragioni operiamo; e altra cosa Ăš il parlare oratoriamente al vulgo, a’ giudici, a’ senatori quegli allettando e movendo; il che non faccio al presente » Dialogo della Retorica, p. 655. 84 Si quelqu’un est noble et riche, et n’adapte pas son habillement et son train de vie Ă  ses richesses et Ă  sa noblesse, on le juge avare et mesquin. De mĂȘme un orateur savant et qui parle bien, s’il plaide sĂšchement sa cause devant le tribunal ou au sĂ©nat, non seulement sera tenu pour sot, mais le sera pour de bon. [
] À la messe et aux vĂȘpres, qui sont choses concernant l’ñme, le pape et les cardinaux s’ornent de beaux manteaux d’or et de pierres prĂ©cieuses pourquoi alors dans les causes civiles utiliserions-nous des mots simples et dĂ©pourvus de toute beautĂ© ? » Dell’arte oratoria, p. 540. 85 Et voici que les vĂȘtements de l’homme sont plus grands que sa personne ; sans quoi il n’y serait pas Ă  l’aise ; [
] et les mots sont des vĂȘtements et des maisons, oĂč logent les noms, et les souvenirs, et nos idĂ©es » Del genere demonstrativo, p. 548. 86 Voir plus haut, note 72. 87 Dialogo della Retorica, p. de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Patrizia De Capitani, De l’art de persuader Ă  l’art de bien juger et de bien dire la rhĂ©torique chez Sperone Speroni », Cahiers d’études italiennes, 2 2005, 131-159. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Patrizia De Capitani, De l’art de persuader Ă  l’art de bien juger et de bien dire la rhĂ©torique chez Sperone Speroni », Cahiers d’études italiennes [En ligne], 2 2005, mis en ligne le 15 octobre 2006, consultĂ© le 26 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page
Parler Ă©voquer et convoquer des Ă©motions. L’art, dans toutes ses formes, apporte sans cesse matiĂšre Ă  rĂ©flexion. Parce que l’artiste est un observateur du monde, la frontiĂšre entre l’artistique et le politique est tĂ©nue. Face aux enjeux de sociĂ©tĂ© actuels, l’art peut constituer un outil politique utilisĂ© avec ou sans les
La parole peut se dĂ©finir comme l'usage singulier que quelqu'un fait de sa langue. En effet, la parole est singuliĂšre tandis que la langue est toujours gĂ©nĂ©rale c'est moi qui parle en français, tandis que le français est la langue de tous les francophones. Rappelons d'abord que la langue, et donc la parole, sont des cas particuliers du langage. On peut le dĂ©finir comme un systĂšme structurĂ© de signes permettant l'expression et la communication d'un sens. Le langage n'est pas nĂ©cessairement humain. En effet, la plupart des animaux ont un langage c'est le cas des chats ou des oiseaux, par exemple. NĂ©anmoins, on ne peut pas dire qu'ils parlent au sens fort ils s'expriment ou communiquent plutĂŽt. La parole Ă©tant l'usage que l'on fait d'une langue, on comprend que la façon de parler n'est pas seulement naturelle, mais aussi culturelle et qu'elle peut donc se travailler. VoilĂ  pourquoi on use du terme art de la parole », le terme d'art Ă©tant pris ici au sens Ă©tymologique de technique un moyen pratique de parvenir Ă  une L'Ă©loquence et la rhĂ©torique‱ Si l'Ă©loquence peut ĂȘtre dĂ©finie comme l'art de bien parler, la rhĂ©torique est l'ensemble des procĂ©dĂ©s techniques permettant cette maĂźtrise de la parole. La rhĂ©torique se dĂ©veloppa particuliĂšrement en GrĂšce antique au Ve siĂšcle avant J. C. notamment Ă  travers la figure des sophistes Thrasymaque, Hippias, Protagoras ou Prodicos, entre autres, maĂźtres de rhĂ©torique qui s'exerçaient Ă  remporter l'adhĂ©sion par des discours particuliĂšrement puissants et convaincants. C'est ainsi que les sophistes de l'AntiquitĂ©, et en particulier Protagoras, prĂ©tendaient ĂȘtre capables de dĂ©montrer tout autant une thĂšse que la thĂšse contraire.‱ À l'Ă©poque romaine, CicĂ©ron fut un des grands maĂźtres de la rhĂ©torique dont il donna les principes fondamentaux dans son traitĂ© intitulĂ© De l'orateur. Voici un extrait du traitĂ© De l'orateur dans lequel CicĂ©ron fait l'Ă©loge de la parole Rien ne me semble plus beau que de pouvoir, par la parole, captiver l'attention des hommes assemblĂ©s, charmer les esprits, pousser ou ramener Ă  son grĂ© toutes les volontĂ©s. Chez tous les peuples libres, dans les États florissants et calmes, cet art surtout a toujours Ă©tĂ© puissant et honorĂ©. Eh ! Qu'y a-t-il de plus digne d'admiration que de voir un petit nombre de mortels privilĂ©giĂ©s s'Ă©lever au-dessus de la foule des hommes, et se faire une puissance particuliĂšre d'une facultĂ© naturelle Ă  tous ? Quoi de plus agrĂ©able Ă  l'esprit et Ă  l'oreille qu'un discours embelli par la noblesse de l'expression et la sagesse de la pensĂ©e ! Quel magnifique pouvoir, que celui qui soumet Ă  la voix d'un seul homme les passions de tout un peuple, la religion des juges et la majestĂ© du sĂ©nat ! Est-il rien de plus grand, de plus gĂ©nĂ©reux, de plus royal que de secourir, de relever les malheureux suppliants et abattus, que d'arracher ses concitoyens au pĂ©ril, Ă  la mort, Ă  l'exil ? Enfin quel plus prĂ©cieux avantage que d'avoir toujours en main des armes redoutables pour se dĂ©fendre soi-mĂȘme, attaquer les mĂ©chants, ou se venger de leurs outrages ? Mais pour ne pas nous occuper sans cesse du barreau, de la tribune et du sĂ©nat, quel dĂ©lassement plus doux, quel plaisir plus dĂ©licat, qu'une conversation aimable et Ă©lĂ©gante ? » CicĂ©ron, De l'orateur, I, 8II. Les divisions classiques de la rhĂ©torique‱ CicĂ©ron, dans son traitĂ© De l'orateur, distingue cinq domaines essentiels de la rhĂ©torique l'invention le fait de trouver des arguments, la disposition le fait de mettre en ordre le discours, l'Ă©locution la maniĂšre de s'exprimer, la mĂ©moire le fait de retenir et enfin l'action l'attitude corporelle en gĂ©nĂ©ral.La mise en ordre du discours s'appuie sur une organisation stricte du discours. Celui-ci est d'abord introduit dans l'exorde, qui prĂ©pare l'auditoire et annonce le plan. L'exorde est suivi de la narration, oĂč sont exposĂ©s faits et arguments, et de la confirmation, qui amplifie et dĂ©veloppe l'argumentation. La pĂ©roraison conclut enfin le discours.‱ CicĂ©ron donne des techniques pour parvenir Ă  maĂźtriser ces domaines, utiles pour les trois grands genres de discours le discours judiciaire, le discours dĂ©libĂ©ratif et le discours discours judiciaire porte sur un fait du passĂ©, dont il vise Ă  accuser ou dĂ©fendre l'auteur. Il met en Ɠuvre les valeurs du juste et de l'injuste. Il est principalement utilisĂ© dans les discours dĂ©libĂ©ratif porte sur le futur. L'orateur cherche Ă  persuader ou dissuader l'auditoire d'entreprendre des mesures, il a donc toute sa place en politique, dans les assemblĂ©es. Il prend pour valeurs de rĂ©fĂ©rence l'utile et le discours Ă©pidictique, quant Ă  lui, peut concerner le prĂ©sent, le passĂ© comme le futur. Il a pour but de blĂąmer ou de louer une personne ou une action, par exemple lors d'une victoire, d'un mariage, d'un enterrement
 Il s'appuie sur les valeurs de l'admirable ou du mĂ©prisable.‱ Lors de ces assemblĂ©es, l'orateur cherche Ă  plaire et Ă  convaincre de trois maniĂšres diffĂ©rentes dans la rhĂ©torique l'orateur utilise des arguments logiques, s'adressant Ă  la raison de son auditoire c'est le peut Ă©galement faire attention Ă  son ethos, c'est-Ă -dire Ă  l'image qu'il donne de lui-mĂȘme en tant qu'orateur. Il peut, par exemple, mettre en avant sa longue expĂ©rience, ou au contraire l'Ă©nergie de sa l'orateur cherche Ă  s'adapter au public spĂ©cifique qui est en face de lui, en Ă©veillant chez lui les Ă©motions les plus propices Ă  le faire adhĂ©rer Ă  sa thĂšse. C'est le Les arguments logiques et les types de raisonnement‱ Une argumentation est un discours destinĂ© Ă  convaincre de la validitĂ© d'un propos ; elle prend en compte un interlocuteur rĂ©el ou fictif dont elle veut obtenir l'adhĂ©sion. Dans une argumentation, on distingue le thĂšme ce dont on parle de la thĂšse ce qu'on en dit, l'opinion Ă©mise Ă  propos du thĂšme.‱ Pour soutenir sa thĂšse, le locuteur recourt Ă  des arguments organisĂ©s qui fondent la validitĂ© du propos. Quoique argumentum en latin signifie preuve », l'argument n'est pas une preuve, mais une piĂšce dans le mĂ©canisme de l'argumentation, un maillon du raisonnement qui sert Ă  Ă©tayer la thĂšse, Ă  convaincre l'interlocuteur de sa validitĂ© et non Ă  en garantir la vĂ©ritĂ©. On distingue diffĂ©rents types d'arguments l'argument logique qui fait appel Ă  la raison de l'interlocuteur ; l'argument d'expĂ©rience l'expĂ©rience montre que... » ; l'argument d'autoritĂ© qui s'appuie sur une personne cĂ©lĂšbre ou reconnue ; l'argument ad hominem qui met en cause la vie privĂ©e de l'interlocuteur. Les arguments sont le plus souvent illustrĂ©s par des exemples qui rendent le propos plus concret, plus comprĂ©hensible, et donc plus efficace. Ces exemples peuvent ĂȘtre tirĂ©s de l'expĂ©rience personnelle du locuteur anecdotes, mais il peut s'agir aussi d'Ă©vĂ©nements historiques, de donnĂ©es Ă©conomiques statistiques, d'extraits d'Ɠuvres littĂ©raires, etc.‱ L'ensemble d'une argumentation exposĂ© du thĂšme et de la thĂšse, arguments, exemples est structurĂ© de maniĂšre cohĂ©rente l'interlocuteur doit pouvoir saisir les articulations logiques, comprendre le dĂ©roulement du raisonnement. Par l'emploi de connecteurs et d'habiles transitions, le locuteur doit faire progresser son argumentation vers une conclusion qui rĂ©affirme la thĂšse avec force et emporte dĂ©finitivement l'adhĂ©sion de l'adversaire.‱ Enfin, le locuteur peut adopter diffĂ©rents types de raisonnement. S'il part d'un cas particulier pour en tirer une rĂšgle gĂ©nĂ©rale, on parle de raisonnement inductif. Le raisonnement inverse du gĂ©nĂ©ral au particulier se nomme le raisonnement dĂ©ductif. Si le locuteur veut prouver la validitĂ© de son propos en s'appuyant sur une comparaison avec une autre rĂ©alitĂ©, on parle alors de raisonnement par L'ethos et le pathos‱ Une parole qui ne vise pas seulement Ă  convaincre, mais aussi Ă  persuader fait appel aux sentiments de l'interlocuteur en plus de s'adresser Ă  sa raison. L'objectif est d'agir sur sa sensibilitĂ© afin qu'il adhĂšre entiĂšrement Ă  la thĂšse soutenue. Pour ce faire, le locuteur recourt Ă  des procĂ©dĂ©s oratoires qui ont pour but d'impliquer l'adversaire. Il s'exprime en gĂ©nĂ©ral Ă  la premiĂšre personne, plaçant ainsi le dĂ©bat sur un plan plus personnel, et s'adresse directement Ă  son interlocuteur emploi de la deuxiĂšme personne, apostrophes, phrases interrogatives qui sont parfois de pures questions rhĂ©toriques, mode injonctif qui incite Ă  agir, etc.‱ Plus encore que la thĂšse elle-mĂȘme, c'est la maniĂšre dont elle est prĂ©sentĂ©e qui est chargĂ©e de persuader. Pour frapper l'esprit de l'auditoire, le locuteur multiplie les formules percutantes aphorismes, maximes, joue sur le rythme des phrases pĂ©riodes, utilise la ponctuation pour exprimer des Ă©motions vives points d'exclamation ou de suspension. Le vocabulaire, selon qu'il est pĂ©joratif ou mĂ©lioratif, lui permet Ă©galement de faire valoir son point de vue. Le locuteur peut Ă©galement recourir Ă  l'ironie par exemple avec l'antiphrase ou Ă  des paradoxes. Les figures de style, enfin, sont mises au service de l'argumentation les figures par amplification hyperbole, gradation donnent du poids, de l'ampleur Ă  un argument ; les figures par attĂ©nuation euphĂ©misme, litote suggĂšrent plus implicitement ; les figures par analogie comparaison, mĂ©taphore crĂ©ent des images susceptibles de rendre l'argumentation plus concrĂšte ; les figures par opposition chiasme, antithĂšse soulignent des contradictions. V. Les stratĂ©gies argumentatives‱ Toute argumentation s'appuie sur une stratĂ©gie, c'est-Ă -dire une dĂ©marche spĂ©cifiquement choisie en fonction de la thĂšse Ă  soutenir et de l'interlocuteur Ă  convaincre. L'une des stratĂ©gies consiste simplement Ă  soutenir une thĂšse, en dĂ©ployant des arguments qui en montrent le bien fondĂ©.‱ Cette stratĂ©gie peut ĂȘtre complĂ©tĂ©e par la rĂ©futation de la thĂšse adverse dans ce cas, le locuteur s'attache Ă  dĂ©valoriser, Ă  dĂ©crĂ©dibiliser les arguments qui s'opposent Ă  son point de vue. Il emploie des contre-arguments et des contre-exemples, souligne les faiblesses du raisonnement de l'adversaire.‱ Il peut aussi ironiquement faire mine d'adhĂ©rer totalement Ă  la thĂšse adverse, qu'il dĂ©veloppe dans ses moindres aspects pour mieux en montrer les incohĂ©rences l'interlocuteur est alors invitĂ© Ă  s'apercevoir de lui-mĂȘme que ce point de vue ne peut ĂȘtre soutenu. Une autre stratĂ©gie peut consister Ă  faire des concessions Ă  la thĂšse adverse. Sans la rĂ©cuser purement et simplement, le locuteur reconnaĂźt qu'elle est valable par certains aspects
 mais c'est pour mieux montrer qu'Ă  d'autres Ă©gards, elle n'est pas tenable, tel que le montre cet exemple relatif Ă  l'art moderne Les adversaires de l'art moderne ont l'habitude de dĂ©noncer le dĂ©clin progressif de l'art, d'annoncer la fin d'un monde. En quoi ils n'ont, certes, pas tort. Mais oĂč l'on peut diffĂ©rer d'avis avec eux, c'est dans leur nostalgie d'un art qui conserverait, vivante parmi nous, l'image d'un monde rĂ©volu. » Pierre Francastel, Histoire de la peinture française, 1955.
Articlesliés à L'art de bien parler. Schloff Laurie; Yudkin Marcia. L'art de bien parler. ISBN 13 : 9782501019187. L'art de bien parler. Schloff Laurie; Yudkin Marcia . Couverture souple ISBN 10 : 2501019180 ISBN 13 : 9782501019187. Editeur : Marabout, 1996. L'édition de cet ISBN n'est malheureusement plus disponible. Afficher les exemplaires de cette édition ISBN . Acheter

L'analyse du professeur Pour Hegel, l’art est la prĂ©sentation sensible de l’idĂ©e ». Si cette citation bien connue requiert, pour ĂȘtre pleinement signifiante, de comprendre de quelle maniĂšre Hegel inscrit la question de l’art dans la logique de dĂ©ploiement de l’Esprit tel qu’il prend conscience de lui-mĂȘme, il est peu contestable que sa maniĂšre de penser l’art implique le fait que l’art n’est pas un domaine sans cohĂ©rence et sans finalitĂ©. À cet Ă©gard, l’art semble rĂ©pondre Ă  des rĂšgles, et se dĂ©velopper sous la condition de ces rĂšgles. Quelles sont dĂšs lors les rĂšgles de l’art ? Par rĂšgles, il semble nĂ©cessaire d’entendre une certaine logique de fonctionnement, au regard de laquelle l’ensemble des Ɠuvres traduiraient la manifestation d’une rationalitĂ© propre au domaine de l’art. Pourtant, l’art semble de fait Ă©chapper Ă  une telle rationalitĂ©. Domaine de la sensibilitĂ©, de l’expression esthĂ©tique libre, s’il connaĂźt des rĂšgles, ce sont celles techniques de la rĂ©alisation des Ɠuvres, et de telles rĂšgles ne semblent elles-mĂȘmes exister qu’en raison de la possibilitĂ© de les nier, ou de les transgresser. Parler de rĂšgles l’art semble donc confiner Ă  un paradoxe l’art pourrait se penser comme rĂ©gulĂ© pour celui qui chercherait, Ă  l’image de Hegel, Ă  en saisir la logique transcendante, sans jamais l’ĂȘtre par lui-mĂȘme. Nous nous attacherons ainsi tout d’abord Ă  montrer que l’art est le domaine de la crĂ©ativitĂ©, et ne semble pouvoir exister qu’en raison d’une libertĂ© contradictoire de toute rĂšgle. Nous en viendrons toutefois Ă  constater qu’il est possible de le saisir comme un domaine rĂ©gulĂ©, Ă  la condition de ne concevoir la rĂšgle que comme le moyen d’en identifier les invariants. DĂšs lors, nous nous interrogerons sur la possibilitĂ© de considĂ©rer l’art comme un avĂšnement de rĂšgles, qui sont moins des contraintes que des moyens de libertĂ© et de dĂ©passement. ...

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L’ART DEBIEN PRONONCERETDE BIEN PARLERLA LANGUEFRANÇOISEDediĂ© Ă  Monseigneur LE DUC DEBOURGOGNEPar le Sieur J. PARIS, Chez Laurent d’Houry, ruĂ« S. Jacques, devant la Fonteine S. Severin, au Saint Esprit. M. DC. LXXXVII. AVEC PRIVILEGE DV ROY. TABLE DES MATIÈRES ne fait pas partie de l’ouvrage original Chapitre I. De la prononciation des Lettres & des Syllabes. Section I. Explication des Lettres & des Syllabes Section II. RĂšgles gĂ©nĂ©rales Section III. Syllabes de plusieurs lettres Section IV. Ce que c’est diphthongue & triphthongue Section V. De la separation des doubles voyelles appellĂ©e diĂŠrese Section II. De la prononciation des e Section III. De l’e masculin Section IV. De l’e ouvert Section V. Des e Feminins ou muets Section VI. De la maniere dont les Etrangers peuvent prononcer nos e par rapport Ă  la prononciation des leurs Chapitre III. De la prononciation des Syllabes Longues & Breves Section II. Regles pour les Syllabes longues Chapitre IV. Instruction pour la maniere de prononcer les Consones finales Section II. De la prononciation des Consones finales devant des mots commencĂ©s par des voyelles, ou par des h muettes Section III. Des Consones finales devant les mots commencĂ©s par des Consones, ou par des h aspirĂ©es Section IV. Des Consones finales qui se prononcent toĂ»jours Section V. Des Consones finales qui ne se prononcent pas
LArt Est L Art De Bien Parler La solution à ce puzzle est constituéÚ de 6 lettres et commence par la lettre E Les solutions pour L ART EST L ART DE BIEN PARLER de mots fléchés et mots croisés. Découvrez les bonnes réponses, synonymes et autres
L’art est engageant. Chaque artiste a un message Ă  faire passer. Peu importe qu’il soit joyeux, triste, ou encore humoristique, chaque oeuvre vous impose une Ă©motion. Et chacun d’entre vous pourra la percevoir diffĂ©remment. Certaines Ɠuvres vont mĂȘme encore plus loin. Ce sont parfois des tĂ©moignages trĂšs durs, relatĂ©s soit au fil de pages, d’images ou encore de sculptures. L’artiste rĂ©vĂšle ainsi aux yeux de tous un fait, un Ă©vĂ©nement qui provoque en nous une Ă©motion trĂšs forte. Alors que dire de l’art pour dĂ©noncer ? L’art est un mode d’expression Ă  travers les Ăąges L’art comme outil de dĂ©nonciation Le street-art Ă  la vue de tous Une voix pour ceux qui n’en ont pas L’art engagĂ© dĂ©range L’art pour dĂ©noncer les horreurs de la guerre Make art, not war » Shepard Fairey L’art pour dĂ©noncer le harcĂšlement sexuel 4OCEAN de l’art crĂ©atif au service de l’ocĂ©an L’environnement au CƒUR de l’art Engagez-vous qu’il disait ! L’art est un mode d’expression Ă  travers les Ăąges Depuis tout temps, l’art est un mode d’expression. Peu importe la façon de le faire, tant que l’artiste s’exprimait. On se rappelle tous des petits dessins sur les murs des grottes oĂč les premiers Hommes nous racontaient leurs journĂ©es par exemple. S’imaginaient-ils que leurs essais allaient se transformer en temple historique, que dis-je
 prĂ©historique de leurs faits et gestes ?! Était-ce pour dĂ©corer leurs maisons », avertir leurs congĂ©nĂšres de leur force Ă  tuer un mammouth ou simplement une activitĂ© pour passer le temps ? Quoi qu’il en soit, c’est un tĂ©moignage du passĂ© qui nous permet de concrĂ©tiser un peu plus leur quotidien Ă  nos yeux. Pour la plupart, des scĂšnes de chasse. Les vegans de notre Ă©poque crieraient sĂ»rement au scandale de se vanter de chasser un aussi beau mammouth
 De nos jours, rares sont ceux qui accrochent encore leurs trophĂ©es. Tout simplement parce que cela ne se fait plus, pour de multiples raisons. La premiĂšre Ă©tant que si nous continuons dans cette voie-lĂ , il ne restera plus grand chose de la faune actuelle. Et surtout
 parce que c’est vraiment kitsch ! Art pour dĂ©noncer L’art comme outil de dĂ©nonciation Ainsi, moultes artistes ont su rebondir et ont commencĂ© Ă  dĂ©noncer ces viles pratiques. La cause animale en a alertĂ© plus d’un par exemple, dont Cabrel et sa fameuse Corrida. Ces artistes qui utilisent l’art pour dĂ©noncer se font entendre. C’est bien le terme appropriĂ© ! Le street-art Ă  la vue de tous Un autre artiste du registre street-art a su Ă©galement s’imposer et possĂšde Ă  prĂ©sent une renommĂ©e hors-pair Banksy. S’il est autant aimĂ© que dĂ©testĂ©, il n’en est pas moins Ă©coutĂ©, et ses graffitis sont trĂšs populaires. Il a mĂȘme organisĂ© en 2015, une exposition intitulĂ©e Dismaland » dans un faux parc, mettant en scĂšne notre rapport, nous autres humains, avec les animaux. On peut y voir entre autre, un boucher sur une caisse de lasagne, dans un manĂšge pour enfant avec des chevaux de ce manĂšge pendus par les pattes. Ou encore des canards de pĂȘche Ă  la ligne aspergĂ©s de pĂ©trole. Ces Ɠuvres sont aussi dĂ©rangeantes que sublimes. Elles mettent le point lĂ  oĂč cela gĂȘne le spectateur. Une voix pour ceux qui n’en ont pas Ainsi, d’autres artistes alertent sur les pratiques et les atrocitĂ©s commises pour la production d’huile de palme. Tout le monde a bien entendu parler un jour de cette fameuse pĂąte Ă  tartiner qui tue des orangs-outans. Une dĂ©forestation massive est la consĂ©quence du gĂ©nocide de masse de ces singes qui ne peuvent se battre face Ă  des machines humaines surpuissantes. C’est pourquoi beaucoup d’artistes et d’associations se penchent sur la question pour alerter sur ces pratiques inhumaines et leurs consĂ©quences Ă  court et long termes. Ernest Zacharevic et d’autres artistes rĂ©alisent ainsi des Ɠuvres sur l’üle de Sumatra pour la sauvegarde de ces mammifĂšres et de leur habitat. MĂȘme les grandes marques y mettent du leur. Pour exemple, la marque Lush a fait en 2017, des petits savons en forme d’orang-outang afin d’avertir les consommateurs sur ces pratiques. La somme obtenue a Ă©tĂ© reversĂ© pour le rachat des plantations afin de prĂ©server ces grands singes de la dĂ©forestation. L’art pour dĂ©noncer a encore frappĂ© ! L’art engagĂ© dĂ©range Bien avant ces artistes street-art qui permettent de voir de l’art engagĂ©, nous avions bon nombre d’Ɠuvres dĂ©nonçant d’atroces barbaries. Nous nous rappelons tous avoir Ă©tĂ© dans un musĂ©e, petit ou grand, et avoir vu des tableaux du Moyen-Age ou de la Renaissance nous invitant Ă  visionner une scĂšne de souffrance. Que ce soit un paysan fouettĂ© car il n’aurait pas payĂ© la dĂźme, ou encore Les horreurs de la guerre vues par Rubens en 1634, qui retrace la guerre de 30 ans. Picasso ne fait pas pĂąle amateur Ă  cĂŽtĂ©, avec son oeuvre gĂ©ante Guernica. Pablo Picasso – Guernica Cette oeuvre est l’une des plus connues de l’artiste espagnol. Elle relate le bombardement de la ville de Guernica par les Nazis en 1937. Ainsi, cette ville et son histoire n’aurait probablement pas eu autant d' »attention » si Pablo n’avait pas dĂ©noncĂ© cette horreur avec son oeuvre
 Evidemment, il ne montre pas distinctement telle qu’une photographie pourrait le faire. Mais cela suffit pour comprendre et s’imaginer ce que cela a pu ĂȘtre. En effet, certains photographes, reporters de guerre nous rapportent des clichĂ©s hautement indescriptibles. Comme Steve McCurry, beaucoup ont su montrer ce qu’il passait dans d’autres pays au travers de leurs clichĂ©s volĂ©s afin de dĂ©noncer la terreur qu’il y rĂ©gnait. L’art pour dĂ©noncer les horreurs de la guerre En littĂ©rature Ă©galement, l’art s’engage et dĂ©nonce. Chacun de nous connaĂźt au moins un livre Ă©crit aprĂšs la guerre 39-45. En effet, pour ma part, j’ai vraiment Ă©tĂ© sĂ©duite par l’écriture simple mais tranchĂ©e de Primo Levi. Ce scientifique de base, survivant des camps, a voulu relater de maniĂšre trĂšs scientifique son vĂ©cu. Sans Ăąme, sans excĂšs, il voulait tĂ©moigner. Il a donc Ă©crit au fil des annĂ©es qui suivirent, plusieurs livres lui permettant ce devoir de mĂ©moire, comme Si c’est un homme, ou encore La TrĂšve. Sans ces tĂ©moignages de survivants, il nous aurait Ă©tĂ© sans doute difficile d’apprĂ©hender tout ce qu’il s’était passĂ© tellement il s’agissait d’horreurs sans nom. Ce n’est bien entendu qu’un parmi tant d’autres, mais qui m’a profondĂ©ment marquĂ© par sa façon d’écrire et son rĂ©cit si peu Ă©motif. Nous ne pouvons cependant pas rester neutre sur ce qu’il nous raconte
 Make art, not war » Shepard Fairey Dans le 7Ăšme art, Ă  dĂ©faut de lire et de s’imaginer ces lieux, ces scĂšnes de vie », on nous montre directement la rĂ©alitĂ©. Telle ne fĂ»t pas mon horreur lorsque notre adorable prof d’histoire nous a montrĂ© des extraits de Shoah Ă  l’école, alors que nous n’étions qu’en 6Ăšme. Je me souviens longtemps avoir eu la nausĂ©e sur les revendications nazies. MĂȘmes les scĂšnes de tortures du Moyen-Age ne m’avaient fait autant d’effet. Je me rappelle avoir Ă©tĂ© en colĂšre, puis triste pour tous ces gens qui n’avaient rien demandĂ©, et qui ne se battaient mĂȘme plus
 qui attendaient la mort, et qui ne le savaient pas. Quelques semaines plus tard, notre prof de français rĂ©itĂ©rait et enfonçait le clou avec La vie est belle de Roberto Benigni. C’est pourtant ce que veulent les rĂ©alisateurs, artistes ou autres Ă©crivains. DĂ©noncer pour mieux alerter. Cela choque probablement les gens, mais la vĂ©ritĂ© est mise Ă  nue, et on ne peut plus faire semblant de ne pas le voir. L’art pour dĂ©noncer le harcĂšlement sexuel Fin 2018, l’artiste Zainab Fasiki a mis au point le projet de dĂ©noncer le harcĂšlement sexuel au travers d’un site internet et d’une exposition. Ses thĂšmes de prĂ©dilection Ă©talent devant tous ce que peut ĂȘtre le quotidien d’une femme, en prenant tout simplement le bus par exemple. Hshouma qui veut dire arrĂȘte, tais-toi » permet de montrer ces tabous et d’ouvrir les yeux face Ă  cette rĂ©alitĂ©. 4OCEAN de l’art crĂ©atif au service de l’ocĂ©an Quelque chose qui me touche au plus profond de moi, c’est l’engagement auprĂšs des animaux. Ces derniers n’ont pas de voix propre pour se faire entendre, et sans certains humains, ils seraient dĂ©jĂ  en voie de disparition. Ah non
 c’est dĂ©jĂ  le cas ! Quand on sait que 60% des oiseaux vivant il y a encore 20 ou 30 ans ont disparu et que cela ne fait que continuer
 nous pouvons avoir peur. Sans la faune et la flore, nous ne pourrions survivre. Chaque ĂȘtre vivant a sa place et est indispensable pour la survie d’un autre. Ainsi, l’abeille butine et permet aux fleurs de se reproduire, de nous nous nourrir avec de bons fruits. Il en va de mĂȘme avec la nature et l’ocĂ©an. L’eau, c’est la vie ! Nous venons tous de lĂ . C’est pourquoi nous devrions le prĂ©server. Et donc utiliser l’art pour dĂ©noncer ! Chacun de nous a entendu parler des tonnes de plastiques avalĂ©s par les baleines ou qui sont retrouvĂ©s au fin fond de la fosse des Mariannes. C’est dire l’horreur de la chose ! Alors beaucoup d’associations Ɠuvrent pour le bien-ĂȘtre de la Terre, et accessoirement le nĂŽtre !, afin de prĂ©server notre Ă©cosystĂšme. L’une d’entre elle, 4OCEAN créé des bracelets grĂące au plastique qu’elle recycle. A l’aide de bĂ©nĂ©voles, qui sillonnent les plages et les mers pour les nettoyer, cet art crĂ©atif dĂ©nonce la pollution faite par l’Homme. Ainsi, les bracelets sont vendus pour permettre le financement d’actions en tout genre. Un petit don pour l’association, un gros don pour la planĂšte. S’engager pour le respect et l’avenir de notre planĂšte permet d’en retirer une grande satisfaction. Si nos gouvernements ne font rien, chacun de nous peut agir Ă  son niveau. L’environnement au CƒUR de l’art Notre planĂšte, si l’on en croit les scientifiques, va de mal en pis ! Et certains sont mĂȘme prĂȘts Ă  vous le faire entendre ! Le plongeur apnĂ©iste Guillaume NĂ©ry a postĂ© le 3 avril 2019, un son pour le moins Ă©trange sur les rĂ©seaux sociaux. Ce cri » de dĂ©tresse provient d’un mix de son, que personne n’a rĂ©ellement jamais entendu. Cet appel Ă  l’aide provient de nombreux sons rĂ©unis pour l’occasion. Des baleines pilotes pourchassĂ©es, des dauphins pris dans les mailles de pĂȘcheurs, une baleine harponnĂ©e, ou encore les milliers de poissons au sein d’un banc, pris dans un filet de chalutier
 AccompagnĂ© par Sea Shepherd, Guillaume NĂ©ry voulait faire entendre Ă  tous le cri de dĂ©sespoir de l’ocĂ©an. Celui que personne n’entend car les poissons ne parlent pas
 mais souffrent tout autant. Si ce son est totalement Ă©trange, il n’en reste pas moins artistique. Il Ă©meut, tout autant que son message. L’art pour dĂ©noncer prend de l’ampleur mĂ©diatique. Engagez-vous qu’il disait ! Je pourrai vous parler de tant d’Ɠuvres engagĂ©es, pendant des heures, tellement il y en a ! Évidemment, on ne peut les citer toutes, mais chacune permet Ă  chacun d’ouvrir un peu plus les yeux chaque jour. Sous couvert d’en avoir bien entendu envie. Car il y a ce que l’on voit
 mais Ă©galement ce que l’on en retire. Et vous, souhaitez-vous nous partager des Ɠuvres engagĂ©es ou des artistes ayant recours Ă  l’art pour dĂ©noncer ? Lart de bien parler et de bien Ă©crire en français J. Beauvais. Ă©diteur non identifi Ă©, 1784 - 483 pages. 0 Avis. Les avis ne sont pas validĂ©s, mais Google recherche et supprime les faux contenus lorsqu'ils sont identifiĂ©s . Aperçu du livre » Avis des internautes - RĂ©diger un commentaire. Aucun commentaire n'a Ă©tĂ© trouvĂ© aux emplacements habituels. Pages
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LesƓuvres d’art sont un moyen efficace pour dĂ©noncer guerre, violences et oppressions. En effet l’art permet de toucher un large public car c’est un langage universel et international, comprĂ©hensible quelque soit l’ñge et la langue du public. Par exemple, l’Ɠuvre pictural de Picasso, Guernica, fut rĂ©alisĂ© en 1937 pour La nĂ©gociation est l’inverse du dĂ©bat. D’une certaine façon, le dĂ©bat est un combat. Chacun des dĂ©batteurs reste campĂ© sur ses positions et le but est d’écraser, dĂ©crĂ©dibiliser voire ridiculiser son adversaire. Or, la perspective de la nĂ©gociation est toute autre il s’agit non pas d’éliminer l’autre, mais d’en tirer profit. A dĂ©faut de faire de son interlocuteur un ami, ne pas en faire son ennemi
 La nĂ©gociation apparaĂźt donc comme l’exact inverse du dĂ©bat contradictoire. On peut en rĂ©alitĂ© distinguer trois approches l’approche frontale, l’approche oblique et l’approche latĂ©rale. L’approche frontale, c’est la stratĂ©gie du choc. Il s’agit d’établir un rapport de force violent avec l’autre, le provoquer, tenter de s’imposer Ă  lui. Il y a forcĂ©ment un gagnant et un perdant, et le risque est donc de perdre la mise si l’adversaire se rĂ©vĂšle le plus fort
 L’approche oblique consiste par contre Ă  utiliser les forces de l’adversaire en les dĂ©tournant, ou en les subvertissant c’est-Ă -dire en profitant de ses faiblesses. Par exemple, plutĂŽt que de s’opposer directement Ă  son contradicteur, il s’agit de faire mine d’acquiescer docilement, tout en lui suggĂ©rant discrĂštement certaines idĂ©es. On ne gagne pas forcĂ©ment mais on Ă©vite de tout perdre. Enfin, l’approche latĂ©rale est celle dont relĂšve la nĂ©gociation. C’est un exercice dĂ©licat qui consiste essentiellement Ă  jouer de la nolontĂ© » de l’autre = ne pas vouloir, l’inverse de la volontĂ© en dĂ©tournant son psychisme. Le but est d’inciter l’autre Ă  l’inaction, paralyser ses facultĂ©s de raisonnement dĂ©fensif pour l’inviter insidieusement Ă  se laisser guider, et l’amener lĂ  oĂč l’on souhaite. De l’art de la guerre
 D’une certaine maniĂšre, l’opposition fondamentale des approches frontale et latĂ©rale renvoie aux grandes stratĂ©gies orientales et occidentales. Pour Clausewitz, dont le traitĂ© De la guerre occupe une place centrale dans le corpus stratĂ©gique occidentale, la guerre est un acte de violence en vue d’imposer Ă  l’adversaire l’accomplissement de notre volontĂ© ». La stratĂ©gie se pense donc au travers d’un antagonisme irrĂ©ductible et violent, qui ne peut ĂȘtre surmontĂ© que si l’un des combattants anĂ©anti l’autre. Pas de solution intermĂ©diaire possible. DĂšs lors, le principe premier de la stratĂ©gie est de disposer d’une puissance de feu » supĂ©rieure Ă  l’ennemi, pour le terrasser lors d’un choc frontal supposĂ© inĂ©luctable. C’est cet esprit qui se retrouve dans L’Art d’avoir toujours raison, du philosophe allemand Schopenhauer, pour qui toute controverse doit ĂȘtre envisagĂ©e comme un vĂ©ritable duel Ă  mort. Pour Schopenhauer, les hommes sont vils et malhonnĂȘtes. Ils ne cherchent que leur propre gloire, leur petit succĂšs personnel, Ă©goĂŻstement, contre les autres et non avec eux. C’est Ă  travers cette vision pessimiste du monde que les relations entre les hommes apparaissent comme tout autant de luttes implicites, de conflits larvĂ©s, de guerres symboliques. Le dĂ©bat est envisagĂ© comme un combat par-delĂ  lequel la seule chose qui compte est de soi-mĂȘme triompher, imposer son opinion, sa vision, au dĂ©triment de la vĂ©ritĂ©. Schopenhauer use d’un vocabulaire guerrier, fait le parallĂšle entre le dĂ©batteur et un maĂźtre d’arme prĂ©parant un duel »  Il se sert de formules telles que 
pour battre l’adversaire Ă  armes Ă©gales », dans les rĂšgles de ce combat
 », toucher et parer, c’est cela qui importe », etc. La mĂ©taphore du combat est bien lĂ , explicite et assumĂ©e. 
à l’art de la paix Tandis que dans la tradition stratĂ©gique chinoise, en prenant pour socle L’art de la guerre de Sun Tzu, la meilleure des guerres est celle qui n’a pour ainsi dire mĂȘme pas besoin d’ĂȘtre menĂ©e – c’est-Ă -dire celle oĂč l’ennemi dĂ©clare forfait avant mĂȘme d’avoir engagĂ© le combat, s’avoue vaincu ou coopĂšre – les armes sont des instruments de mauvais augure et ne doivent ĂȘtre utilisĂ©es qu’en dernier ressort ». L’art de la guerre selon Sun Tzu est fondĂ© sur la duperie, la manipulation, non sur la violence ou la puissance de feu. Peut-ĂȘtre pourrait-on mĂȘme parler davantage d’un art de la paix » et non de la guerre, dans la mesure oĂč l’approche latĂ©rale vise fondamentalement Ă  dĂ©samorcer un conflit en puissance, Ă  Ă©viter ou Ă  contourner la violence ! 
Alors que l’approche frontale consiste prĂ©cisĂ©ment en l’éclatement de cette violence. Le dĂ©bat contradictoire impose une relation conflictuelle dont l’issue dĂ©pend d’un combat presque physique », des actions en force menĂ©es par les protagonistes. Au contraire, l’essence de la nĂ©gociation est l’action en finesse
 Le vrai pouvoir de la parole Quel rapport avec l’éloquence ? En rĂ©alitĂ©, c’est la façon de parler qui dĂ©termine directement le type d’approche employĂ©. Les approches frontale et oblique sont caractĂ©risĂ©e par un langage incitatif, qui peut alors ĂȘtre soit direct, soit indirect Le langage incitatif direct consiste Ă  dire l’action Ă  exĂ©cuter, autrement dit Ă  faire faire. C’est typiquement le langage du petit chef tyrannique rapport de force, de domination = approche frontale. Le langage incitatif indirect ne vise quant Ă  lui qu’à suggĂ©rer l’action, en tirant parti de la raison de son adversaire et par lĂ  mĂȘme rester Ă  couvert = approche oblique. L’approche latĂ©rale, quant Ă  elle, repose essentiellement sur le langage mĂ©taphorique il s’agit de parler Ă  l’imaginaire de son interlocuteur, l’amener Ă  tirer lui-mĂȘme la morale ou les conclusions des histoires qu’on lui raconte
 Le message est implicite, codĂ©, presque secret. Et c’est la raison de l’interlocuteur qui, dĂ©cryptant de façon peu consciente ce message, peut le faire sien. Le storytelling est idĂ©alement utilisĂ© dans cette perspective. L’exercice du brocanteur Pour comprendre ces approches et mettre en pratique leurs principes, voici l’un des exercices que je peux donner aux participants lors d’un atelier sur la nĂ©gociation 3 objets sont disposĂ©s sur une table par exemple une montre, un stylo et un livre. Aucun prix n’est affichĂ©. 2 participants se retrouvent autour et jouent respectivement le rĂŽle d’un brocanteur, ou vendeur, et d’un passant, ou acheteur. On donne Ă  chacun des consignes en secret. Le vendeur et l’acheteur sont en possession d’informations diffĂ©rentes. Le vendeur sait que la montre a une grande valeur, que le stylo est de faible valeur, mais n’est pas trĂšs bien renseignĂ© sur le livre. L’acheteur sait aussi que la montre est de grande valeur, mais ne sait pas pour le stylo. Par contre, en fin connaisseur, il remarque tout de suite que l’ouvrage est rare et prĂ©cieux. Le vendeur et l’acheteur ont par ailleurs des objectifs diffĂ©rents, qui peuvent sembler contradictoires le vendeur veut conclure une vente, bien sĂ»r au coĂ»t le plus Ă©levĂ© quel que soit l’objet, tandis que l’acheteur veut quant Ă  lui acheter le livre Ă  moindre coĂ»t et a dans son portefeuille sa carte bancaire ainsi que 2 billets de 10 euros – toujours selon les consignes donnĂ©s secrĂštement. Quelle serait votre stratĂ©gie si vous Ă©tiez l’acheteur ? Et face Ă  la stratĂ©gie que vous envisagez pour l’acheteur, comment vous comporteriez-vous en tant que vendeur ? Marchandage et nĂ©gociation Le marchandage est par excellence l’exercice de la nĂ©gociation. A l’origine, nĂ©gocier signifie faire du nĂ©goce », autrement dit du trafic, du commerce, des affaires
 L’acte de marchander est constitutif d’une authentique place de marchĂ©. Dans la plupart des pays occidentaux, nous avons perdu cette habitude, mais il suffit de se tourner vers le Moyen-Orient pour que cela devienne pratique courante. L’image du marchandage dĂ©fini parfaitement la nĂ©gociation il est nĂ©cessaire d’ĂȘtre au moins deux pour nĂ©gocier on ne nĂ©gocie pas avec soi-mĂȘme, on dĂ©libĂšre » , l’échange est souhaitĂ© et la relation qui s’établie alors vise Ă  la recherche d’un accord et surtout pas la confrontation. Chaque partie annonce un prix, et la discussion qui s’ensuit a pour but de dĂ©terminer un prix moyen qui donne Ă  chacun le sentiment de bien s’en tirer ». Si la transaction est effectuĂ©e, c’est que l’échange semble profitable aux yeux des deux parties la nĂ©gociation est un succĂšs. Une petite blague salace en passant un homme demande Ă  une jeune femme quel est son prix pour passer la nuit avec. La jeune femme s’offusque, enfin, elle n’est pas Ă  vendre ! Pas mĂȘme pour 1 million ?’ suggĂšre l’homme. La femme hĂ©site, puis laisse Ă©chapper un pourquoi pas’
 L’homme reprend et pour 1 euro ? La femme s’offusque de nouveau. Et l’homme de dire on peut enfin nĂ©gocier
 » Cette blague n’est pas aussi stupide qu’elle en a l’air. Pour mener Ă  bien une nĂ©gociation, encore faut-il partir sur de bonnes bases. Il faut d’abord, pour soi, fixer la limite maximum de ce que l’on est prĂȘt Ă  accorder par exemple, du point de vue de l’acheteur, de la somme maximum que l’on peut dĂ©penser, ou, du point de vue du vendeur, du prix minimum auquel on peut vendre tel article. Mais fixer une limite pour soi ne suffit pas il faut Ă©galement ĂȘtre en mesure d’évaluer la limite minimum que notre interlocuteur s’est fixĂ©, ou pourrait se fixer. Si l’on dĂ©passe trop cette limite, cela peut complĂštement rebuter notre interlocuteur, le faire fuir et nous priver de la possibilitĂ© de nĂ©gocier avec lui. Si le vendeur annonce un prix beaucoup trop Ă©levĂ© par rapport Ă  ce que peux concevoir son acheteur, celui-ci dĂ©clinera purement et simplement la proposition sans mĂȘme chercher Ă  discuter. Il est donc important, avant une nĂ©gociation, d’établir une fourchette » Ă  partir de sa limite max et de la limite min supposĂ©e de l’autre. La nĂ©gociation pourra prendre entre ces deux extrĂ©mitĂ©s, et vise grosso modo Ă  couper la poire en deux » par concessions successives des deux protagonistes. L’utilisation de stratagĂšmes La discussion entre l’acheteur et le vendeur reprĂ©sente la phase de nĂ©gociation Ă  proprement parler. Tout se joue dans l’attitude et les propos de chaque interlocuteur. C’est Ă  cette occasion que sont utilisĂ©s des stratagĂšmes, en vue de faire pencher la balance d’un cĂŽtĂ© ou de l’autre. Qu’est-ce qu’un stratagĂšme ? A l’origine, le terme dĂ©signe un procĂ©dĂ© tactique militaire. Dans sa relecture des 36 stratagĂšmes autre texte fondamental de la pensĂ©e stratĂ©gique chinoise Jean-François Phelizon en donne pour dĂ©finition toute action cachĂ©e visant Ă  surprendre l’autre, c’est-Ă -dire l’amener sur une position oĂč il n’avait a priori pas l’intention de se rendre. » Et d’établir la typologie suivante, distinguant 7 grandes catĂ©gories de stratagĂšmes StratagĂšmes de dissimulation on occulte quelque chose d’existant. Par exemple, le vendeur ne mentionne pas tel ou tel dĂ©faut de l’article qu’il propose Ă  la vente. C’est typiquement le cas lors de l’achat d’une voiture d’occasion, oĂč tout se joue sur l’asymĂ©trie de l’information. StratagĂšmes de simulation Ă  l’inverse du prĂ©cĂ©dent, on fait miroiter quelque chose qui n’existe pas. Par exemple, un acheteur potentiel fait mine d’ĂȘtre intĂ©ressĂ© par la production viticole d’un exposant lors d’une foire ou d’un salon simplement pour
profiter d’une dĂ©gustation gratuite
 En matiĂšre de storytelling, le vendeur peut raconter une histoire qui donne de la valeur au produit qu’il propose
 StratagĂšmes de temporisation prĂ©cipiter les choses, ou les retarder, pour regagner l’initiative. L’acheteur dĂ©clare qu’il peut payer en liquide tout de suite mais qu’il n’a que X euros en poche, et qu’il ne peut pas repasser plus tard
 Le vendeur de chaussures prĂ©tend qu’il n’a plus qu’une taille disponible pour ce modĂšle, ou que la rĂ©duction prend fin aujourd’hui
 StratagĂšmes d’encerclement faire tomber dans un piĂšge. Dans le cadre d’un argumentaire de vente, cela peut consister Ă  inciter l’autre Ă  reconnaĂźtre ses besoins ou ses faiblesses avant de lui vendre la solution correspondante. La technique du YES SET peut ĂȘtre utilisĂ©e dans ce sens. StratagĂšme de positionnement profiter d’un avantage sur le terrain, ou d’un avantage personnel. L’acheteur qui n’est pas vraiment dans le besoin peut faire baisser les prix s’il sent que le vendeur cherche absolument Ă  vendre. Il est prĂ©fĂ©rable de ne pas rĂ©vĂ©ler trop clairement ses dĂ©sirs ou ses besoins, et de garder un air dĂ©tachĂ©, peu affectĂ©, en fonction de ce qui vous est proposé  StratagĂšmes de fuite si la relation tend Ă  se dĂ©tĂ©riorer, prĂ©fĂ©rer tout arrĂȘter plutĂŽt que basculer dans un rapport de force ce qui condamnerai toute possibilitĂ© de nĂ©gociation future, ou du moins en compliquerait la reprise. Par ailleurs la fuite n’est pas nĂ©cessairement un aveu de faiblesse, elle peut faciliter une contre-attaque Ă  venir. StratagĂšmes de sĂ©duction mettre l’interlocuteur en confiance. D’une certaine façon, ce stratagĂšme englobe tous les autres. Tout acte de nĂ©gociation repose principalement sur une forme de sĂ©duction
 S’intĂ©resser Ă  l’autre Dans l’approche latĂ©rale, le renseignement est primordial. Pour sĂ©duire son interlocuteur, il faut apprendre Ă  le connaĂźtre. Alors que dans un conflit la tendance est de mĂ©priser ses ennemis, jusqu’à renier leur humanitĂ© les barbares », dans la nĂ©gociation il importe d’accorder un intĂ©rĂȘt rĂ©el et consĂ©quent Ă  autrui. Le vrai pouvoir de la parole ne vise pas tant Ă  impressionner l’autre qu’à lui suggĂ©rer certaines choses. Il ne faut pas nĂ©cessairement chercher Ă  apparaĂźtre comme le meilleur ou le plus fort, mais bien souvent donner Ă  l’autre le sentiment que c’est lui qui a l’initiative, qu’il dirige l’entretien et qu’il va bien lĂ  oĂč il veut. Reprenons l’exercice du brocanteur. Tout l’enjeu est de savoir qui veut quoi, et qui sait quoi. Si le vendeur remarque que l’acheteur est particuliĂšrement intĂ©ressĂ© par un article, il pourra tenter d’en faire monter le prix. Mais comme nous l’avons vu, il ne faut pas non plus dĂ©passer de trop loin la limite de prix que l’acheteur s’est fixĂ© la fourchette », et celle-ci dĂ©pend aussi de sa capacitĂ© Ă  Ă©valuer la vraie valeur de l’article, ou encore tout simplement du budget dont il dispose
 C’est donc au vendeur de crĂ©er une relation favorable, basĂ©e sur la confiance, afin d’obtenir les renseignements dont il a besoin pour fixer le prix le plus avantageux sans compromettre la transaction par la discussion, je peux en savoir davantage sur l’expertise de mon interlocuteur, son sens des valeurs, le prix qu’il est prĂȘt Ă  mettre, etc.. En retour, l’acheteur peut tenter de duper le vendeur. StratagĂšme de dissimulation faire mine de ne pas ĂȘtre intĂ©ressĂ© par l’objet convoitĂ©. StratagĂšme de simulation faire mine de s’intĂ©resser Ă  un tout autre objet attitude typique des chineurs chez les brocanteurs ou antiquaires. StratagĂšme de positionnement laisser entendre qu’on est prĂȘt Ă  acheter beaucoup, ou Ă  l’inverse pas du tout. StratagĂšme de temporisation dĂ©clarer au dernier moment qu’on peut payer immĂ©diatement en liquide, mais moins que le prix auquel on est arrivĂ©. StratagĂšme de fuite s’apprĂȘter Ă  quitter la boutique
 Autant que possible la relation ne doit pas ĂȘtre rompue. Au contraire du dĂ©bat contradictoire qui rĂ©sonne souvent comme un dialogue de sourd, la nĂ©gociation repose sur une bonne entente et une Ă©coute active de l’autre. Le but est de recueillir par la discussion suffisamment d’informations pertinentes pour savoir ce qu’est naturellement prĂȘt Ă  faire son interlocuteur. Parfois nous nous engageons dans une nĂ©gociation en pensant que nos intĂ©rĂȘts sont par dĂ©finition contradictoires avec ceux des autres. Or, si nous prenons vraiment la peine de les Ă©couter, nous dĂ©couvrons bien souvent que nous pouvons trouver des solutions satisfaisantes pour tous, voire mutuellement bĂ©nĂ©fiques. Par ailleurs, en cherchant Ă  comprendre l’autre – pour mieux le sĂ©duire et mieux le changer – on est amenĂ© Ă  changer son point de vue, on peut envisager les choses diffĂ©remment et finalement changer soi-mĂȘme. La nĂ©gociation, qui rimait avec manipulation », devient alors Ă©change, ouverture, et authentique communication. StAgL8w.
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