Lanimisme (du latin « esprit » mais aussi « Ăąme ») est la croyance en un esprit, une force vitale qui anime les ĂȘtres vivants mais aussi les objets, les minĂ©raux et tous les Ă©lĂ©ments naturels. Nous pouvons imprĂ©gner des objets de nos pensĂ©es, de nos attentes, de nos colĂšres, de nos joies mais aussi de nos peines.
L’ñme a d'abord Ă©tĂ© conçue comme le principe permettant Ă  un ĂȘtre de se mettre en mouvement autrement dit de se mouvoir, de se dĂ©placer. Le mot Ăąme vient du latin anima qui Ă©tymologiquement signifie souffle, dont sont dĂ©rivĂ©s les mots animĂ© », animation », animal ». Pour les hommes anciens l'Ăąme Ă©tait en effet comme un souffle mystĂ©rieux puisque les ĂȘtres animĂ©s bougeaient alors que les choses inanimĂ©es ne bougeaient pas sauf si elles Ă©taient remuĂ©es par le vent ou tout autre Ă©lĂ©ment nettement perceptible. Sommaire 1 L'Ăąme en Occident 2 L'Ăąme selon Descartes 3 L'Ăąme dans d'autres cultures 4 Les doctrines philosophiques qui se prĂ©occupent de l'Ăąme 5 Scientifiquement L'Ăąme en Occident[modifier modifier le wikicode] Dans l'histoire de l'Occident, la notion d'Ăąme fut notamment marquĂ©e par Aristote, un philosophe grec du IVe siĂšcle av. J-C, qui plaçait l'Ăąme Ă  l'origine des phĂ©nomĂšnes de la vie biologique et de la pensĂ©e. Cette doctrine a ensuite Ă©tĂ© reprise par des philosophes et des thĂ©ologiens du Moyen Âge. Sous l'influence de la religion chrĂ©tienne, l'Ăąme devient une substance individuelle créée par Dieu et qui peut connaĂźtre l'immortalitĂ©. C'est ainsi qu'aux Temps modernes, une Ăąme est un ĂȘtre humain créée par Dieu c'est-Ă -dire un habitant. L'Ăąme selon Descartes[modifier modifier le wikicode] L'Ăąme, telle que nous la concevons aujourd'hui, a pour la premiĂšre fois Ă©tĂ© mise en lumiĂšre par Descartes. Ce philosophe est le premier Ă  isoler complĂštement celle-ci de la matiĂšre. Pour Descartes, l'Ăąme est l'esprit, distinct du corps. L'Ăąme est l'esprit. C'est-Ă -dire qu'elle se dĂ©finit comme une chose qui pense et qu'il y a plus d'ĂȘtre dans les idĂ©es que nous avons en nous que dans les choses qui nous entourent. Ainsi, par exemple, la couleur rouge n'existe pas hors de moi-mĂȘme. Elle n'est pas une Ă©manation du monde extĂ©rieur. Elle existe d'abord comme idĂ©e du rouge en mon esprit. Aussi, ce que je crois extĂ©rioritĂ© les couleurs, les sons, les formes... sont en rĂ©alitĂ© d'abord mes idĂ©es. Ce rouge qui vient frapper mon Ɠil est le rouge de mon esprit. Il serait contradictoire, en effet, que ce rouge existe Ă  la fois en moi et hors de moi. Il faut donc que ce soit l'un ou l'autre. Mais si ce rouge existait hors de moi et non en moi, cela signifierait que je n'existe pas, puisque cette couleur me serait extĂ©rieure. Mais comme j'existe pour la voir, cette couleur ne peut pas ĂȘtre extĂ©rieure. Je suis l'origine, le centre » de l'objet colorĂ©, c'est parce que moi j'existe qu'il existe, ce rouge est moi. Descartes montre donc que l'Ăąme doit exister puisque sans elle, aucune chose de ce que j'appelle le monde extĂ©rieur ne pourrait exister. De plus, l'Ăąme est distincte du corps. Elle est distincte du corps car elle est purement et simplement 'chose pensante'. Ce qui va poser Ă  Descartes deux problĂšmes de taille Existe-t-il un monde extĂ©rieur ? Comme Descartes est 'coincĂ©' dans son moi, comment va-t-il rĂ©ussir Ă  en sortir ? Pourquoi est-ce que je perçois mon Ăąme et mon corps comme uni, comme un » alors qu'ils sont en rĂ©alitĂ© sĂ©parĂ©s ? L'Ăąme dans d'autres cultures[modifier modifier le wikicode] Dans de nombreuses autres cultures, depuis des temps trĂšs anciens et Ă  travers le monde, l’ñme n'est pas liĂ©e qu'Ă  l'homme ; elle se rattache aussi Ă  beaucoup d'Ă©lĂ©ments naturels. De plus, elle peut ĂȘtre dotĂ©e de pouvoirs importants qui agissent sur la vie quotidienne des individus. C'est sur cette conception de l'Ăąme que reposent les croyances animistes. Elle s'accompagne gĂ©nĂ©ralement d'un grand respect de la nature ; Ă©galement du culte des ancĂȘtres, leurs Ăąmes Ă©tant considĂ©rĂ©es comme immortelles et donc toujours capables d'agir. Dans certaines religions asiatiques, telles que l'hindouisme et le bouddhisme, on suppose que l'Ăąme est capable de changer de corps aprĂšs la mort du corps dans lequel elle se trouve c'est la rĂ©incarnation. Les doctrines philosophiques qui se prĂ©occupent de l'Ăąme[modifier modifier le wikicode] De nombreuses doctrines philosophiques accordent une place importante au problĂšme de l'Ăąme L'animisme, qui croit en l'existence d'une Ăąme dans les Ă©lĂ©ments naturels air, eau, vĂ©gĂ©tal. Le matĂ©rialisme doctrine qui nie l'existence de l'Ăąme. Le spiritualisme, doctrine qui fait de l'Ăąme un principe immatĂ©riel. Le dualisme qui fait la distinction entre l'Ăąme et le corps. DiffĂ©rentes doctrines fondĂ©es sur l'immortalitĂ© de l'Ăąme la transmigration de l'Ăąme, la mĂ©tempsychose, la rĂ©surrection de l'Ăąme. Scientifiquement[modifier modifier le wikicode] Scientifiquement, l'Ăąme n'existe pas. C'est notre cerveau qui commande notre corps, et rien de plus. Mais il y a toujours des scientifiques croyants qui vont essayer de faire connaĂźtre leurs idĂ©es religieuses. C'est pourquoi il faut toujours consulter plusieurs sources quand on fait des recherches sur le sujet de l'Ăąme.

Toutobjet sans Ăąme et sans esprit est figĂ©. En plus des Ăąmes et des esprits, Dieu Ă©ternel immuable est l'unique juge des mondes. Animisme. Article dĂ©taillĂ© : Animisme. Dans plusieurs civilisations se trouve la croyance en une Ăąme, une force vitale, animant les ĂȘtres vivants, les objets mais aussi les Ă©lĂ©ments naturels, comme les pierres ou le vent. Philosophie. Histoire de

TLFi AcadĂ©mie9e Ă©dition AcadĂ©mie8e Ă©dition AcadĂ©mie4e Ă©dition BDLPFrancophonie BHVFattestations DMF1330 - 1500 ÂME, subst. de Principe transcendant Ă  l' [Dans une perspective relig. ou spiritualiste]1. RELIG. Principe spirituel de crĂ©ation divine, transcendant Ă  l'homme auquel il est uni pendant la vie terrestre comme foyer de sa vie religieuse oĂč s'affrontent le Bien et le Mal 1. Il s'agit de chercher, sur les donnĂ©es les plus claires, les traces de Dieu dans l'Ăąme humaine. Si tu n'es pas un saint, tu sais reconnaĂźtre une vie de saint, quand elle t'est prĂ©sentĂ©e. J. MalĂšgue, Augustin ou le MaĂźtre est lĂ ,t. 2, 1933, p. Rien n'est plus caractĂ©ristique, Ă  ce point de vue, que les raisons pour lesquelles il [Baudelaire] condamne les perceptions obtenues par le haschich. Les unes tiennent Ă  son sens du pĂ©chĂ© et au drame du salut oĂč s'inscrit toute sa vie spirituelle; elles intĂ©ressent l'histoire de son Ăąme. A. BĂ©guin, L'Âme romantique et le rĂȘve,1939, p. sara, se levant toute droite et les mains jointes. − Mon Ăąme magnifie le Seigneur, parce qu'il m'a fait des choses grandes! P. Claudel, L'Histoire de Tobie et de Sara,1940, III, 1, p. Dieu s'Ă©puise, Ă  travers l'Ă©paisseur infinie du temps et de l'espĂšce, pour atteindre l'Ăąme et la sĂ©duire. ... alors Dieu en fait la conquĂȘte. Et quand elle est devenue une chose entiĂšrement Ă  lui, il l'abandonne. Il la laisse complĂštement seule. Et elle doit Ă  son tour, mais Ă  tĂątons, traverser l'Ă©paisseur infinie du temps et de l'espace, Ă  la recherche de celui qu'elle aime. C'est ainsi que l'Ăąme refait en sens inverse le voyage qu'a fait Dieu vers elle. Et cela, c'est la croix. S. Weil, La Pesanteur et la grĂące,1943, p. Quand les livres pieux soutiennent que le pĂ©chĂ© tue l'Ăąme, que veulent-ils dire? Ces mots sont vides de sens. Il y a de trĂšs grands pĂ©cheurs qui ont le sentiment de la prĂ©sence de Dieu. Comment l'auraient-ils si l'Ăąme Ă©tait morte? Non, me dit un religieux. L'Ăąme n'est pas morte. C'est une façon de parler inexacte, mais le pĂ©chĂ© crĂ©e un obstacle, et cet obstacle Dieu l'abat quand il lui plaĂźt. » J. Green, Journal,1948, p. En chaque Ăąme Dieu aime et sauve partiellement le monde entier, que cette Ăąme rĂ©sume d'une maniĂšre particuliĂšre et incommunicable. P. Teilhard de Chardin, Le Milieu divin,1955, p. ... je priais longtemps, la tĂȘte dans mes mains; souvent pendant la journĂ©e, j'Ă©levais mon Ăąme Ă  Dieu. S. de Beauvoir, MĂ©moires d'une jeune fille rangĂ©e,1958, p. Syntagmes une Ăąme religieuse, chrĂ©tienne, pieuse; sauver, perdre son Ăąme. ,,Une Ăąme rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e par le baptĂȘme. Une Ăąme rachetĂ©e par le sang de JĂ©sus-Christ. Âme sanctifiĂ©e, illuminĂ©e par la grĂące.`` Ac. 1835-1878.− Charge d'Ăąmes♩ Avoir charge d'Ăąmes[Le suj. dĂ©signe un homme d'Église] Avoir la responsabilitĂ© de la vie spirituelle des fidĂšles, du salut de leur Ăąme 8. ... en dehors de l'action exercĂ©e sur chaque fidĂšle par le prĂȘtre ou le confesseur qui a pris charge de son Ăąme, le principal stimulant de la religion, celui qui opĂšre sur les masses, est le sermon. Le sermon se fait Ă  l'Ă©glise ... E. Faral, La Vie quotidienne au temps de saint Louis,1942, p. anal. Avoir la responsabilitĂ© matĂ©rielle et/ou morale d'une ou de plusieurs personnes 9. ... il s'interroge avec sĂ©vĂ©ritĂ© et recueillement sur la portĂ©e philosophique de son Ɠuvre; car il se sait responsable, et il ne veut pas que cette foule puisse lui demander compte un jour de ce qu'il lui aura enseignĂ©. Le poĂšte aussi a charge d'Ăąmes. V. Hugo, LucrĂšce Borgia,1833, p. ... ce soir, il avait charge d'Ăąme un ĂȘtre fragile, infiniment prĂ©cieux, lui Ă©tait confiĂ©. R. Martin du Gard, Les Thibault,L'ÉtĂ© 1914, 1936, p. 555.♩ Vx. BĂ©nĂ©fice Ă , avec charge d'Ăąmes. ,,Celui dont le titulaire est obligĂ© Ă  rĂ©sidence, et chargĂ© de travailler en personne au salut des Ăąmes qui lui sont confiĂ©es. Les Ă©vĂȘchĂ©s, les cures sont des bĂ©nĂ©fices avec charge d'Ăąmes.`` Ac. Compl. 1842.Rem. Également ds Ac. 1835 et 1878, ainsi que ds Besch. 1845.♩ Sur mon Ăąme. Formule de serment. Sur mon salut AttestĂ© ds les dict. du Principe spirituel opposĂ© au corps soumis aux instincts et instrument de corruption 11. Quand le fils de l'homme reviendra sur terre, pensez-vous qu'il y trouve la foi? » L'Ăąme est enlisĂ©e dans la chair. J. Green, Journal,1942, p. Finissons donc de nous dĂ©faire de ce curieux prĂ©jugĂ© que tout ce qui est de l'Ăąme est profond et divin, tout ce qui est du corps, superficiel et bestial. Freud a montrĂ© que les profondeurs » de l'Ăąme abritent aussi les tendances les plus primitives et les plus bestiales, ... On aime Ă  se rappeler en psychologie le mot surprenant et si contraire au lieu commun moral, de maĂźtre Eckart, que l'Ăąme a Ă©tĂ© donnĂ©e au corps pour qu'elle soit purifiĂ©e. E. Mounier, TraitĂ© du caractĂšre,1946, p. Ce n'Ă©tait pas sa faute s'il la voulait. Son corps d'homme la voulait, mais le corps menait en enfer si on lui cĂ©dait. Ce que voulait son corps, son Ăąme ne le voulait pas. Lui aussi, comme saint Paul, avait une Ă©charde dans la chair, et l'ange de Satan le souffletait. J. Green, MoĂŻra,1950, p. 221.− P. mĂ©ton. [Pour dĂ©signer une pers.] Sainte Ăąme, Ăąme dĂ©vote, Ăąme chrĂ©tienne. ,,C'est une sainte Ăąme, une bonne Ăąme.`` Ac. 1835-1878. 2. Ce mĂȘme principe en tant qu'il est immortel et survit aprĂšs la mort.− Dans la relig. chrĂ©t. 14. Les pĂšres ont Ă©tĂ© de diffĂ©rentes opinions sur l'Ă©tat immĂ©diat de l'Ăąme du juste, aprĂšs sa sĂ©paration d'avec le corps. ... S[aint] Bernard croit qu'elle est reçue dans le ciel, oĂč elle contemple l'humanitĂ© de J. C., mais non sa divinitĂ©, dont elle ne jouira qu'aprĂšs la RĂ©surrection; dans quelques autres endroits de ses sermons, il assure qu'elle entre immĂ©diatement dans la plĂ©nitude du bonheur cĂ©leste; et c'est le sentiment que l'Église paroĂźt avoir adoptĂ©. ... la religion nous enseigne que celui qui nous tira de la poussiĂšre, nous en rappellera une seconde fois, pour comparoĂźtre Ă  son tribunal. L'Ă©cole stoĂŻque croyoit, ainsi que les ChrĂ©tiens, Ă  l'enfer, au paradis, au purgatoire, et Ă  la rĂ©surrection des corps... de Chateaubriand, GĂ©nie du Christianisme,t. 1, 1803, p. − Enfer et paradis! − Cris de dĂ©sespoir! Cris de joie! − BlasphĂšmes des rĂ©prouvĂ©s! Concerts des Ă©lus! − Âmes des morts, semblables aux chĂȘnes de la montagne dĂ©racinĂ©s par les dĂ©mons! Âmes des morts, semblables aux fleurs de la vallĂ©e cueillies par les anges! A. Bertrand, Gaspard de la nuit,1841, p. À propos de l'enfer, il me disait qu'il le croyait Ă  peu prĂšs vide, mais que la peur de l'enfer avait aidĂ© beaucoup d'Ăąmes Ă  se libĂ©rer. Selon lui, Ă  la seconde oĂč l'Ăąme se dĂ©tache du corps, dans ce grand dĂ©chirement de l'ĂȘtre, il y aurait un lumiĂšre vive et subite et dans cette seconde d'Ă©blouissement, l'Ăąme aurait Ă  faire son choix entre Dieu et le mal. J. Green, Journal,1941, p. Il se crut aveugle, dĂ©jĂ  mort. ... Il recommanda son Ăąme Ă  Dieu, lĂ©gua quelques petites sommes d'argent Ă  divers couvents pour cĂ©lĂ©brer des messes pour le repos de son Ăąme, ... J. GuĂ©henno, Jean-Jacques,En marge des Confessions », 1948, p. Syntagmes l'immortalitĂ©, la survivance, la destinĂ©e de l'Ăąme; les Ăąmes des trĂ©passĂ©s; invoquer les Ăąmes des morts; prier pour le repos, pour le salut de l'Ăąme de qqn.♩ Loc. Devant Dieu soit son Ăąme! Dieu veuille avoir son Ăąme! Dieu ait son Ăąme! ♩ Vx. FĂȘte des Ăąmes, jour des Ăąmes. ,,FĂȘte que l'Église cĂ©lĂšbre annuellement le 2 novembre pour le repos de l'Ăąme des fidĂšles dĂ©funts.`` Besch. 1845. ♩ Les Ăąmes du purgatoire; les Ăąmes bienheureuses celles qui sont au paradis; les Ăąmes damnĂ©es les Ăąmes condamnĂ©es Ă  subir les peines de l'enfer 18. La communion est bonne aux bons et mauvaise aux mauvais. Ainsi les Ăąmes damnĂ©es sont au paradis, mais pour elles le paradis est enfer. S. Weil, La Pesanteur et la grĂące,1943, p. pĂ©j. Être l'Ăąme damnĂ©e de qqn. Lui ĂȘtre dĂ©vouĂ© corps et Ăąme dans le mal et accomplir aveuglĂ©ment tout ce qu'il ordonne mĂȘme lorsqu'on le rĂ©prouve; mod., exercer une mauvaise influence sur quelqu'un, le pousser dans la voie du mal 19. BientĂŽt le ministre favori est sacrifiĂ©. Ses collĂšgues sont renvoyĂ©s; Ă  leur place, sont installĂ©es des Ăąmes damnĂ©es de la cour; et le monarque, poussĂ© hors de son caractĂšre pacifique, prend le ton d'un despote... Marat, Les Pamphlets,Nouvelle dĂ©nonciation contre Necker, 1790, p. Du Peyrou devait bien prendre garde Ă  ne pas se fier Ă  Coindet, non plus qu'Ă  Mmede Verdelin. Coindet Ă©tait un fat et l'Ăąme damnĂ©e de Mmede Verdelin... J. GuĂ©henno, Jean-Jacques,Grandeur et misĂšre d'un esprit, 1952, p. Canada. CriĂ©e pour les Ăąmes. ,,Vente Ă  l'enchĂšre dont le produit est employĂ© Ă  faire dire des messes pour les Ăąmes du purgatoire.`` Canada 1930. ♩ Vendre, donner son Ăąme au diable, au dĂ©mon. Au Moyen-Âge. Conclure avec le diable un pacte selon lequel il accorde certains privilĂšges pendant la vie terrestre science, jeunesse, puissance surnaturelle... en Ă©change de la possession et de la damnation Ă©ternelle de l'Ăąme 21. Il y avait une fois un homme qui vendit son Ăąme au diable, et grĂące Ă  ses enchantements il gagna en retour le cƓur d'une jeune fille. Et maintenant, gagnĂ© par la puretĂ© de son amour, il crut que par cet amour il serait sauvĂ© et briserait le piĂšge, − mais il comprit combien le diable Ă©tait plus fort... J. Gracq, Un Beau tĂ©nĂ©breux,1945, p. pĂ©j. Vendre son Ăąme au diable. AliĂ©ner sa libertĂ©, sa dignitĂ©... en Ă©change de quelque chose 22. Souvenons-nous de Melmoth, cet admirable emblĂšme. Son Ă©pouvantable souffrance gĂźt dans la disproportion entre ses merveilleuses facultĂ©s, acquises instantanĂ©ment par un pacte satanique, et le milieu oĂč, comme crĂ©ature de Dieu, il est condamnĂ© Ă  vivre. ... tout homme qui n'accepte pas les conditions de la vie, vend son Ăąme. Il est facile de saisir le rapport qui existe entre les crĂ©ations sataniques des poĂ«tes et les crĂ©atures vivantes qui se sont vouĂ©es aux excitants. L'homme a voulu ĂȘtre Dieu, et bientĂŽt le voilĂ , en vertu d'une loi morale incontrĂŽlable, tombĂ© plus bas que sa nature rĂ©elle. C'est une Ăąme qui se vend en dĂ©tail. Ch. Baudelaire, Paradis artificiels,Morale, 1860, pp. Encore ne faut-il pas les confondre avec la dĂ©cadence profonde d'une Ă©poque oĂč tant d'hommes sont prĂȘts, pour ne pas mourir, Ă  vendre leur Ăąme, leur corps et leur honneur, et parfois l'Ăąme, le corps et l'honneur d'autres qu'eux-mĂȘmes. E. Mounier, TraitĂ© du caractĂšre,1946, p. 136.− Selon d'autres croyances 24. ... ce bonze japonais Ă  la robe jaune, Ă  la tĂȘte nue, prĂȘche l'Ă©ternitĂ© des ames, leurs transmigrations successives dans divers corps... de Volney, Les Ruines,1791, p. ... certains sauvages de l'Afrique croient Ă  l'immortalitĂ© de l'Ăąme. Sans prĂ©tendre expliquer ce qu'elle devient, ils la croient errante, aprĂšs la mort, dans les broussailles qui environnent leurs bourgades, et la cherchent plusieurs matinĂ©es de suite. Ne la trouvant pas, ils abandonnent cette recherche, et n'y pensent plus. C'est Ă  peu prĂšs ce que nos philosophes ont fait, et avaient de meilleur Ă  faire. Chamfort, Maximes et pensĂ©es,1794, p. Ce philosophe, et Platon aprĂšs lui, enseignerent que les ames de ceux qui avaient mal vĂ©cu, passaient, aprĂšs leur mort, dans des animaux brutes, afin d'y subir, sous ces diverses formes, le chĂątiment des fautes qu'ils avaient commises, jusqu'Ă  ce qu'elles fussent rĂ©intĂ©grĂ©es dans leur premier Ă©tat. Ainsi la mĂ©tempsycose Ă©tait une punition des dieux. Dupuis, AbrĂ©gĂ© de l'origine de tous les cultes,1796, p. Son spiritualisme MmeDambreuse croyait Ă  la transmigration des Ăąmes dans les Ă©toiles ne l'empĂȘchait pas de tenir sa caisse admirablement. G. Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 2, 1869, p. 240.♩ Le pays des Ăąmes. ,,Le sĂ©jour des morts.`` Lar. 19eet Nouv. Lar. ill.. ♩ MYTH. GR. Les Ăąmes en peine. Les Ăąmes des morts non ensevelis, condamnĂ©es Ă  errer sur les bords du Errer en proie Ă  un ennui, une solitude, une inquiĂ©tude... que l'on ne sait comment rompre ou tromper 28. Je me sens si peu en paix avec moi-mĂȘme − tout dĂ©saccordĂ©. Hier, aux heures chaudes de l'aprĂšs-midi, je me suis surpris errant comme une Ăąme en peine dans les couloirs de l'hĂŽtel, incapable de trouver le lieu de mon repos. J. Gracq, Un Beau tĂ©nĂ©breux,1945, p. PHILOS. Âme du monde, Ăąme de l'univers, Ăąme universelle. Principe, de conception diffĂ©rente suivant les auteurs, qui anime l'univers; en partic., principe ayant les attributs de la divinitĂ©, Dieu 29. ... comme ils appelaient dans les animaux le principe vital et moteur, une ame, un esprit; et comme ils raisonnaient sans cesse par comparaison, surtout par celle de l'ĂȘtre humain, ils donnĂšrent au principe moteur de tout l'univers le nom d'ame, d'intelligence, d'esprit; et Dieu fut l'esprit vital qui, rĂ©pandu dans tous les ĂȘtres, anima le vaste corps du monde. de Volney, Les Ruines,1791, p. ClĂ©anthe, qui regardait l'univers comme Dieu ou comme la cause universelle et improduite de tous les effets, donnait une ame et une intelligence au monde, et c'Ă©tait Ă  cette ame intelligente qu'appartenait proprement la divinitĂ©. Dupuis, AbrĂ©gĂ© de l'origine de tous les cultes,1796, p. Des Égyptiens qui instruisirent Pythagore jusqu'Ă  Leibnitz, et de l'Inde aux Gaules, l'ame universelle fut reconnue par les Zenon, les OrphĂ©e, les Zoroastre, les Marc-AurĂšle, par les mages et les druides. Nombre d'hypothĂšses qui semblent opposĂ©es entre elles, n'en sont que des interprĂ©tations diffĂ©rentes; ... le dieu de Newton, toute action, sentiment, intelligence, et le dieu des chrĂ©tiens, par-tout prĂ©sent et par-tout actif, ne sont que l'ame universelle. On ne peut expliquer que par-lĂ  les ames humaines, et le principe gĂ©nĂ©ral qui anime les ĂȘtres organisĂ©s. É. de Senancour, RĂȘveries,1799, p. Platon prĂ©tendoit que la divinitĂ© a arrangĂ© le monde, mais qu'elle n'a pu le crĂ©er. Dieu, dit-il, a formĂ© l'univers d'aprĂšs le modĂšle existant de toute Ă©ternitĂ© en lui-mĂȘme. Les objets visibles ne sont que les ombres des idĂ©es de Dieu, seules vĂ©ritables substances. Dieu fit en outre couler un souffle de sa vie dans les ĂȘtres. Il en composa un troisiĂšme principe Ă -la-fois esprit et matiĂšre, et ce principe est appelĂ© l'ame du monde. de Chateaubriand, GĂ©nie du Christianisme, t. 1, 1803, p. Salut, principe et fin de toi-mĂȘme et du monde, Toi qui rends d'un regard l'immensitĂ© fĂ©conde; Ame de l'univers, Dieu, pĂšre, crĂ©ateur, Sous tous ces noms divers je crois en toi, Seigneur; ... A. de Lamartine, MĂ©ditations poĂ©tiques,La PriĂšre, 1820, p. 157.− Dans un cont. panthĂ©iste ou poĂ©tique 34. Heureux donc mille fois le sage qui, s'Ă©levant au-dessus de la fange des passions humaines, ... n'Ă©tudie que l'histoire du ciel, ... jusqu'Ă  ce que, accablĂ© de vieillesse, ... il exhale et rejoigne Ă  l'Ăąme universelle cette portion qui lui en Ă©tait Ă©chue en partage et que son corps emprisonnait. A. ChĂ©nier, ÉpĂźtres,ÉpĂźtres Ă  Bailly, 1794, p. − Ah! bonne terre, prends-moi, toi qui est la mĂšre commune, l'unique source de la vie! toi l'Ă©ternelle, l'immortelle, oĂč circule l'Ăąme du monde, cette sĂšve Ă©pandue jusque dans les pierres, et qui fait des arbres nos grands frĂšres immobiles! ... Oui, je veux me perdre en toi, c'est toi que je sens lĂ , sous mes membres, m'Ă©treignant et m'enflammant, c'est toi seule qui seras dans mon Ɠuvre comme la force premiĂšre, le moyen et le but, l'arche immense, oĂč toutes les choses s'animent du souffle de tous les ĂȘtres. É. Zola, L'ƒuvre,1886, p. ... je me vois sous les rameaux d'or de l'Éden assis auprĂšs d'elle et servi par les esprits obĂ©issants. En m'unissant Ă  une autre femme, je craindrais de prostituer et de dissiper l'Ăąme du monde qui palpite en moi ». Palpitation d'une Ăąme universelle, divine sous une apparence d'homme, et mariĂ©e depuis l'Ă©ternitĂ© d'avant le monde Ă  l'Ăąme rĂ©apparue sous une apparence de femme! Durry, GĂ©rard de Nerval et le mythe,1956, p. Principe immanent Ă  l' [Dans les conceptions relig. de l'homme]1. En partic., RELIG. CHRÉT. Principe de vie et de pensĂ©e, attribuĂ© parmi tous les ĂȘtres Ă  l'homme seul et qui, uni au corps, constitue l'ĂȘtre humain vivant 37. Hommes pieux, ...; faites-nous comprendre ce que sont ces ĂȘtres abstraits et mĂ©taphysiques que vous appelez Dieu et ame, substances sans matiĂšre, existence sans corps, vies sans organes ni sensations. ... Alors il s'Ă©leva entre les thĂ©ologiens une grande controverse sur Dieu et sur sa nature; sur sa maniĂšre d'agir et de se manifester; sur la nature de l'ame et son union avec le corps; sur son existence avant les organes, ou seulement depuis leur formation; sur la vie future et sur l'autre monde; et chaque secte, chaque Ă©cole, chaque individu, diffĂ©rant sur tous ces points, ... ils tombĂšrent tous dans un labyrinthe inextricable de contradictions. de Volney, Les Ruines,1791, p. Cela n'a point empĂȘchĂ© que les textes que nous venons de rappeler, en particulier ceux de saint Paul, n'aient Ă©tĂ© invoquĂ©s plus d'une fois en faveur de la trichotomie ou doctrine qui regarde l'homme comme composĂ© de trois principes le corps, le principe vital et l'esprit. ... Cependant elle [cette thĂ©orie] ne fut pas longtemps tolĂ©rĂ©e par l'Église. ... Le concile d'ÉphĂšse et le cinquiĂšme concile gĂ©nĂ©ral tenu Ă  Constantinople dĂ©clarĂšrent que le Christ avait pris une chair animĂ©e par une Ăąme raisonnable; le concile de Vienne dĂ©finit que l'Ăąme raisonnable anime le corps, .... Bible1912, col. ... la question se pose de savoir quelle est la relation de l'Ăąme aux idĂ©es l'Ăąme Ă©tant conventionnellement dĂ©finie comme sujet de ce devenir, de cette crĂ©ation de soi qui est l'esprit; l'Ăąme serait en quelque sorte la matiĂšre de l'esprit, ce que l'esprit trouve en soi. L'Ăąme apparaĂźt ici comme la base du vouloir, l'esprit comme l'unitĂ© transcendante et achevĂ©e du vouloir ou encore comme une fin idĂ©ale qui se veut elle-mĂȘme et par suite s'affirme comme rĂ©elle l'Ăąme ne serait donc qu'un moment abstrait de ce complexe dynamique et autonome qui est l'esprit, ce moment abstrait Ă©tant seul d'ailleurs pensable comme corrĂ©latif du corps, ou de la machine physique. G. Marcel, Journal mĂ©taphysique,1914-1923, p. Dieu qui pour illuminer l'argile et la rendre capable du paradis et de l'enfer. Y a joint, hors du temps et du lieu par elle-mĂȘme, mais dans un rapport substantiel avec notre chair, Cette Ăąme connaissante en nous qui fait le corps, ainsi qu'un appareil de dĂ©sir Continuellement occupĂ© Ă  respirer pour ne pas mourir, Permit, Ă  cause du pĂ©chĂ© antique dans l'Éden, que ce feu inextinguible RestĂąt, pendant que nous rongeons la vieille pomme, lui-mĂȘme sans aucun aliment accessible. P. Claudel, Feuilles de Saints,Sainte ThĂ©rĂšse, 1925, p. ... l'Ăąme », comme rĂ©alitĂ© spĂ©ciale, n'existe pas; ce n'est qu'un mot qui dĂ©signe l'ensemble des reflets, dans le domaine de nos images conscientes, des instincts innombrables de notre corps, ... R. Ruyer, Esquisse d'une philosophie de la structure,1930, p. Ce dont le christianisme affirme la valeur et la pĂ©rennitĂ©, ce n'est pas seulement l'Ăąme, mais l'ĂȘtre concret fait de corps et d'Ăąme que l'on appelle l'homme, parce que c'est l'homme et non pas seulement l'Ăąme que le Christ est venu sauver. Ce que Pascal affirmera au xviiesiĂšcle, les auteurs chrĂ©tiens l'avaient affirmĂ© dĂ©jĂ  dĂšs la fin du iieou le dĂ©but du iiiesiĂšcle, et ils avaient marquĂ© avec la mĂȘme force la connexion nĂ©cessaire qui lie Ă  la foi en la rĂ©surrection des corps la thĂšse philosophique de l'unitĂ© substantielle du composĂ© humain... É. Gilson, L'Esprit de la philosophie mĂ©diĂ©vale,t. 1, 1931, p. Saint Augustin nous dit que l'homme n'est ni une Ăąme Ă  part, ni un corps Ă  part, mais une Ăąme qui se sert d'un corps. Lorsque nous lui demandons par ailleurs de nous dĂ©finir l'Ăąme en elle-mĂȘme, il rĂ©pond qu'elle est une substance rationnelle apte Ă  gouverner le corps ». L'homme n'est donc finalement que son Ăąme ou, si l'on prĂ©fĂšre, c'est l'Ăąme mĂȘme qui est l'homme. Sans doute, saint Augustin ne serait pas entiĂšrement dĂ©sarmĂ© contre ce reproche. Il rĂ©pondrait peut-ĂȘtre qu'une Ăąme n'est Ăąme que si elle a un corps dont elle puisse user et qu'un corps n'est corps que s'il est au service d'une Ăąme, auquel cas, en effet, la dĂ©finition de l'Ăąme seule est Ă©quivalente Ă  celle de l'homme tout entier. É. Gilson, L'Esprit de la philosophie mĂ©diĂ©vale,t. 1, 1931p. L'Ăąme n'est pas une substance distincte qui vient s'ajouter Ă  la mĂ©canique du corps, l'Ăąme est la forme en soi » du corps. R. Ruyer, La Conscience et le corps,1937, p. ... Carus recourt volontiers Ă  l'image de la crĂ©ation artistique l'Ɠuvre d'art existe, d'une existence intĂ©rieure et complĂšte, dans l'esprit du poĂšte ou du musicien, avant d'ĂȘtre Ɠuvre rĂ©alisĂ©e. De mĂȘme l'Ăąme elle existe avant son incarnation dans un corps; mais, d'autre part, elle n'atteint Ă  son entier Ă©panouissement que par sa vie dans la nature organique. Et l'Ăąme se dĂ©finit l'idĂ©e divine qui vit d'une existence individuelle dans la nature ». A. BĂ©guin, L'Âme romantique et le rĂȘve,1939, p. L'alcool prĂȘte Ă  tous ces visages jeunes ou vieux une sorte d'Ă©clat, une animation Ă©trange, d'oĂč l'Ăąme est absente. Ils sont vidĂ©s de toute substance spirituelle, en apparence du moins; car l'Ăąme demeure, tout de mĂȘme, garrottĂ©e au plus secret de ces ĂȘtres, bĂąillonnĂ©e. Parfois, elle se libĂšre un sourire fugitif Ă©claire divinement cette jeune figure penchĂ©e sur une Ă©paule, puis s'Ă©teint. F. Mauriac, Journal 2,1937, p. ... nous donnons le nom d'Ăąme Ă  ce qui est toujours autre chose sans ĂȘtre jamais chose; l'Ăąme rĂ©sume ce je-ne-sais-quoi d'impalpable, ce reste ou rĂ©sidu invisible que le mĂ©canisme des esprits forts peut bien nĂ©gliger, mais qui manquera toujours pour expliquer totalement la vie et la pensĂ©e. V. JankĂ©lĂ©vitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. Syntagmes l'Ăąme humaine; l'existence, l'origine, la nature, la spiritualitĂ© de l'Ăąme; l'union, les rapports de l'Ăąme et du avec le corps.− Principe de nature spirituelle opposĂ© au corps matĂ©riel 48. Comment ne pas attendre, aprĂšs cela, que des philosophes chrĂ©tiens portent tout leur effort sur la partie spirituelle de l'homme, qui est l'Ăąme, et nĂ©gligent cet Ă©lĂ©ment caduc, opaque Ă  la pensĂ©e, aveugle Ă  Dieu, qu'est le corps? Pourtant, ... c'est le contraire qui est arrivĂ©. Saint Bonaventure, saint Thomas, Duns Scot, je dirai mĂȘme saint François d'Assise, sont des hommes qui ont chĂ©ri la matiĂšre, respectĂ© leur corps, cĂ©lĂ©brĂ© sa haute dignitĂ© et n'ont jamais voulu sĂ©parer sa destinĂ©e de celle de leur Ăąme. É. Gilson, L'Esprit de la philosophie mĂ©diĂ©vale,t. 1, 1931, p. L'Ăąme est une nature qui n'a aucun rapport Ă  l'Ă©tendue ni aux dimensions ou autres propriĂ©tĂ©s de la matiĂšre dont le corps est composĂ©. » Passions, 1, 30. Telle est la dĂ©finition que donne Descartes. Avec elle nous voilĂ  revenus au dualisme platonicien. Mais d'une maniĂšre qui dĂ©roulera ses consĂ©quences dans une direction diamĂ©tralement opposĂ©e. Bouyer1963.− Corps et Ăąme. Tout entier, totalement. Se donner corps et Ăąme Ă  qqn, Ă  qqc.; ĂȘtre Ă  qqn corps et Ăąme 50. − Cette nuit encore, il a parlĂ© des heures. Il raconte sa vie, posĂ©ment, le vrai et le faux mĂȘlĂ©s, si bien mĂȘlĂ©s que je m'y laisse prendre chaque fois, c'est comme un rĂȘve. ... Oui, Ă  ces moments-lĂ , vous ne le croiriez pas, je lui appartiens corps et Ăąme, je veux tout ce qu'il veut, je monterais avec lui sur l'Ă©chafaud. G. Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. Corps et Ăąme » le langage du dĂ©vouement, le plus central de tous, pour dĂ©signer l'acte suprĂȘme dont nous soyons capables, a fondu dans une expression indissociable ces deux termes dont les psychologies formelles ne gardaient que deux abstractions stĂ©riles. Corps et Ăąme, c'est ainsi que l'homme complet avance chaque geste et chaque pensĂ©e. E. Mounier, TraitĂ© du caractĂšre,1946, p. 114.− Âme pour Ăąme. ,,Sans rĂ©serve``. ,,RĂ©pondre de qqn corps pour corps et Ăąme pour Ăąme.`` Lar. 19eet Nouv. Lar. ill.. − Avoir l'Ăąme bien chevillĂ©e au corps. Être douĂ© d'une grande rĂ©sistance physique et morale. − Avoir l'Ăąme sur les lĂšvres. Être sur le point d' Fam. selon LittrĂ© et Rob.− LittĂ©r. Rendre l'Ăąme. Mourir 52. Que signifie donc ce mot mourir? Quand mourrons nous? − Un homme ne peut en effet ĂȘtre dit mourant ni une fois qu'il est mort ni lorsqu'il est encore vivant. Nul n'est donc mourant s'il n'est vivant, car en cette extrĂ©mitĂ© mĂȘme Ă  laquelle sont rĂ©duits ceux que nous disons rendre l'Ăąme, celui que son Ăąme n'a pas encore quittĂ© vit encore. Il est donc tout Ă  la fois mourant et vivant, c'est-Ă -dire qu'il s'approche de la mort et s'Ă©loigne de la vie... J. Vuillemin, Essai sur la signification de la mort,1949.− LittĂ©r. Arracher l'Ăąme. ,,Tuer.`` Rob..♩ Fig. ,,Parler Ă  un avare de vous aider de son argent, c'est lui arracher l'Ăąme.`` Voir Ă©galement LittrĂ© et Rob.− Corps sans Ăąme. Personne que toute vie semble avoir dĂ©sertĂ©e, la laissant abattue et sans aucune capacitĂ© de rĂ©action. Être comme un corps sans Ăąme 53. Elle Ă©tait retournĂ©e Ă  l'Ă©glise, elle errait comme un corps sans Ăąme; et, son angoisse devenait si forte, qu'elle ne s'arrĂȘta mĂȘme pas Ă  causer. − Je ne peux plus tenir, je vas Ă  leur rencontre. É. Zola, La Terre,1887, p. Se dit notamment de ,,Celui qui a perdu une personne qui lui Ă©tait chĂšre, qui tenait une grande place dans sa vie. Depuis la mort de sa femme, de son ami, c'est un corps sans Ăąme.`` Ac. t. 1 1932. AttestĂ© ds les autres dictionnaires.♩ P. anal. S'emploie en parlant d'un corps organisĂ© parti, armĂ©e... qui a perdu son animateur, son chef. − Par mĂ©taph. ,,On dit qu'une Ă©toffe n'a que l'Ăąme, quand elle n'a ni consistance, ni soliditĂ©; elle manque de corps.`` GuĂ©rin 1892.Rem. AttestĂ© ds Ac. 1835-1932 ,,fam.``, Besch. 1845, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill. et LittrĂ©.− P. compar. 54. V La constitution est l'ordre intrinsĂšque, et comme l'Ăąme de la sociĂ©tĂ©; l'administration en est l'ordre extrinsĂšque, et peut en ĂȘtre regardĂ©e comme le corps. de Bonald, LĂ©gislation primitive,t. 2, 1802, p. L'ĂȘtre humain apprĂ©hendĂ© dans son essence 55. ... le dĂ©sordre, mais mon ami c'est la belle essence de votre vie mĂȘme! de tout votre ĂȘtre physique et mĂ©taphysique! Mais c'est votre Ăąme Ferdinand! Des millions, des trillions de replis... intriquĂ©s dans la profondeur, dans le gris, tarabiscotĂ©s, plongeants, sous-jacents, Ă©vasifs... illimitables! Voici l'harmonie Ferdinand! toute la nature! une fuite dans l'impondĂ©rable! et pas autre chose! CĂ©line, Mort Ă  crĂ©dit,1936, p. 414.− P. mĂ©ton. Personne, en tant qu'ĂȘtre humain vivant; habitant 56. La population entiĂšre de Macao peut ĂȘtre Ă©valuĂ©e Ă  vingt mille ames, dont cent Portugais de naissance, sur deux mille mĂ©tis ou Portugais indiens... Voyage de La PĂ©rouse autour du monde,t. 2, 1797, p. Une heure sonna, c'Ă©tait l'heure du cafĂ©, pas une Ăąme ne se montrait aux portes ni aux fenĂȘtres. É. Zola, Germinal,1885, p. PHILOS. Principe de vie qui anime l'homme et les ĂȘtres organisĂ©s, animaux et plantes 58. L'ame n'est que le principe vital qui rĂ©sulte des propriĂ©tĂ©s de la matiĂšre, et du jeu des Ă©lĂ©ments dans les corps oĂč ils crĂ©ent un mouvement spontanĂ©. de Volney, Les Ruines,1791, p. Une mĂȘme sorte d'ames, dit Marc-Aurele, a Ă©tĂ© distribuĂ©e Ă  tous les animaux qui sont sans raison, et un esprit intelligent Ă  tous les ĂȘtres raisonnables... » Dupuis, AbrĂ©gĂ© de l'origine de tous les cultes,1796, p. La grande fiction de la mĂ©tempsycose, rĂ©pandue dans tout l'Orient, tient au dogme de l'ame universelle et de l'homogĂ©nĂ©itĂ© des ames, qui ne different entre elles qu'en apparence, et par la nature des corps auxquels s'unit le feu-principe qui compose leur substance; car les ames des animaux de toute espece, suivant Virgile, sont un Ă©coulement du feu Ă©ther, et la diffĂ©rence des opĂ©rations qu'elles exercent ici bas, ne vient que de celle des vases ou des corps organisĂ©s qui reçoivent cette substance... Dupuis, AbrĂ©gĂ© de l'origine de tous les cultes,1796p. Si nous trouvons en nous quelque rĂ©pugnance Ă  croire l'ame matĂ©rielle, ne seroit-ce point, en partie, parce que nous avons de la matiĂšre une idĂ©e trop circonscrite et fausse? ... Mais s'il existe une matiĂšre subtile et active, principe de mouvement, d'organisation et de vie, agent universel de la nature, un feu Ă©lĂ©mentaire, tel que nous en pouvons concevoir une idĂ©e imparfaite d'aprĂšs la subtilitĂ© et la surprenante activitĂ© de la lumiĂšre; alors nous supposerons sans peine que le principe qui meut la nature est aussi celui qui nous anime, et nous aurons levĂ© les principales difficultĂ©s celle entre autres de la diffĂ©rence entre la raison de l'homme et celle des autres ĂȘtres animĂ©s ...; car, l'instinct des animaux opĂšre les fonctions de notre ame, et si nous voyons notre raison s'Ă©lever Ă  un degrĂ© supĂ©rieur Ă  celle de l'Ă©lĂ©phant et du chien, du moins la conformitĂ© de leurs opĂ©rations plus ou moins parfaites n'annonce nullement une nature essentiellement diffĂ©rente... É. de Senancour, RĂȘveries,1799, pp. Ceux qui ont voulu que l'ame fĂ»t une substance particuliĂšre, un ĂȘtre rĂ©el autre qu'une matiĂšre subtile et active, ont Ă©tĂ© rĂ©duits Ă  affirmer des assertions contradictoires, ou bien Ă  admettre les deux ames, l'une sensitive et l'autre raisonnable; celle-ci absolument spirituelle, mais l'autre matĂ©rielle, afin que l'on conçoive du moins comment nos organes produisent nos sensations. Mais, mĂȘme en adoptant ces deux ames, il restera toujours Ă  expliquer comment la pensĂ©e, principe immatĂ©riel, ame raisonnable, est unie Ă  la sensibilitĂ©, principe subtil mais matĂ©riel, ame sensitive. É. de Senancour, RĂȘveries,1799p. Ce qui est essentiel au corps d'un homme, dit Malebranche aprĂšs Descartes, est une certaine partie du cerveau Ă  laquelle l'Ăąme est immĂ©diatement unie ». L'Ăąme est une lumiĂšre enfermĂ©e dans un verre, qu'elle use par son activitĂ©. Les matĂ©rialistes n'y voient qu'un verre lumineux. Brisez le verre, disent-ils, et vous n'y verrez plus rien; brisez le verre, disent les chrĂ©tiens, et vous y verrez beaucoup mieux ». de Bonald, LĂ©gislation primitive,t. 1, 1802, p. Les philosophes anciens avoient senti la nĂ©cessitĂ© d'une cause particuliĂšre excitatrice des mouvements organiques; mais n'ayant pas assez Ă©tudiĂ© la nature, ils l'ont cherchĂ©e hors d'elle; ils ont imaginĂ© une archĂ©-vitale, une Ăąme pĂ©rissable des animaux; en ont mĂȘme aussi attribuĂ© une aux vĂ©gĂ©taux... Lamarck, Philosophie zoologique,t. 2, 1809, p. Depuis le lombric ou ver de terre, tout nu, qui n'a pas l'industrie de se revĂȘtir d'un fourreau, jusqu'Ă  Newton, qui forma un systĂšme du monde, nous distinguons cinq genres d'ames l'Ă©lĂ©mentaire, la vĂ©gĂ©tale, l'animale, l'intelligente et la cĂ©leste. Les quatre premiĂšres appartiennent au plus petit insecte, et la cinquiĂšme Ă  l'homme seul. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. L'Ăąme, c'est ce qui anime le corps, c'est le principe de la vie individuelle des animaux. Ne m'objectez pas que j'ai pris d'abord pour exemple la graine d'un vĂ©gĂ©tal; vous savez que la philosophie grecque distinguait trois sortes d'Ăąmes l'Ăąme vĂ©gĂ©tale, placĂ©e dans le bas du corps, prĂšs de la terre; l'Ăąme passionnelle ayant son siĂšge dans la poitrine, et l'Ăąme raisonnable, qui rĂ©side dans la tĂȘte, la partie de notre corps la plus voisine du ciel. Ces trois Ăąmes sont associĂ©es dans l'unitĂ© de la personne humaine .... On s'est habituĂ© Ă  rĂ©server le nom d'Ăąme Ă  la facultĂ© directrice de nous-mĂȘmes, et il faut remonter Ă  l'Ă©tymologie pour oser parler de l'Ăąme des animaux et des plantes. Mais ne soyons pas trop aristocrates l'intelligence est partout, mĂȘme dans le rĂšgne inorganique. L. MĂ©nard, RĂȘveries d'un paĂŻen mystique,1876, pp. ... de ce qu'une Ăąme est simple et distincte de la matiĂšre, il ne s'ensuit pas qu'elle soit spirituelle. En effet, les Ăąmes des bĂȘtes sont simples, suivant la doctrine de saint Thomas d'Aquin. NĂ©anmoins elles ne sont point spirituelles, parce qu'elles sont incapables d'opĂ©rations Ă  proprement parler intellectuelles, et qu'elles ne sont point immortelles. Bible 1912, col. Tous les biologistes ... se rattachent Ă  l'une ou Ă  l'autre de ces deux thĂšses. Depuis l'AntiquitĂ©, elles s'affrontent, l'une cherchant Ă  rĂ©duire les phĂ©nomĂšnes de la vie aux lois de la chimie, de la physique et de la mĂ©canique, l'autre voulant au contraire les distinguer et les placer sous la dĂ©pendance d'un principe particulier, d'une puissance spĂ©ciale, quel que soit le nom qu'on lui donne, d'Ăąme, d'archĂ©e, de psychĂ©, de mĂ©diateur plastique, d'esprit recteur, de force vitale, ou de propriĂ©tĂ©s vitales » Claude Bernard. J. Rostand, La Vie et ses problĂšmes,1939, pp. 135-136.♩ Dans un contexte poĂ©t. ou panthĂ©iste 69. ... le symbolisme communĂ©ment attribuĂ© Ă  Nerval est au vrai un animisme, ou un panthĂ©isme. Le panthĂ©isme moderne » qu'il a saisi dans GƓthe, il y entre en 1845 dans les vers admirables de son credo pythagoricien, frappĂ©s en sentences oĂč passe une frayeur Respecte dans la bĂȘte un esprit agissant Chaque plante est une Ăąme Ă  la nature Ă©close; Un mystĂšre d'amour dans le mĂ©tal repose... Crains, dans le mur aveugle, un regard qui t'Ă©pie À la matiĂšre mĂȘme un verbe est attachĂ©... Ne la fais pas servir Ă  quelque usage impie! ... Souvent dans l'ĂȘtre obscur habite un dieu cachĂ©. Durry, GĂ©rard de Nerval et le mythe,1956, pp. 54-55.♩ Par mĂ©taph. 70. ... peut-on douter que la chaleur, cette mĂšre des gĂ©nĂ©rations, cette Ăąme matĂ©rielle des corps vivans, ait pu ĂȘtre le principal des moyens qu'emploie directement la nature, pour opĂ©rer sur des matiĂšres appropriĂ©es une Ă©bauche d'organisation, une disposition convenable des parties; en un mot, un acte de vitalisation analogue Ă  celui de la fĂ©condation sexuelle? Lamarck, Philosophie zoologique,t. 2, 1809, p. 82.− Fig. Ce qui est ou donne Ă  une chose l'Ă©quivalent de ce que l'Ăąme est ou apporte au corps qu'elle habite.♩ Personne chose, idĂ©e... qui anime et dirige une activitĂ©, un groupe, un corps organisĂ©... 71. ... il avait beaucoup plu. Dans les cabarets, on faisait cercle autour de lui, on l'applaudissait. Il Ă©tait la vie, l'Ăąme, le boute-en-train de tout le monde. E. Renan, Souvenirs d'enfance et de jeunesse,1883, p. ... la vĂ©ritĂ© et la vie chrĂ©tienne doivent pĂ©nĂ©trer au dedans de mon activitĂ©, ĂȘtre l'Ăąme vivifiante et rectrice de tout le matĂ©riel de connaissances et de moyens de rĂ©alisation que je mettrai en Ɠuvre; ... J. Maritain, Humanisme intĂ©gral,1936, p. Gracian, dĂ©crivant son despejo, parle d'une Ă©minence transcendante sans laquelle toute est fade et qui est la perfection des perfections ». Elle donne sa grĂące Ă  la grĂące. Elle est la vie des grandes qualitĂ©s, le souffle des paroles, l'Ăąme des actions, le lustre de toutes les beautĂ©s ... ». N'y a-t-il pas une maĂŻeutique du charme qui facilite la naissance des actions? Comme la charitĂ© selon saint Paul est l'esprit de la lettre et ce qui fait vertueuses les autres vertus, ainsi le charme est l'Ăąme animatrice de la beautĂ© paresseuse, ... V. JankĂ©lĂ©vitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, pp. 97-98.♩ Ce qui constitue l'essence ou est Ă  l'origine de quelque chose 74. La maniĂšre dont ces divers renoncements se sont rĂ©alisĂ©s laisse sur la personnalitĂ© une structure rĂ©siduelle; elle se rĂ©pĂ©tera ensuite dans son schĂ©ma essentiel sur tout comportement qui sollicite le sacrifice de la multiplicitĂ© des possibles Ă  la soliditĂ© du rĂ©alisĂ©, cette Ăąme de l'action adulte. E. Mounier, TraitĂ© du caractĂšre,1946, p. Mais si l'espĂ©rance est l'Ăąme du consentement, c'est le consentement qui lui donne un corps. EspĂ©rance n'est pas illusion. P. RicƓur, Philosophie de la volontĂ©,1949, p. vider de son Ăąme 76. Le jugement ne conquiert ses choix qu'Ă  travers une dramatique qui met en jeu toute l'expression du composĂ© humain, depuis l'instinct inconscient jusqu'Ă  la fine pointe de l'esprit. Un relĂąchement imperceptible de l'une des forces en jeu, et voilĂ  cette vĂ©ritĂ© naissante qui se durcit, se dĂ©forme, se vide de son Ăąme, se dresse contre les vĂ©ritĂ©s complĂ©mentaires, arrive Ă  dire le faux sous le vĂȘtement du vrai. E. Mounier, TraitĂ© du caractĂšre,1946, p. 675.♩ Ce qui donne le sentiment ou l'illusion de la vie 77. VoilĂ  les vrais habitants du dĂ©sert et qui en sont l'Ăąme les fourmis travaillant le sable, les carriers travaillant le grĂšs. Les uns et les autres de mĂȘme gĂ©nie, des hommes fourmis en dessus, des fourmis presque hommes en dessous. J. Michelet, L'Insecte,1857, p. Le remuement de la terre, sous son caparaçon de gel ou de neige, il me conseilla d'y prĂȘter l'oreille. L'Ăąme et le corps de la campagne me devinrent si familiers, mon vocabulaire rustique si aisĂ© dans les deux langues, que je pus servir d'interprĂšte dans un camp de remonte... Blanche, Mes modĂšles,1928, p. le domaine de la crĂ©ation de l'Ăąme Ă  une matiĂšre. Lui donner l'aspect de la vie. ,,La sculpture donne de l'Ăąme au marbre.`` Ac. 1835-1932. C.− Usuel1. Principe de la pensĂ©e, de l'action, de la sensibilitĂ© ou de la [En parlant d'une seule pers.] Principe et siĂšge de l'activitĂ© psychique, consciente et inconsciente 79. Combien d'idĂ©es dans notre esprit que nous ne saurions exprimer ... Il y a en effet dans les profondeurs de l'Ăąme, ou au fonds de l'homme intĂ©rieur, un monde d'idĂ©es ou de sentiments, dont tout ce qui est Ă  la surface, tout ce qui peut se nommer ou se peindre, n'est qu'une ombre fugitive; c'est dans ce fonds que nous trouvons ce qui est et ce que nous sommes rĂ©ellement ou substantiellement, tout autre que ce qui paraĂźt. On peut trouver une autre Ăąme au fonds de cette Ăąme qu'on analyse et qu'on peint par le dehors. Maine de Biran, Journal,1815, p. ... tout le monde croit Ă  l'existence de son ame, c'est-Ă -dire Ă  l'existence de quelque chose en nous qui sent, qui veut, qui pense. Ceux mĂȘmes qui ne croient pas Ă  l'existence spirituelle de ce sujet, n'ont jamais mis en question l'existence de ses facultĂ©s, l'existence de la sensibilitĂ© par exemple, celle de la volontĂ©, celle de la pensĂ©e. V. Cousin, Hist. de la philosophie du XVIIIes.,2, 1829, p. Telle est la noble immortalitĂ©, nĂ©cessairement immatĂ©rielle, que le positivisme reconnaĂźt Ă  notre Ăąme, en conservant ce terme prĂ©cieux pour dĂ©signer l'ensemble des fonctions intellectuelles et morales, sans aucune allusion Ă  l'entitĂ© correspondante. A. Comte, CatĂ©chisme positiviste,1852, p. ... je veux dĂ©signer cet enseignement de la mĂ©taphysique moderne exhortant l'homme Ă  tenir en assez faible estime la rĂ©gion proprement pensante de son ĂȘtre et Ă  honorer de tout son culte, la partie agissante et voulante. On sait que la thĂ©orie de la connaissance, dont l'humanitĂ© reçoit ses valeurs depuis un demi-siĂšcle, assigne un rang secondaire Ă  l'Ăąme qui procĂšde par idĂ©es claires et distinctes, par catĂ©gories, par mots; qu'elle porte au grade suprĂȘme l'Ăąme qui parvient Ă  se libĂ©rer de ces mƓurs intellectuelles et Ă  se saisir en tant que pure tendance », pur vouloir », pur agir ». J. Benda, La Trahison des clercs,1927, p. Pour dĂ©signer l'individualitĂ© propre d'un ĂȘtre libre, on dit que c'est une personne. Ainsi l'essence de la personnalitĂ© se confond avec celle de la libertĂ©; d'autre part, la libertĂ© tient Ă  la rationalitĂ©, et comme c'est sa rationalitĂ© mĂȘme qui fonde la subsistance de l'Ăąme et celle de l'homme, il faut dire qu'en nous le principe de l'individualitĂ© et le principe de la personnalitĂ© se confondent. L'actualitĂ© de l'Ăąme raisonnable, en se communiquant au corps, dĂ©termine l'existence d'un individu qui est une personne, si bien que l'Ăąme individuelle possĂšde la personnalitĂ© comme par dĂ©finition. É. Gilson, L'Esprit de la philosophie mĂ©diĂ©vale,t. 1, 1931, p. Il n'y avait que l'amplitude silencieuse et disproportionnĂ©e des bois, mĂȘlĂ©e Ă  des sons de priĂšre et de sommeil. ... elle faisait entrer en vous une douce confiance dont on s'apercevait seulement qu'elle Ă©tait lĂ  sans qu'on l'eĂ»t sentie venir. Elle allait chercher au fond de vous, pour le caresser et l'assoupir, quelque chose qui Ă©tait peut-ĂȘtre bien votre Ăąme, tant c'Ă©tait profond. J. MalĂšgue, Augustin ou le MaĂźtre est lĂ ,t. 1, 1933, p. ... nous n'observons ni Ăąme, ni corps, mais seulement un ĂȘtre composite dont nous avons divisĂ© arbitrairement les activitĂ©s en physiologiques et mentales. Certes, on continuera toujours Ă  parler de l'Ăąme comme d'une entitĂ© .... L'Ăąme est cet aspect de nous-mĂȘmes qui est spĂ©cifique de notre nature et nous distingue de tous les autres ĂȘtres vivants. A. Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. Une Ɠuvre rĂ©ussie a toujours quelque chose de secret, d'insaisissable, fait appel en nous Ă  des yeux qui ne sont pas encore ouverts ». La poĂ©sie est reprĂ©sentation de l'Ăąme, du monde intĂ©rieur dans sa totalitĂ©. Le sens poĂ©tique a bien des points communs avec le sens mystique ... Il reprĂ©sente l'irreprĂ©sentable. Il voit l'invisible, sent l'insensible, etc ... Le poĂšte est littĂ©ralement insensĂ©, − en Ă©change, tout se passe en lui ». Il est, au pied de la lettre, sujet et objet Ă  la fois, Ăąme et univers. A. BĂ©guin, L'Âme romantique et le rĂȘve,1939, p. Ce qui compte, je le sais bien, c'est l'Ăąme qui est au fond; ce fond que l'Ă©lan de l'amour consiste Ă  vouloir atteindre. Mais la forme n'est pas complĂštement transparente. L'enveloppe a une Ă©paisseur. Tout se passe comme si de l'Ăąme » Ă©tait Ă  votre recherche, essayait de venir vers vous, Ă©tait attirĂ©e par vous, vous attirait. Cela circule le long du temps et des circonstances, en quĂȘte d'une transparence plus grande, ou d'une fissure plus large, pour qu'enfin la rencontre puisse avoir lieu. De l'Ăąme. » De l'Ăąme qui vous concerne, vous, et que vous concernez. J. Romains, Les Hommes de bonne volontĂ©,La Douceur de la vie, 1939, p. L'Ăąme humaine et pourquoi craindre d'employer ce mot pour dĂ©signer ce faisceau d'Ă©motions, de tendances, de susceptibilitĂ©s dont le lien n'est peut-ĂȘtre que physiologique reste de contours vaporeux, changeants, insaisissables, constamment modifiĂ©s et modifiables au grĂ© des circonstances, des climats, des saisons, de toutes les influences, de sorte que la volontĂ© la plus tendue et la plus vigilante a bien du mal Ă  y maintenir un semblant de cohĂ©sion. A. Gide, Journal,1942, p. ... l'obstination de Klages Ă  vouloir toujours rejeter l' esprit », qui est raison et volontĂ© claires, pour dĂ©couvrir l' Ăąme » obscure et instinctive le conduit souvent Ă  un subjectivisme touffu. E. Mounier, TraitĂ© du caractĂšre,1946, p. ... mettez-vous Ă  la place de ce petit garçon, Ă  la plus haute fenĂȘtre d'un vieux chĂąteau, tous les poils de son corps en Ă©rection, en train de se mettre plein l'Ăąme, plein les yeux, plein le cƓur, plein tout, de cet ocĂ©an extatique que j'essaye de vous dĂ©crire, de ce dĂ©ballage sous lui de montagnes, de forĂȘts, de moissons et de vignobles... P. Claudel, La Lune Ă  la recherche d'elle-mĂȘme,1949, p. Au propriĂ©taire, les biens de ce monde reflĂštent ce qu'il est ils m'enseignaient ce que je n'Ă©tais pas je n'Ă©tais pas consistant ni permanent; je n'Ă©tais pas le continuateur futur de l'Ɠuvre paternelle, je n'Ă©tais pas nĂ©cessaire Ă  la production de l'acier en un mot je n'avais pas d'Ăąme. Sartre, Les Mots,1964, p. 1. Dans ce sens, la notion d'Ăąme recouvre Ă  la fois la notion d'esprit principe et siĂšge des facultĂ©s intellectuelles », la notion de cƓur principe et siĂšge des facultĂ©s affectives » et la notion de conscience principe et siĂšge des facultĂ©s morales ». 2. Syntagmes usuels les facultĂ©s, les opĂ©rations, les phĂ©nomĂšnes de l'Ăąme; la vie, l'histoire, l'Ă©tude de l'Ăąme; l'intĂ©rieur, les profondeurs, les mystĂšres de l'Ăąme; dĂ©couvrir, analyser, connaĂźtre l'Ăąme; une Ăąme simple, obscure, ouverte.− En partic. La partie la plus intime de l'ĂȘtre.♩ Du fond de l'Ăąme. Du plus profond de soi-mĂȘme. Jusqu'Ă  l'Ăąme, jusqu'au fond de l'Ăąme. ProfondĂ©ment, tout au fond de son ĂȘtre. Être Ă©mu jusqu'Ă  l'Ăąme, jusqu'au fond de l'Ăąme 92. Il lui souriait du fond de l'Ăąme; Ă  ses yeux elle Ă©tait douĂ©e d'un prestige qui m'Ă©chappait, absolument. S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 215.♩ De toute son Ăąme. De tout son ĂȘtre, en engageant toutes ses ressources. Avec toute son Ăąme 93. Bergson enseigne que l'homme doit philosopher avec toute son Ăąme », c'est-Ă -dire, non pas seulement avec sa raison, mais avec ses passions, ses instincts, son vouloir-vivre. J. Benda, La France byzantine,1945, p. 51.♩ Dans l'Ăąme [En parlant de la maniĂšre d'ĂȘtre, d'agir] Fondamentalement 94. J'Ă©tais devenue journaliste dans l'Ăąme ... j'aime ce mĂ©tier-lĂ . G. de Maupassant, Bel-Ami,1885, p. P. ext. [En parlant d'un groupe humain] Ensemble de dispositions subjectives communes aux membres d'un groupe et caractĂ©ristiques de ce groupe. L'Ăąme d'un peuple, d'une nation, de la patrie; l'Ăąme d'une Ă©poque; l'Ăąme collective 95. Dois-je montrer que cette conception inspire toute la pensĂ©e moderne? Qu'elle existe chez tout un groupe de critiques littĂ©raires, lesquels, devant un ouvrage et de leur propre aveu, cherchent bien moins s'il est beau que s'il est expressif des volontĂ©s actuelles », de l' Ăąme contemporaine »? Qu'on la voit chez toute une École d'historiens-moralistes qui admirent une doctrine, non pas parce qu'elle est juste ou bonne, mais parce qu'elle incarne bien la morale de son temps, l'esprit de science de son temps... J. Benda, La Trahison des clercs,1927, pp. Il avait connu ce miracle », cette communautĂ© mystique des troupes au feu, cette Ă©puration de l'individu, cette formation soudaine d'une Ăąme collective et fraternelle, sous le poids d'une mĂȘme fatalitĂ©. R. Martin du Gard, Les Thibault,Épilogue, 1940, p. Au fig.− [En parlant de 2 ou de plusieurs pers.] Être une Ăąme, n'ĂȘtre qu'une Ăąme, ne faire qu'une Ăąme. Être si Ă©troitement unis, que l'on semble ne plus faire qu'un seul ĂȘtre 97. violaine. − Qui a pris une Ă©pouse, ils ne sont plus qu'une Ăąme en une seule chair et rien ne les sĂ©parera plus. P. Claudel, L'Annonce faite Ă  Marie,1948, II, 3, p. Le seul sujet dĂ©finitivement capable de la transfiguration mystique est le groupe entier des hommes ne formant plus qu'un corps et qu'une Ăąme dans la charitĂ©. Et cette coalescence des unitĂ©s spirituelles de la crĂ©ation sous l'attraction du Christ est la suprĂȘme victoire de la foi sur le monde. P. Teilhard de Chardin, Le Milieu divin,1955, p. 184.− Se sentir une Ăąme de + subst. de l'animĂ©. Se sentir animĂ©, habitĂ© par des aspirations, des idĂ©es, des convictions identiques Ă  celles d'une autre personne 99. La propriĂ©tĂ© est maintenant complĂštement enclose de barbelĂ©s. Devant quoi je me sens une Ăąme de communiste. Je n'ai jamais eu celle d'un possesseur. A. Gide, Feuillets d'automne,1949, p. ... je rĂŽdais dans l'appartement avec une Ăąme d'incendiaire; hĂ©las, je n'y mis jamais le feu docile par condition, par goĂ»t, par coutume, je ne suis venu, plus tard, Ă  la rĂ©bellion que pour avoir poussĂ© la soumission Ă  l'extrĂȘme. Sartre, Les Mots,1964, p. P. mĂ©ton.− Personne, chose qui anime la vie de quelqu'un en lui donnant une raison d'ĂȘtre, un contenu, un sens 101. Adieu, femme, tourment, bonheur, espĂ©rance et Ăąme de ma vie, que j'aime, que je crains, qui m'inspire des sentiments tendres qui m'appellent Ă  la nature, et des mouvements impĂ©tueux aussi volcaniques que le tonnerre. NapolĂ©on Ier, Lettres Ă  JosĂ©phine,1796, p. Elle entrerait au Carmel ou dans un de ces Ordres qui vont en PolynĂ©sie, soigner les lĂ©preux. Elle sacrifierait cette vaine beautĂ©, cette vie sans but et sans Ăąme. Daniel-Rops, Mort, oĂč est ta victoire?1934, p. 170.− Âme sƓur. Personne qui a de profondes affinitĂ©s de goĂ»ts, de sentiments... avec une autre personne particuliĂšrement avec une personne du sexe opposĂ©, qui est faite pour s'entendre, pour vivre en harmonie avec elle 103. Tant que sa fortune immense a suffi Ă  ces bienfaits, il a rĂ©ussi Ă  rester ignorĂ©. Mais il a fallu, pour continuer ce rĂŽle sublime, qu'il Ă©tablĂźt des relations avec des Ăąmes sƓurs de la sienne et qu'il formĂąt une association... G. Sand, LĂ©lia,1839, p. 378.− Vieilli. ChĂšre Ăąme, ma chĂšre Ăąme, mon Ăąme. Terme de tendresse, usitĂ© en particulier pour dĂ©signer la femme aimĂ©e 104. − ChĂšre Ăąme, je vous aime... on m'a dit ce que vous souffriez, et je suis accouru... me voici, je vous aime. É. Zola, Le RĂȘve,1888, p. En Principe de la vie affective; siĂšge des sentiments 105. C'est une grande imprudence que d'appliquer sans cesse son jugement Ă  la partie aimante de son ĂȘtre, de porter l'esprit raisonneur dans les passions. Cette curiositĂ© conduit peu-Ă -peu Ă  douter de toutes les choses gĂ©nĂ©reuses; elle dessĂšche la sensibilitĂ©, et tue, pour ainsi dire, l'ame les mystĂšres du cƓur sont comme ceux de l'antique Égypte; tout profane qui cherche Ă  les dĂ©couvrir, sans y ĂȘtre initiĂ© par la religion, est subitement frappĂ© de mort. de Chateaubriand, GĂ©nie du Christianisme, t. 1, 1803, p. − Il y a au-dedans de nous un ĂȘtre immatĂ©riel, qui est comme exilĂ© dans notre corps auquel il doit survivre Ă©ternellement. Cet ĂȘtre, d'une essence plus pure, d'une nature meilleure, c'est notre Ăąme. C'est l'Ăąme qui enfante tous les enthousiasmes, toutes les affections, qui conçoit Dieu et le ciel. V. Hugo, Lettres Ă  la fiancĂ©e,1821, p. Le sentiment est une coloration particuliĂšre de l'Ăąme consciente », qui s'incorpore Ă  la vie inconsciente et participe de toutes ses qualitĂ©s immĂ©diat et sans libertĂ©, ne connaissant ni lassitude ni Ă©ducation, il est soustrait Ă  la volontĂ© et insondable. Par lui, l'Ăąme touche Ă  ces rĂ©gions profondes oĂč toutes les Ăąmes sont en rapport avec leur unitĂ© commune. L'amour, qui en est la forme la plus haute, est la premiĂšre dĂ©livrance de l'existence sĂ©parĂ©e, le premier pas du retour dans le tout ». A. BĂ©guin, L'Âme romantique et le rĂȘve,1939, p. Dans ce sens, Ăąme est d'une part mis en synonymie avec cƓur conçu comme le principe de l'affectivitĂ©, d'autre part mis en opposition avec esprit conçu comme le principe des facultĂ©s intellectuelles, de la raison 108. ... mĂȘme en se rendant aux raisons que je lui exposais, son Ăąme restait froide, quoique son esprit parĂ»t convaincu. Restif de La Bretonne, Monsieur Nicolas,1796, p. − MĂšre, dis-je, ... tu sais comme il est tranquille. ... − Tranquille! on ne sait jamais. Il faudrait ĂȘtre Ă  l'intĂ©rieur, pour savoir. Oui, dans son Ăąme, dans son cƓur. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Jardin des bĂȘtes sauvages, 1934, p. 176.− [En position de compl. dĂ©terminatif] 110. Je crois de plus en plus que ce que nous appelons tristesse, angoisse, dĂ©sespoir, comme pour nous persuader qu'il s'agit de certains mouvements de l'Ăąme, est cette Ăąme mĂȘme, que, depuis la chute, la condition de l'homme est telle qu'il ne saurait plus rien percevoir en lui et hors de lui que sous la forme de l'angoisse. G. Bernanos, Journal d'un curĂ© de campagne,1936, p. Élisabeth, elle, offre un autre aspect de l'Ăąme, est en quelque sorte la sensualitĂ© de l'Ăąme, j'entends par lĂ  tout ce qui se rapporte Ă  la partie affective de l'Ăąme; elle est tout cƓur et tout sentiment, et elle se donne par sentiment. J. Green, Journal,1949, p. ... Leibniz avait entrevu un au-delĂ  de la pensĂ©e perceptible. ... Mais c'est un peintre, Karl Gustav Carus, qui aborda de front le problĂšme et prĂ©cisa l'existence de cette rĂ©gion de l'Ăąme, nourriciĂšre de la sensibilitĂ© et du rĂȘve. R. Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. Syntagmes usuels mouvement, disposition, transport, Ă©lan de l'Ăąme; affections, agitation, Ă©motion, sentiment, passion de l'Ăąme; dĂ©licatesse, sensibilitĂ©, insensibilitĂ©, sĂ©cheresse de l'Ăąme; santĂ©, maladie, plaie de l'Ăąme; plaisir, douleur, souffrance, angoisse, tristesse de l'Ăąme.♩ État d'Ăąme. Ensemble d'impressions, de sentiments ressentis dans une circonstance donnĂ©e 113. Je songe Ă  cette sorte de roman qui s'interdit, dans l'ordre des Ă©tats d'Ăąme, le rĂȘve, la rĂȘverie, les pressentiments... J. Paulhan, Les Fleurs de Tarbes,1941, p. ... il s'est promenĂ© tout le jour, il avait quelque chose Ă  tuer, il ne sait pas s'il y est arrivĂ© quand on ne fout rien, on a des Ă©tats d'Ăąme, c'est forcĂ©. Sartre, La Mort dans l'Ăąme,1949, p. La forĂȘt est un Ă©tat d'Ăąme. Les poĂštes le savent. Les uns l'indiquent d'un trait comme Jules Supervielle qui sait que nous sommes dans les heures paisibles habitants dĂ©licats des forĂȘts de nous-mĂȘmes. G. Bachelard, La PoĂ©tique de l'espace,1957, p. J'apprĂ©ciais son amour de la vĂ©ritĂ©, sa rigueur; il ne confondait pas les sentiments avec les idĂ©es et je me rendis compte, sous son regard impartial, que bien souvent mes Ă©tats d'Ăąme m'avaient tenu lieu de pensĂ©e. S. de Beauvoir, MĂ©moires d'une jeune fille rangĂ©e,1958, p. ext. [En parlant d'un groupe humain] 117. ... maintenant qu'il embrassait par le souvenir, Ă  vol d'oiseau, ces tas d'estaminets et de rues. Il comprenait la signification de ces cafĂ©s qui rĂ©pondaient Ă  l'Ă©tat d'Ăąme d'une gĂ©nĂ©ration tout entiĂšre, et il en dĂ©gageait la synthĂšse de l'Ă©poque. Huysmans, À rebours,1884, p. 230.♩ Vague Ă  l'Ăąme. État de mĂ©lancolie, de vacuitĂ©, plus ou moins maladif, dĂ» p. ex. au dĂ©sƓuvrement, Ă  l'ennui, Ă  la solitude. Avoir du vague Ă  l'Ăąme 118. RenĂ© avait du vague Ă  l'Ăąme »; Ă  prĂ©sent il s'embĂȘte Ă  crever ». RenĂ© n'Ă©tait malade que d'esprit Ă  prĂ©sent il est nĂ©vropathe. Son cas Ă©tait surtout moral il est aujourd'hui surtout pathologique. Vous trouverez la plupart de ces traits chez des Esseintes. Il reprĂ©sente en plus d'un endroit l'ennuyĂ© » d'aujourd'hui. J. LemaĂźtre, Les Contemporains,1885, p. 325.♩ La mort dans l'Ăąme. Faire quelque chose la mort dans l'Ăąme. Contre son grĂ©, avec dĂ©tresse. Avoir la mort dans l'Ăąme. Être dĂ©sespĂ©rĂ© 119. ... le surmoi se fait tour Ă  tour autoaccusateur dans la mĂ©lancolie jusqu'Ă  jeter la mort dans l'Ăąme, persĂ©cuteur par projection au dehors dans la paranoĂŻa, sĂ©grĂ©gateur et obsĂ©dant dans l'automatisme mental. E. Mounier, TraitĂ© du caractĂšre,1946, p. 704.− [QualifiĂ© par un adj.] 120. J'ai fait des Ă©conomies! s'Ă©cria-t-il tout d'un coup. − Ce mot de gĂ©nie changea la physionomie du vieillard et la position de Julien... voilĂ  donc l'amour de pĂšre! se rĂ©pĂ©tait-il l'Ăąme navrĂ©e... P. Bourget, Essais de psychologie contemporaine,1883, p. Syntagmes frĂ©q. Ăąme sensible, dĂ©licate, poĂ©tique, tendre, douce; Ăąme tranquille, sereine, ardente, enthousiaste, passionnĂ©e, exaltĂ©e; Ăąme agitĂ©e, Ă©mue, bouleversĂ©e, troublĂ©e, tourmentĂ©e, inquiĂšte, indignĂ©e; Ăąme heureuse, ravie, triste, endolorie, souffrante, blessĂ©e, dĂ©chirĂ©e, malade, flĂ©trie, brisĂ©e, fatiguĂ©e, Ă©puisĂ©e; Ăąme Ă©prise, solitaire; Ăąme pleine, vide.− [Dans des loc. verbales] 121. Nos ames, comme je l'ai dit, s'Ă©taient Ă©panchĂ©es sans rĂ©serve sur les confins de la Touraine. J. Dusaulx, Voyage Ă  BarĂšge et dans les Hautes-PyrĂ©nĂ©es,t. 1, 1796, p. ... il a nĂ©anmoins beaucoup d'agrĂ©ment dans la physionomie, surtout lorsqu'il est animĂ© par quelque doux sentiment. Son Ăąme passe alors dans ses yeux, et fait disparaĂźtre l'air froid et mĂȘme un peu sombre qu'il a naturellement... J. GuĂ©henno, Jean-Jacques,Roman et vĂ©ritĂ©, 1950, p. Syntagmes frĂ©q. avoir de l'Ăąme, ĂȘtre tout Ăąme, faire quelque chose avec Ăąme; envahir, remplir l'Ăąme, s'emparer de l'Ăąme, habiter l'Ăąme, jaillir de l'Ăąme; faire vibrer l'Ăąme; atteindre, remuer, bouleverser, Ă©branler, chavirer, agiter, tourmenter, blesser, percer, dĂ©chirer, dĂ©vaster, obscurcir l'Ăąme; livrer, ouvrir son Ăąme Ă  quelqu'un; gagner l'Ăąme de quelqu'un.♩ Avoir de l'Ăąme. Avoir une grande sensibilitĂ©; avoir du cƓur, ĂȘtre bon et humain. [En parlant d'une Ɠuvre] Être plein d'Ăąme. Être animĂ© par une grande bontĂ©, une grande humanitĂ©. Manquer d'Ăąme, n'avoir pas d'Ăąme, ĂȘtre sans Ăąme. Manquer, n'avoir pas de cƓur, ĂȘtre insensible et dur. [En parlant d'une chose] Sans Ăąme. Froid, figĂ© 123. Les paroles sont devenues des actions, et tous les cƓurs sensibles vantent avec transport un mĂ©moire que l'humanitĂ© anime, et qui paraĂźt plein de talent parce qu'il est plein d'Ăąme. G. de StaĂ«l, Lettres de jeunesse,1786, p. ... vous ĂȘtes bon, vous, dĂ©licat, sensible; mais Armand n'a point d'Ăąme. Collin d'Harleville, Le Vieux cĂ©libataire,1792, p. ... pour ces guerres dĂ©mentes oĂč sont sacrifiĂ©s les hommes non pas mĂȘme Ă  des chimĂšres, non pas mĂȘme, peut-ĂȘtre, expressĂ©ment aux intĂ©rĂȘts de quelques-uns... mais Ă  un systĂšme sclĂ©rosĂ©, inhumain, sans Ăąme, qui tourne en rond, qui tourne en vrille, conduisant le monde Ă  quelle inimaginable tuerie, Ă  quelle rage hagarde et comme vide − pour ces guerres-lĂ , qui me convaincra d'ĂȘtre un fou ou d'ĂȘtre un lĂąche, si je dis non! A. Gide, Journal,1933, p. Il y a les hommes... » Il vient de se peindre tout entier, ce tendre. − Oui mais il ne sait pas bien dire ça. Il a de l'Ăąme plein les yeux, c'est indiscutable, mais l'Ăąme ne suffit pas. J'ai frĂ©quentĂ© autrefois des humanistes parisiens, cent fois je les ai entendu dire il y a les hommes », et c'Ă©tait autre chose! Sartre, La NausĂ©e,1938, p. Un petit fĂȘtard imbĂ©cile, un petit carnassier dur et sans Ăąme, une petite brute tout juste bonne Ă  aller plus vite que les autres avec ses voitures, Ă  dĂ©penser plus d'argent dans les bars. J. Anouilh, Antigone,1946, p. 187.♩ Être tout Ăąme. Être douĂ© d'une sensibilitĂ© aiguĂ«, toujours en Ă©veil. Fendre l'Ăąme. Fendre le cƓur, toucher au point le plus sensible. ♩ Retrouver son Ăąme de + subst. de temps. Revivre l'Ă©tat d'Ăąme, Ă©prouver Ă  nouveau les sentiments de tel moment du temps 128. Nous nous taisions. La guerre Ă©tait encore si proche que nous retrouvions brusquement, comme si elle fĂ»t restĂ©e attachĂ©e au terrain, notre Ăąme des soirs de relĂšve, cette angoisse active qui tenait tous les sens Ă  l'affĂ»t, cette impression d'une prĂ©sence hostile et cachĂ©e, qui guettait notre montĂ©e. R. Vercel, Capitaine Conan,1934, p. 197.− Principe de la sensibilitĂ©, de l'imagination, de la crĂ©ation artistique 129. ... la poĂ©sie, c'est l'Ăąme, le gĂ©nie, c'est l'Ăąme, ce qu'on appelle mon talent n'est autre chose que mon Ăąme... V. Hugo, Lettres Ă  la fiancĂ©e,1821, p. ... pour une simple image poĂ©tique, il n'y a pas de projet, il n'y faut qu'un mouvement de l'Ăąme. En une image poĂ©tique l'Ăąme dit sa prĂ©sence. Et c'est ainsi qu'un poĂšte pose le problĂšme phĂ©nomĂ©nologique de l'Ăąme en toute clartĂ©. Pierre-Jean Jouve Ă©crit la poĂ©sie est une Ăąme inaugurant une forme. » L'Ăąme inaugure. Elle est ici puissance premiĂšre. Elle est dignitĂ© humaine. G. Bachelard, La PoĂ©tique de l'espace,1957, p. 6.♩ Dans le domaine de l'expression orale, jouer, parler, lire avec Ăąme. Avec beaucoup de sentiment, avec une puissance d'Ă©motion qui rĂ©vĂšle une sensibilitĂ© ell. Avec Ăąme 131. Philippe, avec Ăąme Mais s'il y croit, Madame, s'il y croit! Madame Fernat Alors je le plains beaucoup. Philippe, gravement Moi aussi, je le plains. H. de Montherlant, L'Exil,1929, II, 4, p. Les musiciens disent jouer ou chanter avec Ăąme, c'est-Ă -dire avec expression, chaleur, mouvement, parce que l'Ăąme est l'imitation de la vie. de l'Ăąme dans quelque chose 133. Ils reprirent la scĂšne; elle essayait de mettre de l'Ăąme dans chaque rĂ©plique et ce fut beaucoup plus mauvais que la premiĂšre fois. − Vous en faites trop, dit-il. Soyez plus simple. S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 274.− Au fig. Psychisme que la sensibilitĂ© de l'homme perçoit surtout dans les choses, en s'y projetant; psychisme spĂ©cifique ainsi prĂȘtĂ© Ă  chaque chose, l'homme y projetant des Ă©tats affectifs diffĂ©rents; ce qui est ressenti comme Ă©tant la nature propre et intime d'une chose 134. ... ... Dans les jours lointains je vois ton fils OrphĂ©e, ... ..., tenant la lyre, il chante. ... La tigresse tournait une prunelle d'or Vers ses regards voilĂ©s par ses longues paupiĂšres, Et sa voix Ă©veillait des Ăąmes dans les pierres. T. de Banville, Les Cariatides,La Voie lactĂ©e, 1842, p. C'est l'intuition des harmonies cosmiques qui constitue la part de vĂ©ritĂ© » contenue dans la poĂ©sie, quand elle exprime l'harmonie entre un homme et son milieu, ou qu'elle dĂ©gage l'Ăąme » d'un paysage ou d'une province, l'Ăąme, c'est-Ă -dire son unitĂ© cosmique. Ce qui donne Ă  l'univers sa couleur, ce qui le rend capable de dĂ©clencher des sentiments en nous ce n'est pas ce qu'il contient de mĂ©canismes bien dĂ©terminĂ©s. Mais ces mĂ©canismes se sont peu Ă  peu harmonisĂ©s entre eux pour former des mondes, pourvus d'une sorte de rythme auquel nous nous accordons spontanĂ©ment, parce que nous sommes nous-mĂȘmes créés par la mĂȘme lente formation. R. Ruyer, Esquisse d'une philosophie de la structure,1930, p. Descendre dans la rue pour juger un pays, c'est une habitude latine. Si je cherchais l'Ăąme, le secret de Paris, c'est aux rues de Paris que je le demanderais. P. Morand, Londres,1933, p. ... Je veux dire ce n'est pas une piĂšce de musĂ©e... vos meubles, on ne dit pas voilĂ  des merveilles... non ... mais cette piĂšce a une Ăąme. Toute cette maison a une Ăąme ». Vercors, Le Silence de la mer,1942, p. Breton dans le Second Manifeste Ă©crivit il est clair que le SurrĂ©alisme n'est pas intĂ©ressĂ© Ă  tenir grand compte de tout ce qui se produit Ă  cĂŽtĂ© de lui sous prĂ©texte d'art, voire d'anti art, de philosophie ou d'anti philosophie, en un mot de tout ce qui n'a pas pour fin l'anĂ©antissement de l'ĂȘtre en un brillant intĂ©rieur et aveugle, qui ne soit pas plus l'Ăąme de la glace que celle du feu. » G. Bataille, L'ExpĂ©rience intĂ©rieure,1943, p. L'or lĂ©ger qu'elle murmure Sonne au simple doigt de l'air Et d'une soyeuse armure Charge l'Ăąme du dĂ©sert ». ValĂ©ry rejoint CĂ©zanne au sein du mĂȘme cristal, Ă©blouissant de lumiĂšre et vibrant de mĂ©lodie. R. Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 94.♩ LittĂ©r. L'Ăąme des choses. ,,Objets inanimĂ©s, avez-vous donc une Ăąme / Qui s'attache Ă  notre Ăąme et la force d'aimer?`` A. de Lamartine, Harmonies poĂ©tiques et religieuses, Milly,1830, pp. 15-16.♩ Dans le domaine de la crĂ©ation vie, en particulier la vie intĂ©rieure, la personnalitĂ© que l'artiste imprime Ă  sa crĂ©ation 140. Le peintre donne une Ăąme Ă  une figure, et le poĂšte prĂȘte une figure Ă  un sentiment et Ă  une idĂ©e. Chamfort, Maximes et pensĂ©es,1794, p. Souvent, en contemplant des ouvrages d'art, non pas dans leur matĂ©rialitĂ© facilement saisissable, dans les hiĂ©roglyphes trop clairs de leurs contours ou dans le sens Ă©vident de leurs sujets, mais dans l'Ăąme dont ils sont douĂ©s, dans l'impression atmosphĂ©rique qu'ils comportent, dans la lumiĂšre ou dans les tĂ©nĂšbres spirituelles qu'ils dĂ©versent sur nos Ăąmes, j'ai senti entrer en moi comme une vision de l'enfance de leurs auteurs. Ch. Baudelaire, Paradis artificiels,Le GĂ©nie enfant, 1860, p. Antoine lui-mĂȘme mais un Antoine qui succombe, il [Flaubert] a perdu son Ăąme − je veux dire l'Ăąme de son sujet, qui Ă©tait la vocation de ce sujet Ă  devenir chef-d'Ɠuvre. Il a manquĂ© l'un des plus beaux drames possibles, un ouvrage du premier ordre qui demandait Ă  ĂȘtre. En ne s'inquiĂ©tant pas sur toute chose d'animer puissamment son hĂ©ros, il a nĂ©gligĂ© la substance mĂȘme de son thĂšme il n'a pas entendu l'appel Ă  la profondeur. P. ValĂ©ry, VariĂ©tĂ© 5,1944, p. Principe de la volontĂ© et de l'action, principe et siĂšge de la conscience et de la vie morale 143. En courant les rues en voiture, je rĂ©flĂ©chissais sur la conscience morale que je distingue de la conscience personnelle base de toute philosophie et d'une autre conscience qu'on pourrait appeler rationnelle. Ce sont trois points de vue ou comme trois faces de l'Ăąme humaine ... Maine de Biran, Journal,1818, p. 122.− [En position de compl. dĂ©terminatif] 144. Les souffrances physiques et les privations sont souvent pour les hommes courageux une Ă©preuve d'endurance et de force d'Ăąme. S. Weil, La Pesanteur et la grĂące,1943, p. Elle crie qu'elle n'a rien su, rien ressenti, qu'il me reste la grandeur de son Ăąme, sa fidĂ©litĂ©! Aujourd'hui je suis un mari, je ne me contente pas des mots de prĂ©toire. J'appelle fidĂ©litĂ© pour le corps... J. Giraudoux, Pour LucrĂšce,1944, III, 5, p. La vie et la ferveur et la tendance vers, crĂ©ent l'ordre. Mais l'ordre ne crĂ©e ni vie, ni ferveur, ni tendance vers. Et ceux-lĂ  seuls se trouveront grandis qui, par bassesse d'Ăąme, accepteront le petit bazar d'idĂ©es qui est du formulaire du gendarme, et troqueront leur Ăąme contre un manuel. A. de Saint-ExupĂ©ry, Citadelle,1944, p. Syntagmes usuels grandeur, force, Ă©galitĂ©, simplicitĂ©, bontĂ©, gĂ©nĂ©rositĂ© d'Ăąme; beautĂ©, puretĂ©, noblesse de l'Ăąme; les yeux sont le miroir de l'Ăąme.− [Suivi, parfois prĂ©cĂ©dĂ©, d'un adj. ou accompagnĂ© d'un compl. dĂ©terminatif Ă  valeur mĂ©liorative ou pĂ©j.; s'emploie p. mĂ©ton. pour dĂ©signer une pers.] 147. Il n'est pas rare de voir des Ăąmes faibles qui, par la frĂ©quentation avec des Ăąmes d'une trempe plus vigoureuse, veulent s'Ă©lever au-dessus de leur caractĂšre. Chamfort, Maximes et pensĂ©es,1794, p. À l'exposition du boulevard des Italiens, devant cette Ă©cole, cette peinture pourrie, ces tableaux d'Ă©ventail, ces dentelles et ces bergerades, il me vient l'idĂ©e que c'est pourtant de ce temps qu'est sortie cette ventrĂ©e d'Ăąmes de bronze et de corps de fer, les hommes de la Convention et de l'Empire. E. et J. de Goncourt, Journal,oct. 1860, p. JĂ©rĂŽme Paturot dĂ©sirait un peu vivement une position sociale. C'est d'une petite Ăąme. M. BarrĂšs, Un Homme libre,1889, p. Ces vertus bien françaises dont je ne voudrais cependant pas trop mĂ©dire, sont parmi les plus dangereuses; elles ne supportent pas d'ĂȘtre pratiquĂ©es de façon constante; elles sont Ă  la structure d'une Ăąme virile ce que les tons neutres sont Ă  un tableau colorĂ© des Ă©lĂ©ments rĂ©gulateurs. Mais, de mĂȘme qu'on n'actionne pas un vĂ©hicule Ă  coups de frein, de mĂȘme une grande Ăąme ne s'Ă©lĂšve pas sans un embrasement considĂ©rable, un dĂ©lire profond... A. Lhote, Peinture d'abord,1942, p. Je suis fatiguĂ© de vous, Soubrier, affreusement fatiguĂ© de vous. Vous ĂȘtes une Ăąme pĂ©nible. Cruelle, et d'autant plus cruelle qu'elle est plus faible. Vous ĂȘtes pesant ..., mon pauvre petit. soubrier. − Pourquoi dites-vous pauvre »? Je ne suis pas Ă  plaindre. l'abbĂ©. − Orgueilleuse petite Ăąme d'esclave que vous ĂȘtes, avec vos points d'honneur toujours si mal placĂ©s. Pas Ă  plaindre! H. de Montherlant, La Ville dont le prince est un enfant,1951, I, 1, p. ... sur bien des points je restais dupe des sublimations bourgeoises; eux, ils dĂ©gonflaient impitoyablement tous les idĂ©alismes, ils tournaient en dĂ©rision les belles Ăąmes, les Ăąmes nobles, toutes les Ăąmes, et les Ă©tats d'Ăąme, la vie intĂ©rieure, le merveilleux, le mystĂšre, les Ă©lites; ... S. de Beauvoir, MĂ©moires d'une jeune fille rangĂ©e,1958, p. Syntagmes usuels grande, petite, belle Ăąme; pauvre Ăąme; Ăąme noble, vulgaire; sublime, vertueuse; forte, faible, irrĂ©solue, pusillanime; transparente, pure, sale, noire; innocente, simple, perverse; fiĂšre, Ă©levĂ©e, supĂ©rieure, haute, basse; courageuse, lĂąche; honnĂȘte; charitable, gĂ©nĂ©reuse, bienfaisante, magnanime, intĂ©ressĂ©e, vĂ©nale; Ă©gale, sereine; Ăąme de bronze, de fer, de hĂ©ros, d'Ă©lite, de boue, de laquais, de valet.− Loc. En mon Ăąme et conscience. Formule de serment. En toute sincĂ©ritĂ©, en toute honnĂȘtetĂ© 153. Soyons juste, au point de vue du modernisme, tout cela se vaut, et j'affirme en mon Ăąme et conscience, que je ne vois pas bien la diffĂ©rence qui existe entre certains dessins de bals, gravĂ©s dans des feuilles Ă  images, et le bal en couleur que M. BĂ©raud nous expose. Huysmans, L'Art moderne,1883, p. 172.− P. mĂ©ton. Bonne Ăąme. Personne d'une nature bonne et simple, personne charitable.♩ Par antiphrase 154. ... le roi nomma l'inventeur chevalier de la lĂ©gion d'honneur. Nouvelle rumeur dans la petite ville. Eh bien! C'est la croix qu'il voulait! Le PĂšre Madeleine refusa la croix. DĂ©cidĂ©ment cet homme Ă©tait une Ă©nigme. Les bonnes Ăąmes se tirĂšrent d'affaire en disant aprĂšs tout, c'est une espĂšce d'aventurier. V. Hugo, Les MisĂ©rables,t. 1, 1862, p. 203.− [Dans des loc. verbales] Forger, fortifier, retremper une Ăąme 155. ... il n'est point Ă  distinguer ce qui te ravage de ce qui te fonde, car c'est le mĂȘme vent qui sculpte les dunes et les efface, le mĂȘme flot qui sculpte la falaise et l'Ă©boule, la mĂȘme contrainte qui te sculpte l'Ăąme ou l'abrutit, le mĂȘme travail qui te fait vivre et t'en empĂȘche, le mĂȘme amour comblĂ© qui te comble et te vide. A. de Saint-ExupĂ©ry, Citadelle,1944, p. TECHN. et TECHNOL., par mĂ©taph. [Sert Ă  dĂ©signer ce qui, dans un obj., constitue l'Ă©lĂ©ment central, vital, la partie intĂ©rieure en partic. lorsqu'il s'agit d'un Ă©videment permettant une circulation d'air; est notamment utilisĂ© dans le cadre de l'oppos. corps/Ăąme cf. p. ex. hĂ©rald.]− ARM. Âme d'un canon, d'un fusil. Évidement intĂ©rieur oĂč se place le projectile 156. ... je veux trahir, je lĂšche le canon de mon fusil et son Ăąme Ă  l'intĂ©rieur, son Ăąme, seuls les fusils ont des Ăąmes ... A. Camus, L'Exil et le royaume,1957, p. 1586.− CH. DE FER. Âme du rail. Partie mĂ©diane joignant le patin au AttestĂ© ds Ch. Bricka, Cours de chemins de fer, 1894, p. 299; Nouv. Lar. ill. et Lar. encyclop.− CHIM. ,,Partie centrale d'un fil, d'un charbon pour Ă©lectrodes, etc., lorsqu'on doit les utiliser dans des buts spĂ©ciaux.`` Duval 1959.Rem. Voir d'autre part Lar. encyclop. et son Compl. mĂ©tall. Âme d'une Ă©lectrode de soudure, Ăąme d'une cathode.− ÉLECTR. Âme d'un cĂąble isolĂ©. ,,Partie centrale et mĂ©tallique d'un cĂąble Ă©lectrique, conduisant le courant`` Siz. 1968. Âme cĂąblĂ©e. ,,Ăąme formĂ©e de plusieurs brins conducteurs, assemblĂ©s en toron `` Siz. 1968. Âme massive. ,,Ăąme constituĂ©e par un conducteur unique.`` Siz. 1968.Rem. Mention plus ou moins complĂšte ds LittrĂ©, Nouv. Lar. Lang. fr. et Quillet 1965.− HÉRALD. Âme d'une devise. ,,... paroles qui servent Ă  expliquer la figure reprĂ©sentĂ©e dans le corps d'une devise`` Ac. 1835-1932. La devise avait pour corps un arbre abattu, entourĂ© d'un lierre, et pour Ăąme ces paroles Je meurs oĂč je m'attache.`` Ac. 1835-1932.Rem. AttestĂ© ds la plupart des dictionnaires.− MAR. Âme d'un cordage. ,,Fil intĂ©rieur autour duquel on tresse les torons.`` DG. Synon. mĂšche d'un AttestĂ© ds la plupart des dictionnaires.♩ P. ext. [En parlant d'un cĂąble en acier] 157. Les cĂąbles [en acier] sont constituĂ©s par une Ăąme » sur laquelle s'enroule[nt] un nombre variable de torons » ... J. Guillemin, PrĂ©cis de construction, calcul et essai des avions et hydravions,1929, p. 16.− MUS. Âme d'un instrument Ă  cordes. Petite piĂšce de bois interposĂ©e, dans le corps de l'instrument, entre la table et le fond, les maintenant Ă  la bonne distance et assurant la qualitĂ©, la propagation comme l'uniformitĂ© des vibrations. L'Ăąme d'un violon, d'une contrebasse, d'un violoncelle 158. ... dans un violon, la tĂąble et l'Ăąme sont faites en ÉpicĂ©a... L. Plantefol, Cours de botanique et de biologie vĂ©gĂ©tale, t. 1, 1931, p. 205.− PAPET. ,,Feuilles de carton moulĂ© qui sont couvertes d'une ou de plusieurs couches de papier.`` Lar. 19e-Lar. encyclop..Rem. Lar. 19eet Nouv. Lar. ill. ajoutent ,,On donne encore ce nom Ă  la bande de carton qui, dans une boĂźte, forme la gorge et porte le dessus.``− SCULPT. Âme d'une figure, d'une statue. ,,L'espĂšce de massif, de noyau sur lequel on applique le stuc, le plĂątre, etc., dont on forme une figure, une statue. Les statues d'or et d'ivoire des anciens Grecs avaient une Ăąme ou noyau de cĂšdre, sur lequel s'appliquait par compartiments le revĂȘtement de la sculpture. Il se dit Ă©galement du noyau sur lequel on coule une figure, une statue, et qu'on en retire aprĂšs l'opĂ©ration de la fonte.`` Ac. 1835-1932.Rem. AttestĂ© ds la plupart des dictionnaires.− TECHNOLOGIE♩ Âme d'une fusĂ©e. ,,Trou conique dans le corps d'une fusĂ©e volante.`` Ac. Compl. 1842.Rem. 1. AttestĂ© ds la plupart des dictionnaires. 2. Lar. encyclop. ajoute ,,Dans un artifice ayant une enveloppe tubulaire, partie intĂ©rieure qui est garnie de poudre. Filet axial de matiĂšre explosive, dans un cordeau dĂ©tonant ou non dĂ©tonant.``♩ Âme d'un soufflet. ,,... morceau de cuir qui, formant soupape, laisse pĂ©nĂ©trer l'air dans l'instrument et l'y retient.`` Chesn. 1857.Rem. AttestĂ© ds la plupart des dictionnaires.♩ ,,... petites feuilles de tabac qui remplissent le dedans des andouilles de tabac. Âme d'un rĂŽle de tabac, Le bĂąton autour duquel le tabac cordĂ© est montĂ©.`` Lar. 19eet Nouv. Lar. ill..Rem. AttestĂ© ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845 et LittrĂ©.♩ Âme d'un fagot. ,,Le menu bois, les menues branches qui sont au milieu d'un fagot. Allumer le feu avec l'Ăąme d'un fagot.`` Ac. 1835.Rem. 1. AttestĂ© ds les dict. du xixes. sauf Ac. 1878 et DG. 2. ,,Pop.`` selon Ac. 1835 et Besch. 1845.− TEXT. ,,Noyau d'un gland de passementerie.`` Lar. 19e-Lar. encyclop..Rem. 1. Lar. encyclop. ajoute ,,Partie centrale d'un cĂąble, constituĂ©e le plus souvent de plusieurs fils de caret non ou peu retordus, et qui sert de support aux torons constitutifs du cĂąble. Âme d'un filĂ©, fil de coton ou de soie sur lequel le mĂ©tal est enroulĂ©.`` 2. Seul Besch. 1845 mentionne ,,Âme du mĂ©tier Ă  bas. Assemblage des piĂšces qui contribuent Ă  la formation des mailles.`` ConfirmĂ© par Chesn. 1857.− ZOOL. Âme d'une plume. Tissu que renferme le tuyau de la plume 159. Lorsque la tige et toutes ses barbes sont sorties de la gaĂźne, l'intĂ©rieur de celle-ci se dessĂšche, et on n'y voit plus que des cĂŽnes membraneux enfilĂ©s les uns dans les autres, qui sont semblables Ă  ceux dont le dĂ©veloppement avoit poussĂ© les barbes au dehors et qu'on nomme l'ame de la plume. G. Cuvier, Leçons d'anatomie comparĂ©e,t. 2, 1805p. ET ORTH. − 1. Forme phon. [ɑm]. Grammont Prononc. 1958, p. 29 fait remarquer que ,,a devant consonne non allongeante est postĂ©rieur et long lorsqu'on l'Ă©crit avec un accent circonflexe pĂąte, hĂąte ..., Ăąme, blĂąme, pĂąme, etc., sauf dans les formes verbales comme mangeĂąmes, donnĂątes, oĂč il est antĂ©rieur et bref``. 2. Forme graph. − FĂ©r. 1768 Ă©crit le mot sans accent circonflexe. FĂ©r. Crit. t. 1 1787 fait observer qu',,il convient de mettre sur l'Ăą l'accent circonflexe``. Ac. 1798 Ăąme; Ac. abr. 1832 ame, sans accent circonflexe. L'emploi de l'accent circonflexe est rĂ©g. Ă  partir d'Ac. ET HIST. − 1. Fin ixes. relig. anima principe spirituel de l'homme » Eulalie, P. Meyer, Rec. II, 1, 2 ds Gdf. Compl. Bel avret corps, bellezour anima; 2. 1181 philos. un des deux principes composant l'homme oppos. au corps » G. D'Amiens, Rom. d'Escanor, Ă©d. Michelant, 6682 ds sont tuit conme cors et ame; 3. 1637 manifestation de l'individu comme ĂȘtre pensant » Descartes, MĂ©th., IV ds Rob. Je connus par lĂ  que j'Ă©tais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui pour ĂȘtre n'a besoin d'aucun lieu ni ne dĂ©pend d'aucune chose matĂ©rielle; en sorte que ce moi, c'est-Ă -dire l'Ăąme, par laquelle je suis ce que je suis, est entiĂšrement distincte du corps; 4. a xiiies. ? rendre l'Ăąme mourir » [Ăąme principe de vie chez l'homme]; le terme rendre rĂ©vĂšle la conception, Ă  l'orig. relig., du retour Ă  son auteur, de l'Ăąme, crĂ©ature de Dieu Mir. de N. D., III, 123, v. 1530 ds Gdf. Compl. Amis je te di de ta femme, Pour verite rendue a l'amme, Trepassee est en l'abbaie; 1632 P. Corneille, Clitandre, 226, Ă©d. Marty-Laveaux La peur de sa mort ne me laisse point d'Ăąme; b av. 1630 principe de la vie vĂ©gĂ©tative d'un inanimĂ© » d'AubignĂ©, III, 55, Ă©d. Beaume, de Caussade, Lex. soleil, Ăąme du monde; av. 1630 id. d'un animal » Id., III, 392 ibid. Ăąme sensitive [des animaux] vive Et mouvente; 1690 id. des plantes » Fur. l'Ăąme vegetative est dans les plantes; c d'oĂč emploi fig. Ăąme d'une pers. 1616-20 d'AubignĂ©, Hist., II, 10 ds LittrĂ© Considerez que la Roine-mere est l'Ăąme de l'Estat, elle qui est sans Ăąme, Ăąme d'un inanimĂ© 1656 Pascal, Prov. 5, ibid. La charitĂ© qui est l'Ăąme et la vie de la grĂące; d 1718 imitation de la vie, expression de vie » Ac. On dit donner de l'Ăąme Ă  un ouvrage pour dire exprimer vivement les choses qu'on y reprĂ©sente, y mettre beaucoup de feu ... cela se dit soit en parlant des orateurs et des poĂštes soit en parlant des peintres et des sculpteurs; 5. 1669 principe de la vie affective, source des passions » MoliĂšre, G. Dand. III, 5 ds Rob. De quel coup me percez-vous l'Ăąme; 1672 en parlant des relations amoureuses Racine, Andr. II, 2 ds LittrĂ© L'amour n'est pas un feu qu'on renferme en une Ăąme; 6. xvies. ensemble des facultĂ©s morales » Ronsard, 635 ibid. Âme couarde en un beau corps logĂ©e d'oĂč 1636 cƓur, courage » Corneille, Cid, II, 2 ds Rob. Je suis jeune, il est vrai, mais aux Ăąmes bien nĂ©es, La valeur n'attend pas le nombre des annĂ©es; 7. p. ext. de 4 1177 personne, ĂȘtre vivant » ChrĂ©tien de Troyes, Chev. au Lyon, Ă©d. Foerster, 3035 ds regarde par la forest, S'il verroit nule ame venir; d'oĂč 1633 terme d'affection ma chĂšre Ăąme » Corneille, MĂ©lite, 1567 ds Marty-Laveaux, Lex. des ƒuvres de Corneille; 1637 objet de son amour » Id., Gal. du Palais, 305, ibid. CĂ©lidĂ©e est son Ăąme; 8. av. 1695 ensemble des Ă©tats de conscience communs aux membres d'un groupe » La Fontaine, IX, 15, Ă©d. Gohin Le conte m'en a plus toĂ»jours infiniment Il est bien d'une Ăąme Espagnole; 9. partie essentielle vitale d'une chose » a 1430 d'un moulin 1430, BĂ©thune, ap. La Fons, Gloss. ms., Bibl. Amiens ds Gdf. Un arbre de moulin tout neuf, roie, bras, courbes, ames, gatilles, coyaulx et rayere; b 1470 parole, explication d'une lettre » Lettres de Louis XI, IV, 110 ds Barb. Misc. 27. 1944-52, p. 218 j'ay receu voz lettres et veu bien Ă  plain le contenu en icelles, aussi en la petite ame qui Ă©tait dedans; d'oĂč 1680 id., d'une devise » d'AubignĂ©, ƒuv., IV, 327 ds Gdf. Compl. ... lui fit prĂ©sent d'un bouquet d'olive, de laurier et de cypres joignant au corps de cet emblesme, l'ame qui s'ensuit; c 1611 Ă©videment d'une bouche Ă  feu » Cotgr. ame [...] also the mould that within the bore of artillerie when tis cast d'oĂč 1752 artificier TrĂ©v. Âme. On appelle ainsi le trou conique qu'on pratique dans le corps d'une fusĂ©e volante le long de son axe, pour que la flamme s'y introduise d'abord assez avant pour le soutenir; d 1676 sculpt. FĂ©libien, Principes d'arch., 468 ds Barb., Op. cit., p. 219 Âme ... on appelle ainsi la premiĂšre forme que l'on donne aux figures de stuc lorsqu'on les esbauche grossiĂšrement avec du plastre ...; e 1680 lutherie Rich. Âme. Petit morceau de bois droit, qu'on met dans le corps de l'instrument de musique directement sous le chevalet pour fortifier le son [Ame de poche, de viole et de violon]; f 1680 Ibid. Ame. Ce mot se dit en parlant du fagot. Le bois du milieu du fagot; g 1771 moelle d'une plume » TrĂ©v. On appelle Ăąme ce qui est enfermĂ© dans le creux d'un tuyau de plume; h 1771 Ibid. Ame chez les boisseliers. C'est un morceau de cuir qui forme dans le soufflet une espĂšce de soupape, qui y laisse entrer le vent, lorsqu'on Ă©carte les deux palettes du soufflet, et l'y retient lorsqu'on les comprime l'une contre l'autre; i 1797 mar. Lescallier, Vocab. des termes de mar., ii, 34 ds Barb., Op. cit., p. 220 Âme ou mĂšche d'un cordage, c'est un faisceau ou toron ordinairement de fils blancs et de chanvre mĂ©diocre, ou du second brin, sur lequel, comme sur un axe, on commet et tortille les torons qui doivent composer un cordage Ă  mĂšches; d'oĂč 1816 Beaunier, Loire, Annales des Mines ds Quem. t. 1 1959 les cables goudronnĂ©s par fils et ayant une Ăąme, sont plus durables dans les puits humides; j 1863 text. LittrĂ© On dit qu'une Ă©toffe n'a que l'Ăąme quand elle n'a ni forme ni consistance; k 1894 ch. de fer Bricka, Cours de chemins de fer, p. 293 Ăąme du rail. Du lat. anima proprement souffle, air » dep. Ennius, attestĂ© au sens 4 principe de vie, d'oĂč vie » dep. Ennius Ann. 210 ds Oxford lat. dict., 132, col. 2 ut pro Romano populo... prudens animam de corpore mitto; au sens 2 esprit par oppos. au corps » dep. Pacuvius Trag. 93, ibid. mater terrast parit haec corpus, animam aether adiuget; au sens 4 a Ăąme de l'homme animam efflare, emittere, proflare, expirare, dimittere... d'emploi trĂšs frĂ©q., TLL 70, 59 et sq. b Ăąme des plantes Pline, Nat., 31, 3, ibid., 73, 12 in caelum migrare aquas amimamque etiam herbis vitalem inde deferre; c Ăąme des animaux Virgile, Georg. 3, 495 ds Gaff. dulces animas reddunt vituli; au sens 5 [sens aussi prĂ©sentĂ© par animus] SĂ©nĂšque, Benef., 4, 37, 1 ds TLL 73, 38 hominem venalis animae; au sens 7 Horace, Sat., 1, 5, 41 ds Oxford lat. dict., 132, col. 3 Plotius et Varius Sinuessae Vergiliusque... animae qualis neque candidiores terra tulit; comme terme de tendresse CicĂ©ron, Fam., 14, 14, 2 ibid. Vos meae carissimae animae [de mĂȘme animus Plaute, Asin., 664 ds Gaff. mi anime]. Les sens suiv. sont empr. au lat. animus 3 Plaute, Poen, 1250 ds Oxford lat. dict., 134, col. 2 ita stupida sine animo asto; 5 Plaute, Capt., 782, ibid. 134, col. 3 tanto mi aegritudo auctior est in animo; d'oĂč sentiment amoureux. Id., Asin., 141, ibid., 135, col. 1 amans ego animum meum isti dedi. Le lat. anima est apparu sous cette forme en fr.; voir 1 Eulalie; puis sous les formes suiv. xies. aneme Alex., str. 67bds Gdf. Compl. Deseivret l'aneme del cors sainz Alexis; ca 1100 anme Rol., Ă©d. BĂ©dier, 2396 L'anme del cunte portent en pareĂŻs avec a nasal; ame par assimilation n/m, d'oĂč [m], avec a postĂ©rieur, FouchĂ©, p. 84 PhonĂ©t. 1952, p. 808; fin xiies. arme Garin, 2echanson XVIII ds Gdf. Compl. Il chiet a terre et l'arme s'en parti; ca 1170 alme Ben., D. de Norm., I, 165 ibid. Ne dotent mort, ne lor survient que alme seit ne qu'el devient, par dissimilation du n changĂ© soit en r soit en l dans le groupe -nm- Nyrop t. 1 1938, § 330.STAT. − FrĂ©q. abs. litt. 41 800. FrĂ©q. rel. litt. xixes. a 79 021, b 50 623; xxes. a 65 032, b 44 − Allmen 1956. − 1882. − Bailly R. 1969 [1946]. − Bar 1960. − Barb. Misc. 27 1944-52, pp. 218-223. − 1963. − Barber. 1969. − Barbier P.. Noms de poissons. R. Lang. rom. 1915, t. 58, pp. 270-280. − BĂ©l. 1957. − BĂ©nac 1956. − Bible 1912. − − Bonnel-Tassan 1966. − Bouillet 1859. − Bouyer 1963. − Bruant 1901. − Canada 1930. − Chabat t. 1 1875. − Chesn. 1857. − Cohen 1946, p. 8, 11. − Daire 1759. − Dheilly 1964. − Dup. 1961. − Duval 1959. − Esn. 1966. − FĂ©r. 1768. − 1962. − Franck 1875. − 1968. − Goblot 1920. − Gottsch. Redens. 1930, p. 130, 280, 355; pp. 357-358; p. 381, 404, 461. − Gruss 1952. − Guizot 1864. − Julia 1964. − Lacr. 1963. − Laf. 1878. − Laf. Suppl. 1878. − Lafon 1963. − Lal. 1968. − Lav. Diffic. 1846. − Le ClĂšre 1960. − Le Roux 1752. − LittrĂ©-Robin 1865. − Marcel 1938. − Millepierres F.. L'Âme chez les poĂštes du xixesiĂšcle. Vie Lang. 1968, no198, pp. 542-548; no199, pp. 615-621. − Miq. 1967. − Mots rares 1965. − Nelli 1968. − Noter-LĂ©c. 1912. − Nysten 1814-20. − Piguet 1960. − Poignon 1967. − Pollnow H.. Corps, Ăąme, esprit. ProblĂšmes de structure. Recherches philosophiques. 1936/37, t. 6, pp. 124-143. − Pope 1961 [1952], § 371, 442, 639, 643, 686, 719. − PrĂ©v. 1755. − Romeuf t. 1 1956. − Rougnon 1935. − Sardou 1877. − Siz. 1968. − Sommer 1882. − Synon. 1818. − ThĂ©ol. bibl. 1970. − ThĂ©ol. cath. t. 1, 1 1909. − Timm. 1892. − Tournemille J.. Au jardin des locutions françaises. Vie Lang. 1964, no151, p. 614. − Viollet 1875. − Will. 1831. − Yvon H.. Les Expressions nĂ©gatives dans la Queste del Saint Graal. Romania. 1959, t. 80, no1, p. 75, 77.
Ilest dit qu’un miroir cassĂ© peut apporter 7 ans de malheur. Mais mĂȘme un miroir intact est inquiĂ©tant. La lĂ©gende de l’époque victorienne raconte que les miroirs peuvent voler les Ăąmes. C’est pour cela que les Victoriens couvraient les miroirs lorsqu’une personne mourrait pour que son Ăąme ne reste pas coincĂ©e dans la maison.
Coucou; Pour cotoyer des personnes qui sont aussi victimes de l'alcool qui est devenue leur moyen de "gĂ©rer" leurs Ă©motions comme on dit.. Il n'y a pas d'attention Ă  eux-mĂȘme, comment peut-il y en avoir aux autres ? Je me suis surprise il y a quelques semaines, face Ă  une personne proche, mon frĂšre.. de ressentir la honte. Oui, c'est ça, j'ai ressenti la honte. en fait, oui, si j'avais eu un sentiment Ă  mettre sur mon Ă©motion face Ă  son Ă©tat qui lui faisait dire n'importe quoi j'ai ressenti de la honte "pour lui".. $😒 Il Ă©tait venu me voir sur un stand alors que j'exposais. donc "la honte pour lui".. c'Ă©tait surtout par rapport Ă  l'image que je le vivais mal, en Ă©tant honnĂȘte. L'alcool n'est pas l'ennemi de l'Ăąme.. non, bien sĂ»r.. l'Ăąme n'a pas d'ennemi. Mais mon frĂšre Ă  ce moment lĂ , son problĂšme.. a eu le mĂ©rite de me montrer lĂ  ou je n'Ă©tais pas libre.
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Cette montagne, sorte de chaĂźnon des PyrĂ©nĂ©es, qui lie celles-ci avec les CĂ©vennes et le GĂ©vaudan, et sĂ©pare le dĂ©partement de l’Aude de celui du Tarn, est une contrĂ©e fort pittoresque, peu connue, et qui est empreinte plus que toute autre, en raison mĂȘme de son dĂ©laissement, du type de ses anciens habitants. LĂ , le montagnard des forĂȘts de Lacaune ou des environs d’Angles, revĂȘtu de son brisaout, espĂšce de dalmatique on de lacerna, et racontant avec gravitĂ© les hauts faits des FassiliĂšres et des ArmaciĂšs, rappelle le Gaulois qui plaçait sur sa poitrine quelques feuilles de gui pour se prĂ©server des malĂ©fices, ou le Tascon tirant des prĂ©sages du vol d’un corbeau ou du cri d’une chouette. On sait que des tribus de Tectosages qui occupaient le pays situĂ© entre les CĂ©vennes et les PyrĂ©nĂ©es, Ă©migrĂšrent Ă  diverses Ă©poques, et allĂšrent, sous la conduite d’un chef conquĂ©rant, former un Ă©tablissement en Asie. AprĂšs avoir parcouru et ravagĂ© la GrĂšce, ils s’arrĂȘtĂšrent sur lu bords de l’Hellespont, en Eolide et en Ionie ; et dans l’Asie Mineure ils fondĂšrent Angora aujourd’hui Ancyre. Les descendants de ces Tectosages Ă©prouvĂšrent le besoin de connaĂźtre leur mĂšre-patrie, ils revinrent peu Ă  peu dans les contrĂ©es qui avaient Ă©tĂ© le berceau de leurs ancĂȘtres, et y apportĂšrent les usages des peuples qu’ils abandonnaient. Alors la religion de ces peuples offrit le mĂ©lange du culte primitif des Celtes et du paganisme des Grecs, mĂ©lange qui se compliqua encore, dans la suite, du polythĂ©isme des Romains et des mystĂšres des croyances chrĂ©tiennes. Dans la montagne Noire, ce bizarre assemblage d’idĂ©es et d’actes offre un tableau des plus piquants. Les mauvais gĂ©nies jouent, cela va sans dire, le principal rĂŽle dans les superstitions de ce peuple pasteur. Les Dusiens des Gaulois, les PalamnĂ©ens des Romains ou les ProstropĂ©ens des Grecs se trouvent continuĂ©s chez lui par les FassiliĂšres, phalange de gĂ©nies qui exerce sa puissance, amicale ou destructive, dans toutes les positions de la vie du montagnard. Ces FassiliĂšres ont pour chef un ĂȘtre renommĂ©, appelĂ© Tambourinet ; aprĂšs lui vient le Drac, qui est exactement le Kelpie des Écossais ; puis la Saurimonde, connue en Écosse sous les noms de Senshie et Prownie. Tous suivent, dans chaque lieu, l’hĂŽte qu’ils se sont donnĂ© ; ils s’introduisent dans les recoins les plus cachĂ©s de son habitation, et ils affectionnent particuliĂšrement les Ă©tables oĂč ils sucent le lait des vaches. Le Drac est le plus drĂŽle, le plus bouffon des FassiliĂšres ; jamais il ne nuit d’une maniĂšre grave, et ses espiĂšgleries sont tout Ă  fait celles d’un Ă©colier ou d’un page. Si un soigneux garçon d’écurie a tressĂ© les crins d’une mule, le Drac embrouille aussitĂŽt ce qui a Ă©tĂ© fait ; si l’on a mis du foin dans la crĂšche, il l’éparpille Ă  terre et le remplace par du fumier ; si l’on a sellĂ© le cheval qui doit se mettre en voyage, il retourne malignement la selle, en sorte que la croupiĂšre renferme les oreilles et la bride enlace la queue. AprĂšs cela, il se mĂ©tamorphose en ruban, en peloton, pour tourmenter les jeunes filles, qui ne peuvent alors parvenir Ă  nouer ce ruban sur leur tĂȘte ou Ă  faire un seul point sans que le fil ne casse. C’est un terrible persĂ©cuteur que ce Drac ! Toutefois, on peut aussi l’attraper Ă  son tour. Ainsi, par exemple, on place du petit millet sur une planche de l’étable ; le dĂ©mon ne manque jamais de renverser cette graine, et toujours aussi il cherche Ă  la ramasser ; mais comme ses mains sont percĂ©es Ă  jour de mĂȘme qu’un crible, il ne peut rĂ©ussir Ă  prendre le millet Ă  poignĂ©e, ce qui le met dans une fureur telle, qu’il s’enfuit de l’étable et n’y revient plus de longtemps. La Saurimonde est, au contraire, le modĂšle de la perfidie la plus atroce. Qu’on se reprĂ©sente un bel enfant aux cheveux blonds et bouclĂ©s, aux yeux bleus et Ă  la bouche rosĂ©e, abandonnĂ© au bord d’une fontaine ou dans le carrefour d’une forĂȘt, et appelant de sa douce voix et de ses sanglots une Ăąme charitable qui veuille l’adopter. Une Ăąme charitable ! OĂč n’en trouve-t-on pas ! L’espĂšce humaine est si compatissante ! Les coeurs expansifs ne manquent pas, surtout parmi les bergers et les pastourelles. TantĂŽt c’est un brave garçon qui emporte l’enfant sous sa cape, et qui va le dĂ©poser sur les genoux de sa vieille mĂšre, en la priant d’élever le pauvre orphelin ; d’autres fois, c’est une bonne jeune fille qui jure sur la petite croix qui pend Ă  son cou qu’elle ne se sĂ©parera jamais du gentil frĂšre que la Providence lui a donnĂ©. De part et d’autre, religieuse observation de la promesse. L’enfant grandit. Alors, presque toujours, il devient la femme du berger, qui se trouve avoir contractĂ© mariage avec le diable, ou il endoctrine si bien la vierge qui l’a adoptĂ©, qu’il l’oblige Ă©galement Ă  vouer son avenir Ă  l’enfer. Les fantĂŽmes nocturnes, que les Romains nommaient LĂ©mures ou Larves, et que les Écossais appellent aujourd’hui Gobelins, sont aussi le sujet d’une vive apprĂ©hension dans la montagne Noire oĂč l’on cherche Ă  se dĂ©barrasser par une foule de moyens de leur prĂ©tendue poursuite. Dans le canton de LabruguiĂšre, par exemple, la veille des Rois, les habitants parcourent les rues avec des sonnettes, des chaudrons, tous les ustensiles enfin qui constituent l’harmonie d’un charivari ; puis, Ă  la lueur des torches et des tisons enflammĂ©s, ils se livrent Ă  un vacarme infernal et Ă  des huĂ©es de toute espĂšce, espĂ©rant par lĂ  chasser les revenants et la malins esprits. Cette coutume est absolument celle que pratiquaient les Romains dans les LĂ©muries, fĂȘtes qu’ils cĂ©lĂ©braient le neuviĂšme jour de mai, et qui avaient de mĂȘme pour objet d’expulser les ombres et les fantĂŽmes qui apparaissaient la nuit. Cette fĂȘte durait trois nuits avec l’intervalle d’une nuit entre deux. On jetait des fĂšves dans le feu qui brĂ»lait sur l’autel, et celui qui sacrifiait, mettant d’abord des fĂšves dans sa bouche, les jetait ensuite derriĂšre lui en disant Je me dĂ©livre, moi et les miens. Cette cĂ©rĂ©monie Ă©tait accompagnĂ©e d’un charivari avec des poĂȘles et d’autres vaisseaux de fer qu’on battait, priant les lutins de se retirer, et leur rĂ©pĂ©tant par neuf fois qu’ils s’en allassent en paix sans troubler davantage le repos des vivants. Durant les LĂ©muries, les temples Ă©taient fermĂ©s, et l’on ne faisait aucune noce. On conçoit aisĂ©ment que les esprits sur lesquels agissent les FassiliĂšres doivent aussi subir l’influence des sorciers. Dans la montagne Noire, on nomme ArmaciĂšs celui qui est nĂ© le lendemain de la Toussaint, et que l’on suppose ĂȘtre douĂ© alors de la facultĂ© de seconde vue c’est le Taishar des Écossais. Chez ce dernier peuple, on cĂ©lĂšbre, dans la nuit qui prĂ©cĂšde la Toussaint, une fĂȘte nommĂ©e Halloween durant laquelle il y a, disent les croyants, une sorte de trĂȘve entre l’homme et les gĂ©nies, ce qui donne aux intelligences les plus vulgaires le moyen de connaĂźtre l’avenir. Dans les environs d’Angles, le sorcier s’appelle Pary. On le consulte surtout pour Ă©carter le renard des mĂ©tairies ; ce qu’il obtient en faisant des conjurations aux quatre angles de la maison. Les poules sont alors en sĂ»retĂ©. Toutefois, il faut que le maĂźtre du logis se garde bien de donner des oeufs aux gens qui quĂȘtent aprĂšs avoir tuĂ© un renard ; car dans ce cas, la conjuration perdrait tout son effet. Les vieilles femmes jouent un grand rĂŽle dans la sorcellerie ; mais, lorsqu’on les trouve dans une Ă©table, opĂ©rant un malĂ©fice, on peut, Ă  l’aide de quelques coups de bĂąton, les obliger Ă  remĂ©dier elles-mĂȘmes au mal qu’elles ont commis. Ainsi, lorsque ces mĂ©chantes crĂ©atures font rendre du sang Ă  une vache, au lieu de lait, il est facile, si on les surprend en flagrant dĂ©lit, de rĂ©tablir la choses dans leur Ă©tat normal. On force les sorciĂšres Ă  prononcer quelques paroles de leur grimoire, et aussitĂŽt on voit entrer par la porte de l’étable, de petits ruisseaux de lait qui vont reprendre leur place dans le ventre de la vache. Afin que les sorciĂšres demeurent sans puissance sur les vaches, il faut attacher du vif argent au cou de celles-ci, ou bien enfermer un crapaud dans une cruche que l’on tient constamment dans l’étable. Il faut bien se garder de toucher la main d’un sorcier mourant ; car on deviendrait sorcier comme lui. Malheur aussi aux enfants qui naissent le jour d’un fait d’armes leur Ăąme sortira ou rentrera Ă  volontĂ© dans leur corps ; ils tourmenteront force gens durant le sommeil, et deviendront enfin sorciers eux-mĂȘmes sous le nom de masques. Une sorciĂšre de cette classe se trouvait un jour parmi des moissonneurs oĂč elle s’endormit vers le midi. Comme elle Ă©tait soupçonnĂ©e depuis longtemps d’avoir des intelligences avec le diable, on se douta que son Ăąme avait choisi ce moment peur aller en promenade. Pour s’en assurer, on transporta le corps Ă  une certaine distance, et l’on mit une grande cruche Ă  sa place. Quand l’ñme revint de son excursion, elle alla en effet se loger dans la cruche, et fit rouler celle-ci de cĂŽtĂ© et d’autre, jusqu’à ce que se rapprochant du corps, elle s’y rĂ©tablit. Ce qu’il y a de remarquable ici, c’est que cette lĂ©gende, trĂšs accrĂ©ditĂ©e dans la montagne Noire, semble aussi avoir Ă©tĂ© empruntĂ©e aux anciens. Hermotine, citoyen de ClazomĂšne, ville d’Ionie, dans l’Asie Mineure, avait une Ăąme qui se sĂ©parait souvent de son corps pour aller se promener en divers lieux. Un jour, qu’il avait prescrit Ă  sa femme qu’on ne touchĂąt point Ă  son corps quand on le verrait immobile, et qu’elle n’en avait tenu compte, elle en parla Ă  ses voisins qui vinrent aussitĂŽt brĂ»ler le corps, ce qui empĂȘcha l’ñme d’y entrer, et l’obligea d’aller se rĂ©fugier dans un vase qu’elle faisait rouler çà et lĂ .
SelonKant, il faut distinguer l' opinion et la foi: l'opinion porte sur un objet de savoir possible (nous aurons un jour les moyens de savoir si Mars est habitée : celui qui est convaincu qu'il y a bien des Martiens émet donc une opinion) ; la foi, en revanche, porte sur des objets indémontrables (je ne pourrai jamais démontrer l'existence de Dieu ou l'immortalité de l'ùme).
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CroyanceQue Tout Objet A Une Âme . CodyCross Sous L Ocean Groupe 26. Toutes les rĂ©ponses Ă  CodyCross Sous L Ocean. DĂ©finition Solution; Lieu OĂč Le Fleuve Atteint La Mer: ESTUAIRE: Croyance Que Tout Objet A Une Âme: ANIMISME "ĂȘtre TirĂ© À Quatre __ "EPINGLES: CĂ©lĂšbre David Du Judo Français: DOUILLET : Nom DonnĂ© À La Citadelle Des La rĂ©incarnation est une des croyances les plus anciennes au monde. Qui n’a pas rĂȘvĂ© au moins une fois que cette vie n’était pas la seule ? Vous faites peut-ĂȘtre partie de ceux qui perçoivent des souvenirs » Ă©tranges, inexpliquĂ©s
 et qui se demandent s’ils ne proviennent pas d’une vie antĂ©rieure. Mais commençons par le commencement
 1. Qu’est-ce que la rĂ©incarnation ? La rĂ©incarnation est le processus par lequel l’ñme ou la conscience, ou encore l’esprit, si vous prĂ©fĂ©rez revient sur Terre aprĂšs la mort et se rĂ©incarne dans un autre corps, pour vivre une nouvelle existence. L’ñme traverse ainsi plusieurs rĂ©incarnations. Chacune d’entre elles lui sert Ă  apprendre une leçon, Ă  accomplir une mission, Ă  Ă©voluer. Selon la croyance, l’ñme traverse donc autant de rĂ©incarnations que nĂ©cessaire, afin de se transformer et d’évoluer vers des Ă©tats spirituellement supĂ©rieurs. Tout cela forme le cycle de la mort et de la renaissance. Il existe toujours une ”derniĂšre rĂ©incarnation”, celle qui marque la fin de l’évolution, l’aboutissement. Une fois cette derniĂšre rĂ©incarnation terminĂ©e, l’ñme atteint l’état suprĂȘme d’évolution et n’est plus obligĂ©e de revenir sur Terre sous une forme physique pour apprendre. On parle Ă©galement de migration de l’ñme » ou de mĂ©tempsycose . Ce mot vient du grec ancien metempsĂșkhĂŽsis et veut dire dĂ©placement de l’ñme, transfert de l’ñme dans un corps diffĂ©rent. 2. D’oĂč vient la croyance en la rĂ©incarnation ? C’est une des plus vieilles croyances de l’humanitĂ©. Elle vient de l’Orient, mais elle est prĂ©sente partout dans le monde, dans de trĂšs nombreuses cultures. En Occident, c’est Allan Kardec le fondateur du spiritisme qui a commencĂ© Ă  utiliser ce mot en 1857. Mais en rĂ©alitĂ©, le concept remonte Ă  l’aube des temps. Cela remonte probablement Ă  l’époque de l’Égypte Ancienne. Dans la GrĂšce Antique, au 5Ăš siĂšcle av. le philosophe et historien HĂ©rodot Ă©tudie le concept, affirmant que la rĂ©incarnation fait partie de la doctrine Ă©gyptienne. C’est sur cette base que toute la croyance autour de la rĂ©incarnation se serait dĂ©veloppĂ©e, Ă  travers l’hindouisme, le bouddhisme, les cultes africains, la Kabbale juive ou le Spiritisme en Occident. Dans le bouddhisme, la rĂ©incarnation est une notion fondamentale. On parle frĂ©quemment de renaissance et de continuitĂ© de l’ñme. On parle Ă©galement de ”Samsara” le cycle des vies qui s’enchaĂźnent les unes aprĂšs les autres selon la loi de la causalitĂ©, ou le Karma. Dans le judaĂŻsme, la rĂ©incarnation est Ă©tudiĂ©e dans les textes de la Kabbale, qui parle de transmigration gilgul » et de retour teshouva ». Dans l’islam, cette idĂ©e est officiellement rejetĂ©e, bien que certains courants chiites ou soufis y croient. Dans le christianisme, cette hypothĂšse est rejetĂ©e Ă©galement. Le concile ƓcumĂ©nique de Constantinople avait mĂȘme fermement condamnĂ© la metempsychose en 553, considĂ©rant qu’elle va Ă  l’encontre de la rĂ©surrection du Christ. 3. Les preuves de l’existence de la rĂ©incarnation Le DalaĂŻ-Lama Il n’y a aujourd’hui aucune preuve scientifique qui dĂ©montre, au-delĂ  de tout doute possible l’existence de la rĂ©incarnation. En revanche, d’innombrables faits et tĂ©moignages troublants ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s Ă  travers le monde et continuent Ă  l’ĂȘtre. Une des preuves les plus cĂ©lĂšbres est l’existence mĂȘme du DalaĂŻ-Lama. Le DalaĂŻ-Lama actuel, 14e de son nom a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© en 1939. AprĂšs la mort du 13e DalaĂŻ-Lama, les moines chargĂ©s de retrouver sa rĂ©incarnation donc le 14e DalaĂŻ-Lama sont partis Ă  sa recherche dans une contrĂ©e lointaine. ArrivĂ©s dans un village perdu, un jeune enfant les a tout de suite reconnus. Il s’est adressĂ© Ă  eux dans leur langue, que personne d’autre ne connaissait dans le village. Il s’agissait du dialecte tibĂ©tain de Lhassa, la langue du 13Ăš DalaĂŻ-Lama. L’enfant ĂągĂ© de 2 ans a ensuite dĂ©montrĂ© qu’il Ă©tait rĂ©ellement la 14e rĂ©incarnation. Il a rĂ©pondu aux critĂšres exigĂ©s par la tradition il a reconnu les objets appartenant au prĂ©cĂ©dent DalaĂŻ-Lama et il portait toutes les distinctions physiques des grands leaders spirituels. Le professeur et psychiatre canadien, Ian Stevenson est cĂ©lĂšbre pour ses recherches autour de la rĂ©incarnation. Il a Ă©tudiĂ© plus de 14000 enfants qui affirmaient se rappeler leurs vies antĂ©rieures. Les souvenirs d’une vie passĂ©e Ă©taient en corrĂ©lation avec une blessure ou une malformation prĂ©sente chez l’enfant. Ses travaux ont Ă©tĂ© publiĂ©s en français sous le titre RĂ©incarnation et biologie ». Dans ce livre, le psychiatre parle notamment d’un jeune enfant indien avec une malformation de la main qui raconte un souvenir d’une vie antĂ©rieure. Selon ses dires, une machine agricole lui avait sectionnĂ©e les doigts. L’enfant indiquait avec prĂ©cision le lieu et la date de l’accident et ces informations ont Ă©tĂ© confirmĂ©es par une enquĂȘte ultĂ©rieure. HĂ©las, ses collĂšgues ont considĂ©rĂ© que les travaux de Stevenson n’avaient pas une base scientifique assez solide et ils les ont largement critiquĂ©s. Ceci dit, leur auteur affirmait lui-mĂȘme qu’il ne voulait pas prouver Ă  tout prix la rĂ©incarnation, mais il voulait suggĂ©rer son existence » par des tĂ©moignages. Son Ă©tude Ă©tait davantage une invitation Ă  l’analyse et Ă  l’ouverture d’esprit, sans aucune prĂ©tention de vĂ©ritĂ© absolue. 4. Faut-il croire Ă  la rĂ©incarnation ? La science ne sait pas rĂ©pondre Ă  cette question aujourd’hui. Quant aux diffĂ©rents courants spirituels, ils ont des visions trĂšs diverses du phĂ©nomĂšne. Pour le spiritisme, la rĂ©incarnation est liĂ©e Ă  la justice divine. Dieu ou selon les croyances, le Divin ou l’énergie universelle offre Ă  l’esprit humain la possibilitĂ© d’évoluer, au lieu de subir aprĂšs la mort le jugement radical qui l’emmĂšne soit vers le paradis soit vers l’enfer. Dans cette croyance spiritiste inspirĂ©e d’Alain Kardec, l’individu ne se souvient pas forcĂ©ment de ses vies antĂ©rieures. Mais il doit travailler constamment Ă  son progrĂšs spirituel, afin d’atteindre l’état suprĂȘme d’évolution sacrĂ©e, qui le dĂ©livrera du cycle des rĂ©incarnations. La Wicca, tradition aujourd’hui trĂšs rĂ©pandue dans le monde occidental, dĂ©fend Ă©galement cette vision de la rĂ©incarnation. Ce qui compte, c’est de mener cette vie terrestre dans le respect de soi et d’autrui. L’ĂȘtre humain est libre de faire ce qu’il souhaite tant que cela ne nuit Ă  personne. Mais si cela arrive, si les actions d’un individu nuisent Ă  quelqu’un d’autre, les consĂ©quences nĂ©gatives se reflĂštent obligatoirement sur la vie suivante et mĂšnent Ă  une existence malheureuse et pleine d’embĂ»ches. Ceci se rapproche aussi de la loi karmique ». Autrement dit, nous subissons toujours les consĂ©quences du mal qu’on fait Ă  quelqu’un. Si ce n’est pas dans cette vie, ce sera dans la prochaine. Que choisissez-vous ? Que vous choisissiez de croire ou non Ă  la rĂ©incarnation, son existence ne peut pas ĂȘtre ignorĂ©e complĂštement. La rĂ©incarnation fait partie des croyances depuis tellement longtemps, et de façon tellement rĂ©pandue, que nous pouvons la considĂ©rer comme une partie du patrimoine universel. Ce qui est sĂ»r, c’est qu’elle nous rĂ©conforte, parce qu’elle offre une rĂ©ponse Ă  la question Que se passe-t-il aprĂšs la mort ? » La vie s’arrĂȘte-t-elle dĂ©finitivement une fois que notre corps physique meurt ? » La mort serait-elle la fin de tout ? Ceci semble absurde et inacceptable aux yeux de beaucoup de gens. L’idĂ©e que nous puissions revenir Ă  la vie aprĂšs la mort est quelque chose qui apaise notre angoisse. Il reste bien sĂ»r de nombreuses questions sans rĂ©ponse. Par exemple Combien de temps aprĂšs la mort la rĂ©incarnation se produit-elle ? Faut-il chercher Ă  tout prix Ă  se souvenir de ses rĂ©incarnations antĂ©rieures, de ses vies passĂ©es ? Surtout, il ne suffit pas de s’accrocher aveuglement Ă  l’idĂ©e que nous reviendrons sur terre aprĂšs la mort. Il s’agit surtout de comprendre pourquoi nous le faisons. C’est cela qui donne peut-ĂȘtre un sens plus profond Ă  notre vie. Car si une deuxiĂšme, une troisiĂšme vie nous attend aprĂšs notre premiĂšre, ce sont autant de chances de faire mieux que dans la prĂ©cĂ©dente. Cela nous pousse Ă  vouloir ĂȘtre meilleurs. Et puis, la rĂ©incarnation est surtout la preuve que l’esprit la conscience survit au corps physique qui, lui, est Ă©phĂ©mĂšre. Le corps n’est qu’un vĂ©hicule qui transporte notre Ăąme. La mort signifie tout simplement que nous quittons un vĂ©hicule pour en emprunter un autre. Ce serait donc judicieux d’accorder plus d’importance Ă  notre esprit et Ă  notre apprentissage, Ă  notre ouverture, plutĂŽt qu’aux aspects matĂ©riels de la vie. Lessolutions pour CROYANCE QUE TOUT OBJET À UNE ÂME de mots flĂ©chĂ©s et mots croisĂ©s. 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RĂ©ponse(1 sur 4) : L'Ăąme est un concept spirituello religieux sans aucun rapport avec LES sciences (parler de LA science me semble complĂštement inappropriĂ©, car ça n'existe pas). L'Ăąme est une croyance - dont rien ne fonde la rĂ©alitĂ©. Il existe une croyance rĂ©pandue selon laquelle une photographie peut voler l’ñme, la piĂ©ger, l’emprisonner dans les Ă©lĂ©ments organiques de la mĂȘme ou de la photographie numĂ©rique elle-mĂȘme. Cette croyance a Ă©voluĂ© de diffĂ©rentes maniĂšres pour de nombreuses cultures, mais on pense que ses origines proviennent de la croyance au pouvoir des miroirs. Dans le folklore, les miroirs ont le pouvoir de voler les Ăąmes. La superstition de briser un miroir et d’appeler ainsi la malchance est due Ă  la croyance qu’un miroir contient l’ñme et que la rupture cause des dommages Ă  l’ les temps anciens, les Grecs, les Romains, les Égyptiens et de nombreuses autres cultures utilisaient des surfaces rĂ©flĂ©chissantes comme des miroirs pour pratiquer la divination, la capacitĂ© de prĂ©dire l’avenir. Les miroirs Ă©taient Ă©galement considĂ©rĂ©s comme une partie importante de la religion et de la culture mayas. On pense que les miroirs ouvrent des portails dimensionnels, permettant aux dieux et aux ancĂȘtres d’accĂ©der Ă  divers vol des Ăąmes Ă  travers la photographie dans diverses culturesAu Chiapas, au Mexique, il y a des peuples qui ont toujours les mĂȘmes croyances que les anciens Mayas. À San Juan Chamula, il est illĂ©gal de prendre des photos dans l’église. Si une personne est prise avec une camĂ©ra dans une Ă©glise, cela est considĂ©rĂ© comme un crime avec une peine de prison. Certains AmĂ©rindiens refusent aujourd’hui d’ĂȘtre photographiĂ©s. L’un des AmĂ©rindiens les plus cĂ©lĂšbres de l’histoire, Crazy Horse n’a jamais Ă©tĂ© photographiĂ© de son vivant. Il n’a jamais permis qu’une seule photographie soit prise, mĂȘme aprĂšs sa mort. La tribu amĂ©ricaine des Navajo pratique une cĂ©rĂ©monie religieuse, connue sous le nom de chant ».rĂ©cupĂ©rer une Ăąme. Mais il semble qu’au fil du temps, certains AmĂ©rindiens ont acceptĂ© la photographie de la fin des annĂ©es 1800 Ă  nos jours. L’attitude nĂ©gative envers les photographies a Ă©voluĂ© vers une attitude positive, mĂȘme les photographies ont Ă©tĂ© intĂ©grĂ©es dans les cĂ©rĂ©monies praticiens du vaudou croient Ă  la magie Ă©nergĂ©tique » . Les principes de la magie Ă©nergĂ©tique indiquent un lien puissant entre des entitĂ©s d’apparence similaire ou lorsqu’elles entrent en contact les unes avec les autres. Des objets personnels tels que des photographies, des ongles ou des cheveux sont utilisĂ©s pour lancer une malĂ©diction ou un sort. Pour cette raison, certains praticiens du vaudou sont prudents avec les photographies, car il s’agit d’un objet puissant ayant la capacitĂ© de faire du les ĂąmesLa photographie, plus que toute autre forme d’art, a la capacitĂ© de capturer un Ă©lĂ©ment vivant, un point de l’ñme. La plupart des gens pensent que photographier un moment dans le temps capture une essence qui est normalement perdue dans l’histoire. Mais les images photographiques capturent bien plus qu’un aspect de ce moment vĂ©cu, la photographie capture littĂ©ralement un Ă©lĂ©ment de la force vitale qui Ă©tait prĂ©sente au moment oĂč la photographie a Ă©tĂ© processus consistant Ă  voler un Ă©lĂ©ment de la vie Ă  travers une photographie cause de grands dommages Ă  la force vitale. Beaucoup de gens prĂ©tendent que la photographie sans leur consentement capture une particule de leur essence vivante, vole un Ă©lĂ©ment de leur Ăąme. Pour de nombreux mĂ©diums, les gens transmettent continuellement un type d’énergie. Cette Ă©nergie contient des informations, et elle peut ĂȘtre reçue et traduite. Lorsqu’une personne prend une photo de quelqu’un, elle capture un instantanĂ© de son la plupart des gens autorisent la prise de photos, mais pas les enfants. À l’heure actuelle, on pense que l’ñme des bĂ©bĂ©s est fragile et susceptible de quitter le corps. Photographier un bĂ©bĂ© pourrait endommager l’ñme, empĂȘchant son retour dans le corps. L’ñme est prĂ©cieuse Ă  tous les niveaux, et bien qu’avec le temps la croyance de voler l’ñme Ă  travers les photographies ait progressivement Ă©tĂ© oubliĂ©e, de nombreuses personnes continuent de vouloir se protĂ©ger contre le vol d’une partie de leur Ăąme.
L animisme (du latin animus, originairement « esprit », puis « Ăąme ») est la croyance en un esprit, une force vitale, qui anime les ĂȘtres vivants, les objets mais aussi les Ă©lĂ©ments naturels, comme les pierres ou le vent, ainsi qu'en des gĂ©nies protecteurs 1 . Ces Ăąmes ou ces esprits mystiques, manifestations de dĂ©funts ou de
Laurent Cournarie 2017 Au sens strict ou en droit du moins pour la philosophie, la question de Dieu et la question de la religion sont distinctes. Une religion sans dieu est possible — comme une religion de l’humanitĂ©, de l’histoire, par transfert de l’absolu sur un objet autre que Dieu ; inversement Dieu n’implique pas la religion — c’est une idĂ©e ou une hypothĂšse que la philosophie peut examiner en elle-mĂȘme, en dehors de toute religion. La preuve de l’existence de Dieu est une question mĂ©taphysique et non pas religieuse par dĂ©finition l’existence de Dieu est admise par toute religion[1]. Dieu est une idĂ©e la religion une institution. La religion est le culte rendu Ă  Dieu, non Dieu mĂȘme. La religion impossible sans l’hypothĂšse de Dieu Pour autant, on ne peut dissocier complĂštement ou dĂ©finitivement les deux questions. Peut-on imaginer un monde sans religion ? Ce monde possible serait-il meilleur ? On pourrait dire que ce monde-lĂ  ferait prĂ©cisĂ©ment monde, parce que les religions n’opposeraient pas les hommes. Tous les hommes sans religion seraient citoyens du mĂȘme monde, peut-ĂȘtre moins mauvais ou moins violent. R. Dawkins dans Pour en finir avec Dieu Ă©crit en introduction Imaginez, avec John Lennon, un monde sans religion. Pas d’attentats suicides, pas de 11 septembre
 pas de croisades 
 pas de guerres israĂ©lo-palestiniennes 
 pas de talibans pour dynamiter les statues anciennes
 » p. 12. Et la liste pourrait s’allonger Ă  l’infini en s’enfonçant dans le passĂ©. Toutes les religions prĂŽnent la paix, mais aucune ne s’est privĂ©e de faire la guerre. Peut-ĂȘtre toute guerre religieuse est-elle en rĂ©alitĂ© politique, ce qui disculpe la religion. Tout est politique, la religion est un prĂ©texte il faudrait parler d’un politico-thĂ©ologique. Mais l’hypothĂšse inverse thĂ©ologico-politique n’est pas moins plausible En Irlande du Nord, on utilise les euphĂ©mismes de “nationalistes“ et “loyalistes“ pour dĂ©signer respectivement les catholiques et les protestants. Le mot mĂȘme de “religion“ est expurgĂ© en “communautĂ©â€œ comme dans “luttes intercommunautaires“. A la suite de l’invasion anglo-amrĂ©icaine de l’Irak en 2003, ce pays a dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© en une guerre civile oĂč s’affrontent les musulmans sunnistes et shiites c’est un conflit religieux Ă  l’évidence. Pourtant dans l’Independent du 20 mai 2006, le gros titre Ă  la une et le premier article de fond le prĂ©sentait comme un “nettoyage ethnique“ » Dawkins, ibid., p. 34 — ce qui souligne peut-ĂȘtre l’insuffisance de toute lecture exclusivement gĂ©o-politique des conflits religieux les puissances occidentales ont dĂ©stabilisĂ© la rĂ©gion du Moyen Orient mais n’ont pas engendrĂ© le conflit entre le sunnisme et le chiisme qui a pour objet depuis la mort de Mahomet la succession lĂ©gitime du prophĂšte entre les compagnons et les membres du clan. La religion est politique en soi mĂȘme quand elle le nie si elle consiste Ă  “relier“ les normes sociales Ă  un fondement transcendant politique hĂ©tĂ©ronome — tandis qu’en aval les hommes sont en lutte pour s’approprier le pouvoir suprĂȘme d’énoncer ce qu’est la religion. Mais quand bien mĂȘme la religion serait toujours “instrumentalisĂ©e” comme on dit pour justifier la guerre — qui a toujours des motifs politiques — cela ne serait pas plus Ă  son avantage. Car, c’est la cause de Dieu qui envenime toutes les relations humaines, exacerbe les passions, dresse les groupes entre eux et conduit les hommes aux pires exactions. “Dieu, que d’atrocitĂ©s n’a-t-on pas commis en ton nom”. Hommes, femmes, enfants, empalĂ©s, embrochĂ©s, dĂ©capitĂ©s, amputĂ©s, crucifiĂ©s, brĂ»lĂ©s, Ă©gorgĂ©s, Ă©viscĂ©rĂ©s, Ă©crasĂ©s 
 Les CroisĂ©s ont cĂ©lĂ©brĂ© la prise de JĂ©rusalem en massacrant les Musulmans et les Juifs. Les Juifs ont tuĂ© tous les hommes, les femmes, les enfants et les animaux de JĂ©richo sur ordre de Dieu DeutĂ©ronome 621. Les chrĂ©tiens se sont entretuĂ©s au nom du Christ. Montaigne jugeait moins barbares les cannibales du BrĂ©sil qu’il avait rencontrĂ©s Ă  Rouen en 1562 que ses contemporains capables, en proie aux guerres de religion, de faire exploser le ventre des femmes enceintes en bourrant le vagin de poudre Ă  canon. MĂȘmes les pacifiques bouddhistes Ă  l’occasion ont su manier le sabre tandis que les hindous ont commis des abominations au cours de la partition de l’Inde et du Pakistan en 1947. La croyance produit une fidĂ©litĂ© communautaire Ă  toute Ă©preuve qui libĂšre aveuglĂ©ment l’agressivitĂ© dĂ©sormais sacralisĂ©e. Face Ă  ces tourments, ces lamentations, ces larmes et ces cris de douleur et d’horreur qui montent depuis la nuit des temps, il faut se rappeler LucrĂšce. Ce n’est pas la doctrine d’Epicure condamnant la superstition qui est impie mais la religion condamnant l’éthique Ă©picurienne Quod contra saepius illa religio peperit scelorosa atque impia facta. 
 Tantum religio potuit suadere malorum ! » De la nature des choses, I, 82-83, 101. AprĂšs l’éloge de son maĂźtre qui a sauvĂ© l’humanitĂ© Ă©crasĂ©e sous le poids de la religion , en contre-point LucrĂšce dĂ©crit le sacrifice d’IphigĂ©nie. Au XXĂš siĂšcle, Bergson Ă©crira encore Le spectacle de ce que furent les religions, de ce que certaines sont encore, est bien humiliant pour l’intelligence humaine. Quel tissu d’aberrations ! L’expĂ©rience a beau dire c’est faux » et le raisonnement c’est absurde », l’humanitĂ© ne s’en cramponne que davantage Ă  l’absurditĂ© et Ă  l’erreur. Encore si elle s’en tenait lĂ  ! Mais on a vu la religion prescrire l’immoralitĂ©, imposer des crimes. Plus elle est grossiĂšre, plus elle tient matĂ©riellement de place dans la vie d’un peuple. Ce qu’elle devra partager plus tard avec la science, l’art, la philosophie, elle l’obtient d’abord pour elle seule. Il y a lĂ  de quoi surprendre quand on a commencĂ© par dĂ©finir l’homme comme un ĂȘtre intelligent. Notre Ă©tonnement grandit, quand nous voyons que la superstition la plus basse a Ă©tĂ© pendant si longtemps un fait universel. Elle subsiste d’ailleurs encore. On trouve dans le passĂ©, on trouverait mĂȘme aujourd’hui, des sociĂ©tĂ©s qui n’ont ni science, ni art, ni philosophie. Mais il n’y a jamais eu de sociĂ©tĂ© sans religion. Quelle ne devrait pas ĂȘtre notre confusion, maintenant, si nous nous comparons Ă  l’animal sur ce point ! TrĂšs probablement l’animal ignore la superstition. Nous ne savons guĂšre ce qui se passe dans des consciences autre que la nĂŽtre; mais comme les Ă©tats religieux se traduisent d’ordinaire par des attitudes et par des actes, nous serions bien avertis par quelque signe si l’animal Ă©tait capable de religiositĂ©. Force nous est donc d’en prendre notre parti. L’homo sapiens, seul ĂȘtre douĂ© de raison, est le seul aussi qui puisse suspendre son existence Ă  des choses dĂ©raisonnables. » Les deux sources de la morale et de la religion, 1932 Sans Dieu, sans l’attachement des nations Ă  leur Dieu dieu de la tribu, du clan, du peuple Ă©lu
, la violence aurait-elle Ă©tĂ© si impitoyable et si constante ? Quelques que soient les dieux ou le dieu, quelques soient les sociĂ©tĂ©s ou les Ăąges, les religions ont justifiĂ© tous les crimes il suffit de dĂ©clarer un acte sacrilĂšge, un homme impie, pour dĂ©chaĂźner contre lui une cruautĂ© est sans limite. Donc c’est la croyance en Dieu Ă  la fois qui fait l’autoritĂ© et la pĂ©rennitĂ© des religions dans l’histoire et qui, au moins, avive les conflits entre les hommes. Dieu n’est peut-ĂȘtre pas l’objet de la religion c’est seulement le culte rendu Ă  Dieu — c’est pourquoi la religion est dĂ©finie par Thomas d’Aquin comme la vertu annexe de la justice mais sans l’hypothĂšse que Dieu existe, la religion serait elle-mĂȘme sans objet. Donc si l’on parvient Ă  prouver l’inexistence de Dieu, on prouve la vanitĂ© de la religion et on rend possible une humanitĂ© sans religion. Autrement dit, Dieu n’est pas la religion, mais il n’y a pas de religion sans la croyance en Dieu — puisque Dieu est le nom de l’absolu dont la religion assume jalousement la position exclusive. Donc trois choses sont indissociables la religion, la croyance, l’existence de Dieu. Or en liant religion-croyance-Dieu, on soulĂšve au moins trois questions essentielles 1 Quel type de croyance est la foi religieuse ? 2 Peut-on dĂ©montrer l’existence ou l’inexistence de Dieu ? 3 Sans la croyance en Dieu tout est-il permis ou, Ă  l’inverse, tout n’est-il pas permis au nom de Dieu ? Et toutes ces questions interrogent d’une maniĂšre ou d’une autre la rationalitĂ© de la religion ou de la croyance religieuse. 1’ Si l’existence de Dieu est accessible Ă  la raison, la croyance religieuse n’est pas irrationnelle dans son principe mais seulement dans ses formes. Une foi qui se prĂ©tend universelle la religion monothĂ©iste au moins ne peut prĂ©tendre rompre avec la raison humaine. Si Dieu est Dieu, il n’est pas trompeur, et la raison est aussi un don divin Ă  sa plus parfaite la crĂ©ature l’homme ne possĂšde pas la raison en vain. Seulement quelle confiance une religion est-elle prĂȘte Ă  accorder Ă  la raison et Ă  la connaissance humaine optimisme de la conciliation comme dans le catholicisme, hormis le jansĂ©nisme ou pessimisme de la scission comme dans le protestantisme ? Anselme dĂ©finit prĂ©cisĂ©ment la thĂ©ologie comme fides quaerens intellectum » — la foi cherchant sa comprĂ©hension. La foi est en demande de raison, donc ne peut la rĂ©pugner. De fait, le dogme suppose le travail analytique de la raison. Mais Ă©videmment, la raison est en thĂ©ologie subordonnĂ©e Ă  la foi et Ă  son service. La foi en Dieu prĂ©cĂšde la raison, qui ne fait pas croire mais peut seulement Ă©clairer ce qui est cru. La foi est premiĂšre, la raison seconde. La philosophie est la servante ancilla de la thĂ©ologie ou de la doctrine sacrĂ©e. 2’ Si la raison ne peut prouver l’existence de Dieu, alors la foi est la seule maniĂšre de poser la certitude de son existence. La foi est sans rival alors mĂȘme que cette postulation de l’existence de Dieu par la foi excĂšde par dĂ©finition le pouvoir de la raison ce qu’on appelle le fidĂ©isme. Mais si l’existence de Dieu est indĂ©montrable, l’hypothĂšse de l’existence de Dieu est-elle pour autant Ă©quiprobable avec celle de son inexistence ? Autrement dit, quelle est l’attitude la plus rationnelle la croyance, l’agnosticisme ou l’athĂ©isme ? 3’ Est-il raisonnable de poser comme alternative Dieu ou le chaos moral cf. P. Clavier ou, Ă  l’inverse, l’inexistence de Dieu donc la guerre ? UniversalitĂ© de la croyance Ouvrons le vaste dĂ©bat entre croyance, foi, raison, ou plus simplement entre foi et savoir. L’opposition de la foi et du savoir est un lieu commun au moins depuis l’AufklĂ€rung. Pourtant, il y a une maniĂšre d’aplanir le “scandale“ de la religion ou de la foi religieuse c’est de souligner l’empire de la croyance dans la connaissance en gĂ©nĂ©ral. Et si la foi est irrationnelle, cela n’invalide pas la fois car il y a quantitĂ© de choses que les hommes sont amenĂ©s Ă  croire, et mĂȘme qu’ils ne peuvent pas ne pas croire l’irrationalitĂ© de la foi en Dieu n’est pas un argument contre la religion si la croyance est un phĂ©nomĂšne normal, irrĂ©ductible et donc raisonnable. Or elle la croyance l’est. Donc la foi religieuse est raisonnable. On est souvent amenĂ© Ă  opposer le savoir et la foi comme on oppose la raison et la foi. Mais le rapport savoir/foi est-il Ă©quivalent au rapport raison/foi ? Un savoir de la foi, irrĂ©ductible au savoir de la raison, n’est-il pas envisageable ? La prĂ©tention de la foi n’est-elle pas de soustraire Ă  la raison l’exclusivitĂ© du savoir ? On peut ainsi se demander si le choix entre le savoir et la croyance auquel la raison soumet l’examen de la religion est vraiment sensĂ©. Une vie sans savoir ou sans croyance est-elle seulement possible ? Exclure le savoir ou la croyance n’est-ce pas rendre Ă  chaque fois la vie invivable ? La vie est plutĂŽt la rĂ©futation de cette alternative. C’est un non-sens de demander d’abandonner ou le savoir ou la croyance. La vie humaine, dans toutes ses dimensions personnelle, sociale
 s’appuie sur des connaissances et sur des croyances. Je sais que l’eau bouillante brĂ»le la peau, je crois que mon ami est fidĂšle. Le savoir et la croyance circulent sans arrĂȘt dans la vie. Mais alors qu’est-ce qui justifie d’opposer le savoir et la croyance si la vie les associe de fait ? Descartes peut nous aider Ă  rĂ©pondre Ă  cette question. Il est le philosophe qui a soumis Ă  un doute mĂ©thodique, radical et hyperbolique, tout ce qu’il avait jusque-lĂ  reçu en sa crĂ©ance ». Il faut comprendre prĂ©cisĂ©ment que Descartes entend faire commencer le savoir absolument, cĂ d poser la diffĂ©rence entre l’ordre de la connaissance et l’ordre de la vie. Si la vie tolĂšre le mĂ©lange entre le savoir et la croyance, si dans la vie tout ce que je crois je le sais vraisemblablement, tout ce que je sais je le crois Ă  un certain degrĂ©, la connaissance exige un fondement certain. Or ce fondement le cogito ne peut ĂȘtre conçu et atteint si la connaissance ne commence par par rompre avec la vĂ©ritĂ© donnĂ©e dans la vie, sous le rĂ©gime mixte du savoir et de la croyance. Autrement dit, c’est le savoir qui pose ou qui peut poser comme exigence pour sa constitution la mise Ă  distance de la croyance. Il y a ainsi une antinomie et mĂȘme un rapport polĂ©mique entre savoir et croyance Savoir = non croyance Croyance = non savoir. Pour instituer le savoir, il faut abolir la croyance — et de fait, la connaissance libre de la vĂ©ritĂ©, la recherche scientifique a toujours eu Ă  combattre les prĂ©jugĂ©s religieux et le pouvoir des Ă©glises. Non seulement la vĂ©ritĂ© est toujours une erreur corrigĂ©e mais le savoir est toujours une croyance surmontĂ©e. Savoir c’est ne plus croire. La preuve du savoir, c’est l’abolition de la croyance. Davantage, le savoir ne fait-il que rĂ©pondre Ă  une situation oĂč la religion fait obstacle Ă  la libre dĂ©marche de la raison, opposant la vĂ©ritĂ© intangible de ses dogmes, l’intĂ©rĂȘt supĂ©rieur de la morale, aux risques d’athĂ©isme que la quĂȘte libre de la vĂ©ritĂ© par la science fait courir. Le libre savoir c’est la libre pensĂ©e et la libre pensĂ©e c’est la porte ouverte Ă  l’athĂ©isme et l’athĂ©isme ruine l’autoritĂ© de l’église sur les hommes. Ainsi dans l’opposition entre le savoir et la croyance, il y a Mais l’antinomie foi/savoir n’est-elle pas en elle-mĂȘme trop abstraite ou trop gĂ©nĂ©rale ? Y a-t-il quelque chose comme le savoir et la croyance, un savoir qui ne serait que savoir et une croyance que croyance ? Ne faut-il pas distinguer plusieurs sortes de savoir et de croyance, et donc des degrĂ©s de rationalitĂ© ? Croire consiste Ă  avoir la certitude plus ou moins grande qu’une chose est vraie. La croyance est une conviction intime qui, sans ĂȘtre tout Ă  faire rationnelle, s’appuie sur des motifs. Il est facile de distinguer trois formes de croyance par la grammaire du verbe “croire“ croire que ; croire Ă  croire en. Ainsi la croyance peut-ĂȘtre synonyme d’opinion, de foi, de confiance. Mais chaque expression de la croyance est-elle mĂȘme susceptible de plusieurs modalitĂ©s ou de plusieurs degrĂ©s. Croire qu’il fera froid cet hiver, qu’il y a des habitants sur des hexoplanĂštes
 Croire aux miracles, au PĂ©re NoĂ«l, au Paradis
 Croire dans l’avenir, croire dans mon ami, croire en Dieu
 Mais cette grammaire du verbe croire ne dit peut-ĂȘtre pas l’essentiel sur la croyance. En effet il est toujours possible, Ă  certaines conditions ou dans certaines limites, de reformuler une espĂšce grammaticale de la croyance dans une autre croire qu’il fera froid cet hiver = croire Ă  une hiver froid / croire au PĂšre NoĂ«l = croire que le PĂšre NoĂ«l existe / croire dans mon ami = croire que mon ami est fidĂšle = croire Ă  la fidĂ©litĂ© de mon ami. En revanche, ce qui est commun aux trois formes de croyance et aux diffĂ©rentes façons grammaticales de les exprimer, c’est que, comme l’explique Kant dans la “MĂ©thodologie transcendantale“ de la Critique de la raison pure “De l’opinion, de la foi et du savoir“, la croyance est une forme de savoir parce qu’elle est toujours un “tenir-pour-vrai“ FĂŒrwahrhalten. Celui qui croit, tient pour vrai ce Ă /dans quoi qu’il croit. Il est contradictoire de dire je crois que P et je crois que P n’est pas vrai. Mais le “tenir-pour vrai“ assentiment de la croyance peut se prĂ©senter selon trois degrĂ©s diffĂ©rents 1 je peux tenir une chose pour vraie en ayant conscience que cette certitude est insuffisante Ă  la fois pour moi et pour autrui — on a alors affaire Ă  une opinion Meinen. Je crois = je pense que, c’est mon opinion que
 Ici c’est l’acte subjectif seul de croire qui justifie la vĂ©ritĂ© parce que je crois que p, p est vrai, mais j’ai conscience qu’un autre que moi, ou que moi dans une autre situation pourrait penser autrement p non vrai. Cette certitude est donc tout Ă  fait insuffisante. 2 je peux tenir une chose pour vraie, en ayant conscience que ma certitude vaut pour moi et pour tout autre que moi — on alors affaire Ă  un savoir Wissen. Je crois que p = je sais que p. Donc je crois p parce que p est vrai, ou du moins qu’il y a des preuves universelles et nĂ©cessaires de p p = V, comprĂ©hensibles acceptables par tous. Ainsi quand Dom Juan dit je crois que 2 et 2 sont 4 », il faut entendre, mĂȘme s’il joue sur les mots pour dĂ©jouer l’interrogatoire de Sganarelle et opposer en libertin la science Ă  la religion “je sais“ que 2 et 2 sont 4. Cette vĂ©ritĂ© est dĂ©montrable — et Leibniz considĂšre mĂȘme que le progrĂšs de la science se fait aussi par la dĂ©monstration des vĂ©ritĂ©s Ă©videntes en les ramenant Ă  des identitĂ©s par dĂ©finitions et axiomes Ce n’est pas une vĂ©ritĂ© tout Ă  fait immĂ©diate que deux et deux sont quatre, supposĂ© que quatre signifie trois et un. On peut donc la dĂ©montrer, et voici comment DĂ©finitions I Deux est un et un. 2 Trois est deux et un. 3 Quatre est trois et un. Axiome. Mettant des choses Ă©gales Ă  la place, l’égalitĂ© demeure. DĂ©monstration 2 et 2 est 2 et 1 et 1 par la dĂ©f. I
.
. 2 + 2 2 et 1 et 1 est 3 et 1 par la dĂ©f. 2


. 2 + 1 + 1 3 et 1 est 4 par la dĂ©f. 3 





 3 + 1 4 Donc par l’axiome 2 et 2 est 4. Ce qu’il fallait dĂ©montrer. » Leibniz, Nouveaux essais sur l’entendement humain posthume, 1765, Livre IV De la connaissance, chapitre VII Des propositions qu’on nomme maximes ou axiomes, § 10, GF Flammarion, p. 364. Ainsi je sais que 2 et 2 sont 4 d’un savoir certain puisqu’il est dĂ©monstratif. Mais Ă©videmment tout le problĂšme est de savoir si cette rĂ©duction Ă  l’identique n’est pas un cas particulier et finalement exceptionnel de vĂ©ritĂ© oĂč l’assentiment se dĂ©duit de preuves nĂ©cessaires-universelles, au-delĂ  duquel s’étend un savoir plus incertain. La vĂ©ritĂ© dĂ©monstrative est une Ăźle trĂšs bornĂ©e perdue au milieu de l’ocĂ©an de la croyance. 3 Je peux enfin tenir une chose pour vraie avec la conscience que la certitude vaut pour moi, qu’elle peut valoir pour autrui, mais sans nĂ©cessitĂ©. Alors on a affaire Ă  la foi Glauben. La foi n’a ni la faiblesse de l’opinion conscience de l’insuffisance subjective et objective, ni la force du savoir conscience de la suffisance subjective et objective, mais elle combine la suffisance subjective et l’insuffisance objective. En rĂ©sumĂ© Je sais p si p est vrai et si j’ai des raisons de croire que p. Mais les raisons de croire que p sont Suffisantes objectivement et donc subjectivement = je sais p sous la forme de la science ; Suffisantes subjectivement mais insuffisantes objectivement = je “sais” p sous la forme de la foi ; Insuffisantes subjectivement et objectivement = je “sais” p sous la forme de l’opinion. Ce qui ressort de cette typologie, c’est que 1/ la foi n’est pas identique Ă  la croyance, puisque que la science et l’opinion sont des degrĂ©s de croyance objectivement-subjectivement suffisante pour la science/objectivement-subjectivement insuffisante pour l’opinion ; 2/ le savoir ne peut abolir la croyance en gĂ©nĂ©ral puisque la croyance comme assentiment constitue toute connaissance je sais que p = je crois que p est vrai. Mais peut-ĂȘtre les choses sont-elles ici faussement claires. 1 Ce qui est objet d’opinion et de foi peut-il objet de savoir science ? 2 Le savoir de la science est-il strictement rationnel ? 3 Faut-il faire une place Ă  la foi Ă  cĂŽtĂ© du savoir science ? — Kant dit dans la 2Ăšme prĂ©face de la Critique de la raison pure qu’il a dĂ» limiter le savoir pour permettre la croyance. Les traductions françaises sont lĂ©gĂšrement divergentes J’ai donc dĂ» supprimer le savoir pour lui substituer la croyance » Barni ; Je dus donc abolir le savoir afin d’obtenir une place pour la croyance » Tremesaygues et Pacaud ; »Il me fallait donc mettre de cĂŽtĂ© le savoir afin d’obtenir de la place pour la croyance » Renaut. Pour Kant, il s’agit de reconnaĂźtre un espace de lĂ©gitimitĂ© Ă  la foi, de la prĂ©server indirectement contre la critique du dogmatisme dont l’orgueil connaĂźtre par raison pure l’en soi suscite le scepticisme et avec lui l’agnosticisme et l’athĂ©isme. La foi est une disposition irrĂ©ductible de la raison, Ă  cĂŽtĂ© de la science — c’est pourquoi le kantisme n’est pas un positivisme. L’opinion semble n’opposer aucune difficultĂ© au savoir tout se passe comme si le savoir pouvait se substituer Ă  l’opinion ou la rĂ©futer en la renvoyant Ă  l’ignorance l’hypothĂšse de la vie intelligente ailleurs dans l’univers peut un jour cesser d’ĂȘtre une opinion pour devenir une thĂšse objective il y a ou il n’y a pas de vie intelligente extra-terrestre validĂ©e par la science. Mais la foi n’est pas l’opinion. Ses vĂ©ritĂ©s sont-elles susceptibles d’ĂȘtre transformĂ©es en vĂ©ritĂ© de raison ? C’est ici que les liens entre religion-croyance-Dieu s’imposent dans toute leur complexitĂ©. Les vĂ©ritĂ©s de foi Il y a des vĂ©ritĂ©s de foi dĂ©montrables par la raison — par exemple l’existence de Dieu. Admettons que la raison puisse dĂ©montrer l’existence de Dieu. Dans cette hypothĂšse, la religion en ressort confortĂ©e, sinon dans son contenu, du moins dans sa possibilitĂ© la religion n’est pas a priori irrationnelle. Mais de telles vĂ©ritĂ©s de foi accessibles Ă  la raison sont des vĂ©ritĂ©s de foi mixtes. Sont rigoureusement des vĂ©ritĂ©s de foi ou des vĂ©ritĂ©s religieuses celles que seule la foi permet de saisir. Or ces vĂ©ritĂ©s de foi sont nĂ©cessairement des vĂ©ritĂ©s rĂ©vĂ©lĂ©es. En effet qu’est-ce qu’une vĂ©ritĂ© de foi ? C’est 1 une vĂ©ritĂ© qu’il faut croire un dogme ; 2 une proposition qui n’est vraie que si elle est crue ; 3 et qui n’est crue fermement que parce qu’elle est divinement rĂ©vĂ©lĂ©e. Par exemple, soit l’énoncĂ© “le Christ est le fils de Dieu“. C’est une vĂ©ritĂ© pour le chrĂ©tien, cĂ d une vĂ©ritĂ© de foi. On peut l’analyser en S croit que p le Christ est le fils de Dieu. S croit que q c’est le Christ qui a rĂ©vĂ©lĂ© qu’il est le fils de Dieu S croit que r qu’il est possible que la vĂ©ritĂ© soit rĂ©vĂ©lĂ©e par Dieu, ici par la mĂ©diation de la personne du Christ. On voit ainsi que la derniĂšre proposition est le fondement de deux autres. On peut mĂȘme dire que la croyance dans la possibilitĂ© d’une rĂ©vĂ©lation divine de la vĂ©ritĂ© est le fondement de toute vĂ©ritĂ© de foi. DĂšs lors, le problĂšme est bien de savoir s’il est raisonnable d’admettre que la vĂ©ritĂ© est rĂ©vĂ©lable. Ensuite on peut se demander si admettre la possibilitĂ© que la connaissance de la vĂ©ritĂ© puisse reposer sur une rĂ©vĂ©lation divine, ne rend pas possible des croyances contradictoires. De fait, Ă  partir de la mĂȘme croyance de base Dieu existe, au moins religions diffĂ©rentes sont possibles Je crois en Dieu en un Dieu unique, donc le judaĂŻsme, ou le christianisme, ou l’islam. Prenons l’exemple du Symbole des ApĂŽtres Je crois en Dieu, le PĂšre tout-puissant, CrĂ©ateur du ciel et de la terre. Et en JĂ©sus Christ, son Fils unique, notre Seigneur ; qui a Ă©tĂ© conçu du Saint Esprit, est nĂ© de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce Pilate, a Ă©tĂ© crucifiĂ©, est mort et a Ă©tĂ© enseveli, est descendu aux enfers ; le troisiĂšme jour est ressuscitĂ© des morts, est montĂ© aux cieux, est assis Ă  la droite de Dieu le PĂšre tout-puissant, d’oĂč il viendra juger les vivants et les morts. Je crois en l’Esprit Saint, Ă  la sainte Église catholique, Ă  la communion des saints, Ă  la rĂ©mission des pĂ©chĂ©s, Ă  la rĂ©surrection de la chair, Ă  la vie Ă©ternelle. » Cette profession de la foi chrĂ©tienne contient tout ce que le chrĂ©tien croit et doit croire s’il se dit chrĂ©tien, cĂ d les vĂ©ritĂ©s fondamentales de la foi chrĂ©tienne dogmatique[2]. Comment se prĂ©sentent ces vĂ©ritĂ©s de foi ? Elles ne sont pas exposĂ©es sans ordre elles partent de l’essentiel croire en Dieu, et vont de Dieu Ă  l’église et, pour Dieu, de son existence, Ă  son essence, Ă  son opĂ©ration, Ă  ses personnes. Mais si ces vĂ©ritĂ©s suivent un certain ordre, peut-on dire qu’elles sont logiquement liĂ©es ? Le chrĂ©tien croit en Dieu p ; et il croit en Dieu comme PĂšre tout-puissant q
 Mais on ne peut poser si Cp alors Cq, puisque peut la croyance en Dieu n’implique pas la reprĂ©sentation de Dieu tout puissant sous l’attribut de la paternitĂ© islam. En fait le Credo contient au moins 19 “je crois“ Je crois en Dieu ; Je crois en Dieu comme PĂšre tout-puissant ; Je crois en Dieu comme crĂ©ateur ; Je crois en JĂ©sus fils de Dieu
 Je crois p, et je crois q, et je crois r, et je crois s
 et non pas je crois p –> q –> r –> s
 Ce qui fait le lien entre toutes les vĂ©ritĂ©s de foi contenues dans le Credo est prĂ©cisĂ©ment un acte de foi dont on peut penser qu’il est Ă  chaque fois sĂ©parĂ©. C’est pourquoi on pourrait parler d’un atomisme logique de la foi C p et C q et C r et C s
 Mais en rĂ©alitĂ©, c’est bien une seule et mĂȘme foi qui justifie chacune des vĂ©ritĂ©s religieuses et les relie entre elles la foi dans la vĂ©racitĂ© des Evangiles, cĂ d la foi dans la possibilitĂ© que la vĂ©ritĂ© puisse ĂȘtre rĂ©vĂ©lĂ©e par Dieu aux hommes. Le fondement des vĂ©ritĂ©s de foi c’est la foi dans la possibilitĂ© d’une rĂ©vĂ©lation de la vĂ©ritĂ©. Si l’on admet cette prĂ©misse, alors on est entrĂ© dans le cercle de la foi ou de la religion. Mais avec le cercle de la foi, c’est aussi le cercle de la superstition qui s’est refermĂ© sur la religion. Car dĂšs lors que la vĂ©ritĂ© est rĂ©vĂ©lable par Dieu, tout est croyable, ou il n’y a rien d’incroyable qui ne puisse ĂȘtre tenu pour vrai. C’est pourquoi finalement la question de la rationalitĂ© de la religion notamment pour distinguer une religion raisonnable d’une religion absurde, la religion de la superstition doit ĂȘtre ramenĂ©e Ă  cette question simple est-il raisonnable d’admettre la “rĂ©vĂ©labilitĂ©â€œ de la vĂ©ritĂ© ? La foi est source d’un autre type de vĂ©ritĂ© que la vĂ©ritĂ© de fait expĂ©rience ou que la vĂ©ritĂ© de raisonnement dĂ©monstration qui sont les deux modĂšles scientifiques de la vĂ©ritĂ©. Mais la vĂ©ritĂ© de la vĂ©ritĂ© de foi dĂ©pend de la foi comme croyance dans la possibilitĂ© d’une rĂ©vĂ©lation de la vĂ©ritĂ©. Tel est le cercle de la foi ou le fondement de la vĂ©ritĂ© dans l’auto-fondation de la foi. Dieu n’est le fondement de la foi que pour autant qu’il rĂ©pond Ă  la condition de pouvoir croire Ă  une vĂ©ritĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e. Selon cette hypothĂšse, il y a bien deux domaines hĂ©tĂ©rogĂšnes le savoir ou la raison d’un cĂŽtĂ©, la foi de l’autre. LĂ  oĂč la religion revendique un rĂ©gime spĂ©cifique de vĂ©ritĂ© les vĂ©ritĂ©s de foi, la raison refuse Ă  celles-ci le statut de vĂ©ritĂ©s parce qu’elles supposent le saut dans le cercle de la foi — pour elle donc le domaine des vĂ©ritĂ©s Ă©noncĂ©s ou testables ou dĂ©montrables se tient prĂ©cisĂ©ment Ă  l’extĂ©rieur de ce cercle. On peut sans doute attĂ©nuer le dualisme par plusieurs arguments en montrant que toutes les vĂ©ritĂ©s de foi ne sont pas du mĂȘme ordre, qu’il y a des degrĂ©s de rationalitĂ© ou de raisonnabilitĂ© entre les vĂ©ritĂ©s de foi. Par exemple + raisonnable– raisonnable Dieu existeDieu est PĂšreJĂ©sus est nĂ© de MarieJĂ©sus est nĂ© de la Vierge MarieJĂ©sus a Ă©tĂ© condamnĂ© sous Ponce-PilateJĂ©sus est ressuscitĂ©JĂ©sus est mort crucifiĂ©RĂ©surrection du corpsvie Ă©ternelleRĂ©mission des pĂ©chĂ©s SaintetĂ© de l’église
Communion des saints
 Selon le mĂȘme principe on pourrait comparer les religions entre elles — mais il est probable que toutes les religions se valent parce que le nombre de vĂ©ritĂ©s de foi irrationnelles en soi ou prises sĂ©parĂ©ment serait toujours supĂ©rieure au nombre des vĂ©ritĂ©s plus raisonnables. La liste des vĂ©ritĂ©s de foi les moins raisonnables paraĂźt toujours plus longue. Il suffirait par exemple de se concentrer sur les miracles *, si nombreux dans le judaĂŻsme et dans le christianisme aucun dans l’islam, pour s’en convaincre. La religion s’adresse Ă  l’imagination pour faire croire Ă  sa vĂ©ritĂ© — mais c’est prĂ©cisĂ©ment cet appel Ă  l’imagination qui est suspect et la croyance au miracle qui passe pour le comble de la croyance irrationnelle. On sait que l’argument du miracle est un argument puissant, voire dĂ©cisif pour prouver la vĂ©ritĂ© de la religion et mĂȘme d’une religion sur les autres cf. Pascal. La croyance au miracle est, pour ainsi dire, le miracle de la croyance. Mais si croire, c’est croire au miracle, croire au miracle dont l’expression est devenue populaire c’est tenir pour vrai ce qui passe tous les critĂšres de rationalitĂ© constance des lois de la nature. Sans remonter aux exemples bibliques, citons par exemple le cas de la vision de masse en 1917 Ă  Fatima oĂč pĂšlerins rapportent que le soleil s’est dĂ©tachĂ© du ciel. Comment expliquer cette vision ? Par une hallucination collective. Mais comment admettre que ce phĂ©nomĂšne ait pu ĂȘtre observĂ© Ă  Fatima sans qu’il ait Ă©tĂ© enregistrĂ© ailleurs ? Il est plus improbable de croire que la Terre a Ă©tĂ© arrachĂ©e Ă  son orbite sans que personne ailleurs ne le remarque, entraĂźnant la destruction du systĂšme solaire, que de croire Ă  une hallucination collective Ă  Fatima. Aussi la critique du miracle a-t-elle divisĂ© et occupĂ© de nombreux philosophes notamment Hume[3] pour ĂȘtre raisonnable, la religion doit ĂȘtre expurgĂ©e de la croyance au miracle. RationalitĂ© de la croyance religieuse contenu propositionnel ou forme de vie ? Pour revenir au Symbole des ApĂŽtres, il y aurait deux vĂ©ritĂ©s raisonnables l’existence de Dieu parce qu’elle est susceptible de preuves rationnelles mĂȘme si elles sont toutes contestables, Ă©ventuellement la vie Ă©ternelle parce qu’elle est une hypothĂšse religieuse commune ce qui la rend statistiquement raisonnable, et l’existence historique du personnage de JĂ©sus. Mais alors les vĂ©ritĂ©s religieuses se ramĂšnent soit aux raisonnement mĂ©taphysiques soit Ă  des vĂ©ritĂ©s historiques elles-mĂȘmes contestables et par-lĂ  peut-ĂȘtre Ă  des opinions. Or ce que croit le chrĂ©tien et ce qui le fait chrĂ©tien, ce n’est pas croire par exemple que JĂ©sus est nĂ© de Marie, sinon JĂ©sus serait intĂ©gralement et seulement un homme, mais croire que JĂ©sus est Christ cĂ d fils de Dieu nĂ© de Marie, qui devait ĂȘtre pure pour ĂȘtre l’épouse de Dieu. Par ailleurs, pour le croyant la distinction entre deux rĂ©gimes de vĂ©ritĂ©s de foi vĂ©ritĂ©s de foi rĂ©vĂ©lĂ©e/vĂ©ritĂ©s de foi mixtes est arbitraire. Les vĂ©ritĂ©s de foi ne sont pas logiques entre elles mais elles possĂšdent nĂ©anmoins une cohĂ©rence. D’oĂč vient cette cohĂ©rence qui fait que l’individu est prĂȘt Ă  accepter indiffĂ©remment toutes les vĂ©ritĂ©s de foi de sa religion ? Ce n’est possible que si l’on restitue la foi dans son contexte pratique. Au sens strict, il n’y a pas un Dieu juif, ou un Dieu chrĂ©tien, ou un Dieu musulman, mais il y a le Dieu des juifs, le Dieu des chrĂ©tiens et le Dieu des musulmans. Et cela fait toute la diffĂ©rence — de sorte qu’en toute rigueur, il est faux de parler des trois monothĂ©ismes comme des trois religions du Livre. De la mĂȘme façon on ne peut pas parler d’un enfant juif, chrĂ©tien ou musulman, mais seulement d’un enfant de parents juifs, chrĂ©tiens ou musulmans, ou d’un individu de culture juive, chrĂ©tienne ou musulmane cf. Dawkins. Autrement dit, la foi n’est pas un acte a seulement personnel b et discret — ce qu’on a appelĂ© l’atomisme logique des vĂ©ritĂ©s de foi croire en Dieu/croire en Dieu tout puissant/croire en Dieu crĂ©ateur
. Car l’enfant ou le prosĂ©lyte apprend ensemble les vĂ©ritĂ©s de foi propres Ă  la religion de la culture dans laquelle il est Ă©levĂ©. La religion ne se prĂ©sente pas ici comme un ensemble de vĂ©ritĂ©s de foi Ă  recevoir mais comme une institution culturelle qui mĂ©diatise le rapport entre ces vĂ©ritĂ©s et le croyant. L’irrationalitĂ© de la foi selon une approche atomiste des vĂ©ritĂ©s de foi se rĂ©sorbe alors dans l’effectivitĂ© historique et culturelle de la religion. Une religion c’est une forme de vie et c’est au sein de cette forme de vie que les vĂ©ritĂ©s de foi se constituent et prennent sens. Ainsi deux discours sont possibles sur la religion. Le premier relĂšve de d’une conception â€œĂ©videntialiste“, inspirĂ©e de l’éthique des croyances de William Clifford et dĂ©jĂ  de Hume selon laquelle il est mauvais partout, toujours et pour quiconque de croire quoique ce soit sur la base d’une Ă©vidence insuffisante » The Ethics of Belief and other Essays, 1876. Autrement dit, il est impossible de ne pas croire. Mais il s’agit d’introduire une rĂšgle dans les croyances qui consiste Ă  les proportionner aux donnĂ©es dont on dispose pour les justifier ou les fonder. Selon cette conception, les croyances religieuses sont des opinions qui, Ă©tant acceptĂ©es pour des raisons qui n’en sont pas ou pour des raisons que la raison ne peut reconnaĂźtre objectives, restent extĂ©rieures au cercle de la vĂ©ritĂ©. Mais on peut juger autrement la rationalitĂ© des croyances religieuses. Il s’agit de ne pas rapporter celles-ci au contenu de la proposition assertĂ©e croire p — qui pourra facilement apparaĂźtre absurde en lui-mĂȘme — mais Ă  la forme de vie qui lui est associĂ©e. Pour le dire autrement, la rationalitĂ© des croyances religieuses ne devrait pas ĂȘtre examinĂ©e sur un plan thĂ©orique comme des propositions thĂ©oriques les vĂ©ritĂ©s de foi seraient des propositions susceptibles d’ĂȘtre vraies ou fausses ou comme un systĂšme d’hypothĂšses Ă  soumettre Ă  un examen critique mais de maniĂšre pratique comme un systĂšme de rĂ©fĂ©rence » Wittgenstein pour la vie. La religion n’est pas une maniĂšre de penser mais une maniĂšre de vivre. Par exemple, la croyance au Jugement dernier n’est pas pour le croyant l’adhĂ©sion Ă  une proposition qui peut ĂȘtre affirmĂ©e ou niĂ©e comme vraie ou comme fausse mais comme le point culminant » Wittgenstein d’une forme de vie qui lui donne dĂ©finitivement un sens[4]. Le premier point de vue s’appuie sur une Ă©pistĂ©mologie qu’on peut qualifier d’ambitieuse cf. Pouivet, art. cit.. Pour celle-ci, il est impossible de justifier le contenu propositionnel des croyances religieuses cf. Russell elles sont donc irrationnelles, et les vĂ©ritĂ©s de foi portent mal leur nom vĂ©ritĂ©s — il n’y a que de la foi et aucune vĂ©ritĂ©. De fait, le croyant juif, chrĂ©tien ou musulman, s’il est sommĂ© de justifier sa foi par des raisons objectives est d’avance perdu. Selon les normes d’une Ă©pistĂ©mologie “ambitieuse“, le croyant ne sait rien. On lui objecte “Tu crois p sans des raisons suffisantes, donc tu ne sais pas p. Si tu savais p, tout autre devrait croire p. Or nombreux sont ceux qui ne croient pas pet savent pourquoi il ne croient pas p.” Le second ne repose pas sur une Ă©pistĂ©mologie plus modeste probabiliste C p est possible mĂȘme si c’est improbable qui dĂ©cide d’affranchir la croyance religieuse du champ de l’épistĂ©mologie cf. Wittgenstein, note. Le croyant n’a pas Ă  justifier sa croyance par la justification du contenu propositionnelle de ses croyances et d’ailleurs ne croit pas que cela soit possible. Le croyant est engagĂ© dans sa croyance, et non pas Ă  distance comme peut l’ĂȘtre le philosophe Ă©pistĂ©mologue. Autrement dit poser la question de la rationalitĂ© des croyances religieuses serait pour ainsi dire commettre une erreur de catĂ©gorie. Celui qui croit en Dieu, en l’immortalitĂ© de l’ñme, en la rĂ©surrection, etc., ne prĂ©tend pas dĂ©tenir un argument suffisant pour qu’autrui adopte la mĂȘme croyance. Mais sa croyance est rationnelle autrement, par des raisons non coercitives, inscrites dans une forme de vie dĂ©sirĂ©e. Ce n’est pas un savoir, mais ce n’est dĂ©jĂ  plus une simple opinion au sens de Kant. Croyance religieuse et prĂ©jugĂ©s Mais cela ne revient-il pas Ă  adopter un point de vue culturaliste cĂ d Ă  sauver la foi religieuse de l’irrationalitĂ© par l’immanence de la vie sociale ? Car la forme de vie qui donne sa cohĂ©rence et sa rationalitĂ© pratique aux croyances religieuses est-elle librement choisie ou seulement hĂ©ritĂ©e, reçue par l’éducation ? Ce qui rend possible cette forme de vie de la foi n’est-ce pas un certain jeu de langage » Sprachspiele, un langage religieux auquel l’individu est Ă©duquĂ© du fait de son appartenance sociale. Le sens du mot “Dieu“ est son usage et la grammaire du mot Dieu peut s’articuler dans une phrase signifiante seulement pour celui qui apprend Ă  pratiquer, qui voit pratiquer autour de lui ce “jeu de langage“. On emploie le mot “Dieu“ dans tel cas, de telle façon. Ce mot lui-mĂȘme est associĂ© Ă  un ensemble de gestes, d’attitudes, de postures mĂȘme
 Il y a ainsi des rĂšgles d’usage du mot “Dieu”, comme des autres notions du langage religieux qui possĂšde ses codes, sa cohĂ©rence dans la langue. Et ce langage au fond celui de la dĂ©votion et de l’espĂ©rance, structurĂ©e autour du commandement et de la priĂšre appartient Ă  une forme de vie qui a toujours d’abord une dimension sociale ou communautaire. Mais alors cette thĂšse sur une rationalitĂ© de la foi immanente Ă  sa forme de vie ne fait-elle pas retomber dans ce que la pensĂ©e classique a toujours nommĂ© le monde des prĂ©jugĂ©s. Or le prĂ©jugĂ© n’est-il pas le contraire de la raison et la religion n’est-elle pas le prototype du prĂ©jugĂ© ? Les LumiĂšres ont honni les prĂ©jugĂ©s — on peut citer le texte fondateur des LumiĂšres, le Dictionnaire historique et critiquede Pierre Bayle 1647-1707, mais aussi des ouvrages comme l’Essai sur les prĂ©jugĂ©s de Dumarsais, publiĂ© en 1770 ou les Lettres Ă  EugĂ©nie ou prĂ©servatif contre les prĂ©jugĂ©s de D’Holbach en 1768. La devise des LumiĂšres selon Kant c’est, comme l’on sait, Sapere aude ! Il ne s’agit plus de distinguer entre les bons et les mauvais prĂ©jugĂ©s, entre les prĂ©jugĂ©s nĂ©cessaires et les prĂ©jugĂ©s nĂ©fastes, comme encore Voltaire[5]. Les prĂ©jugĂ©s sont des opinions adoptĂ©es sans examen et tenues pour vraies par le milieu ou l’éducation. La raison la facultĂ© de l’universel et du nĂ©cessaire est dominĂ©e par le particularisme et le contingent. Le prĂ©jugĂ© a ainsi la forme mĂȘme de la croyance assentir sans avoir jugĂ©, rĂ©pĂ©ter un Ă©noncĂ© parce qu’il a Ă©tĂ© rĂ©pĂ©tĂ©, redire soi-mĂȘme ce que d’autres ont dit et qui n’a d’autre raison d’ĂȘtre repris sinon qu’on le reçoit de loin. Le prĂ©jugĂ© est l’exact opposĂ© du jugement juste, comme la croyance l’est de la pensĂ©e rationnelle. Inversement la croyance religieuse est le prĂ©jugĂ© le plus massif, celui qui soumet le plus grand nombre Ă  l’erreur et Ă  l’illusion et qui divise inutilement les hommes. Croire p c’est prĂ©juger p = vrai. Le prĂ©jugĂ© accomplit le mouvement de l’assentiment juger p vrai sans le juger soi-mĂȘme, le tenir pour vrai sans le vĂ©rifier. Et la foi religieuse c’est le prĂ©jugĂ© Ă  propos de tout ce qui est transcendant, sur les fins ultimes, sur le salut 
 de sorte que la religion usant de son autoritĂ© parler de Dieu et en son nom, au nom des ancĂȘtres, des lois immĂ©moriales
 installe le prĂ©jugĂ© dans le cƓur et dans l’esprit des hommes. La religion est une Ă©ducation du prĂ©jugĂ© par la croyance. Or les prĂ©jugĂ©s religieux divisent les hommes et font le lit du fanatisme qui consiste Ă  venger Dieu cf. Montesquieu, De l’Esprit des lois, XII, ch. 4 de toute offense et Ă  se saisir de cette offense pour piĂ©tiner les droits humains — on connaĂźt le mot de Voltaire Le fanatique n’est qu’un Tartuffe les armes Ă  la main ». Dumarsais Ă©crivait Pour peu qu’on ouvre les yeux, on sentira que c’est Ă  l’ambition des princes et aux divisions insensĂ©es des prĂȘtres, que sont dus ces tristes prĂ©jugĂ©s qui rendent quelquefois des nations ennemies pendant une longue suite de siĂšcles. 
 Il est Ă©vident que ce sont uniquement les intĂ©rĂȘts des princes et des prĂȘtres qui font naĂźtre ces aversion nationales qui mettent Ă  chaque instant l’univers en feu » Essai sur les prĂ©jugĂ©s de Dumarsais, p. 67 et 77. Ecraser l’infĂąme c’est avant vaincre le prĂ©jugĂ© qui rend toute Ă©glise intolĂ©rante. Aussi inversement n’est-ce pas un hasard si la dĂ©fense de la religion passe par une dĂ©fense du prĂ©jugĂ©, redĂ©fini dans son sens positif, comme on le voit chez tous les auteurs contre-rĂ©volutionnaires Joseph de Maistre et Bonald. Les Anti-LumiĂšres critiquent la raison philosophique comme un principe abstrait qui, sous prĂ©texte d’affranchir l’individu des prĂ©jugĂ©s et des dĂ©terminismes sociaux, le prive du bonheur et du sens de son existence[6]. LĂ  oĂč le philosophe des LumiĂšres pourfend le prĂ©jugĂ© comme l’instrument de l’obscurantisme, de l’alliance entre les princes et les prĂȘtres, le philosophe contre les LumiĂšres dĂ©noncer le prĂ©jugĂ© philosophique contre les prĂ©jugĂ©s, réévalue la nĂ©cessitĂ© des prĂ©jugĂ©s lĂ©gitimes en dĂ©gageant les consĂ©quences sociales et religieuses du sacre de la raison individuelle comme instance osant tout critiquer — c’est encore ce qu’on retrouve chez Kant dans la note de la 1Ăšre Ă©dition de la Critique de la raison pure rien ne peut se soustraire Ă  l’examen de la raison sans Ă©veiller contre soi un juste soupçon d’illĂ©gitimitĂ©[7] — au risque de briser les croyances, les habitudes qui assurent la permanence du lien social. Voici ce qu’écrit par exemple J. de Maistre Il n’y a rien de si important pour lui [l’homme] que les prĂ©jugĂ©s. Ne prenons point ce mot en mauvaise part. Il ne signifie point nĂ©cessairement des idĂ©es fausses, mais seulement, suivant la force du mot, des opinions quelconques adoptĂ©es avant tout examen. Or ces sortes d’opinions sont le plus grand besoin de l’homme, les vĂ©ritables Ă©lĂ©ments de son bonheur, et le palladium des empires. Sans elles, il ne peut y avoir ni culte, ni morale, ni gouvernement. » J. de Masitre, De la souverainetĂ© du peuple. Un anticontrat social, Ă©d. Jean-Louis Darcel, Paris, PUF, 1992, p. 147. Les prĂ©jugĂ©s forment en quelque sorte une raison objective, une rationalitĂ© immanente, propre Ă  chaque peuple. Contre l’universalisme abstrait des LumiĂšres, il faut rappeler une raison universelle et nationale », constituĂ©e par l’alliance des dogmes religieux et politiques, transmis de gĂ©nĂ©rations en gĂ©nĂ©rations et qui Ă©clairent les nations au lieu d’obscurcir leur jugement. La foi et le patriotisme sont les deux grands thaumaturges de ce monde » Ă©crit de Maistre ; les mots de prĂ©jugĂ©s et de fanatisme signifient, en derniĂšre analyse, al croyance de plusieurs nations » op. cit., p. 168. Les prĂ©jugĂ©s sont en rĂ©alitĂ© des principes antĂ©rieurs qui guident les peuples, bien avant que la raison individuelle ne puisse exercer son jugement. La critique de prĂ©jugĂ©s condamne ainsi l’humanitĂ© Ă  l’état d’incertitude Michaud alors que les prĂ©jugĂ©s proposent un systĂšme de valeurs qui assurent la continuitĂ© historique des nations. Ainsi Lamennais 1782-1854 peut Ă©crire La philosophie elle-mĂȘme, bien que dĂ©cidĂ©e Ă  ne voir dans ces doctrines que des prĂ©jugĂ©s, en a reconnu de nos jours la nĂ©cessitĂ© indispensable. “Il faut sans doute des prĂ©jugĂ©s aux hommes, dit un de ses lus cĂ©lĂšbres disciples, dans un ouvrage oĂč il enseigne l’athĂ©isme, sans eux point de ressort, point d’action ; tout s’engourdit, tout meurt.“ Ainsi la mort de la sociĂ©tĂ©, la mort du genre humain serait el rĂ©sultat de la victoire que la sagesse moderne s’efforce de remporter sur ce qu’elle nomme prĂ©jugĂ©s » Essai sur l’indiffĂ©rence en matiĂšre de religion, Garnier, t. 1, p. 52. Et il ajoute En toute religion, mĂȘme fausse, il y a quelque chose de gĂ©nĂ©reux et de favorable Ă  l’humanitĂ© ». Donc pour le philosophe anti-LumiĂšres, la critique du prĂ©jugĂ© conduit Ă  l’athĂ©isme et Ă  l’anomie sociale ; et puisque les prĂ©jugĂ©s sont Ă  jamais nĂ©cessaires, et que la victoire de la raison sur eux n’a abouti qu’à la terreur, il faut restaurer l’autoritĂ© des prĂ©jugĂ©s et donc de la religion. Mieux vaut une religion fausse que pas de religion ; mieux vaut les prĂ©jugĂ©s que la critique des prĂ©jugĂ©s. La hiĂ©rarchie des sociĂ©tĂ©s humaines est ou serait simple Religion vraie > toute religion mĂȘme fausse > sociĂ©tĂ© athĂ©e. Irrationalisme religieux et irrationalisme scientifique Le pĂ©ril des prĂ©jugĂ©s et de l’intolĂ©rance justifie donc qu’on ne puisse se satisfaire d’une rationalitĂ© de la foi comme forme de vie et au contraire de restaurer l’autoritĂ© de la raison dans le jugement sur la religion. Mais la raison doit-elle rationaliser la religion religion naturelle ou raisonnable ou raisonner contre elle critique de la religion ? Ou plutĂŽt le peut-elle ? Ici une certaine Ă©pistĂ©mologie vient au secours du retour du religieux. – la foi est auto-fondatrice croire c’est croire Ă  la foi dans une rĂ©vĂ©lation. L’objet de la foi est son propre acte. Au contraire, qu’est-ce qui fonde la raison en derniĂšre instance, alors qu’elle prĂ©tend constituer un tribunal » critique de toute vĂ©ritĂ© ? La raison fonde-t-elle la raison ou sur elle ? Or on ne manque pas d’arguments critiques contre un fondement rationnel de la raison – la raison en soi est une fiction. La raison est toujours une capacitĂ© historiquement situĂ©e. Le rationalisme du XVIIIe siĂšcle oublie cette vĂ©ritĂ© et propose une raison “abstraite“ ; – c’est dĂ©sormais une sorte de lieu commun de l’épistĂ©mologie de souligner Ă  quel point la mĂ©thode scientifique est un leurre de rationalitĂ©. La science ne progresse pas en suivant les rĂšgles d’une mĂ©thode rationnelle Feyerabend, le progrĂšs des sciences n’est d’ailleurs pas le progrĂšs continu de la raison Kuhn. Le maximum qu’une thĂ©orie scientifique puisse proposer c’est une conjecture ou une hypothĂšse Popper, ce qui est un idĂ©al trĂšs Ă©loignĂ© de la connaissance certaine promus par le rationalisme classique. Il ressort de cette image de la science qu’on aura du mal Ă  justifier la supĂ©rioritĂ© de la science sur la religion en opposant un systĂšme rationnel Ă  un systĂšme de croyances. Et de fait tout paradigme » scientifique tend Ă  devenir un objet de croyance qui constitue un obstacle et une rĂ©sistance Ă  toute nouvelle thĂ©orie. Il n’y a pas de thĂ©orie scientifique vraie, mais seulement des thĂ©ories provisoires que l’on croit vraies. Donc la science ne serait pas bien placĂ©e pour dĂ©noncer l’irrationalitĂ© de la religion. La raison ne peut pas dĂ©clarer la religion irrationnelle puisque la science qui est censĂ©e en ĂȘtre la forme la plus exemplaire n’est pas pleinement rationnelle. C’est pourquoi si on a pu parler Ă  la fin du XVIIe siĂšcle d’une irrationalisation de la religion » Kolakowski, ChrĂ©tiens sans Ă©glise, 1969, on assiste aujourd’hui Ă  une irrationalisation de la science. – l’auto-fondation de la raison repose en rĂ©alitĂ© sur une croyance dans la raison. Comme disait E. Weil, l’homme a le choix entre la raison ou la violence, mais le choix de la raison ne peut sans contradiction s’appuyer sur la raison. Dans ces conditions, c’est la foi qui a toujours raison la foi est le fondement de la foi auto-fondation et de la raison fondation. Mais si la foi est souveraine, qu’est-ce qui peut encore distinguer foi et raison ? Cette distinction du savoir et de la croyance appartient bien au langage et semble bien fondĂ©. La question de Dieu fait elle-mĂȘme apparaĂźtre cette distinction il y a le Dieu des philosophes et le Dieu des croyants, il y a le Dieu selon la thĂ©ologie rationnelle et le Dieu selon la religion ou plutĂŽt selon les religions comme on verra. L’hypothĂšse de Dieu est rationnelle ? L’hypothĂšse de Dieu est-elle rationnelle ? Il y a dĂ©jĂ  quelques temps que je me suis aperçu que, dĂšs mes premiĂšres annĂ©es, j’avais reçu quantitĂ©s de fausses opinions pour vĂ©ritables, et que ce que j’ai depuis fondĂ© sur des principes si mal assurĂ©s, ne pouvait ĂȘtre que fort douteux et incertain; de façon qu’il me fallait entreprendre sĂ©rieusement une fois en ma vie de me dĂ©faire de toutes les opinions que j’avais reçues jusques alors en ma crĂ©ance, et commencer tout de nouveau dĂšs les fondements, si je voulais Ă©tablir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences. » Descartes, MĂ©ditation 1. L’hypothĂšse de Dieu mĂ©rite sans doute de faire l’objet de la mĂȘme dĂ©cision j’ai depuis longtemps reçu en ma crĂ©ance que Dieu existait ou n’existait pas. Cette opinion est-elle fondĂ©e et peut-elle l’ĂȘtre ? Ai-je raison de ne pas croire ou de croire ? Il est raisonnable, une fois en sa vie d’affronter directement cette question et ne pas se laisser porter par la vie et le conformisme. L’hypothĂšse se prĂȘte au fond Ă  quatre attitudes possibles — qui sont des possibilitĂ©s thĂ©oriques mais auxquelles peuvent correspondre des formes de vie 1 Ne pas croire en Dieu athĂ©isme — “Dieu existe“ = F 2 Suspendre la croyance faute de preuves dans un sens ou dans l’autre agnosticisme — “Dieu existe“ = ni V ni F 3 Croire en Dieu en assumant l’irrationalitĂ© de la foi irrationalisme thĂ©ologique — “Dieu existe“ = V sans preuve 4 Croire en Dieu en cherchant des preuves de la foi rationalisme thĂ©ologique — “Dieu existe“ = V avec preuve Dieu existeFathĂ©isme Dieu existeNi V ni FagnocisticismeDieu existeVirrationalisme thĂ©ologiqueDieu existeVationalisme thĂ©ologique L’athĂ©e ne croit pas mais prĂ©tend savoir pourquoi il ne croit pas et donc pourquoi il est irrationnel de croire en Dieu. Donc une existence rationnelle est une existence qui affronte la vie sans l’hypothĂšse de Dieu. L’agnostique en l’absence de preuve convaincante de l’existence ou de l’inexistence de Dieu suspend son jugement. Le croyant trouve une justification et un sens accompli de son existence dans la foi soit en revendiquant l’irrationalitĂ© de la foi, soit au contraire en cherchant Ă  concilier la foi et la raison. Ces quatre attitudes peuvent Ă©galement revendiquer d’ĂȘtre rationnelles ou raisonnables 1 L’existence de Dieu est absurde il est irrationnel de vivre sous une hypothĂšse absurde, rationnel de vivre sans. Et mĂȘme une vie rationnelle est une vie humaine accomplie et inversement vivre en homme c’est vivre en se fondant exclusivement sur les certitudes de la raison. La raison fait la dignitĂ© de l’homme l’athĂ©isme est la mise en pratique de cette dignitĂ©. 2 L’existence de Dieu est incertaine impossible de dĂ©montrer l’existence de Dieu et impossible de se dĂ©faire de la possibilitĂ© qu’il existe. Donc il est raisonnable de pratiquer le doute. L’agnosticisme est la version “thĂ©ologique“ du scepticisme. 3 La foi seule fait connaĂźtre Dieu. Or Dieu est le principe de toute vĂ©ritĂ© et du sens mĂȘme de l’existence humaine. Donc il est rationnel d’ĂȘtre croyant et mĂȘme la foi est, en quelque sorte, une raison supĂ©rieure. 4 La vĂ©ritĂ© a deux sources la raison et la rĂ©vĂ©lation. Si je suis croyant, j’ai obligation de chercher Ă  concilier la raison et la foi, d’une part pour Ă©clairer ma foi, d’autre part pour rendre grĂące au don divin de la raison. Donc une vie raisonnable c’est une vie qui se construit sur le dialogue fĂ©cond de la raison et de la foi[8]. On peut commencer par les deux possibilitĂ©s internes Ă  la croyance religieuse. Ce sont deux maniĂšres de vivre la foi religieuse. L’opposition est entre la chaleur et la lumiĂšre cf. Bouveresse Ă  partir de Leibniz. Le plus grave pour l’un est de manquer de chaleur — la foi se vit dans l’intimitĂ© et dans la profondeur d’une confiance en Dieu ce n’est pas une adhĂ©sion Ă  la vĂ©ritĂ© d’une proposition, la foi est une confiance qui ne fait rien savoir. Croire ce n’est pas affirmer la vĂ©ritĂ© de la proposition Dieu existe, c’est avoir confiance en un Dieu personnel. La confiance ici pose la croyance comme au-delĂ  de toute justification Ă©pistĂ©mique. La vĂ©ritĂ© n’est pas un contenu propositionnel sur Dieu, mais Dieu mĂȘme en personne ou Dieu dans la personne du Christ. Cette position thĂ©ologique est exprimĂ©e par Saint Jean 14, 6 Je suis la voie, la vĂ©ritĂ©, la vie ». Il s’agit moins de croire Ă  la vĂ©ritĂ© de la formule johannique que d’avoir confiance dans la personne du Christ. Depuis les origines du christianisme s’opposent en quelque sorte une thĂ©ologie du paradoxe » et une thĂ©ologie de la raison » cf. Pouivet. La thĂ©ologie du paradoxe est exprimĂ©e par saint Paul 1Ăšre EpĂźtre aux Corinthiens FrĂšres, le Christ ne m’a pas envoyĂ© pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile, et sans avoir recours Ă  la sagesse du langage humain, ce qui viderait de son sens la croix du Christ. Le langage de la croix est folie pour ceux qui vont vers leur perte, mais pour ceux qui vont vers leur salut, pour nous, il est puissance de Dieu. L’Écriture dit en effet La sagesse des sages, je la mĂšnerai Ă  sa perte, et je rejetterai l’intelligence des intelligents. Que reste-t-il donc des sages? Que reste-t-il des scribes ou des raisonneurs d’ici-bas? La sagesse du monde, Dieu ne l’a-t-il pas rendue folle? Puisque le monde, avec toute sa sagesse, n’a pas su reconnaĂźtre Dieu Ă  travers les Ɠuvres de la sagesse de Dieu, il a plu Ă  Dieu de sauver les croyants par cette folie qu’est la proclamation de l’Évangile. Alors que les Juifs rĂ©clament les signes du Messie, et que le monde grec recherche une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifiĂ©, scandale pour les Juifs, folie pour les peuples paĂŻens. Mais pour ceux que Dieu appelle, qu’ils soient Juifs ou Grecs, ce Messie est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car la folie de Dieu est plus sage que l’homme, et la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme. » Le Christ c’est la vĂ©ritĂ© comme le paradoxe absolu l’absolu est le paradoxe. La vĂ©ritĂ© confond le messianisme triomphant des juifs et la sagesse philosophique des grecs. La vĂ©ritĂ© chrĂ©tienne est une folie. Et toute une tradition thĂ©ologique assumera cet irrationalisme Tertullien, credo quia absurdum contre l’arrogance des philosophes. C’est encore cette thĂ©ologie du paradoxe qui s’exprime chez Pascal, par exemple dans ce qui prĂ©cĂšde immĂ©diatement son pari Br. 233 Nous connaissons qu’il y a un infini, et ignorons sa nature, comme nous savons qu’il est faux que les nombres soient finis, donc il est vrai qu’il y a un infini en nombre, mais nous ne savons ce qu’il est. Il est faux qu’il soit pair, il est faux qu’il soit impair, car en ajoutant l’unitĂ© il ne change point de nature. Cependant c’est un nombre, et tout nombre est pair ou impair. Il est vrai que cela s’entend de tout nombre fini. Ainsi on peut bien connaĂźtre qu’il y a un Dieu sans savoir ce qu’il est. Nous connaissons donc l’existence et la nature du fini parce que nous sommes finis et Ă©tendus comme lui. Nous connaissons l’existence de l’infini, et ignorons sa nature, parce qu’il a Ă©tendue comme nous, mais non pas des bornes comme nous. Mais nous ne connaissons ni l’existence ni la nature de Dieu, parce qu’il n’a ni Ă©tendue, ni bornes. Mais par la foi nous connaissons son existence, par la gloire nous connaĂźtrons sa nature. Or j’ai dĂ©jĂ  montrĂ© qu’on peut bien connaĂźtre l’existence d’une chose sans connaĂźtre sa nature. Parlons maintenant selon les lumiĂšres naturelles. S’il y a un Dieu, il est infiniment incomprĂ©hensible, puisque n’ayant ni parties ni bornes il n’a nul rapport Ă  nous. Nous sommes donc incapables de connaĂźtre ni ce qu’il est, ni s’il est. Cela Ă©tant, qui osera entreprendre de rĂ©soudre cette question ? Ce n’est pas nous qui n’avons aucun rapport Ă  lui. Qui blĂąmera donc les chrĂ©tiens de ne pouvoir rendre raison de leur crĂ©ance, eux qui professent une religion dont ils ne peuvent rendre raison ? Ils dĂ©clarent en l’exposant au monde que c’est une sottise, stultitiam et puis vous vous plaignez de ce qu’ils ne la prouvent pas. S’ils la prouvaient, ils ne tiendraient pas parole. C’est en manquant de preuve qu’ils ne manquent pas de sens.» Les chrĂ©tiens ont raison de ne pas chercher Ă  prouver Dieu parce qu’il surpasse la raison. Le chrĂ©tien rationaliste n’est pas un vrai chrĂ©tien, il abaisse le mystĂšre divin Ă  la mesure de sa finitude. Face Ă  la thĂ©ologie du paradoxe, il y a, dĂšs les origines cf. saint Pierre, une recherche de dĂ©fendre la foi chrĂ©tienne par des preuves rationnelles. Dans les Iers siĂšcles, se multiplient des apologies du christianisme contre les textes anti-chrĂ©tiens — le plus fameux est Contre-Celse d’OrigĂšne Celse avait Ă©crit un Discours vĂ©ritable contre les chrĂ©tiens 178 oĂč il critiquait et calomniait le christianisme[9]. Ici l’amour fait comprendre. La confiance en Dieu est raisonnable parce que 1 l’existence de Dieu est dĂ©montrable par la lumiĂšre naturelle ; 2 la RĂ©vĂ©lation s’explique par le besoin qu’elle vient combler pour faire connaĂźtre des vĂ©ritĂ©s sur l’absolu inaccessibles Ă  la raison. Mais cela laisse supposer que la raison ne couvre pas tout le champ de la vĂ©ritĂ©, que le vrai s’étend au-delĂ  du rationnel. Et cette vĂ©ritĂ© ne doit pas ĂȘtre dite irrationnelle mais plutĂŽt supra-rationnelle — la foi Ă©tant une lumiĂšre “surnaturelle“. Cette opposition se rejoue plusieurs fois au cours de l’histoire, notamment au XVIIe siĂšcle. Il y a la position fidĂ©iste ». Si Dieu est connaissable, ce n’est pas en suivant la raison. Aucune preuve rationnelle n’a jamais fait croire en Dieu. De maniĂšre tout Ă  fait caractĂ©ristique Pascal s’en remet Ă  un pari ou au cƓur. Le pari se veut rationnel mais sans passer par le raisonnement logique. Pascal dĂ©sapprouve les preuves mĂ©taphysiques de Dieu. Si elles sont rationnelles, elles le sont presque trop ou d’une maniĂšre trop compliquĂ©e et trop Ă©loignĂ©e du raisonnement commun. Le rationalisme mĂ©taphysique reste Ă©litiste et instable. Il Ă©crit ainsi Les preuves de Dieu mĂ©taphysiques sont si Ă©loignĂ©es du raisonnement des hommes, et si impliquĂ©es qu’elles frappent peu ; et quand cela servirait Ă  quelques-uns, cela ne servirait que pendant l’instant qu’ils voient cette dĂ©monstration, mais une heure aprĂšs ils craignent de s’ĂȘtre trompĂ©s » Br. 543. Pascal ne s’intĂ©resse pas Ă  la rationalitĂ© des preuves mais dĂ©nonce leur inefficacitĂ© sur l’esprit elles frappent peu ». En outre, dans l’hypothĂšse mĂȘme oĂč ces preuves seraient convaincantes et entraĂźneraient l’esprit Ă  la foi, elles possĂšdent un vice fondamental se tromper sur Dieu ou de Dieu. Cette connaissance [de l’existence de Dieu], sans JĂ©sus-Christ, est inutile et stĂ©rile. Quand un homme serait persuadĂ© que les propositions des nombres sont des vĂ©ritĂ©s immatĂ©rielles, Ă©ternelles et dĂ©pendantes d’une premiĂšre vĂ©ritĂ© en qui elles subsistent, et qu’on appelle Dieu, je ne le trouverais pas beaucoup avancĂ© pour son salut. Le Dieu des chrĂ©tiens ne consiste pas en une Dieu simplement auteur des vĂ©ritĂ©s gĂ©omĂ©triques et de l’ordre des Ă©lĂ©ments c’est la part des paĂŻens » Br. 556. Au bout du raisonnement, la preuve pose un principe, x = Dieu. Mais ce Dieu mĂ©taphysique n’est pas ce qu’exige l’homme, existentiellement soucieux de son salut. Ce que l’homme cherche et auquel croit le croyant est un Dieu qui sauve et non un Dieu qui fonde les vĂ©ritĂ©s mathĂ©matiques. Or la preuve rationnelle de Dieu manque ce Dieu. Le Dieu sauveur est un Dieu d’amour ou de charitĂ© qui ne peut ĂȘtre connu que par l’amour, la charitĂ© ou le cƓur. D’un point de vue philosophique, l’argument est une pĂ©tition de principe le vrai Dieu est le Dieu de charitĂ© que seule la charitĂ© peut connaĂźtre, donc la raison ne peut connaĂźtre le vrai Dieu. Aussi Pascal montre que et pourquoi Dieu a voulu se cacher Ă  l’intelligence humaine. C’est le thĂšme du Deus absconditus. Si Dieu ne se manifestait par aucun signe il serait inconnaissable s’il se manifestait par des signes Ă©vidents il serait impossible de ne pas le connaĂźtre. Or il y a des hommes qui croient en Dieu et d’autre qui n’y croient pas. Donc il n’y a ni Ă©vidence ni inĂ©vidence de Dieu. Il n’est pas vrai que tout dĂ©couvre Dieu et tout cache Dieu. Mais il est vrai tout ensemble qu’il se cache Ă  ceux qui le tentent, et qu’il se dĂ©couvre Ă  ceux qui le cherchent, parce que les hommes sont tout ensemble indignes de Dieu et capables de Dieu indignes par leur corruption et capables par leur premiĂšre nature » Br. 557 — on retrouve un prĂ©supposĂ© le dogme du pĂ©chĂ© originel, mais pas toujours comme dans la Lettre Ă  Charlotte de Roannez, 26 octobre 1656. Peut-ĂȘtre le prĂ©supposĂ© le plus fondamental serait encore de nature anthropologique l’hypothĂšse d’un besoin de Dieu, d’une attente de Dieu, d’un manque de l’absolu — et c’est pourquoi paradoxalement toutes les idoles dont les hommes comblent le vide de Dieu sont des preuves indirectes de Dieu, et dont Pascal dresse une liste Ă©tonnante Lui seul est son vĂ©ritable bien ; et bien qu’il l’a quittĂ©, c’est une chose Ă©trange, qu’il n’y a rien dans la nature qui n’ait Ă©tĂ© capable de lui en tenir la place astres, ciel, terre, Ă©lĂ©ments, plantes, choux, poireaux, animaux, insectes, veaux, serpents, fiĂšvre, peste, guerre, famine, vices, adultĂšre, inceste. Et depuis qu’il a perdu le vrai bien, tout Ă©galement peut lui paraĂźtre tel, jusqu’à sa destruction propre, quoique si contraire Ă  Dieu, Ă  la raison et Ă  la nature tout ensemble » Br. 425. Les idoles prouvent Dieu en creux, par l’absence. Or le Dieu mĂ©taphysique est une idole rejeter les preuves de l’existence de Dieu, c’est briser une idole » B. SĂšve, La question philosophique de l’existence de Dieu, p. 103, rien de plus. Mais aussi bien c’est ĂȘtre parfaitement chrĂ©tien la preuve d’un principe est la part paĂŻenne du christianisme. Aussi peut-on tenter un autre argument tel est le pari — un argument qui ne se prĂ©sente pas comme une preuve. Il se veut rationnel l’affirmation de Dieu n’est pas fidĂ©iste ce n’est pas le saut de la foi » de Kierkegaard mais sans le mode dĂ©monstratif de la preuve mĂ©taphysique. Et mĂȘme si on ne sait pas exactement la place que Pascal lui accordait dans l’ensemble de son Apologie de la religion chrĂ©tienne, il se rattache Ă  l’argument du Dieu cachĂ© qui se cache puisqu’il a le mĂȘme ressort l’incertitude. Inutile de parier si l’existence de Dieu Ă©tait certaine, absurde si l’existence de Dieu Ă©tait absolument cachĂ©e. Le pari est un calcul sur l’incertain Ă  condition qu’il ne le soit pas complĂštement. L’argument se comprend aussi par son destinataire. Il s’adresse au libertin et non au croyant qui veut rendre sa foi intelligente — parlant le langage de l’intĂ©rĂȘt bien compris il s’agit de montrer que choisir Dieu non seulement n’est pas dĂ©raisonnable mais est le seul vraiment rationnel, pour celui qui ne “croit“ qu’à la raison mathĂ©matique
 L’argument ne fait pas connaĂźtre Dieu mais fait connaĂźtre qu’il est rationnel de choisir Dieu. Dieu est ou il n’est pas. Mais de quel cĂŽtĂ© pencherons-nous ? La raison n’y peut rien dĂ©terminer; il y a un chaos infini qui nous sĂ©pare. Il se joue un jeu, Ă  l’extrĂ©mitĂ© de cette distance infinie, oĂč il arrivera croix ou pile. Que gagnez-vous ? Par raison, vous ne pouvez faire ni l’un ni l’autre; par raison vous ne pouvez dĂ©fendre nul des deux. Ne blĂąmez donc pas de faussetĂ© ceux qui ont pris un choix; car vous n’en savez rien ». Pascal veut Ă©liminer notre 2Ăšme attitude l’agnosticisme. Il est impossible de s’y maintenir. Si la vie Ă©ternelle dĂ©pend du choix que nous faisons concernant l’existence de Dieu. La raison n’est pas blessĂ©e Ă  choisir, parce qu’il est impossible de ne pas choisir. Vous ĂȘtes embarquĂ© » comme dit Pascal. La raison a le choix Dieu existe ou Dieu n’existe pas, mais pas le choix de choisir ou non. Donc le choix est entre ĂȘtre croyant ou ĂȘtre athĂ©e. Autrement dit, on ne peut savoir si Dieu existe ou s’il n’existe pas et pourtant les hommes ont dĂ©jĂ  dĂ©cidĂ© dans un sens ou dans l’autre. Personne ne peut donc Ă©chapper Ă  la dĂ©cision — mĂȘme implicitement par son choix de vie. En pareille situation d’incertitude, la raison peut Ă©clairer la dĂ©cision en calculant les chances. Pourtant on pourrait objecter que la nĂ©cessitĂ© du choix repose dĂ©jĂ  sur la croyance en une vie Ă©ternelle. Mais qu’il y ait ou non une vie Ă©ternelle, c’est ce que l’agnostique se refuse Ă  Ă©tablir. Il y a une vie, il y a la vie, celle-ci mortelle, et rien d’autre. La raison peut-elle prouver la vie Ă©ternelle ? L’agnostique en doute prĂ©cisĂ©ment, et donc la vie Ă©ternelle est une premiĂšre croyance qui il vaut mieux conditionne la situation du choix entre l’existence ou l’inexistence de Dieu. Mais admettons que nous soyons tous embarquĂ©s et qu’il faille choisir et acceptons Ă©galement que parier implique de vivre en conformitĂ© avec le contenu du pari » B. SĂšve, p. 105, en considĂ©rant que la mise c’est sacrifier les plaisirs terrestres et le gain, la vie Ă©ternelle, la perte l’enfer Si je parie que Dieu existe —> vie chrĂ©tienne Si je parie que Dieu n’existe pas —> vie libertine Voici les possibilitĂ©s, en considĂ©rant que le paradis = gain infini + ∞ l’enfer = perte infini – ∞, et les obligations d’un vie religieuse = – e et une vie sans obligation religieuse = + e et le retour au nĂ©ant = 0. pariDieu existeDieu n’existe pasCroire en Dieu– e + ∞– e+ 0Ne pas croire en Dieu+ e – ∞+ e+ 0 Ainsi il est plus avantageux de croire en Dieu que de ne pas croire Si je crois en Dieu, j’obtiens au pire – e et au mieux + ∞. Si je ne crois pas en Dieu, j’obtiens au pire – ∞ et au mieux + e. Or entre – e et – ∞ il vaut mieux Ă©viter – ∞ et il vaut mieux + ∞. Donc il faut parier que Dieu existe. On peut encore prĂ©senter le pari autrement. En faisant l’hypothĂšse que la probabilitĂ© de l’existence de Dieu est œ pariDieu n’existe pasDieu existeje choisis d’ĂȘtre chrĂ©tienje retourne au nĂ©ant = 0 œ x 0 = 0je gagne le paradis 1/2 x – +∞ = + ∞ je choisis d’ĂȘtre athĂ©eje retourne au nĂ©ant = 0 œ x 0 = 0je perd le paradis 1/2 x – ∞ = – ∞ Donc entre + ∞ et – ∞, il est rationnel de parier que Dieu existe ou il est irrationnel d’ĂȘtre athĂ©e. Ou encore l’athĂ©e qui prĂ©tend ĂȘtre rationnel ne l’est pas. Qui croyait prendre le croyant est pris Ă  son propre piĂšge. Mais le pari repose sur des prĂ©supposĂ©s 1 d’un point de vue religieux, le salut ne se joue pas aux dĂ©s, c’est pour un jansĂ©niste comme Pascal, un don de Dieu grĂące 2 une vie Ă©ternelle, soit de bĂ©atitude soit de damnation — mais l’existence du paradis ou de l’enfer est une hypothĂšse religieuse cercle 3 la quantitĂ© nulle des plaisirs d’une vie sans obligation religieuse ou des obligations d’une vie religieuse — mais les plaisirs de cette vie sont-ils nuls s’il n’y a pas d’autre vie, on retombe sur le prĂ©cĂ©dent prĂ©supposĂ© ; inversement si on perd le pari, la vie terrestre Ă©tant la seule vie, est affectĂ©e d’une valeur infinie. Mais alors la valeur de la mise dĂ©pend du rĂ©sultat, ce qui est illogique. On ne peut, sinon par prĂ©jugĂ©, attribuer l’infini Ă  la vie Ă©ternelle et le fini Ă  la vie terrestre 4 le rapport entre vie religieuse et paradis, vie sans obligation religieuse et enfer — or un Dieu misĂ©ricordieux pourrait sauver mĂȘme l’infidĂšle et l’athĂ©e. Autrement dit la rationalitĂ© du pari repose subrepticement sur des croyances que l’athĂ©e ou l’agnostiques rĂ©cusent par dĂ©finition. Enfin comme le fait remarquer Leibniz dans une lettre, Pascal ne persuade pas qu’il faut croire Ă  Dieu, ou ce qu’il faut croire mais ce qu’il faut faire Pour dire ce qui en est, ce raisonnement ne conclut rien de ce qu’on doit croire, mais seulement de ce qu’on doit faire. C’est-Ă -dire il prouve seulement que ceux mĂȘme qui ne croient ni Dieu ni Ăąme immortelle, doivent agir, comme s’il y en avait, tandis qu’ils ne peuvent dĂ©montrer qu’il n’y en a point. Car ce sont deux questions tout Ă  fait sĂ©parĂ©es savoir ce qui est le plus sur dans la pratique, et savoir ce qui est le plus probable dans la crĂ©ance. 
 La crĂ©ance n’est pas une chose volontaire, et toutes les exhortations s’y servent de rien. Il y faut des raisons et il n’est pas possible que l’ñme se puisse rendre Ă  d’autres armes. En effet nous ne manquons pas de vĂ©ritables raisons pour maintenir la religion, et je suis marri qu’il y a si peu de gens qui s’en servent comme il faut » Leibniz, Lettre au duc J. F. de Hanovre, 1678 ?, citĂ© par Bouveresse, Que peut-on faire de la religion ?, p. 23. L’athĂ©e libertin s’il parie sur l’existence de Dieu ne croira pas en Dieu mais fera comme si. Le pari ne convainc pas intĂ©rieurement mais conduit Ă  faire les gestes extĂ©rieures de la croyance. Mais ce n’est pas un argument que conteste Pascal pour croire, il faut commencer par faire comme si on croyait. Pratiquer les rites de la croyance est, psychologiquement et mĂȘme socialement, la meilleure maniĂšre de croire. A force de s’agenouille on peut espĂ©rer croire un jour. Mais lĂ  encore, Pascal marque sa diffĂ©rence avec Leibniz comme le souligne Ian Hacking, citĂ© par Bouveresse Leibniz est rationaliste, il croit Ă  la raison en matiĂšre de croyance, tandis que Pascal est “fidĂ©iste“ et il croit davantage Ă  la cause de la croyance. Il ne demande pas qu’on fonde la foi sur des raisons, car les raisons n’entraĂźnent pas la volontĂ©, mais Ă©ventuellement il cherche ce qui peut la causer. La priĂšre, la dĂ©votion par les gestes du corps en sont un moyen peut-ĂȘtre efficace. AprĂšs tout, en dehors de la grĂące, c’est le lot commun des fidĂšles, qui croient Ă  force de faire semblant de croire. Le corps entraĂźne et prĂ©parent insensiblement l’ñme Ă  croire. Leibniz pense exactement le contraire la volontĂ© doit ĂȘtre Ă©clairĂ©e par des raisons. Et la religion est lumiĂšre et non obscuritĂ© et c’est dĂ©shonorer et la raison et la religion que de croire sans chercher des raisons En un mot, c’est dĂ©shonorer ou plutĂŽt c’est anĂ©antir la religion que de la destituer de preuve et de connaissance, et l’on peut dire de ceux qui dĂ©fendent ce sentiment ce qu’on a dit d’Epicure, qu’il posait les dieux dans les termes, et qu’il les niait dans le fonds » Leibniz, Lettre Ă  Morel, 10 dĂ©cembre 1696. Mais que peut la raison Ă  propos de Dieu ? Si la raison ne peut prouver le Dieu de la croyance religion ne peut-elle pas prouver Dieu au fondement de la croyance religieuse ? De fait, ce n’est pas tant l’absence de preuve que le trop plein de preuves ou de formulations de preuves de Dieu qu’on observe — si l’on Ă©carte les preuves farfelues cf. Dawkins, p. 111. Deux faits sont remarquables les hommes cherchent Ă  dĂ©montrer l’existence de Dieu indĂ©pendamment de la religion — donc la question de Dieu est aussi bien philosophique — ; la raison multiplie les arguments et n’hĂ©site pas Ă  amĂ©liorer les preuves pour surmonter les objections qu’elle est toujours prĂȘte Ă  y trouver — comme si la raison n’en avait jamais fini avec Dieu mais c’est le propre une illusion de renaĂźtre sans cesse. Les preuves les plus connues sont les 5 voies de Thomas d’Aquin Somme thĂ©ologique, I Ia q. 2, art. 3, et la preuve dite ontologique » que le Docteur angĂ©lique ne partage pas, soit deux ensembles de preuves preuves par les effets, preuve a priori. Ainsi chez Thomas d’Aquin, la raison peut dĂ©montrer l’existence de dieu a Par le mouvement le mouvement a une cause qui ne peut ĂȘtre un corps en mouvement sans contradiction, et si on doit Ă©viter la rĂ©gression Ă  l’infini, il faut supposer une cause immobile — ce qu’on appelle Dieu. Dieu est le principe immobile du mouvement des choses, du monde et dans le monde. b Par la cause toute chose est l’effet d’une cause efficiente, et si l’on veut Ă©viter la rĂ©gression dans la causalitĂ©, il faut poser une premiĂšre cause efficiente — ce qu’on appelle Dieu. Dieu est cause premiĂšre — ce qui signifie que Thomas d’Aquin rĂ©cuse l’idĂ©e de Dieu comme causa sui, ce qui implique contradiction ĂȘtre en mĂȘme temps cause et effet de soi comme cause c Par le possible et le nĂ©cessaire le monde est constituĂ© de choses dont l’existence est seulement possible elles pouvaient ne pas exister, exister autrement, et ont commencĂ© et finissent d’exister. Mais pour qu’une chose possible ait commencĂ© d’ĂȘtre, il faut supposer un ĂȘtre qui existe dĂ©jĂ , et cet ĂȘtre doit ĂȘtre nĂ©cessaire pour rendre raison des choses existantes seulement possibles — cet ĂȘtre nĂ©cessaire par lui-mĂȘme est ce qu’on appelle Dieu ? d Par les degrĂ©s de perfection il y a dans tous les genres d’ĂȘtre des degrĂ©s + /- de perfection. Donc il doit y avoir quelque chose qui contient toute la perfection possible du comparatif au superlatif — ce que nous appelons Dieu. e Par l’ordre du monde dans le monde, on observe des choses ordonnĂ©es en vue d’une fin. Or si le hasard ne peut produire de l’ordre et si les choses dĂ©pourvues d’intelligence sont ordonnĂ©es par rapport Ă  une fin, il faut supposer une ĂȘtre intelligent comme cause de l’ordre final dans le monde — ce qu’on appelle Dieu. En termes modernes kantiens, on parle plutĂŽt des preuves physico-tĂ©lĂ©ologique ou physico-thĂ©ologique et cosmologique. La beautĂ©, l’harmonie dans la nature sont autant d’effets que ni le hasard ni les lois mĂ©caniques de la matiĂšre ne peuvent expliquer sinon comme fins. Il suffit de contempler les mouvements si bien rĂ©glĂ©s du ciel», les correspondances entre toutes choses», pour ĂȘtre invitĂ© Ă  conclure Ă  l’existence d’une raison supĂ©rieure et divine, de mĂȘme que devant les mouvements de quelque mĂ©canisme comme une sphĂšre ou une horloge, nous n’hĂ©sitons pas croire qu’ils sont les ouvrages d’une raison» CicĂ©ron, De la nature des dieux, II, ch. XXXVIII, p. 444. Ici la raison s’appuie sur une analogie entre les choses de la nature et le produits de l’art. Le monde est un artefact. Et plus complexe est la machine, plus simples sont les lois qui prĂ©sident Ă  sa production et Ă  sa conservation, plus parfait doit ĂȘtre son auteur. Moins populaires et dĂ©jĂ  plus mĂ©taphysiques sont les preuves cosmologiques. Toutes reposent sur la mĂȘme structure argumentative d’une impossibilitĂ© de la rĂ©gression Ă  l’infini dans l’ordre des causes si a, alors a1, alors a2, etc.. Mais la sĂ©rie doit s’interrompre quelque part — selon la formule d’Aristote il faut s’arrĂȘter et ne pas aller Ă  l’infini» Physique VIII, 5, 256a 29, p. 115, faute de quoi la rĂ©gression est interminable et la sĂ©rie indĂ©finie sans raison. La rĂ©gression est finie ou bien elle n’est pas fondĂ©e — ce qui est irrationnel. Les deux principales preuves cosmologiques portent sur l’existence du mouvement et sur l’existence du monde. La preuve par le mouvement se trouve chez Aristote la cause du mouvement, c’est-Ă -dire d’une rĂ©alitĂ© en puissance le mouvement c’est l’acte de ce qui est en puissance en tant que tel», Physique, III, 1, 201a 10, p. 90, suppose un ĂȘtre en acte c’est-Ă -dire un moteur qui ne soit pas lui-mĂȘme mobile Dieu comme Premier moteur. C’est de cet argument que s’inspire Thomas d’Aquin comme on l’a rappelĂ©. Mais la raison peut partir du monde lui-mĂȘme, ordonnĂ© ou non. Cette preuve suppose beaucoup moins l’ordre, l’harmonie, la fin est donc plus mĂ©taphysique, dite a contingentia mundi. Le principe en est le suivant s’il y a du contingent, il y a du nĂ©cessaire. Ce qui est pourrait, par dĂ©finition, ne pas ĂȘtre. Le fait d’ĂȘtre n’est pas en soi une raison d’ĂȘtre, mais au contraire a besoin d’ĂȘtre fondĂ© en raison. Or ce fondement de l’existence ne peut pas ĂȘtre recherchĂ© dans le monde parce que l’existence dans le monde est toujours conditionnĂ©e. L’existence contingente du monde ne peut ĂȘtre fondĂ©e que dans un ĂȘtre nĂ©cessaire qui fonde la sĂ©rie des choses contingentes, et qui donc, pour ce faire, en est distincte. Dieu est le fondement de la contingence du monde — il est en lui-mĂȘme la raison suffisante de tout ce qui est, autrement dit Dieu est le principe de raison suffisante en tant qu’ĂȘtre. Leibniz est cĂ©lĂšbre pour avoir mis en forme la preuve a posteriori par la contingence du monde dans la Monadologie ou aux paragraphes 7 et 8 des Principes de la nature et de la grĂące 1714 7. Jusqu’ici nous n’avons parlĂ© qu’en simple physiciens maintenant il faut s’élever Ă  la mĂ©taphysique, en nous servant du grand principe, peu employer communĂ©ment, qui porte que rien ne se fait sans raison suffisante ; c’est-Ă -dire que rien n’arrive sans qu’il soit possible Ă  celui qui connaĂźtrait assez les choses de rendre une raison qui suffise pour dĂ©terminer pourquoi il en est ainsi, et non pas autrement. Ce principe posĂ©, la premiĂšre question qu’on a droit de faire sera Pourquoi il y a plutĂŽt quelque chose que rien ? Car le rien est plus simple et plus facile que quelque chose. De plus, supposĂ© que des choses doivent exister, il faut qu’on puisse rendre raison pourquoi elles doivent exister ainsi, et non autrement. 8. Or, cette raison suffisante de l’existence de l’univers ne se saurait trouver dans la suite des choses contingentes, c’est-Ă -dire des corps et de leurs reprĂ©sentations dans les Ăąmes ; parce que la matiĂšre Ă©tant indiffĂ©rente en elle-mĂȘme au mouvement et au repos, et Ă  un mouvement tel ou tel autre, on n’y saurait trouver la raison du mouvement, et encore moins d’un tel mouvement. Et quoique le prĂ©sent mouvement, qui est dans la matiĂšre vienne du prĂ©cĂ©dent, et celui-ci encore d’un prĂ©cĂ©dent, on n’en est pas plus avancĂ©, quand on irait aussi loin que l’on voudrait ; car il reste toujours la mĂȘme question. Ainsi, il faut que la raison suffisante, qui n’ait plus besoin d’une autre raison, soit hors de cette suite des choses contingentes, et se trouve dans une substance qui en soit la cause, et qui soit un ĂȘtre nĂ©cessaire, portant la raison de son existence avec soi ; autrement on n’aurait pas encore une raison suffisante oĂč l’on puisse finir. Et cette derniĂšre raison des choses est appelĂ©e Dieu» p. 393. Enfin il y a la preuve “ontologique“ qui se veut tout a fait a priori, sans rien supposer ni beautĂ©, ni existence en dehors du concept de Dieu qu’il suffit d’analyser pour prouver produire son existence. Elle est formulĂ©e par saint Anselme de CantorbĂ©ry 1033-1109, critiquĂ©e par saint Thomas si Dieu est son ĂȘtre, du moins nous ne connaissons pas son essence, de sorte la proposition “Dieu existe” n’est pas Ă©vidente par soi et doit ĂȘtre dĂ©montrĂ©e par ce qui est mieux connu de nous, c’est-Ă -dire a posteriori par les Ɠuvres de Dieu», Somme thĂ©ologique, Ia, q. 2, art. 1, p. 170, reprise par Descartes qui substitue, sur un mode syllogistique, l’argument de la perfection Ă  l’argument anselmien de la grandeur, cf. MĂ©ditations mĂ©taphysiques, 5Ăšme mĂ©ditation, corrigĂ©e par Leibniz on peut amener Ă  la perfection dĂ©monstrative en prouvant que Dieu est possible, cf. Nouveaux Essais sur l’entendement humain, IV, ch. 10, p. 345 sq, rĂ©futĂ©e par Kant, et enfin rĂ©habilitĂ©e Ă  de nombreuses reprises par Hegel contre Kant cf. Les preuves de l’existence de Dieu, p. 242 sq ; EncyclopĂ©die des sciences philosophiques en abrĂ©gĂ© Science de la logique, § 51-52, p. 117 sq ; Leçons sur l’Histoire de la Philosophie, p. 1070 sq, parce qu’il apprĂ©hende dans son unitĂ© la contradiction suprĂȘme du penser et de l’ĂȘtre. La structure de la preuve est constante le concept de Dieu est tel qu’il implique son existence. Qu’est-ce qui a fait la fortune et la renommĂ©e de cette preuve ? Comme le dit Anselme c’est une preuve unique, censĂ©e pouvoir rĂ©futer dĂ©finitivement l’incroyant L’insensĂ© dit en son cƓur Dieu n’existe pas» Psaumes, 13, 1 ; 52, 1. Cette preuve est non seulement unique, contrairement aux autres preuves, mais elle est surtout intrinsĂšquement une je me mis Ă  chercher Ă  part moi s’il n’était pas possible de dĂ©couvrir un argument unique qui, pour ĂȘtre probant, n’eĂ»t besoin d’aucun autre que lui, et qui, Ă  lui tout seul, suffĂźt Ă  garantir que Dieu est vraiment» Proslogion, PrĂ©ambule, Entendons par lĂ  qu’elle prouve l’existence de Dieu sans sortir de son concept. Le concept de Dieu bien pensĂ© suffit Ă  prouver son existence. La dĂ©couverte de cette nouvelle et unique preuve obĂ©it, il est vrai, Ă  certaines conditions. L’homme Ă  qui s’adresse l’allocution, l’exhortation alloquium de la foi cherchant l’intelligence, est invitĂ© Ă  se recueillir en soi-mĂȘme. Dans la tradition issue d’Augustin cf. Confessions, III, 6, qui trouve encore un Ă©cho chez Descartes cf. MĂ©ditations mĂ©taphysiques, TroisiĂšme mĂ©ditation, dĂ©but, l’homme qui veut s’élever Ă  la connaissance du Dieu doit se retirer de la scĂšne du monde pour rentrer en soi. Le face Ă  face avec Dieu sera un face Ă  face de l’entendement avec le concept l’idĂ©e de Dieu. Et maintenant, va, petit homme, fuis un moment ce qui t’occupe, cache-toi un peu de tes pensĂ©es tumultueuses. DĂ©pose maintenant tes soucis, ce fardeau, et remets Ă  plus tard tes obligations, ce labeur. Vaque Ă  Dieu quelque peu, et repose en lui quelque peu. Entre dans la cellule de ton esprit [Matthieu, 6,6], chasses-en tout, sauf Dieu et ce qui peut t’aider Ă  le chercher, et, porte close, cherche-le. Dis, maintenant, mon cƓur tout entier, dis Ă  Dieu je cherche ton visage, ton visage, Seigneur, je recherche [Psaumes, 26, 8]» Proslogion, ch. 1, p. 37. L’esprit doit, pour s’ouvrir Ă  la contemplation intellectuelle de l’existence de Dieu et de quelques autres vĂ©ritĂ©s de foi sa souveraine perfection et les attributs qu’elle enveloppe, se fermer Ă  son existence mondaine, se libĂ©rer de tout souci. Il ne peut dĂ©couvrir ou seulement entendre cette vĂ©ritĂ© singuliĂšre qui pose nĂ©cessairement l’existence Ă  partir de la seule considĂ©ration de l’idĂ©e de l’essence d’un ĂȘtre qu’à condition de s’y bien disposer, en se concentrant au-dedans de soi dans le silence de l’intĂ©rioritĂ©. Dieu est d’abord objet de foi. Son concept est reçu de la religion chrĂ©tienne. Sa dĂ©signation comme quelque chose en comparaison de quoi rien de plus grand ne peut ĂȘtre pensé» n’est certes pas un Nom divin. On le chercherait en vain dans l’Ecriture. Mais ce n’est pas pour autant une dĂ©finition formelle, mĂȘme si Anselme a bien conscience d’ĂȘtre le premier Ă  en proposer la formulation. Elle exprime en rĂ©alitĂ© un concept prĂ©rĂ©flexif de Dieu, objet antĂ©cĂ©dent de la foi Et certes, nous croyons que tu es quelque chose de tel que rien ne se peut penser de plus grand», et que la religion nomme volontiers le Tout puissant, MaĂźtre et Seigneur. En fait, Anselme d’une part affirme l’antĂ©rioritĂ© et l’autoritĂ© de la foi sur l’intelligence cf. Proslogion, ch. 1, p. 40, de sorte que la dĂ©finition qu’il propose ne fait que formuler spĂ©culativement, dans la langue la plus abstraite, la vĂ©ritĂ© connue par la foi. Mais d’autre part, il fait remarquer qu’on ne saurait confondre l’ĂȘtre tel que rien de plus grand ne peut ĂȘtre pensé» quo nihil majus cogitari possit avec l’ĂȘtre plus grand que tous les autres» quo nihil majus, pourtant plus proche de la comprĂ©hension commune et religieuse de Dieu, sans manquer la puissance dĂ©monstrative de la preuve, et finalement sa capacitĂ© Ă  rĂ©futer l’athĂ©isme. Donc, Seigneur, non seulement tu es tel que rien ne se peut penser de plus grand, mais tu es quelque chose de plus grand qu’on ne peut penser. Car puisqu’on peut penser quelque chose de tel, si tu n’es pas ce quelque chose, on peut penser quelque chose de plus grand que toi ; ce qui ne peut se faire» ibid., ch. 15, p. 61. Sans doute l’ĂȘtre majus omnibus traduit-il aussi une sorte de passage Ă  la limite, mais non pas comme l’ĂȘtre quo nihil majus, qui assigne la pensĂ©e Ă  sa rĂ©fĂ©rence absolue et inobjectivable. Donc Dieu mĂ©rite d’ĂȘtre dĂ©fini comme quelque ĂȘtre tel qu’on ne peut rien penser de plus grand» ibid., ch. 2, p. 40. Dieu peut-il n’ĂȘtre, en vertu de cette dĂ©finition, qu’un concept esse objectivum, ou, esse in intellectu, sans exister rĂ©ellement esse formale, ou, esse actuale en dehors de ce concept extra intellectum ? Mais ĂȘtre existant Ă  la fois dans l’intellect et dans la rĂ©alitĂ©, est quelque chose de plus grand qu’ĂȘtre seulement dans l’entendement, comme il est vrai que x + y > x, quand x et y sont non nuls cf. B. Pautrat, ibid., Introduction, p. 13 on pourrait alors concevoir quelque chose de plus grand que Dieu. Dieu ne serait pas Dieu l’ĂȘtre tel que rien de plus grand n’est pensable, ce qui est absurde. Donc Dieu existe, en vertu de sa dĂ©finition, Ă  la fois dans l’intellect et dans la rĂ©alitĂ©. B. SĂšve rĂ©sume bien l’argument serrĂ© du chapitre 2 Ce qui est tel que rien de plus grand ne puisse ĂȘtre pensĂ© ne peut pas exister seulement dans l’intelligence ; car s’il n’était que dans l’intelligence, s’il n’était qu’un concept, on pourrait concevoir un autre ĂȘtre qui existerait aussi hors de l’intelligence, et qui serait donc plus grand que lui, contre l’hypothĂšse. Pour ĂȘtre vraiment tel qu’on ne puisse penser quelque chose de plus grand que lui, il doit donc exister non seulement dans l’intelligence, Ă  titre de concept, mais aussi dans le rĂ©el» La question philosophique de l’existence de Dieu, p. 17. Le nerf de la preuve consiste dans l’articulation originale d’une comparaison tel que et d’une nĂ©gation rien ne se peut, ce qui la rend irrĂ©ductible Ă  sa comprĂ©hension par Gaunilon Dieu est l’ĂȘtre plus grand que tous les ĂȘtres, ou le-plus-grand» ibid., p. 77. Sans dĂ©fendre l’erreur de l’insensĂ©, ce moine dĂ©fend toutefois l’insensĂ© contre l’argument anselmien. En un sens la dĂ©finition de Gaunilon dit la mĂȘme chose que celle d’Anselme, mais sous une forme qui n’a pas la mĂȘme puissance logique de calcul, ce qui change tout. D’ordinaire, c’est-Ă -dire pour une chose finie, dĂ©finir c’est cerner l’identitĂ© d’une chose, ce qui n’est possible que par mode de nĂ©gation. Toute dĂ©finition est une dĂ©termination et toute dĂ©termination enveloppe une nĂ©gation. La dĂ©finition de Dieu comme l’ĂȘtre tel que rien de plus ne saurait ĂȘtre pensé» fonde au contraire une preuve par l’infini elle Ă©nonce que Dieu est un ĂȘtre tel qu’il n’a pas de dehors cf. B. Pautrat, ibid., p. 15. En concevant et en dĂ©finissant Dieu de cette façon, la pensĂ©e tend immĂ©diatement vers le concept impossible qui dĂ©passerait Dieu elle vise x tel qu’il n’y a aucun y possible > x et se trouve, par lĂ , renvoyĂ©e Ă  l’impossibilitĂ© d’un au-delĂ  de Dieu. DĂ©finir Dieu c’est exactement le comparer au concept impossible d’un ĂȘtre plus grand. Ou encore Dieu est dĂ©fini par Anselme comme la nĂ©gation a priori d’une comparaison impossible. Cette preuve ouvre, par delĂ  la question de son existence, tout un espace de calcul qui peut servir Ă  dĂ©terminer l’essence de Dieu. Tout prĂ©dicat de Dieu qui rendrait possible de penser y > x ne peut appartenir Ă  Dieu comme la contingence, la mĂ©chancetĂ©, l’injustice, car un tel ĂȘtre, visĂ© comme Dieu, ne serait pas Dieu cf. B. Pautrat, ibid., p. 14-15. Que valent les preuves de l’existence de Dieu ? On peut leur adresser deux critiques 1 aucune preuve n’entraĂźne la foi cf. Pascal, ou du moins ne suffit Ă  faire croire. Le Dieu qui est prouvĂ© par la raison reste un Dieu prĂ©cisĂ©ment mĂ©taphysique, un Dieu pour l’entendement et non un Dieu pour l’existence. L’homme a besoin d’un autre Dieu, accessible au sentiment, Ă  l’intuition, un Dieu sensible au cƓur, Ă  la dĂ©tresse, Ă  la plainte, Ă  la si la raison peut identifier la premiĂšre cause, l’ĂȘtre par soi 
 Ă  ce qu’on nomme en religion Dieu, il demeure un fossĂ© entre ce Dieu de la raison et le Dieu de la foi. Le Dieu religieux de la foi demeure irrĂ©ductible au Dieu mĂ©taphysique. La raison peut dĂ©montrer l’existence de Dieu, mais de cette existence l’individu n’a rien Ă  faire. Encore cet argument n’est-il pas tout Ă  fait recevable puisque la mĂ©taphysique ne prĂ©tend pas prouver le Dieu de la foi, Ă©tablir la religion, mais seulement rĂ©futer l’athĂ©isme elle n’entend pas faire croire en Dieu mais proposer un objet rationnel Ă  la foi, rendre la foi lĂ©gitime rationnellement. Ce qui est une maniĂšre de rappeler que la croyance en Dieu et Dieu, la philosophie de la religion et la mĂ©taphysique ou la thĂ©ologie rationnelle sont deux choses distinctes — et en mĂȘme temps que l’on ne peut complĂštement les sĂ©parer puisque, Ă  dĂ©faut de faire croire causer la croyance, la philosophie peut essayer de rendre raison de la foi. 2 aucune preuve n’est convaincante. La raison s’emploie assez facilement Ă  rĂ©futer les preuves qu’elle Ă©tablit avec tant de peine. L’examen rationnel peut ainsi ĂȘtre conduit Ă  deux types de considĂ©rations soit l’inconsistance de l’idĂ©e de Dieu Hume soit l’impossibilitĂ© d’un jugement d’existence Ă  l’idĂ©e consistante de Dieu Kant. Hume montre ainsi Cf. EnquĂȘte sur l’entendement humain, IX que l’expĂ©rience qui est l’unique source de notre connaissance ne peut justifier l’idĂ©e d’un ĂȘtre infini tel que la mĂ©taphysique pense pourvoir le concevoir. MĂȘme si la nature prĂ©sente un ordre, la raison ne peut conclure qu’à des attributs divins en proportion avec cet ordre mĂȘme tel qu’on l’observe. Il est impossible de parvenir au concept d’un ens realissimum. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, l’augmentation sans limite sur laquelle repose le raisonnement mĂ©taphysique est impossible ni par impression, ni par rĂ©flexion. Hume renvoie finalement Ă  une alternative soit on prouve Dieu par analogie — car supposer un Dieu absolument incomprĂ©hensible, absout de toute comparaison, c’est un mysticisme qui confine Ă  l’athĂ©isme Dialogues sur la religion naturelle, IV — mais alors l’analogie ne permet d’atteindre qu’un Dieu limitĂ© par l’analogie, ni parfait, ni un ; soit on tente de passer par la preuve a contingentia mundi qui, pour lui, est un argument a priori comme la preuve ontologique, mais alors puisque par dĂ©finition la non-existence d’une chose n’implique aucune contradiction, l’idĂ©e d’existence nĂ©cessaire est dĂ©nuĂ©e de sens Il y a une absurditĂ© Ă©vidente Ă  prĂ©tendre dĂ©montrer une chose de fait, ou Ă  la prouver par des arguments a priori. Rien de ce qui est distinctement concevable n’implique contradiction. Tout ce que nous concevons comme existant, nous pouvons aussi le concevoir comme non existant. Il n’y a donc pas d’ĂȘtre dont la non-existence implique contradiction. En consĂ©quence, il n’y a pas d’ĂȘtre dont l’existence soit dĂ©montrable. Je propose cet argument comme entiĂšrement dĂ©finitif.» Dialogues sur la religion naturelle, IX. Donc ou bien par l’analogie on prouve un Dieu non infini, ou par la preuve a priori on ne prouve aucune existence. Pour Kant, il est impossible d’attribuer l’existence Ă  l’idĂ©e de Dieu. L’insuffisance de la preuve physico-thĂ©ologique consiste dans l’écart entre un Dieu architecte auquel parvient l’analogie artisanale et l’idĂ©e d’un Dieu crĂ©ateur. La preuve cosmologique repose sur un usage illĂ©gitime des concepts et du principe de causalitĂ© poser une nĂ©cessitĂ© inconditionnĂ©e identifiĂ©e Ă  Dieu c’est sortir de l’expĂ©rience qui est le cadre de l’usage des catĂ©gories de l’entendement. Reste la preuve ontologique — que prĂ©suppose en rĂ©alitĂ© la preuve cosmologique elle a besoin du concept d’ĂȘtre souverainement rĂ©el ens realissimum pour son concept d’ĂȘtre nĂ©cessaire ens necessarium. La preuve suppose qu’un ĂȘtre nĂ©cessaire est un ĂȘtre dont la non-existence est impossible. Mais que signifie dans ce cas impossible » ? Soit un triangle il est impossible sans contradiction de penser son concept sans penser que la somme des angles Ă©gale 180°. Mais je peux ne pas penser le concept de triangle. Je ne peux poser un triangle sans ses prĂ©dicats, mais je peux ne poser ni le sujet ni ses prĂ©dicats. Ainsi pour Dieu. Si je pense Dieu, je ne peux pas ne pas penser la toute-puissance. Mais rien n’empĂȘche aucune contradiction de dire que Dieu n’est pas. Il est impossible ou contradictoire de dire que Dieu n’est pas omnipotent mais pas de dire qu’il n’est pas. Autrement dit, il ne faut pas confondre le sens copulatif » et le sens existentiel du verbe ĂȘtre » Dieu est x ; xDieu est. Mais dans l’argument ontologique, on veut dire encore autre chose que Dieu existe rĂ©ellement. Ainsi Dieu est » signifie Dieu est sens copulatif rĂ©ellement existant sens copulatif ». L’argument ontologique traite donc l’existence comme un prĂ©dicat et un prĂ©dicat rĂ©el. Dans ce cas, Dieu n’est pas rĂ©ellement existant » est identique Ă  Dieu n’est pas tout puissant » il y a contradiction entre l’idĂ©e de Dieu et un prĂ©dicat qui lui appartient nĂ©cessairement toute-puissance ou existence. L’existence est une perfection ; or Dieu est souverainement parfait ; donc il existe nĂ©cessairement. Kant reprend dans la Critique de la raison pure le mĂȘme raisonnement Ă©tabli dans l’essai de 1763 sur L’Unique fondement possible d’une dĂ©monstration de l’existence de Dieu. L’ĂȘtre ou l’existence n’est pas une position relative comme un prĂ©dicat logique par rapport Ă  un sujet, mais une position absolue, la position simple et irrĂ©ductible de quelque chose, en elle-mĂȘme et pour elle-mĂȘme». Quand on dit qu’une chose existe, on veut dire qu’elle est posĂ©e elle-mĂȘme avec tous ses prĂ©dicats. Ainsi l’existence n’est pas quelque chose qui s’ajoute au concept, mais ce qui est donnĂ© seulement Ă  la perception, dans l’expĂ©rience. Si l’existence s’ajoutait au concept d’une chose, cette chose serait diffĂ©rente en existant par rapport Ă  ce qu’elle est dans son concept. Je ne penserai pas la mĂȘme chose en pensant le concept de la chose possible et de la chose rĂ©elle. Concept + existence ≠ mĂȘme concept Il y a pourtant bien une diffĂ©rence entre existence possible et existence rĂ©elle. Le contenu was est identique mais pas la maniĂšre wie dont ce contenu est posĂ©e. La chose est davantage posĂ©e mehr gesetz que quand elle est simplement possible. Mais l’existence ne s’ajoute pas Ă  son concept elle est la position de la chose elle-mĂȘme avec tous ses prĂ©dicats. Pour rencontrer l’existence il faut sortir du concept l’existence est ce qui est posĂ©e Ă  l’extĂ©rieur du concept. Ainsi si c’est seulement dans l’expĂ©rience par la perception et non pas simplement par la conformitĂ© avec les conditions de l’expĂ©rience qu’une existence est donnĂ©e, l’existence de Dieu est Ă©videmment inaccessible. Il n’y a pas de “privilĂšge » au concept de Dieu le seul ĂȘtre dont l’essence implique l’existence — c’est mĂȘme le contraire Dieu est le concept dont l’existence doit demeurer quelque chose de problĂ©matique. L’existence de Dieu ne pourra jamais ĂȘtre prouvĂ©e — ou les preuves envelopperont toujours une illusion et un vice de raisonnement. Mais si l’existence de Dieu n’est pas dĂ©montrable — ou pas de maniĂšre apodictique » — alors son inexistence n’est pas non plus prouvĂ©e irrĂ©futablement. Donc /1/ pour Kant, l’idĂ©e de Dieu reste consistante, mĂȘme si le jugement d’existence ne peut lui ĂȘtre appliquĂ©. C’est la diffĂ©rence avec Hume. Dieu est une idĂ©e IdĂ©e nĂ©cessairement produite par la raison. Et si Dieu est aboli » comme objet supra-sensible, il est conservĂ© comme un principe rĂ©gulateur pour l’entendement dans l’unification de ses connaissances Dieu est l’idĂ©al raison d’une unification de toutes les lois entendement. L’illusion de la mĂ©taphysique consiste Ă  hypostasier comme un ĂȘtre un principe heuristique. Dieu est maintenu au-delĂ  de la rĂ©futation de la thĂ©ologie rationnelle postulat de la raison pratique. /2/ croire en Dieu est possible. La croyance en Dieu est lĂ©gitime faute de raison contre l’hypothĂšse de Dieu. Et mĂȘme c’est la foi qui se trouve renforcĂ©e de l’impossibilitĂ© d’une preuve rationnelle de Dieu. Et si la religion est utile, il faut croire en Dieu car la raison n’a rien Ă  y opposer de maniĂšre dĂ©finitive. MĂȘme fausse, la religion est utile En effet si l’hypothĂšse de Dieu n’est pas dĂ©montrable irrĂ©futablement, que vaut rationnellement la croyance religieuse ? L’impossibilitĂ© de fonder la croyance religieuse sur une preuve rationnelle suffit-elle Ă  conclure Ă  son irrationalitĂ© ? Plusieurs attitudes sont ici possibles 1 Il n’est pas raisonnable de croire aucune proposition s’il n’y a aucune raison de supposer qu’elle est vraie or telle est le cas de la religion. Aucune religion ne semble pouvoir rĂ©sister Ă  un examen sĂ©rieux des raisons sur lesquelles elle s’appuie pour exiger la croyance. L’athĂ©isme est la consĂ©quence logique et rationnelle de cette position. 2 L’absence de raison de la croyance ne prouve rien contre la croyance puisqu’il n’y a pas de preuve contre l’existence de Dieu. L’impossibilitĂ© de la dĂ©monstration de l’existence et de l’inexistence de Dieu assure le triomphe du fidĂ©isme. La seule maniĂšre pour l’homme de se rapporter Ă  Dieu, c’est la pure et simple affirmation, ce que Kierkegaard nomme la foi l’esprit ne va pas Ă  Dieu par la mĂ©diation concept mais par le saut de la foi». 3 La rationalitĂ© de la religion doit ĂȘtre Ă©valuĂ©e non pas en fonction de la vĂ©ritĂ© des croyances mais de leur utilitĂ©. Le rationalisme se trompe finalement de cible et sa critique de la religion est sans effet. Nietzsche est plus clairvoyant L’homme est ainsi un article de foi pourrait ĂȘtre rĂ©futĂ© de mille façons pour lui — si l’on pose qu’il en a besoin, il le considĂ©rerait toujours Ă  nouveau comme “vrai“ — conformĂ©ment Ă  cette fameuse “preuve de la force“ dont parle la Bible » Gai savoir, § 347. Le paradoxe serait alors le suivant c’est de son absence de lien avec la vĂ©ritĂ© que la religion tire son crĂ©dit universel. La vĂ©ritĂ© d’une croyance ne lui attribue aucun avantage dĂ©cisif pour les hommes alors que l’argument de l’utilitĂ© lui accorde une force irrĂ©sistible. Les hommes commencent Ă  croire sans doute pour les plus mauvaises raisons, et l’habitude, la tradition font le reste. Finalement on ne croit pas en Dieu, mais on croit dans le Dieu de sa religion, cĂ d de sa culture et de son Ă©ducation. Descartes comme c’est bien connu n’applique pas la mĂ©thode du doute Ă  l’action et ainsi prĂ©serve sa religion de l’examen rationnel La premiĂšre Ă©tait d’obĂ©ir aux lois et aux coutumes de mon pays, retenant constamment la religion en laquelle Dieu m’a fait la grĂące d’ĂȘtre instruit » Discours de la mĂ©thode, III. Et Ă  RĂ©vius, thĂ©ologien de Leyde qui dĂ©sirait engager le philosophe français Ă  dĂ©battre sur la religion, lui faisant d’observer qu’il devrait appliquer le mĂȘme zĂšle Ă  examiner les fondements de sa religion qu’à la connaissance, obtint de Descartes seulement cette rĂ©ponse qu’il avait la religion de son roi et entendait conserver celle de sa nourrice. On pourrait en conclure d’une part qu’on acquiert sa religion comme un ordre Ă©tabli, que la croyance religieuse est une fidĂ©litĂ© aux valeurs en usage. C’est dĂ©jĂ  ce que disait Montaigne, avant Descartes, dans l’Apologie de Raymond Sebond Nous ne recevons notre religion qu’à notre façon et par nos mans, et on autrement que comme les autres religions se reçoivent. Nous nous sommes rencontrĂ©s au pays oĂč elle Ă©tait en usage ; ou nous regardons son anciennetĂ© ou l’autoritĂ© des hommes qui l’ont maintenue ; ou craignons les menaces qu’elle attache aux mĂ©crĂ©ants ; ou fuyons ses promesses. ces considĂ©rations la doivent ĂȘtre employĂ©es Ă  notre crĂ©ance, mais comme subsidiaires ce sont liaisons humaines. Une autre rĂ©gion, d’autres tĂ©moins, pareilles promesses et menaces nous pourraient imprimer par mĂȘme voie une croyance contraire. Nous sommes ChrĂ©tiens Ă  mĂȘme titre que nous somme PĂ©rigourdins ou Allemands » — Montaigne aprĂšs l’expĂ©rience des guerres civiles se dĂ©fie des consĂ©quences sociales et politiques de l’hĂ©rĂ©sie quelque apparence qu’il y ait en la nouveautĂ©, je ne change pas aisĂ©ment, de peur que j’ai de perdre au change. Et puis, je ne suis pas capable de choisir et le tiens en l’assiette oĂč Dieu m’a mis. Autrement je ne me saurais garder de rouler sans cesse. Ainsi me suis-je, par la grĂące de Dieu, conservĂ© entier, sans agitation et trouble de conscience, aux anciennes crĂ©ances de notre religion, au travers de tant de sectes et de divisions que notre siĂšcle Ă  produites». Ainsi l’argument de l’utilitĂ© de la religion sert au traditionalisme, au conservatisme, au scepticisme aussi. La religion fait sociĂ©tĂ© elle est utile aux hommes pour vivre ensemble, partager les mĂȘmes valeurs et mĂȘme pour les Ă©duquer moralement. La majoritĂ© des hommes s’imagine mal comment vivre sans religion. La religion est finalement au principe du processus de civilisation lui-mĂȘme en rĂ©primant en l’homme ses instincts les plus violents. Selon Freud par exemple, la raison de la violence n’est pas dans les facteurs extĂ©rieurs injustices mais inscrite en profondeur en l’homme agressivitĂ©, ce qu’il nomme pulsion de mort ». Toute culture doit nĂ©cessairement s’édifier sur la contrainte et le renoncement pulsionnel. » L’Avenir d’une illusion, Le fond de la culture ou de la civilisation consiste non dans le travail et le moyens de rĂ©guler par lui les rapports sociaux, mais le sacrifice et le dĂ©dommagement de la pulsion. Ainsi ce sont les interdits qui fondent la culture interdit du meurtre, de l’inceste. Quel est alors le rĂŽle de la religion ? Il est Ă  la fois d’exorciser les peurs, de rĂ©concilier l’individu avec la cruautĂ© du destin la maladie et la mort et de le dĂ©dommager des souffrances imposĂ©es par la culture rĂ©pression des instincts. Ainsi la religion est Ă  la fois une institution qui appartient Ă  la culture, qui soutient la culture dans la rĂ©pression des instincts et ce qui compense le sacrifice de ces pulsions par la croyance dans une vie aprĂšs la mort, une justice divine, une rĂ©compense, sous le masque de l’amour ĂȘtre aimĂ© Ă  Ă©galitĂ© par Dieu qui fonde la fraternitĂ©. Autrement dit la religion effectue la fonction de la culture, cĂ d la coercition des pulsions sexuelles qui, si elles ne connaissaient pas de limite, seraient destructrices et effectueraient en fait la pulsion de mort elle-mĂȘme qui est la pulsion du plaisir Ă  l’agression contre autrui ou retournĂ©e contre soi. L’homme n’est pas un ĂȘtre doux, avide d’amour, qui tout au plus serait capable de se dĂ©fendre s’il est attaquĂ© ; mais que parmi les pulsions qui lui sont donnĂ©es, il peut compter aussi une part puissante de penchant Ă  l’agression. En consĂ©quence de quoi, le prochain ne reprĂ©sente pas seulement pour lui un auxiliaire ou un objet sexuel, mais aussi une tentation de satisfaire sur lui son agression. 
 Dans des circonstances qui lui sont favorables, lorsque tombent les forces psychiques qui s’opposaient Ă  elle et la rĂ©frĂ©naient, elle se manifeste aussi spontanĂ©ment. 
 L’existence de ce penchant Ă  l’agression, que nous pouvons ressentir en nous-mĂȘmes et prĂ©supposer Ă  bon droit chez autrui, est le facteur qui perturbe notre relation au prochain et oblige la culture aux efforts qu’elle dĂ©ploie. Par suite de cette hostilitĂ© primaire des hommes les uns envers les autres, la sociĂ©tĂ© culturelle est sans cesse menacĂ©e de ruine. L’intĂ©rĂȘt de la communautĂ© de travail n’en maintiendrait pas la cohĂ©sion les passions de type pulsionnel sont plus fortes que les intĂ©rĂȘts rationnels. La culture doit tout mettre en Ɠuvre pour poser des barriĂšres aux pulsions d’agressions des hommes et tenir en respect ses manifestations par des formes de rĂ©actions psychiques. De lĂ  la mise en Ɠuvre de mĂ©thodes pour inciter les hommes Ă  l’identification et aux relations d’amour rĂ©frĂ©nĂ©es dans leur visĂ©e, de lĂ  la restriction de la vie sexuelle, de lĂ  aussi le commandement idĂ©al aimer son prochain comme soi-mĂȘme, qui se justifie effectivement par le fait que rien n’est plus contraire Ă  la nature humaine originelle. MalgrĂ© tous ses efforts, cette aspiration de la culture n’a pas atteint grand-chose jusqu’ici. Elle espĂšre prĂ©venir les dĂ©bordements les plus grossiers de la violence brutale en s’arrogeant le droit d’exercer une violence sur les criminels, mais la loi ne saurait avoir de prise sur les manifestations les plus prudentes et les plus fines de l’agression humaine. Chacun de nous en vient Ă  laisser tomber les attentes illusoires qu’il a placĂ© dans ses semblables dans sa jeunesse, et peut apprendre combien leur malveillance lui rend la vie plus difficile et plus douloureuse. Ce faisant, il serait injuste de reprocher Ă  la culture de vouloir exclure des activitĂ©s humaines la querelle et la compĂ©tition. Sans doute sont-elles indispensables, mais l’antagonisme n’est pas nĂ©cessairement de l’hostilitĂ©, il lui sert seulement de prĂ©texte » Le Malaise dans la culture, ch. 5, GF, p. 132-134 La culture consiste Ă  endiguer les pulsions Ă©rotique et mortifĂšre et la religion a longtemps Ă©tayĂ© la digue culturelle par ses reprĂ©sentation d’un pĂšre tout puissant, d’une vie Ă©ternelle, d’une justice transcendante. Pour autant, faut-il identifier la religion Ă  ses reprĂ©sentations ? N’y a-t-il pas une spĂ©cificitĂ© des reprĂ©sentations religieuses ? Il faut revenir Ă L’Avenir d’une illusion pour y rĂ©pondre Les reprĂ©sentations religieuses, qui se donnent pour des dogmes, ne sont pas des prĂ©cipitĂ©s d’expĂ©riences ni des rĂ©sultats d’une pensĂ©e, ce sont des illusions, des accomplissements des dĂ©sirs les plus anciens, les plus forts, les plus urgents de l’humanitĂ© ; le secret de leur force est la force de ces dĂ©sirs. Nous savons dĂ©jĂ  que c’est l’effrayante impression de dĂ©sarroi chez l’enfant qui a suscitĂ© le dĂ©sir de protection – protection par l’amour – qu’a comblĂ© le pĂšre, et que c’est la notion de la persistance de ce dĂ©sarroi tout au long de la vie qui a fait se raccrocher Ă  l’existence d’un PĂšre – mais dĂ©sormais plus puissant. Du fait de l’action bienveillante de la providence divine, l’angoisse devant les dangers de la vie est apaisĂ©e, l’instauration d’un ordre Ă©thique du monde assure que s’accomplisse l’exigence de justice restĂ©e si souvent inaccomplie au sein de la civilisation humaine, le prolongement de l’existence humaine par une vie future fournit le cadre spatial et temporel dans lequel sont censĂ©s avoir lieu ces accomplissements de dĂ©sirs. Certaines rĂ©ponses Ă  des Ă©nigmes qui se posent au dĂ©sir humain de savoir, comme celle de la naissance du monde et celle du rapport entre le corps et l’ñme, sont dĂ©veloppĂ©s selon les prĂ©supposĂ©s de ce systĂšme ; c’est un immense soulagement pour la psychĂ© individuelle, lorsqu’elle est dĂ©barrassĂ©e des conflits infantiles issus du complexe du pĂšre et jamais entiĂšrement surmontĂ©s, et qu’ils sont rĂ©orientĂ©s vers une solution admise par tous. » Freud, L’Avenir d’une illusion, VI, 1927, Points Seuil, 2011. Fondamentalement Freud, conformĂ©ment Ă  sa position d’analyste, rĂ©cuse l’approche dogmatique de la religion. La religion c’est un ensemble de reprĂ©sentations, d’idĂ©es. Mais il ne faut pas traiter ces reprĂ©sentations comme des Ă©noncĂ©s cĂ d des propositions susceptibles d’ĂȘtre vraies ou fausses, comme on a Ă©tĂ© tentĂ© de le faire, procĂ©dant soit de l’expĂ©rience soit de la rĂ©flexion mais il faut les traiter comme des dĂ©sirs, ou plutĂŽt comme des accomplissements des dĂ©sirs les plus anciens, les plus forts, les plus urgents de l’humanitĂ© », ce qui revient Ă  dĂ©finir les idĂ©es religieuses comme des illusions la religion comme une illusion. Sans doute, Freud appartient-il Ă  la tradition du rationalisme critique de la religion. Mais son approche n’est pas sociale ou “doxique“, mais psychologique. Il s’agit de comprendre la force de la religion ou des reprĂ©sentations religieuses. Cette force ne peut expliquĂ©e par la critique rationnelle. Il faut montrer ce qui ne se voit pas, ce qui est plus profond que les Ă©noncĂ©s dogmatiques eux-mĂȘmes, la source psychique intime Ă  laquelle les reprĂ©sentations religieuses puisent. Le secret de la force de la religion est Ă  chercher dans les dĂ©sirs les plus anciens, le plus puissants et les plus toujours urgents de l’humanitĂ© — ce qui laisse supposer que les hommes ne sont pas contraints de croire mais qu’ils dĂ©sirent croire, qu’ils consentent Ă  la croyance. Le secret ou la force de la religion c’est qu’elle rĂ©pond au dĂ©sir archaĂŻque d’ĂȘtre protĂ©gĂ©, au sentiment de dĂ©tresse, Ă  la peur de l’abandon. La religion propose la protection d’un pĂšre ou substitue au pĂšre un Tout autre toujours lĂ  pour protĂ©ger, soulager, consoler dans l’épreuve, dans le deuil. Dieu est le pĂšre tout puissant qui survit Ă  la mort ou Ă  la dĂ©fection du pĂšre. La force de la religion est de consoler, d’apaiser l’angoisse et la dĂ©tresse infantile et de poser que le sens est dĂ©jĂ  lĂ , qu’il suffit de lover ou de loger son existence dans ce sens, en suivant les prescriptions religieuses, pour espĂ©rer la rĂ©compense et le bonheur suprĂȘmes. Si l’origine de la religion tient Ă  ce dĂ©sir de dĂ©passer la dĂ©tresse infantile, si la force de la religion est de consoler individuellement, d’engendrer une fraternitĂ© et un lien social ce que Freud analyse dans l’ouvrage de 1921, Psychologie des foules et analyse du moi, alors d’une part la religion est l’institution la plus utile et d’autre part aucune autre ne paraĂźt pouvoir la remplacer. Dans ces conditions, c’est celui qui dĂ©nonce la religion comme illusion qui est dans l’illusion. Rien n’est plus illusoire qu’une humanitĂ© ayant renoncĂ© Ă  l’illusion religieuse. C’est la thĂšse que Freud met dans la bouche de son propre objecteur ch. 9 et 10. En voici les principaux arguments l’homme ne peut se passer de religion » p. 66 un problĂšme d’ordre pratique, tenon une question de teneur en rĂ©alitĂ© » p. 74. Puisque l’individu a besoin d’ĂȘtre Ă©duquĂ©, sans pouvoir attendre qu’il ait atteint la maturitĂ© de l’autonomie intellectuelle, la religion est un systĂšme irremplaçable. Ainsi le rationaliste est dangereux parce qu’il veut remplacer une illusion qui a fait ses preuves et qui est d’une valeur affective certaine par une autre illusion, laquelle ne les a pas faites et qui ne possĂšde pas cette valeur » p. 75 Mais peut-on prouver que l’humanitĂ© est meilleure avec la religion que sans ? On en revient Ă  la ballade de J. Lenon, Imagine. La religion fait sociĂ©tĂ© mais contre les autres sociĂ©tĂ©s. La religion civilise mais aussi rend intolĂ©rant si, comme le pense Russell, la religion s’appuie sur trois passions fondamentales la peur — l’argument est ancien Ă©videmment Ma propre conception concernant la religion est celle de LucrĂšce. Je la regarde comme une maladie nĂ©e de la peur et une source de misĂšre inouĂŻe pour la race humaine. 
 La religion est fondĂ©e 
 en premier lieu et principalement sur la peur. C’est en partie la terreur de l’inconnu et en partie 
 le dĂ©sir de sentir que vous avez une sorte de frĂšre plus ĂągĂ© qui sera Ă  vos cĂŽtĂ©s dans tous vos ennuis et conflits. La peur est le fondement de toute la chose — la peur du mystĂ©rieux, la peur de la dĂ©faite, la peur de la mort » Pourquoi je ne suis pas chrĂ©tien, p. 24[10] ; mais aussi la suffisance conceit et la haine hatred. MĂȘme quand elle prĂŽne l’humilitĂ©, l’amour d’autrui, la religion conduit le croyant Ă  ĂȘtre convaincu qu’il est dans le vrai toute croyant croit que sa religion est la vĂ©ritĂ© et que sa religion est la vraie religion[11], que le monde est comme il le pense, qu’il appartient Ă  la catĂ©gorie des Ă©lus, des pieux, des justes, et ainsi Ă  ĂȘtre intolĂ©rant et parfois cruel envers l’autre qui est exclu de cette rectitude rigthteousness. L’autre est alors l’infidĂšle, le mĂ©crĂ©ant, l’apostat et mĂ©rite chĂątiment au nom de Dieu mĂȘme. La religion n’est jamais si violente contre les idĂ©es et contre les hommes que quand elle est plus dogmatique inquisition
, cĂ d plus certaine d’ĂȘtre du cĂŽtĂ© du vrai et du bien. C’est pourquoi Russell conclut ainsi son essai prĂ©cisĂ©ment intitulĂ© La religion a-t-elle contribuĂ© Ă  la civilisation ? » La religion empĂȘche nos enfants d’avoir une Ă©ducation rationnelle ; la religion nous empĂȘche d’éliminer les causes fondamentales de la guerre ; la religion nous empĂȘche d’enseigner l’éthique de la coopĂ©ration scientifique Ă  la place des vieilles doctrines fĂ©roces du pĂ©chĂ© et du chĂątiment. Il est possible que l’humanitĂ© soit au seuil d’un Ăąge d’or ; mais si c’est le cas, il sera nĂ©cessaire d’abattre d’abord le dragon qui garde la porte, et ce dragon est la religion » p. 47. Donc est-il bien raisonnable de juger la rationalitĂ© de la religion au besoin de Dieu ou de foi en Dieu ? N’est-ce pas dĂ©jĂ  tout accordĂ© au croyant que d’admettre un besoin de Dieu ou un besoin et une utilitĂ© de la religion — on peut ainsi entendre que c’est la religion qui tient en respect les individus dans la cohĂ©sion sociale et les empĂȘche de verser dans la violence la religion n’est pas le problĂšme mais la solution. Mais est-il bien raisonnable de dire que la religion est fausse mais utile, que c’est une illusion nĂ©cessaire sinon Ă  tous les hommes du moins Ă  la plupart d’entre eux — Spinoza parlait du salut des ignorants qui repose sur l’obĂ©issance, sur une conception anthropomorphique de Dieu adaptĂ©e Ă  l’imagination, alors que le sage, en principe, n’a pas besoin de religion[12]. Admettre le divorce entre le vrai et l’utile un utile faux, une vĂ©ritĂ© inutile est Ă©videmment une thĂšse coĂ»teuse pour un rationaliste. Comme le dit, Freud l’infantilisme doit ĂȘtre dĂ©passĂ©. Mais qu’est-ce qui permet Ă  l’homme de surmonter sa dĂ©tresse Ă  l’exception de la religion ? Au dernier chapitre, Freud manifeste un optimisme abandonnĂ© dans Le Malaise dans la culture il ne croit pas Ă  l’avenir de l’illusion religieuse, mais croit au contraire aux forces de l’esprit, de la raison et de la science au Dieu Logos comme il dit au chapitre 10 p. 78 une Ă©ducation sans religion est possible, et nul ne sait non seulement ce que peut l’éducation mais une Ă©ducation sans religion. Et si l’on objecte que la croyance dans la science est une illusion, on peut rĂ©pondre que la science a fourni qu’elle ne l’était pas p. 79. Non, notre science n’est pas une illusion. Mais ce serait une illusion de croire que nous puissions trouver ailleurs ce qu’elle ne peut nous donner » p. 80. Dans Le Malaise dans la culture 1929, le ton est plus pessimiste ou du moins, Freud dĂ©veloppe une sorte d’éthique de la dĂ©sillusion. Il considĂšre que la religion est une illusion et quelque chose de dĂ©passĂ©, mais il semble convaincu Ă©galement que, sinon la religion, du moins quelque chose comme la religion, est et restera nĂ©cessaire, inĂ©vitable pour la masse des hommes seuls les hĂ©ros de la culture » peuvent se passer de toute religion. La religion a encore un bel avenir si ce sont les masses qui commandent le cours de l’histoire. Vivre avec la religion religion et tolĂ©rance Que peut-on faire de la religion ? La question ne se pose pas pour le croyant. Mais le non-croyant a-t-il un devoir inconditionnel de respect de la foi religieuse ? Faut-il admettre que la foi religieuse est respectable parce qu’elle est la foi religieuse ? On entend souvent dire face Ă  un acte extrĂ©miste que ce n’est pas la “vraie“ religion, que la religion est instrumentalisĂ© par des individus, des groupes. Mais celui qui croit des choses absurdes n’est-il pas capable de choses atroces ? Ensuite, pourquoi respecter la foi du religieux modĂ©rĂ© et non celle du religieux fanatique ? C’est bien au nom de la foi que les hommes peuvent commettre les pires crimes. Comment un acte peut-il ĂȘtre une perversion de la foi si la foi n’a pas de justification objective ? Sans norme dĂ©montrable, la foi ne peut ĂȘtre dĂ©figurĂ©e. Du point de vue de la foi, l’extrĂ©miste n’est pas moins lĂ©gitime que le modĂ©rĂ© Ă  ses yeux, il l’est mĂȘme davantage car il est entiĂšrement soumis et intransigeant, il soutient une interprĂ©tation littĂ©rale du texte saint. Ensuite il suffit, selon le mĂȘme principe, d’affirmer que tel dogme ou tel devoir appartient Ă  sa foi, pour la faire accepter par toute la sociĂ©tĂ© Dawkins, p. 390. La foi de l’extrĂ©miste est une foi plus radicale ou, en tous cas, une autre expression de la foi, et donc toujours respectable. Qu’est-ce qui peut expliquer qu’un individu dĂ©cide de mourir en martyre, sinon qu’il croit vraiment ce qu’il dit croire, en l’occurrence que c’est le moyen le plus sĂ»r d’aller tout droit au paradis comme l’enseigne le texte saint cf. tĂ©moignage de Nasra Hassan citĂ© par Dawkins, p. 388-389 ? La religion rend sain le crime, absout le meurtre par le martyre. On dira que le Coran professe une religion de paix et non de guerre, condamne le meurtre de l’innocent, que tous les versets belliqueux doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s spirituellement. Mais tous ne le peuvent sans doute pas. L’interprĂ©tation du texte est Ă©videmment une partie de la solution pour une religion tolĂ©rante. Le statut pacifique ou guerrier de la religion dĂ©pend de la mĂ©thode d’interprĂ©tation du texte sacrĂ©. Mais [13]. L’islam a largement refermĂ© la tentative d’une interprĂ©tation plus rationaliste et historique du Coran comme celle des Mu’tazilites dĂšs le VIIIĂš siĂšcle favorables Ă  la libertĂ© humaine et Ă  un rationalisme Ă©thique, rĂ©futant l’incitation du Coran — mais en dĂ©clin dĂšs le XIĂš. — et d’AvĂ©rroĂšs XIIĂš s. par exemple[14]. Combattez ceux qui ne croient pas en Allah ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce que Allah et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vĂ©ritĂ©, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains, aprĂšs s’ĂȘtre humiliĂ©s». c Et si le texte ici coranique est une sĂ©lection hĂ©tĂ©roclite de versets qui enseignent des choses contradictoires et s’il est maintenu que c’est toujours la parole mĂȘme de Dieu qui s’y exprime, comment choisir les uns contre les autres sans blasphĂ©mer contre Dieu mĂȘme qui est le crime suprĂȘme ? Et si l’on s’appuie sur le principe de l’abrogation Ă©laborĂ© par les Ă©rudits musulmans pour sortir des contradictions selon lequel les textes ultĂ©rieurs priment sur les plus anciens, et puisque les passages pacifistes datant en majoritĂ© du temps de la Mecque, les versets les plus belliqueux de MĂ©dine peuvent faire autoritĂ©. C’est pourquoi le musulman radical peut ĂȘtre fondĂ© Ă  dĂ©clarer que “tout musulman qui nie que la terreur fasse partie de l’islam est kafir“ citĂ© par Dawkins, p. 391. Ainsi que peut-ĂȘtre une religion tolĂ©rante ? Une religion tolĂ©rante est-elle possible ? Une religion tolĂ©rante est-elle une religion modĂ©rĂ©e ? Une position rigoureuse et cohĂ©rente est possible veut-on une religion de tolĂ©rance, il ne suffit peut-ĂȘtre pas de “tolĂ©rer” une religion modĂ©rĂ©e. Car dĂšs lors qu’on admet que 1 la foi est une vertu c’est une perfection de croire en Dieu alors mĂȘme qu’elle ne peut recevoir de justification rationnelle et/ou qu’elle est placĂ©e au-dessus de toute discussion 2 le devoir envers Dieu surpasse tout 3 que tout le texte saint doit ĂȘtre cru et appliquĂ© Ă  la lettre, comme par exemple que le martyre au nom de Dieu est rĂ©compensĂ© par le Paradis — alors la pire violence est toujours possible au nom de la religion. Mais alors, comme le soutient Dawkins, ce n’est pas l’extrĂ©misme religieux qu’il faut blĂąmer, mais la religion elle-mĂȘme. Beaucoup de gens seraient prĂȘts Ă  mourir plutĂŽt que de penser. Et ils meurent » Russell, ibid., p. 389 et mĂȘme ils tuent, ou ils tuent en mourant. De l’absurde irrationnel la foi je crois parce que c’est absurde Ă  l’absurde dĂ©raisonnable le crime je tue l’innocent ou mon propre frĂšre au nom de Dieu, la consĂ©quence est bonne. L’alternative ne serait pas alors entre religion radicale ou extrĂ©miste et religion modĂ©rĂ©e, mais entre tolĂ©rance ou religion. Il faudrait inverser la formule de Kant j’ai dĂ» abolir la croyance pour faire place au savoir et Ă  la tolĂ©rance. La tolĂ©rance ne procĂšde pas de l’abolition de la religion radicale au profit de la religion modĂ©rĂ©e mais de l’abolition de la religion imagine there is no heaven
 no religion too. Le projet Ă©mancipateur des LumiĂšres aura Ă©tĂ© indissociable de l’idĂ©e de tolĂ©rance Locke, Voltaire. La tolĂ©rance implique le pluralisme religieux problĂšme religieux et pose le problĂšme du rapport entre l’Etat et les Ă©glises problĂšme politique. Qu’est-ce qui est tolĂ©rable pour un Etat laĂŻque ? Que faire pour passer d’une tolĂ©rance nĂ©gative subie comme un modus vivendi Ă  une tolĂ©rance positive qui engage la reconnaissance et le respect d’autres conceptions de la vĂ©ritĂ© et la production de droits individuels cf. Denis Lacorne, Les frontiĂšres de la tolĂ©rance, Gallimard 2016. On sait que la question de la tolĂ©rance aura Ă©tĂ© au cƓur de l’histoire politique de l’Europe — accords de paix comme celui d’Augsbourg 1555 offrant la coexistence dans la sĂ©paration ejus regio, cujus religio ou l’Edit de Nantes, droit individuel de libertĂ© de conscience et de culte
 De fait, chaque sociĂ©tĂ© dĂ©finit ce qui est tolĂ©rable et ce qui ne l’est pas, les limites de la tolĂ©rance religieuse. Que faut-il entendre au minimum par tolĂ©rance » ? la coexistence pacifique de groupes humains relevant d’histoires, de cultures et d’identitĂ©s diffĂ©rentes » M/ Walzer, TraitĂ© sur la tolĂ©rance, Gallimard 1998, Cette dĂ©finition ne fixe pas de forme politique nĂ©cessaire Ă  la tolĂ©rance religion d’Etat qui tolĂšre les autres confessions dans les limites de l’ordre public, Etat impĂ©rial qui protĂšge toutes les communautĂ©s mais en y enfermant les individus, Etat laĂŻque qui protĂšge toutes les confessions sans en privilĂ©gier aucune mais surtout au bĂ©nĂ©fice des individus,. Seule la guerre civile signe l’échec de la tolĂ©rance ainsi dĂ©finie. Par ailleurs, la tolĂ©rance est susceptible de plusieurs degrĂ©s Politiquement, les formules de la tolĂ©rance semblent se cristalliser autour de deux pĂŽles laĂŻcitĂ© rĂ©publicaine disparition de la religion dans l’espace public ou sĂ©cularisation dĂ©mocratique jeu de la privatisation socio-culturelle des croyances. Mais sans doute aucune formule ne peut se passer dĂ©sormais de l’autre la laĂŻcitĂ© rĂ©publicaine doit laisser faire une certaine sĂ©cularisation, une subjectivisation religieuse, et la sĂ©cularisation doit s’appuyer sur des institutions protĂ©geant les droits civils. Bibliographie principaux ouvrages citĂ©s Bouveresse, Que peut-on faire de la religion ? ; Dawkins, Pour en finir avec Dieu ; Pouivet, Sur la rationalitĂ© des croyances religieuses » ; Russell, Pourquoi je ne suis pas chrĂ©tien ; Wittgenstein, “Leçons sur la croyance religieuse”, Leçons et conversations [1] Encore des diffĂ©rences apparaissent-elles entre les religions. D’une part la croyance en Dieu est un des objets de la croyance religieuse cf. dans le christianisme, le symbole des ApĂŽtres. Mais l’existence de Dieu n’est pas toujours posĂ©e comme l’objet d’un acte de croyance. Pour la religion musulmane, comme pour les religions paĂŻennes, l’existence de Dieu est une Ă©vidence, saisissable par tout homme en contemplant l’ordre naturel, par l’usage de la droite raison. La rĂ©vĂ©lation ne porte pas sur l’existence de Dieu mais sur son unicitĂ©. Il n’y a de dieu que Dieu et Dieu est l’unique. VoilĂ  ce qu’il faut croire fondamentalement et qui fait l’objet de la rĂ©vĂ©lation. [2] Il n’est pas certain que pour les deux autres monothĂ©ismes on puisse trouver formulĂ© pareil formulaire de la foi. Pour la religion musulmane, les 5 piliers sont professer l’unicitĂ© de Dieu et que Mahomet est son prophĂšte ; accomplir 5 priĂšres quotidiennes ; pratiquer l’aumĂŽne ; pratiquer le jeĂ»ne du Ramadan ; accomplir le pĂšlerinage de la Mecque. La religion musulmane ne se laisse pas exactement ramenĂ©e Ă  un credo mais Ă  un facio, Ă  un agio. Sur le plan de la foi, l’équivalent du Symbole des ApĂŽtres serait peut-ĂȘtre 1. adorer Dieu sans lui associer aucune autre divinitĂ© shahada 2. croire en Dieu comme Seigneur et crĂ©ateur 3. croire aux anges, Ă  leur hiĂ©rarchie 4. croire aux Djinns 5. croire aux livres cĂ©lestes Coran, Thora, Psaumes, Evangile 6. croire aux messagers de Dieu 7. croire Ă  la prĂ©destination [3] La question du miracle occupe une place centrale dans la rĂ©flexion sur la religion. La croyance au miracle semble mĂ©tonymique avec la croyance religieuse. En effet, si Dieu est Dieu, il est tout puissant. Or rien ne rĂ©siste Ă  la toute puissance de Dieu, ni l’impossible physique, ni l’impossible logique. Donc la croyance au miracle est lĂ©gitime et nĂ©cessaire. Si je crois en Dieu je crois ou je suis autorisĂ© par la foi mĂȘme Ă  croire au miracle mĂȘme si je peux subjectivement ne pas m’y conformer. On aurait ici peut-ĂȘtre l’unique cas d’une implication de deux vĂ©ritĂ©s de foi Si p alors q, cĂ d si Cp alors Cq. Inversement, celui qui ne croit pas au miracle, ne croit pas vraiment en Dieu. Si non q alors non p, cĂ d si non Cq alors non Cp. La question du miracle a Ă©tĂ© longuement examinĂ©e par la mĂ©taphysique rationaliste du XVIIe siĂšcle. Mais la mĂ©taphysique a pour ainsi dire sĂ©parĂ© la question du miracle et la question de la croyance — elle a justement traitĂ© le miracle comme une question mĂ©taphysique. En effet elle a privilĂ©giĂ© l’examen de la possibilitĂ© du miracle ? Il ne s’agit moins de savoir si la croyance au miracle est raisonnable que de savoir si le miracle est possible. Dans le vocabulaire de la mĂ©taphysique classique, le miracle est une volontĂ© particuliĂšre de Dieu, alors que la loi de la nature est une volontĂ© gĂ©nĂ©rale. Or il s’agit de savoir si la raison peut admettre la possibilitĂ© du miracle dans la nature, parce qu’il implique contradiction soit avec le systĂšme des lois — il y a une stricte contradiction entre la loi et le miracle si p loi alors non q miracle ; si q miracle alors non p loi ; soit en Dieu mĂȘme entre ses volontĂ©s gĂ©nĂ©rales et ses volontĂ© particuliĂšres — Dieu peut-il vouloir contre ce qu’il a voulu sans se nier lui-mĂȘme ? La mĂ©taphysique de la nĂ©cessitĂ© exclut par dĂ©finition le miracle un miracle est impossible, ou relĂšve de l’imagination et de la croyance mais jamais de la connaissance. Pour concevoir la possibilitĂ© physique et logique du miracle, il faut admettre une contingence de lois de la nature. Descartes parce exemple considĂšre que les lois physiques ne sont pas physiquement nĂ©cessaires, mais elles sont pourtant immuables Ă©tant donnĂ©e la vĂ©racitĂ© divine ce qui de fait exclut le miracle. Pour Malebranche, le miracle est possible parce que les lois de la nature sont soumises ou en accord avec les lois de la grĂące. Quant Ă  Leibniz, le miracle est possible parce que les lois de la nature n’étant pas soumises au principe d’identitĂ© ou de contradiction, elles ne sauraient ĂȘtre nĂ©cessaires. Elles sont seulement des coutumes de Dieu » Discours de mĂ©taphysique, art. 7. Ainsi, le miracle n’est pas une exception Ă  l’ordre de la nature, mais plutĂŽt l’expression d’une loi plus gĂ©nĂ©rale mĂȘme si sa traduction est particuliĂšre que la coutume de la loi. Si la loi est une coutume, Dieu peut s’en dispenser pour suivre le meilleur. Hume dĂ©place la rĂ©flexion sur le miracle et dĂ©veloppe une critique Ă  la fois originale et trĂšs corrosive cf. EnquĂȘte sur l’entendement humain, section X. Il ne se place pas sur le terrain de la possibilitĂ© du miracle comme la mĂ©taphysique classique, n’évoque pas le complot des prĂȘtres pour abuser des hommes, mais il se place sur le terrain de la croyance. Le miracle est une coutume non de Dieu mais de l’homme, ce qui change tout. Contrairement aux mĂ©taphysiques classiques, le miracle est tout Ă  fait possible physiquement. Le rapport de causalitĂ© n’est pas nĂ©cessaire dans les choses, donc n’importe quel effet est toujours possible de n’importe quelle cause. Sans lois objectives, aucun Ă©vĂ©nement n’est plus ou moins miraculeux qu’un autre s’il n’y a rien de nĂ©cessaire, il n’y a rien de miraculeux ou tout l’est. Mais alors c’est la religion elle-mĂȘme qui est interrogĂ©e. La question devient qu’est-ce qui peut ĂȘtre cru ? Croire au miracle, est-ce une croyance possible ? Soit un prince indien qui ne peut croire ce qu’on lui raconte sur les effets du gel. Son expĂ©rience ne lui permet pas de croire quelque chose que l’expĂ©rience permet tout Ă  fait Ă  un Ecossais. On pourrait arguer de cet exemple la possibilitĂ© du miracle l’homme qui refuse de croire au miracle dont Dieu serait capable arrĂȘter le soleil, sĂ©parer, la mer, ressusciter les morts
 est dans le mĂȘme cas que le prince indien qui refuse de croire au gel, Ă  la glace. Il ne croit pas ce qui est non seulement possible et bien rĂ©el. En rĂ©alitĂ©, c’est exactement le contraire qu’il faut conclure. Si le prince indien venait en hiver en Ecosse, il pourrait Ă©tendre sa croyance en mĂȘme temps que son expĂ©rience, alors que pour le miracle religieux, aucune extension de l’expĂ©rience, ici ou ailleurs, ne peut corriger une expĂ©rience partielle. C’est donc l’expĂ©rience qui justifie la croyance. L’indien a raison de ne pas croire au gel parce qu’il raisonne sainement Ă  partir de son expĂ©rience. Il serait au contraire parfaitement irrationnel qu’il en vienne Ă  y croire. Autrement dit du point de vue subjectif et non plus physique oĂč le miracle est par dĂ©finition possible le miracle, cĂ d la croyance au miracle est impossible. En effet le sage proportionne sa croyance Ă  l’évidence » p. 184, Aubier. Croire au miracle c’est croire l’incroyable le miracle c’est l’incroyable [4] Une croyance religieuse n’est pas une croyance ordinaire — cĂ d Ă  propos de laquelle on puisse demander de la justifier par des preuves empiriques, historiques, dĂ©monstratives. Pour autant on ne doit pas la dĂ©clarer irrationnelle ou dĂ©raisonnable. Le lieu de la religion n’est pas entre la croyance et son contenu propositionnel mais entre le croyant et sa croyance. Dire par exemple que le chrĂ©tien croit pour des raisons historiques sur la vie de JĂ©sus est une approche dĂ©placĂ©e ou impropre du christianisme. Car la preuve historique n’a rien Ă  voir avec la croyance. Le chrĂ©tien ne croit pas parce qu’il croit Ă  la vĂ©racitĂ© du rĂ©cit des Evangile. Mais ce rĂ©cit est reçu avec foi, cĂ d avec amour. Cf. Remarques mĂȘlĂ©es, p. 93 ; p. 118 — la position de Wittgenstein est proche de celle de Kierkegaard, et finalement plus proche d’Augustin credo qui absurdum que d’Anselme credo ut intelligam. C’est cette adhĂ©sion et rien qu’elle qui constitue le tenir-pour-vrai de la foi. Avoir la foi ou se convertir Ă  une religion c’est non pas avoir des croyances d’un genre particulier — pour lesquelles il serait raisonnable de demander ce qui les fonde — mais transformer sa vie du tout au tout. Une religion n’est pas une doctrine, un ensemble de vĂ©ritĂ©s de foi, mais un choix de vie conforme Ă  des principes. Cf. Leçons sur la croyance religieuse, p. 107 et p. 113-114. La spĂ©cificitĂ© de la religion consiste dans la foi mais la foi n’est pas une croyance comme les autres. Elle consiste Ă  totaliser la vie dans l’horizon du salut. Finalement, la croyance religieuse dĂ©borde le savoir. Pour autant il n’y a pas de conflit entre la foi et le savoir. Le non croyant n’est pas plus rationnel que le croyant — comme le positiviste le pense. Peut-on dire du chrĂ©tien qui croit au Jugement dernier, Ă  la rĂ©surrection, qu’il est irrationnel ou dĂ©raisonnable et Ă  l’inverse que le non-chrĂ©tien qui n’y croit pas est pleinement raisonnable ? Wittgenstein ne se rĂ©sout pas Ă  cette alternative. Il dit plutĂŽt le non-chrĂ©tien ne peut comprendre la grammaire religieuse du verbe “croire“ Leçons sur la croyance religieuse, p. 114. Ce qui sĂ©pare le croyant du non-croyant n’est pas la non-raison de la raison, mais deux formes de vie diffĂ©rente. Dans les Remarques mĂȘlĂ©es Wittgenstein exprime sa propre impuissance Ă  croire — ce qui ne le conduit pas Ă  mĂ©priser le croyant je ne puis articuler le mot “Seigneur“ avec du sens. Car je ne crois pas qu’il viendra pour me juger, cela ne veut rien dire pour moi. Et cela ne pourrait me dire quelque chose que si je vivais tout Ă  fait autrement ». Cf. Remarques mĂȘlĂ©es, p. 91. Donc il n’y a pas celui qui croit et qui ne sait pas pourquoi il croit et celui qui sait et qui ne croit pas pas puisque le croyant ne sait pourquoi il croit mais il y a deux individus engagĂ©s dans deux formes de vie diffĂ©rentes — par forme de vie, on peut entendre Ă  la fois la communautĂ© de vie et la projection subjective d’un sens global de la vie. Donc la foi ne se dĂ©montre pas par des raisons comme une croyance quelconque, toujours exposĂ©e au doute mais se montre par une vie. La foi c’est la force d’une vie croyante et non la force de raisons de croire. Cette thĂšse wittgensteinienne dĂ©lie la foi de la connaissance que privilĂ©gie l’épistĂ©mologie â€œĂ©videntiste“ Ă  laquelle se rattache par exemple Russell ou sa version plus modeste qui privilĂ©gie les degrĂ©s de probabilitĂ©. Mais si le problĂšme n’est pas de savoir si la croyance est ou non rationnelle, ou plutĂŽt si le fait de n’ĂȘtre pas susceptible de raisons probantes, il s’agit de savoir comment avoir la foi. [5] Cf. Dictionnaire philosophique, PrĂ©jugĂ© » Il y a des prĂ©jugĂ©s universels, nĂ©cessaires, et qui sont la vertu mĂȘme. Dans tous les pays, on apprend aux enfants Ă  reconnaĂźtre un Dieu rĂ©munĂ©rateur et vengeur ; Ă  respecter, Ă  aimer leur pĂšre et leur mĂšre ; Ă  regarder le larcin comme un crime, le mensonge intĂ©ressĂ© comme un vice, avant qu’ils puissent deviner ce que c’est qu’un vice et une vertu ». [6] Cf. pour la suite, M. Delon, RĂ©habilitation des prĂ©jugĂ©s et crise des LumiĂšres », Revue germanique internationale, 3, 1995. [7] On se plaint souvent de la pauvretĂ© de la pensĂ©e dans notre siĂšcle et de la dĂ©cadence de la vĂ©ritable science. Mais je ne vois pas que celles dont les fondements sont bien Ă©tablis, comme les mathĂ©matiques, la physique, etc., mĂ©ritent le moins du monde ce reproche ; il me semble, au contraire, qu’elles soutiennent fort bien leur vieille rĂ©putation de soliditĂ©, et qu’elles l’ont mĂȘme surpassĂ©e dans ces derniers temps. Or, le mĂȘme esprit produirait le mĂȘme effet dans les autres branches de la connaissance, si l’on s’appliquait d’abord Ă  en rectifier les principes. Tant qu’on ne l’aura pas fait, l’indiffĂ©rence, le doute, et finalement une sĂ©vĂšre critique, sont plutĂŽt des preuves d’une certaine profondeur de pensĂ©e. Notre siĂšcle est le vrai siĂšcle de la critique ; rien ne doit y Ă©chapper. En vain la religion avec sa saintetĂ©, et la lĂ©gislation avec sa majestĂ©, prĂ©tendent-elles s’y soustraire elles ne font par lĂ  qu’exciter contre elles-mĂȘmes de justes soupçons, et elles perdent tout droit Ă  cette sincĂšre estime que la raison n’accorde qu’à ce qui a pu soutenir son libre et public examen. » Kant est un penseur des LumiĂšres. Mais les LumiĂšres kantiennes et mĂȘmes allemandes n’ont pas le caractĂšre anti-religieux matĂ©rialiste des LumiĂšres françaises. La position de Kant est originale et assez complexe – il a combattu dĂšs sa pĂ©riode prĂ©-critique les SchwĂ€rmer exaltĂ©s, enthousiastes, illuminĂ©s, le SchwĂ€rmerei mysticisme, spiritisme, alchimie, fanatisme religieux par exemple dans Les rĂȘves d’un visionnaire 1766 dirigĂ©s contre le pire des illuminĂ©s, le mystique suĂ©dois Swedenborg – si la religion est “critiquable“, c’est qu’elle contient quelque chose de rationnel qui doit ĂȘtre pleinement manifestĂ© la religion n’est pas Ă©trangĂšre Ă  la raison ; – mais il ne partage pas l’opinion des ses contemporains AufklĂ€rer qui, Ă  la suite de Leibniz, ignorent les limites de la raison, comme Mendelssohn qui pense qu’il est possible de dĂ©montrer l’existence de Dieu, quitte Ă  s’appuyer sur le sens commun cf. Qu’est-ce que s’orienter dans la pensĂ©e ? Donc les LumiĂšres c’est la critique par la raison de son pouvoir connaĂźtre dĂ©gager a priori les limites de la raison qui prĂ©serve le contenu rationnel de la religion contre tout SchwĂ€rmerei. [8] Peut-ĂȘtre la thĂ©ologie de la fin du XXe siĂšcle aura davantage Ă©tĂ© “irrationaliste“ alors que la thĂ©ologie de Vatican I, avec l’Encyclique de Pie X en 1907 dĂ©nonçait le modernisme et dĂ©jĂ  celle de LĂ©on XIII de 1899 largement identifiĂ© au kantisme cf. l’abbĂ© Fontaine, Les infiltrations kantiennes et protestantes et le clergĂ© français, 1902 comme un irrationalisme — une sorte de manifeste anti-moderne au nom du rationalisme, qui aura pris la forme de la nĂ©o-scolastique ou du nĂ©o-thomisme Garigou Lagrange, Maritain. Au contraire Vatican II sature le discours religieux par l’amour, le vĂ©cu, l’intĂ©rioritĂ©. [9] AbsurditĂ© d’une religion rĂ©vĂ©lĂ©e ; pratique secrĂšte qui contrevient aux lois de l’empire ; doctrine barbare qui provient des juifs, incomparable avec la philosophie grecque. [10] Qu’est-ce qui terrifie dans l’ombre le cƓur des hommes ? L’épreuve de la mort le mourir, mais aussi avec la mort le risque de sombrer dans le nĂ©ant, et avec l’immortalitĂ© les chĂątiments infernaux. Ainsi l’homme craint en mĂȘme temps de ne pas continuer Ă  vivre aprĂšs la mort et de subir dans cette vie surnaturelle la justice des dieux. Tout se passe comme si la religion conjurait une peur la peur de la mort et de l’anĂ©antissement par une autre peur de la justice divine. La sagesse philosophique seule apporte la quiĂ©tude Ă  l’ñme parce qu’elle combat la peur de la mort et des dieux, en lui enseignant que la mort n’est rien par rapport Ă  nous vivants, que notre vie est comme un instant entre deux Ă©ternitĂ©s de nĂ©ant, que l’ñme est mortelle et que sĂ©parĂ©e du corps qui lui sert d’enceinte elle se disperse et que les dieux existent, mais qu’ils s’occupent pas des hommes ni quand ils sont vivants ni quand ils sont morts. [11] Si ma religion est la vraie, par amour de l’humanitĂ© je dois convertir l’infidĂšle ou le fidĂšle d’une autre religion. Et puisque ma religion est la vraie, elle doit triompher sur toutes les autres et tant qu’il y aura d’autres croyants et des incroyants, elle sera toujours menacĂ©e. Le croyant est toujours en puissance un combattant soit pour dĂ©fendre sa foi qui est la vĂ©ritĂ© soit pour la diffuser Ă  tout le genre humain. [12] Cf. le chapitre 15 du TraitĂ© thĂ©ologico-politique Puisque ce principe de la thĂ©ologie, savoir, que l’obĂ©issance, Ă  elle seule, peut sauver les hommes, est indĂ©montrable, et que la raison ne peut en prĂ©ciser la vĂ©ritĂ© ou la faussetĂ©, on est en droit de nous demander pourquoi nous le croyons si c’est sans raison et comme des aveugles que nous l’embrassons, nous agissons donc aussi avec folie et sans jugement ; que si, au contraire, nous voulons Ă©tablir que la raison peut dĂ©montrer ce principe, la thĂ©ologie sera donc une partie de la philosophie, et une partie insĂ©parable. Mais Ă  ces difficultĂ©s je rĂ©ponds que je soutiens d’une maniĂšre absolue que la lumiĂšre naturelle ne peut dĂ©couvrir ce dogme fondamental de la thĂ©ologie, ou du moins qu’il n’y a personne qui l’ait dĂ©montrĂ©, et consĂ©quemment que la rĂ©vĂ©lation Ă©tait d’une indispensable nĂ©cessitĂ©, mais cependant que nous pouvons nous servir du jugement pour embrasser au moins avec une certitude morale ce qui a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©. Je dis avec une certitude morale ; car nous n’en sommes pas Ă  espĂ©rer que nous puissions en ĂȘtre plus certains que les prophĂštes eux-mĂȘmes, Ă  qui ont Ă©tĂ© faites les premiĂšres rĂ©vĂ©lations, et dont pourtant la certitude n’était que morale, comme nous l’avons dĂ©jĂ  prouvĂ© dans le chapitre II de ce TraitĂ©. Ils se trompent donc Ă©trangement ceux qui veulent Ă©tablir l’autoritĂ© de l’Écriture sur des dĂ©monstrations mathĂ©matiques ; car l’autoritĂ© de la Bible dĂ©pend de l’autoritĂ© des prophĂštes, et on ne saurait consĂ©quemment la dĂ©montrer par des arguments plus forts que ceux dont se servaient ordinairement les prophĂštes pour la persuader Ă  leur peuple ; et nous ne saurions nous-mĂȘmes asseoir notre certitude Ă  cet Ă©gard sur aucune autre base que celle sur laquelle les prophĂštes faisaient reposer leur certitude et leur autoritĂ©. 
 Ainsi ce fondement de toute la thĂ©ologie et de l’Écriture, bien qu’il ne puisse ĂȘtre Ă©tabli par raisons mathĂ©matiques, peut ĂȘtre nĂ©anmoins acceptĂ© par un esprit bien fait sano judicio. Car ce qui a Ă©tĂ© confirmĂ© par le tĂ©moignage de tant de prophĂštes, ce qui est une source de consolations pour les simples d’esprit, ce qui procure de grands avantages Ă  l’État, ce que nous pouvons croire absolument sans risque ni pĂ©ril, il y aurait folie inscitia Ă  le rejeter par ce seul prĂ©texte que cela ne peut ĂȘtre dĂ©montrĂ© mathĂ©matiquement ; comme si, pour rĂ©gler sagement la vie, nous n’admettions comme vraies que des propositions qu’aucun doute ne peut atteindre, ou comme si la plupart de nos actions n’étaient pas trĂšs-incertaines et pleines de hasard. 
 Car, puisque nous ne pouvons, par le seul secours de la lumiĂšre naturelle, comprendre que la simple obĂ©issance soit la voie du salut, puisque la rĂ©vĂ©lation seule nous apprend que cela se fait par une grĂące de Dieu toute particuliĂšre que la raison ne peut atteindre, il s’ensuit que l’Écriture a apportĂ© une bien grande consolation aux mortels. Tous les hommes en effet peuvent obĂ©ir, mais il y en a bien peu, si vous les comparez Ă  tout le genre humain, qui acquiĂšrent la vertu en ne suivant que la direction de la raison, Ă  ce point que, sans ce tĂ©moignage de l’Écriture, nous douterions presque du salut de tout le genre humain. » [13] Le problĂšme d’une mĂ©thode hermĂ©neutique est apparu en relation avec l’exĂ©gĂšse des textes sacrĂ©s. Le Moyen-Age, dans l’Occident chrĂ©tien notamment, se prĂ©sente comme un Ăąge hermĂ©neutique majeur. Toute la pensĂ©e et toute la vie sont modelĂ©es par l’autoritĂ© d’un livre, ce qui a suscitĂ© la rĂ©flexion sur l’art et les limites de l’interprĂ©tation. Au cours de cette longue pĂ©riode, l’Ecriture sainte sacra pagina devient un livre et en fait un objet d’étude. Aussi le texte biblique n’est-il jamais nu, mais accompagnĂ© de textes qui le prĂ©sentent, le commentent, l’ordonnent prologues, sommaires, lexiques, tables comme dans la Bible glosĂ©e marginale et interlinĂ©aire qui se diffuse largement Ă  partir du XIIĂšme siĂšcle. Naturellement, pour l’exĂ©gĂšse mĂ©diĂ©vale, l’Ecriture est dĂ©positaire de la parole de Dieu. L’homme est l’auteur du livre, mais Dieu l’auteur du sens Toute Ecriture est inspirĂ©e de Dieu et utile pour enseigner, rĂ©futer, redresser, former Ă  la justice » dit Paul 2, Tm 3, 16. A ce titre, le message est riche d’un sens infini. Saint JĂ©rĂŽme compare les mira profunditas» de l’Ecriture Ă  une forĂȘt inexplorable infinita sensuum silva». Ainsi l’exĂ©gĂšse biblique dĂ©couvre le premier paradoxe hermĂ©neutique, que la poĂ©tique contemporaine retrouve autrement sous la forme de la tension entre le texte et l’intertextualitĂ© la Bible est un corpus fermĂ© et en mĂȘme temps Ă©volutif. Le sens est Ă  la fois achevĂ© et infini. Mieux, le commentaire infini du sens suppose la fermeture du corpus Ă  interprĂ©ter, c’est-Ă -dire l’établissement d’un canon cf. Decret de Damase au concile de Rome en 382. Si la Bible constitue un corpus fermĂ©, constituĂ© d’un nombre fini de livres, si donc la RĂ©vĂ©lation est historiquement achevĂ©e, alors l’interprĂ©tation peut se donner comme rĂšgle hermĂ©neutique l’exĂ©gĂšse interne l’Ecriture s’explique par elle-mĂȘme ou Ă  partir d’elle-mĂȘme. Non seulement il y a une correspondance entre l’Ancien et le Nouveau Testament, mais encore entre tous les livres. Il s’agit donc d’exploiter systĂ©matiquement tous les cas d’intertextualitĂ©. Mais, en mĂȘme temps, si l’Ecriture est inspirĂ©e, vĂ©hiculant un message transcendant, un travail d’interprĂ©tation s’avĂšre indispensable pour comprendre le sens de que Dieu rĂ©vĂšle, ce qui suppose Ă  la fois une distance et une parentĂ© entre le langage divin et le langage humain. Comme le dit un adage talmudique 
 souvent utilisĂ© en exĂ©gĂšse juive les mots de la Bible sont comme le langage des hommes » » G. Dahan, L’exĂ©gĂšse chrĂ©tienne de la Bible en Occident mĂ©diĂ©val, p. 45. Et c’est cette proximitĂ© dans l’écart mĂȘme qui rend possible et nĂ©cessaire la rĂ©appropriation du sens par chaque fidĂšle de chaque nouvelle gĂ©nĂ©ration, c’est-Ă -dire qui ouvre le commentaire Ă  l’interprĂ©tation infinie lectio infinitas et Ă  une rĂ©flexion sur la traduction du langage divin dans le langage humain, sur le transfert entre le sens Ă©ternel du langage biblique et le contexte historique de sa rĂ©ception. Autrement dit, le langage biblique dĂ©borde les limites du langage humain en s’ouvrant Ă  une pluralitĂ© de lectures. L’exĂ©gĂšse juive parle des soixante-dix visages de la Torah », tandis que l’exĂ©gĂšse chrĂ©tienne des PĂšres, soucieux de ne pas perdre la moindre signification d’un verset la sainte Ecriture est une mer qui possĂšde des sens profonds » dit Ambroise, est conduite Ă  une sorte d’ exĂ©gĂšse par accumulation » oĂč ceux qui savent distinguer dans l’Ecriture sainte des sens multiples sont comblĂ©s de dĂ©lices » GrĂ©goire le Grand, citĂ© par Dahan, op. cit., p. 56. Toutefois, si l’interprĂ©tation de la Bible s’ouvre Ă  une lecture historiquement infinie qui l’augmente — l’Ecriture croĂźt avec ses lecteurs » dit GrĂ©goire le Grand —, elle ne peut pour autant ĂȘtre abandonnĂ©e Ă  l’arbitraire interprĂ©tatif. L’interprĂ©tation est sans fin mais ne peut ĂȘtre sans limites. Il convient ainsi de ramener le sens Ă  un nombre fini de significations. C’est ce que tente la doctrine du quadruple sens littĂ©ral, allĂ©gorique, moral, eschatologique qui se dĂ©veloppe au Moyen-Age. Le sens littĂ©ral est premier, mĂȘme si c’est le sens spirituel sous ses trois formes qui est, pour l’ exĂ©gĂšse confessante » RicƓur, l’essentiel. En effet, l’interprĂ©tation ne peut faire l’économie du sens littĂ©ral, qui regroupe dĂ©jĂ  un champ complexe de significations et engage plusieurs dimensions d’interprĂ©tation renvoyant aux arts du trivium linguistique, rhĂ©torique, et mĂȘme dialectique le sens littĂ©ral comprend la littera au sens strict, l’analyse textuelle ; le sensus, Ă©tude du contexte historique et archĂ©ologique ; la sententia, approche philosophique et thĂ©ologique » cf. Dahan, op. cit., p. 240. Le littĂ©ral est si dĂ©terminant qu’on peut se demander, s’il est raisonnable d’en admettre d’autres, qui risquent de rĂ©introduire l’équivocitĂ© lĂ  oĂč c’est le moins admissible et de rendre impossible le raisonnement thĂ©ologique Une multiplicitĂ© de sens pour un seul passage engendre la confusion, prĂȘte Ă  l’erreur et rend l’argumentation fragile. C’est pourquoi une argumentation vĂ©ritable ne procĂšde pas de propositions aux sens multiples ; bien plus, cela occasionne certains sophismes. Or, l’Ecriture sainte doit ĂȘtre apte Ă  nous montrer la vĂ©ritĂ© sans prĂȘter occasion Ă  l’erreur ; elle ne peut donc nous offrir, sous une seule lettre, une pluralitĂ© de sens » Thomas d’Aquin Somme thĂ©ologique, Ia, q. 1, a. 10, p. 162. Pluraliser le sens Ă  l’Ecriture, c’est risquer de babeliser » le langage divin. On peut craindre de sombrer dans l’abĂźme de la polysĂ©mie infinie — mĂȘme si l’infinitĂ© du travail hermĂ©neutique est Ă  l’image de l’infinitĂ© de Dieu lui-mĂȘme Jean Scot ErigĂšne. Il faut Ă©viter ainsi de tomber dans l’excĂšs d’une exĂ©gĂšse quasi-cabalistique ou dans la rĂ©duction trop humaine du langage divin. Il s’agit, un peu comme dans la dialectique du propre et de l’étranger, figurĂ©e par le couple Hestia-HermĂšs, de trouver la bonne distance entre l’univocitĂ© et l’équivocitĂ© infinie, c’est-Ă -dire de dĂ©finir comme nĂ©cessaire une pluralitĂ© articulĂ©e et cohĂ©rente de sens. Une formule attribuĂ©e Ă  Augustin de Dacie rĂ©sume ainsi cette doctrine qui s’impose comme canonique » Ă  partir du XIIIĂš siĂšcle La lettre enseigne l’histoire, l’allĂ©gorie ce qui est Ă  croire, le sens moral ce qu’on doit faire, le sens anagogique ce vers quoi on doit tendre ». InterprĂ©ter le sens littĂ©ral c’est dĂ©gager le sens historique, c’est-Ă -dire les faits dont parle le texte ; l’allĂ©gorie introduit Ă  un autre langage du texte et dĂ©signe, loin du sens rhĂ©torique et tropologique ordinaire, la prophĂ©tie inscrite dans les faits eux-mĂȘmes » H. de Lubac, ExĂ©gĂšse mĂ©diĂ©vale, p. 493 ; l’exĂ©gĂšse morale enseigne ce que l’on doit faire et contient, Ă  sa façon, ce moment d’application reconnue par l’hermĂ©neutique contemporaine comme constitutif de l’interprĂ©tation; enfin le sens anagogique Ă©lĂšve le sens vers l’horizon eschatologique de l’Ecriture, associant le sens et la fin ultime. Paradoxalement la pleine intelligence des Ecritures est la suppression des Ecritures comme telles » ibid., p. 635. L’interprĂ©tation tend vers la connaissance mystique comme vers sa limite. [14] Cf. Discours dĂ©cisif 21 Nous affirmons catĂ©goriquement que partout oĂč il y a une contradiction entre un rĂ©sultat de la dĂ©monstration ou la spĂ©culation rationnelle et le sens apparent d’un Ă©noncĂ© du Texte rĂ©vĂ©lĂ©, celui-ci doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© » ; et 22 Nous disons mĂȘme plus il n’est point d’énoncĂ© de la RĂ©vĂ©lation dont le sens obvie soit en contradiction avec les rĂ©sultats de la dĂ©monstration, sans qu’on puisse trouver, en procĂ©dant Ă  l’examen inductif de la totalitĂ© des Ă©noncĂ©s particuliers du Texte rĂ©vĂ©lĂ©, d’autre Ă©noncĂ© dont le sens obvie confirme l’interprĂ©tation, ou est proche de la confirmer. C’est pourquoi il y a consensus chez les Musulmans pour considĂ©rer que les Ă©noncĂ©s littĂ©raux de la RĂ©vĂ©lation n’ont pas tous Ă  ĂȘtre pris dans leur sens obvie, ni tous Ă  ĂȘtre Ă©tendus au-delĂ  du sens obvie par l’interprĂ©tation ; et divergence quant Ă  savoir ce qui est Ă  interprĂ©ter et ce qui ne l’est pas ».
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  • croyance que tout objet a une Ăąme