Leparti pris des choses - PrĂ©cĂ©de de Douze petits Ă©crits et suivi de ProĂȘmes de Francis Ponge - Collection PoĂ©sie - Livraison gratuite Ă  0,01€ dĂšs 35€ d'achat - Librairie Decitre votre prochain livre est lĂ 
RĂ©servĂ© aux abonnĂ©s PubliĂ© le 12/05/2020 Ă  1557, Mis Ă  jour le 12/05/2020 Ă  1557 Francis Ponge, en fĂ©vrier 1977. Sophie Bassouls/©Sophie Bassouls/Leemage Dans son recueil, paru en 1942, le poĂšte s’inspire du quotidien dont les Ă©lĂ©ments, souvent familiers, sont dĂ©libĂ©rĂ©ment choisis pour leur apparente banalitĂ©. La poĂ©sie du quotidienSi j’ai choisi de parler de la coccinelle, c’est par dĂ©goĂ»t des idĂ©es», Ă©crit Ponge en 1943. À rebours des poĂštes idĂ©alistes qui tapissent leur intĂ©rioritĂ© de paysages romantiques, l’auteur prĂȘche pour une prose rĂ©aliste. Ni subjectivitĂ©, ni lyrisme. Ce qui intĂ©resse Ponge, c’est l’ici et le maintenant, le dĂ©tail des choses familiĂšres. Si l’on peut ĂȘtre surpris en lisant un texte sur un morceau de viande», il ne faut pas voir dans le trivial un territoire Ă©tranger Ă  la matiĂšre verbale. Les mots comme les choses qu’ils dĂ©signent, ont une chair, un goĂ»t et une couleur. Il y a dans Le Parti pris une dĂ©prise, une dĂ©saffection Ă  l’égard du casse-tĂȘte mĂ©taphysique», expliqua-t-il. Est-ce pour cela que Ponge fait de son corps une Ă©ponge? Ses yeux se baladent avec la pluie» quand ses doigts dĂ©fient l’huĂźtre» de les couper. L’auteur rĂ©invente les objets du quotidien par la grĂące d’historiettes qui confinent parfois Ă  la dĂ©finition, voire la c’est mentir Cet article est rĂ©servĂ© aux abonnĂ©s. Il vous reste 65% Ă  sa libertĂ©, c’est cultiver sa Ă  lire votre article pour 0,99€ le premier mois DĂ©jĂ  abonnĂ© ? Connectez-vous

MartinChuzzlewit ou Vie et aventures de Martin Chuzzlewit [1] (titre original en anglais : The Life and Adventures of Martin Chuzzlewit) est un roman de Charles Dickens, le dernier de sa sĂ©rie dite « picaresque » [N 1], [2], paru en 1844.. Dickens le considĂšre comme son meilleur roman ; pourtant, le livre, bien qu’offrant de multiples rebondissements, ne connaĂźt pas la grande faveur

Vous ferez de ce poĂšme un commentaire littĂ©raire. LES PLAISIRS DE LA PORTE Les rois ne touchent pas aux ne connaissent pas ce bonheur pousser devant soi avec douceur ou rudesse l'un de ces grands panneaux familiers, se retourner vers lui pour le remettre en place, - tenir dans ses bras une bonheur d'empoigner au ventre par son nœud de porcelaine l'un de ces hauts obstacles d'une piĂšce; ce corps Ă  corps rapide par lequel un instant la marche retenue, l'œil s'ouvre et le corps tout entier s'accommode Ă  son nouvel main amicale il la retient encore, avant de la repousser dĂ©cidĂ©ment et s'enclore, - ce dont le dĂ©clic du ressort puissant mais bien huilĂ© agrĂ©ablement l'assure. Francis PONGE Le parti pris des choses »Introduction Difficile de ranger Francis Ponge dans un genre littĂ©raire tant son œuvre bouillonne d'imagination et d'excentricitĂ©...Ponge pose des mots comme on dessine un parcours, un trajet, une expĂ©rience vĂ©cue. Il est en quĂȘte d'une rencontre avec un monde de sensations qui pourrait le rĂ©concilier avec la beautĂ© et l'intensitĂ© de la vie. Loin d'ĂȘtre une fuite, un refuge pour Ăąmes cabossĂ©es, sa poĂ©sie est une conquĂȘte ou plutĂŽt une homologation du rĂ©el. Son Ă©criture est une machine Ă  ĂȘtre, une porte ouverte entre plaisirs et misĂšres de l'existence. Il ne cherche pas l'objet de farce il reste toujours, petit jeu de mot, aux portes de la rĂ©alitĂ© en nous offrant un texte Ă  dĂ©chiffrer, Ă  interprĂ©ter, Ă  scruter et dĂ©guster. Chaque objet dĂ©crit devient presque un personnage Ă  part entiĂšre. Au lecteur de s'y arrimer ! Dans Les plaisirs de la porte », Ponge se jette corps et Ăąme dans un projet trublion, partant d'un sujet revĂȘche et respectant son pari, le parti-pris d'un voyez-vous ça !». Son poĂšme en prose est parsemĂ© de rĂ©fĂ©rences ou de rĂ©flexions surprenantes sur la porte, point de dĂ©part ou d'arrivĂ©e, avec ses surgissements inopinĂ©s. Le pas de porte ouvrant sur un espace du dedans, un monde clos sur lequel on dĂ©cide d'avoir prise, si l'on dĂ©cide de s'accommoder de cette sĂ©questration. Dans un premier lieu, nous montrerons que le poĂšte se propose de nous conduire Ă  l'assaut de la rĂ©alitĂ© domestique en nous faisant dĂ©couvrir l'un des plus modestes objets une porte, dont il observe tout Ă  loisir le mĂ©canisme. Dans un deuxiĂšme temps, il conviendra d'apprĂ©cier le dĂ©fi que se lance l'auteur saisir le monde tel qu'il est, dans sa matĂ©rialitĂ©, mais aussi sous l'angle de ses rĂ©percussions dans notre conscience. I. Une porte, Ă  la dĂ©robĂ©e...A. Un rĂ©seau de relations qui dĂ©finit une forme Le vers liminaire, un octosyllabe bien chaloupĂ©, sert d'Ă©crin Ă  une boutade chagrine ceux qui portent couronne ne touchent pas aux portes ». Ponge a recours au prĂ©sent de vĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale, comme s'il Ă©crivait une page de dictionnaire. D'emblĂ©e, il se livre au jeu de mot Ă  propos du sĂ©mantisme de porte » ceux qui portent beau, ceux que l'on porte aux nues autrement dit, les tĂȘtes couronnĂ©es, ne connaissent pas ce bonheur ». Une passivitĂ© malheureuse, si l'on en croit notre auteur... C'est le rĂŽle des portiers d'ambassade, des soldats de conciergerie que de faire la sentinelle, de veiller aux grandes portes ! Les Romains, dans l'ancien temps, avaient dĂ©jĂ  leurs factionnaires les dieux lares et autres divinitĂ©s du sol. Dans la Rome antique, la maison Ă©tait protĂ©gĂ©e par une divinitĂ© domestique particuliĂšre Forculus garde la porte, Limentinus la pierre du seuil, et Cardea les gonds. Dans l'esprit du lecteur dĂ©filent les souvenirs les valets de Chambre du Roi et autres garçons de garde-robe, les capitaines de porte » de Louis XIV, portant livrĂ©e et hallebarde... Sous l'ancien rĂ©gime, on les recrutait en Suisse ! Ceci dit, les rois ne connaissent pas ce bonheur », prend soin de prĂ©ciser le poĂšte, d'exercer une pression sur ces panneaux familiers », pour faire pivoter la porte... Donc, les rois ne sont pas portĂ©s sur la chose, un cortĂšge de portiers leur ouvrant la voie. Ah...les funestes rĂšgles de l'Ă©tiquette ! Ouvrir une porte est pourtant un cĂ©rĂ©monial trĂšs ritualisĂ©. Pousser une porte nĂ©cessite un mouvement de va-et-vient il s'agit de pousser devant soi » l'un des deux vantaux et de se retourner vers lui pour le remettre en place ». Cela va de soi. Les antithĂšses mettent en valeur ce mouvement. La prĂ©position devant » exprime une antĂ©rioritĂ© spatiale alors que l'autre prĂ©position vers » indique la direction vers laquelle s'effectue un dĂ©placement ici, la fermeture de la porte. Les deux pronoms s'opposent soi » est un pronom personnel rĂ©flĂ©chi, qui renvoie Ă  un sujet indĂ©terminĂ©, indĂ©fini, alors que le pronom de la troisiĂšme personne lui » joue le rĂŽle de substitut du mot panneau ». L'oscillation du battant de porte est Ă©voquĂ©e dans ce paragraphe par une cadence de la phrase, que rythme l'alexandrin. Ponge se sert du vers hĂ©roĂŻque, du grand vers de douze syllabes, qui se glisse subrepticement dans la prose. Les alexandrins, des vers usĂ©s jusqu'Ă  la corde, emprisonnent le premier paragraphe, comme s'ils servaient eux aussi d'abattants, de volets. Tout cela Ă  l'image des vantaux de la porte qui se referment sur une piĂšce quelconque. Au premier alexandrin pousser devant soi avec douceur ou rudesse » rĂ©pond un deuxiĂšme se retourner pour le remettre en place ». De la mĂȘme façon, la masse textuelle est encadrĂ©e par deux octosyllabes Ă  l'entame du poĂšme, Les rois ne touchent pas aux portes », et en clĂŽture aprĂšs le trait d'union, tenir dans ses bras une porte ». La structure du premier paragraphe correspond Ă  un emboĂźtement deux octosyllabes encadrant les deux alexandrins. Cette disposition emboĂźtĂ©e fait penser aux poupĂ©es russes s'encastrant les unes dans les autres.[phrase de liaison vers la seconde sous-partie de ce premier dĂ©veloppement, qui annonce la suite de son propos] Les poupĂ©es gigognes mĂ©nagent une forme de suspense qui joue avec le sentiment d'incertitude du lecteur. Tout comme les portes, le principe mĂȘme de fonctionnement du suspense repose sur le mĂ©canisme d'un obstacle ! B. Le suspense dans le poĂšme... Ponge fait comme si on ne savait pas grand-chose sur cette trappe d'accĂšs, ouvrant sur les taniĂšres humaines, sur nos souriciĂšres... On peut enfoncer une porte Ă  coups de pied, ou Ă  coups de poing, donc avec rudesse », selon que l'on soit le bienvenu ou pas... Ou bien l'ouvrir dĂ©licatement, avec douceur »... Ouvrir une porte, c'est s'offrir l'accĂšs Ă  un monde hostile ou bienveillant. C'est selon. On l'aura compris, on peut user de la force ou non. La porte est avant toute chose un obstacle, c'est une paroi qui arrĂȘte la progression ou le passage de quelqu'un. La porte barre les routes, impossible de la contourner. On notera dans le texte la reprise rigoureusement symĂ©trique du complĂ©ment du verbe l'un de ces grands panneaux familiers » dans le second paragraphe oĂč il est question d'empoigner l'un de ces hauts obstacles d'une piĂšce ». Une redondance qui repose sur le principe de la construction pronominale spĂ©cifique dans ces deux segments de phrase le pronom un », prĂ©cĂ©dĂ© de l'article Ă©lidĂ©, est suivi de son complĂ©ment partitif de ces panneaux », de ces obstacles », les deux groupes prĂ©positionnels marquant ici l'opposition entre les parties mobiles de la porte. La symĂ©trie n'est pas que grammaticale. Au-delĂ  de la correspondance entre ces phrases, les deux complĂ©ments d'objet forment quasiment deux ennĂ©asyllabes vers de neuf syllabes. Le suspense, qui reste ici un jeu innocent, repose sur le jeu des digressions. Digressions qui s'efforcent d'exprimer les concepts de maniĂšre oblique. Ponge, qui refuse de s'abandonner au pittoresque anecdotique, nous propose d'examiner une drĂŽle de machine comportant des parties mobiles les vantaux ou abattants. Tout le poĂšme se rĂ©sume Ă  cette interminable confrontation avec un Ă©lĂ©ment-clĂ© de tout Ă©difice. Confrontation qui tend Ă  anthropomorphiser la porte, puisqu'il est question de son ventre » au sens propre, le mot dĂ©signe la cavitĂ© abdominale des ĂȘtres humains. Par mĂ©tonymie, le ventre » de la porte dĂ©signe cet ulcĂšre, cette partie protubĂ©rante c'est-Ă -dire le dispositif qui permet de commander l'ouverture ou la fermeture de la porte qu'on appelle serrure. L'auteur s'intĂ©resse surtout Ă  sa poignĂ©e le nœud de porcelaine ». La poignĂ©e pousse l'impĂ©trant Ă  engager un corps Ă  corps » assez rapide » avec cet obstacle massif... La phrase montre une rĂ©gularitĂ© presque mĂ©tronomique les segments Le bonheur d'empoigner au ventre par son nœud » et par lequel un instant la marche retenue » sont ciselĂ©s comme des alexandrins. Le contact avec la porte est une empoignĂ©e ! On saisit Ă  pleines mains cette masse, la partie de cet objet nous permet de la manœuvrer, avec douceur » ou bien avec rudesse ». Un contact familier panneaux familiers » qui rĂ©active le thĂšme des dieux familiers, des dieux lares les dieux de la maisonnĂ©e, les lares familiares ou lares domestici. Une certaine sensualitĂ© se glisse dans l'expression corps Ă  corps rapide », soulignĂ©e par les Ă©lĂ©ments allitĂ©rĂ©s allitĂ©ration des consonnes gutturales /r/. Le lecteur peut imaginer une empoignade sensuelle, exclusivement limitĂ©e au temps du plaisir de toucher la poignĂ©e. Un bonheur bref mais intense. Une simple poignĂ©e en porcelaine nous ouvre tout un horizon il suffit d'ouvrir les yeux... Exercice salutaire que de tourner la clenche ! Il faut mettre du cœur au ventre ! En se rappelant que toute porte ouvre sur un cul-de-sac...II. Art et signification...A. Le poĂšme en prose une dynamique du langage au service du sens. On pousse des portes sans vraiment savoir ce que l'on va trouver derriĂšre. N'est-ce pas une façon symbolique de dĂ©finir ce qu'est la vie ? Il y a les portes de prison, les portes du paradis avec son guetteur, le portier des Ă©lus, les portes de l'enfer avec son gardien de maison, le nautonnier Charon et son fidĂšle CerbĂšre, les portes de la mort, du futur, comme on voudra... La porte, dans son ensemble, dans les mentalitĂ©s d'autrefois, Ă©tait placĂ©e sous la protection de Janus, ce dieu qui prĂ©sidait aux commencements notamment au mois qui se trouve Ă  l'ouverture de l'annĂ©e, Janus est Ă  l'origine du mot janvier et aux passages. D'ailleurs, il faut bien le dire, Ponge commence par le commencement. Et tout comme le prĂ©tendait d'ailleurs, et avec malice, le prince de Ligne dans ses mĂ©moires, en amour, il n'y a que les commencements qui soient charmants ». Notre auteur va mettre l'accent sur l'accomplissement d'une tĂąche spontanĂ©e consistant Ă  verrouiller un local, le plus souvent notre Ă©crin familier, bref, Ă  donner un tour d'Ă©crou pour permettre Ă  la porte de faire Ă©cran... Une formidable Ă©nergie verbale doublĂ©e par le raffinement langagier Ă©mane de ce texte poĂ©tique. Une Ă©nergie qui trouve sa source dans l'ambition du poĂšte de prendre Ă  bras le corps le monde tel qu'il est tenir dans ses bras une porte ». Dans ce corps Ă  corps avec le monde des objets s'imposent les traces charnelles des humains mĂ©moire kinesthĂ©sique, sensations visuelles ou auditives, perceptions synesthĂ©siques. PrĂ©cisons...Toute porte implique un mouvement de dĂ©portation ou plutĂŽt de dĂ©portement. Il faut faire un Ă©cart pour refermer la porte. On le pressent, la maniĂšre de dĂ©crire de Ponge se trouve toujours Ă  mi-chemin de la description scientifique ou technique et de l'article de dictionnaire. Puis, on glisse de la rĂ©alitĂ© matĂ©rielle, sensible, Ă  des reprĂ©sentations mentales qui sont rĂ©activĂ©es par les mots ou bien par l'Ă©tymologie. Notre texte relĂšve de cette conception dynamique du langage pas Ă  pas, mot Ă  mot, le lecteur redĂ©couvre les diffĂ©rentes facettes d'un objet. Comme dans le Cageot ». Un Ă©crivain qui manque d'allure ne porte pas, comme l'on dit dans les milieux littĂ©raires. Une observation s'impose c'est dans la succession des mots que s'engendre le sens. Le thĂšme de l'ouverture et de la fermeture de la porte dĂ©bouchant sur une logique territoriale, la porte indiquant une ligne de dĂ©marcation ». L'Ă©crivain brouille parfois les pistes en abusant du procĂ©dĂ© de la syllepse figure de style, procĂ©dĂ© littĂ©raire qui consiste Ă  employer un mot Ă  la fois dans son sens propre –sens non tropique – et au sens dĂ©rivĂ©, figurĂ© – sens tropique -. Par exemple, le nœud de porcelaine » la poignĂ©e, sorte d'œil cyclopĂ©en exorbitĂ© joue le rĂŽle de point de jonction entre le panneau » et la main amicale ». Rien Ă  voir avec les cordages. Le mot nœud » est Ă  prendre peut-ĂȘtre au sens mĂ©taphorique par analogie avec les nœuds de marin dans ce sens figurĂ©, le terme veut dire point de rencontre ». La poignĂ©e, c'est le nœud de l'affaire, le nœud vital ! Sans compter que les portes en chĂȘne peuvent aussi prĂ©senter des nœuds points de ramification. Ou alors, le lecteur peut considĂ©rer que la poignĂ©e de porcelaine prĂ©sente la forme d'un nodule latin classique nodulus, qui signifiait petit nœud ». Ponge joue avec la matiĂšre Ă©tymologique, qui cesse d'ĂȘtre muette voir par exemple, L'huĂźtre », ou bien encore Le mimosa » dans le recueil La rage de l'expression » - 1952. L'auteur peut s'intĂ©resser aussi aux consonances des mots qu'il emploie. La composition des Plaisirs de la porte », trĂšs musicale parfois, nous fait entrer dans un jeu de sonoritĂ©s le chiasme phonique du vers liminaire roi », portes », les sifflantes qui semblent reproduire par onomatopĂ©e le glissement de la porte au ras du paillasson repousser », s'enclore », ressort puissant », l'assure ». Inutile de s'imaginer le grincement d'une porte teigneuse, puisque le ressort puissant » - sans doute la gĂąche dans laquelle s'engage le penne de la serrure pour tenir le battant fermĂ© - est prĂ©tendu bien huilĂ© ». Le style se veut prĂ©cieux parfois, en tĂ©moignent certains mots vieillis comme s'enclore » emploi pronominal rĂ©flĂ©chi du verbe enclore. Quand on rentre chez soi, finalement, on s'entoure d'une clĂŽture, d'une palissade. Une dĂ©tention Ă  huis clos, un emprisonnement volontaire... Vertus publiques, vices cachĂ©s. Une expression typiquement française, pour ne pas dire proverbiale, nous enseigne que pour vivre heureux, il faut vivre cachĂ© ! Home, sweet home ! dĂ©clament les anglo-saxons. Bon, ce n'est peut-ĂȘtre pas la vie de chĂąteau, ironise Ponge dĂšs la premiĂšre ligne de son poĂšme, mais c'est lĂ  oĂč se trouve notre bonheur » la redondance de ce terme dans les deux premiers paragraphes met en relief ce dĂ©sir de rentrer Ă  la maison colorĂ© par une satisfaction. Ce que ne saurait dĂ©mentir la clausule du poĂšme le dĂ©clic de la gĂąche assure » le rĂ©sident ... Le verbe assurer », dans un sens trĂšs littĂ©raire, veut dire rassurer », affermir le courage d'une personne. L'une des fonctions de la porte consiste, Ă  n'en pas douter, Ă  barrer l'accĂšs Ă  la voie publique. Toute personne franchissant le seuil acquiert la qualitĂ© de rĂ©sident, de sĂ©dentaire. Voyager, disait un philosophe, c'est chercher bien loin l'envie de s'en retourner trĂšs vite ... chez soi ![phrase de liaison vers la derniĂšre sous-partie de son dĂ©veloppement] Cette thĂ©matique de l'enclave nous amĂšne naturellement Ă  nous interroger sur le sens, la signification du projet de Francis L'art de Francis Ponge la finesse d'une observation philosophique, un eudĂ©monisme paganiste... Le poĂšte lance un dĂ©fi Ă  l'art contemporain il brise les codes de l'art poĂ©tique, les frontiĂšres de l'espace...Il semble nous dire qu'il faut se mĂ©fier de ce qui est trop banal, trop insignifiant.... Il invente une stratĂ©gie nouvelle pour produire du sens, au moyen d'une micro-narration. Il confronte le lecteur Ă  des objets familiers, en lui offrant des outils pour regarder diffĂ©remment ce monde tour Ă  tour sensoriel, affectif, visuel, conceptuel... Le poĂšme devient en quelque sorte un espace d'imagination collective. Ecrire, c'est lutter mot Ă  mot pour dire ce que l'on ne comprenait pas avant de le dire... Et pourquoi pas, trouver quelque chose d'original pour susciter l'admiration. Pour cela, il faut inscrire l'objet dans l'apparente banalitĂ© des jours, puis dĂ©busquer des petites bizarreries. Une façon Ă  la fois dĂ©bridĂ©e et savante de raconter, de dĂ©crire...Ce qui n'a rien Ă  voir avec les dĂ©lires et autres ratiocinations spĂ©culatives du surrĂ©alisme ! Le titre de ce poĂšme en prose laisse entendre que nul ne saurait bouder son plaisir, celui de planter nos pĂ©nates le corps tout entier s'accommode Ă  son nouvel appartement ». Ponge, fĂ©ru en Ă©tymologie, n'ignore pas que le mot appartement » est issu du latin et signifie se sĂ©parer », se mettre Ă  part »... La porte introduit une subdivision toute construction possĂšde plusieurs piĂšces, qui elles-mĂȘmes, remplissent une fonction spĂ©cifique autre syllepse de sens, ici. La porte » voulait dire Ă  l'origine passage » par opposition Ă  fores ». L'obturation de la baie s'effectue d'une main amicale », ... Fermer la porte, c'est interdire l'accĂšs Ă  un chez-soi ; rien Ă  voir avec l'open door et le libre accĂšs au public. Enfin seuls ! », semble nous dire le poĂšte... D'oĂč l'emploi de l'adverbe Ă  valeur hyperbolique dĂ©cidĂ©ment » qui tend Ă  exprimer que l'on ferme une porte irrĂ©vocablement, d'une maniĂšre bien dĂ©cidĂ©e. Pas de place pour l'alĂ©atoire ou un entre-deux de porte, ni pour les battants entrouverts ou les portes entrebĂąillĂ©es... On ne fait pas les choses Ă  demi. Et cela, Alfred de Musset l'avait compris Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermĂ©e » piĂšce de théùtre intitulĂ©e Proverbe » et publiĂ©e dans la Revue des Deux Mondes en 1845. Ferme rĂ©solution aprĂšs la marche retenue » que de nous enfermer dans nos caponniĂšres, nos casemates ou gibernes ! Ici, le mouvement lĂ©ger de ce pas de deux presque dansĂ© s'oppose Ă  la pesanteur massive du chĂąssis de la porte. Les gestes les plus simples sont chargĂ©s de sens fermer la porte est, pour notre poĂšte, une vĂ©ritable chorĂ©graphie ! Il se propose de multiplier les voies d'accĂšs, les voies d'entrĂ©e dans la rĂ©alitĂ© domestique, un moment intime qui nous happe, qui accroche notre regard. Un prĂ©sent qui dĂ©borde notre vision habituelle... Le rythme, l'agencement des phrases, l'amalgame de la prose et du vers libre caractĂ©risent le poĂšme en prose... La progression, dans ces lignes, obĂ©it Ă  la rĂšgle de la consĂ©cution. La prouesse de Francis Ponge, artiste plasticien et avant tout conceptuel, rĂ©side dans le fait qu'il parvient Ă  nous faire accepter l'irruption dans l'Ă©criture poĂ©tique de ce qui est banal... Le Parti pris des choses » est une sorte de catalogue hĂ©tĂ©roclite, un inventaire Ă  la Jacques PrĂ©vert, parti jeu de mot involontaire Ă  la recherche non pas d'un ailleurs, mais d'un quotidien que l'auteur parvient Ă  sublimer. Sa poĂ©sie est celle d'une subjectivitĂ© totale, celle de l'homoncule philosophe qui dĂ©place les bornes de notre horizon. Et mieux contester la disparition du beau !CONCLUSION[premier alinĂ©a reprise d'ensemble des commentaires dĂ©veloppĂ©s prĂ©cĂ©demment, des pistes d'exploration] Ponge, dont l'hermĂ©tisme littĂ©raire n'est pas vraiment justifiĂ©, nous mitonne des poĂšmes en prose pour nous faire dĂ©couvrir ou simplement savourer la beautĂ©, la plasticitĂ© et l'Ă©trangetĂ© parfois des choses. Les objets trouvent enfin leur place dans le monde. Le poĂšte sublime l'art du coup d'essai dans une langue qui taille dans le vif, dans la chair des mots. Bref, les choses se transforment en mots sur le papier. Ponge se pose en graphiste surdouĂ© dans l'art du graffiti. Il restitue scrupuleusement les ambiances, les couleurs, les usages, les dits et non-dits. Loin du surrĂ©alisme, guidĂ© par le seul souci de la crĂ©dibilitĂ©, le poĂšte se fait imagier. Un peu Ă  l'exemple des sculpteurs dans l'art funĂ©raire, immortalisant gisants et transis. C'est du grand art que de rĂ©ussir Ă  dĂ©crire avec des mots simples. De dĂ©cliner des verbes, avec les temps simples de la conjugaison Ă©lĂ©mentaire...[synthĂšse de gĂ©nĂ©ralisation, avec pour point de mire le recueil de poĂšmes en prose] Le recueil intitulĂ© Le Parti pris des choses » nous emporte par son Ă©rudition, son humour parfois.... Un tour de force, mais minimaliste, afin que nous ne restions pas Ă©trangers au monde et donc Ă  nous-mĂȘmes. Ponge est un amoureux des mots qui rend Ă©ternelle la raison d'ĂȘtre d'un lieu, d'un objet domestique, d'un ustensile... Il nous rappelle que la crĂ©ation littĂ©raire est avant tout une invention de formes nouvelles... Dans le mĂȘme temps, le langage, pour lui, est non pas une re-crĂ©ation » mais plutĂŽt une re-prĂ©sentation » qui dilate nos cœurs.[ouverture du point de vue, Ă©largissement du dĂ©bat en essayant d'apprĂ©hender l'œuvre de Ponge d'une maniĂšre originale, par exemple en faisant rĂ©fĂ©rence au pĂ©dopsychiatre Winnicott, qui a Ă©tudiĂ© l'interrelation psychosomatique induite par l'objet transitionnel] L'art poĂ©tique de Francis Ponge se fonde sur une esthĂ©tique de l'observation, plus que de la suggestion. Une chimie mystĂ©rieuse, une martingale qu'il nous faudrait suivre pour mieux apprĂ©cier le monde tel qu'il est, pour dĂ©terminer l'importance de telle ou telle chose. La poĂ©sie pongienne, un propos tranquillisant qui agirait comme un objet transitionnel ? Travail personnel du professeur, Bernard MirgainConseils de lecture *Pascal Dibie "Ethnologie de la porte, des passages et des seuils" - Ă©ditions MĂ©tailiĂ© - Paris - 2012 - 423 pages*Jean-Philippe Toussaint La salle de bain » - Editions de Minuit - 1985*Isabelle Serça EsthĂ©tique de la ponctuation » - Ă©ditions Gallimard – Nouvelle Revue Française - 320 pages – 2012*Francis Ponge Le Parti pris des choses » - collection Folioplus classiques - excellentes analyses d'Emilie FrĂ©mond, agrĂ©gĂ©e de lettres”Da ich nichts anderes bin als litteratur und nichts anderes sein kann und will”– Franz Kafka

SUR DES OEUVRES DE TIERS; Ne plus ultra, Dante et le dernier voyage d’Ulysse. suivi de : Le pĂ©chĂ© sublime de Francesca et Paolo. D 26 septembre 2016 A par Albert Gauvin - C 1 messages Version imprimable .. PARTAGER . Jean-Louis Poirier. Ne plus ultra, Dante et le dernier voyage d’Ulysse. PrĂ©sentation de l’éditeur. Franchissant les Colonnes d’Hercule, Ulysse et ses

L’artiste est celui, sans doute, qui peut chausser n’importe quelle lunette, varier les lentilles, user du pĂ©ri– comme du micro-scope, voir grand, prĂ©fĂ©rer le petit, ĂȘtre tour Ă  tour lilliputien ou brobdingnagien, l’espace de l’art se jouant de tous les Ă©chiquiers, ivre de dimensions, horizons, lignes de fuite et autres perspectives voire mirages. Olivier Rolin, dans L’Ɠuf du roitelet » qui ouvre À y regarder de prĂšs, rappelle lui-mĂȘme avoir taillĂ© un costume de mots Ă  la planĂšte entiĂšre » dans L’Invention du monde Seuil, 1993, une journĂ©e du globe — le 21 mars 1989, jour de l’équinoxe de printemps — dans toutes ses facettes, sa diversitĂ© et l’unitĂ© qui le fait monde. DĂšs l’annĂ©e suivante, il avait espĂ©rĂ© s’essayer Ă  la miniature, projet abandonnĂ© pour Port-Soudan. Des circonstances imprĂ©vues m’en Ă©loignĂšrent bientĂŽt. Plus de vingt ans ont passĂ©, j’y reviens » ; pour inventer autrement le monde, par le dĂ©tail. À y regarder de prĂšs est cet inventaire de petites choses », pour reprendre les GĂ©orgiques de Virgile citĂ© en Ă©pigraphe, un De natura rerum pour briser les forts verrous des portes de la nature », poĂ©sie en prose, scientifique et saugrenue, un texte inspirĂ© de Ponge, Ă©videmment, comme de Chateaubriand, pour la richesse de sa langue, ses nĂ©ologismes qui crĂ©ent l’objet en lui trouvant un vocable, un double dĂ©fi », donc parvenir Ă  dĂ©crire le minuscule et lui donner vie et mot ; non pas seulement dĂ©crire mais en dĂ©crivant dĂ©signer et nommer. Apprendre Ă  regarder, donner Ă  voir, reprĂ©senter dans le sens multiple et abyssal de ce terme dĂ©crire pour dire autrement et changer le regard portĂ© sur l’objet, dire aprĂšs d’autres descriptions, d’autres Ă©critures des choses, tel est l’objet de ce livre d’objets, dans une reprĂ©sentation elle-mĂȘme double, avec les textes d’Olivier Rolin et les dessins eau-forte, lavis, gouache et plume d’Erik DesmaziĂšres qui entrent en dialogue et Ă©cho. © À y regarder de prĂšs Photo du livre © DK Olivier Rolin cite lui-mĂȘme ses grands aĂźnĂ©s, de Virgile Ă  Perec, de Ponge Ă  Whitman I believe a leaf of grass is no less than the journey-work of the stars », je crois qu’une feuille d’herbe n’est pas moins que le travail errant des Ă©toiles ». Il aurait pu citer son propre Suite Ă  l’hĂŽtel Crystal Seuil, 2004, recueil de chambres d’hĂŽtel Ă  travers le monde comme autant d’histoires et fragments. Dans cette filiation exhibĂ©e, Olivier Rolin offre des descriptions qui sont des portraits de choses — Ponge, citĂ©, ne disait-il pas vouloir faire exister une pomme comme une personne » ? —, des natures surtout pas mortes, des vanitĂ©s parfois, des dĂ©tails d’un quotidien que plus jamais nous ne verrons du mĂȘme Ɠil. © À y regarder de prĂšs Photo du livre © DK Rien ne nous frappe, nous ne savons pas voir » Perec L’artiste ici l’écrivain comme le peintre se fait miniaturiste, joaillier, dans une attention passionnĂ©e au dĂ©tail dont les plus grands, de Stendhal Ă  Daniel Arasse en passant par Roland Barthes ont dit combien de lui tout dĂ©coule, combien il concentre pour mieux dĂ©ployer, combien parfois il arrĂȘte le regard sur une incongruitĂ© pour obliger Ă  penser, Ă  y regarder de plus prĂšs. Francesco del Cossa Ainsi dans le tableau de Francesco del Cossa regardĂ© et commentĂ© par Daniel Arasse, l’anomalie de l’escargot fait signe. Elle nous appelle Ă  une conversion du regard et nous laisse entendre vous ne voyez rien dans ce que vous regardez », l’Annonciation Ă©nonce, ouvre Ă  un sens autre, fait voir l’infiniment grand depuis le minuscule. Dans À y regarder de plus prĂšs, certains mots ouvrent Ă  d’autres, comme l’artichaut dont le nom comme celui du cornichon » — on retrouve Stendhal
— a quelque chose d’exagĂ©rĂ© et, par lĂ , de comique », dont la fleur est comme une sorte de pivoine prĂ©historique », dont la tige rappelle l’asperge, qui sera d’ailleurs le mot suivant, phallus vĂ©gĂ©tal ». L’asperge est indissociable de Proust, comme l’huĂźtre et sa coquille aberrante » Balzac et Flaubert. À y regarder de plus prĂšs est un abĂ©cĂ©daire vĂ©gĂ©tal et animal qui se constitue — l’artichaut, l’asperge, l’huĂźtre, l’os de seiche, l’oursin, la cĂ©toine, la girolle, la mouche, la noix, la patate germĂ©e, la plume, la pomme de pin, le galet —, une galerie prĂ©cieuse, une leçon de choses, en textes et images, qui, en dĂ©finitive, rappelle peut-ĂȘtre les Vies imaginaires de Schwob, dans la maniĂšre de tout faire partir du dĂ©tail, pour le goĂ»t minutieux de la bizarrerie qui fait sens, pour cet art de donner vie par un imaginaire nĂ© de l’archive texte et observation, pour ce dĂ©ploiement d’un monde parallĂšle, Ă  la fois crĂ©ation, livre d’images et bibliothĂšque, en un mot cabinet de curiositĂ©s, dans lequel le monde s’expose autrement. Olivier Rolin, Erik DesmaziĂšres, À y regarder de prĂšs, Seuil, Fiction & Cie, octobre 2015, 128 p., 25 € L’huĂźtre » de Francis Ponge est un poĂšme en prose issu du recueil Le Parti pris des choses publiĂ© en 1942. Chaque poĂšme de ce recueil, ciselĂ© comme un bijou, dĂ©crit un objet
L'huĂźtre L'huĂźtre, de la grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie, brillamment blanchĂątre. C'est un monde opiniĂątrement clos. Pourtant on peut l'ouvrir il faut alors la tenir au creux d'un torchon, se servir d'un couteau Ă©brĂ©chĂ© et peu franc, s'y reprendre Ă  plusieurs fois. Les doigts curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles c'est un travail grossier. Les coups qu'on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d'une sorte de halos. A l'intĂ©rieur l'on trouve tout un monde, Ă  boire et Ă  manger sous un firmament Ă  proprement parler de nacre, les cieux d'en dessus s'affaissent sur les cieux d'en dessous, pour ne plus former qu'une mare, un sachet visqueux et verdĂątre, qui flue et reflue Ă  l'odeur et Ă  la vue, frangĂ© d'une dentelle noirĂątre sur les bords. Parfois trĂšs rare une formule perle Ă  leur gosier de nacre, d'oĂč l'on trouve aussitĂŽt Ă  s' Ponge Le mot et la chose. Paru en 1942, Le Parti pris des choses est un dĂ©fi poĂ©tique. Il s’agit pour Francis Ponge de rĂ©parer ce lien fragilisĂ© entre l’homme et son monde. Ca vous Ă©pate, hein ? Ces grandes phrases lĂ . Mais prenez garde ! Fuyez donc ces explications ampoulĂ©es du genre Mais oui, normal, avec les guerres mondiales hein, et p’y tout ça, l’homme est traumatisĂ©, et donc il est en rupture avec le monde et blablabla, etc
 » En pensant Ă  travers des abstractions on a tendance Ă  vouloir raisonner par gĂ©nĂ©ralisation. Ceci engendre le plus souvent ces hypothĂšses aberrantes qui vous peignent un siĂšcle en un Ă©vĂ©nement pour prĂ©tendre Ă©clairer l’ensemble de la production artistique Ă  un temps donnĂ©. Comme si l’expression artistique n’était que le fruit dĂ©sespĂ©rĂ© du dĂ©terminisme. Le langage de Ponge s’offre comme un remĂšde Ă  cette rupture entre l’homme et les choses. Depuis trop longtemps l’homme a perdu ce lien direct entre lui et ce qui l’entoure. C’est Ă  travers un regard neuf, posĂ© sur des objets dĂ©risoires, que Ponge propose une mĂ©thode. La dĂ©marche est philosophique et linguistique explorer des Ă©vidences prosaĂŻques pour qu’elles retrouvent grĂące Ă  nos yeux. Avec Ponge, un pain bien cuit se fait paysage La surface du pain est merveilleuse d'abord Ă  cause de cette impression quasi panoramique qu'elle donne comme si l'on avait Ă  sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la CordillĂšre des Andes. ». Que sont les mots sinon des choses ? Pour le poĂšte, le mot est pondĂ©rable, matiĂšre ; il n’est pas qu’un moyen de dĂ©signer le signifiant renferme toute l’essence de l’ĂȘtre. Signifiant et signifiĂ© se rĂ©concilient dans la plĂ©nitude de l’unitĂ©. Cette dichotomie du mot n’a dĂšs lors plus lieu d’ĂȘtre. Dans Le Grand Recueil, Ponge peut ainsi Ă©crire Le mot VERRE D'EAU serait en quelque sorte adĂ©quat Ă  l'objet qu'il dĂ©signe
 Commençant par un V, finissant par un U, les deux seules lettres en forme de vase ou de verre. Par ailleurs, j'aime assez que dans VERRE, aprĂšs la forme donnĂ©e par V, soit donnĂ©e la matiĂšre par les deux syllabes ER RE, parfaitement symĂ©triques comme si, placĂ©es de part et d'autre de la paroi du verre, l'une Ă  l'intĂ©rieur, l'autre Ă  l'extĂ©rieur, elles se reflĂ©taient l'une en l'autre [
] » Le mot redevient un tout indivisible, franc, sincĂšre. La chose et la parole se reconnaissent. Le lien est rĂ©parĂ©. Mouais. Moi, les fruits de mer, vous savez
 Observons donc cette huĂźtre. Le texte de Ponge s’ouvre sur le redoublement du mot. Nommer est la premiĂšre Ă©tape indispensable du processus de rĂ©appropriation de la chose, comme une incantation. La mĂ©thode du poĂšte Ă©voque celle d’un naturaliste il s’agit lĂ  de dĂ©crire. D’abord le mollusque nous est prĂ©sentĂ© de l’extĂ©rieur par un regard qui, ne sachant par oĂč le prendre, le compare Ă  un galet d’une apparence plus rugueuse », d’une couleur moins unie ». Avant que le regard s’affine, l’amateur d’huĂźtre passe Ă  la praxis. L’huĂźtre est un huis.. oui, oui. C'est un monde opiniĂątrement clos » nous dit Ponge. C’est une porte fermĂ©e dont il faut forcer l’entrĂ©e. Et le poĂšte fournit le mode d’emploi afin de prendre la chose en main il faut alors la tenir au creux d'un torchon ». Mais patience. Une huĂźtre ne se donne pas si facilement. L’assonance en Ă© » sur le couteau Ă©brĂ©chĂ© » insiste sur ce heurt rĂ©pĂ©tĂ© de la lame qui doit s'y reprendre Ă  plusieurs fois. » Encore une fois le mot est une matiĂšre non dĂ©pourvue de sens. La marque distinctive de l’huĂźtre, c’est cet accent circonflexe qui mime la silouhette du mollusque ouvert. Je voudrais connaĂźtre par cƓur / Ton ciel intĂ©rieur » MĂ©thodiquement, vous disais-je, le regard s’affine pour en pĂ©nĂ©trer l’intĂ©rieur. L’objet prend des dimensions cosmogoniques qui rendent ses lettres de noblesse Ă  ce banal et non moins dĂ©liceux mollusque. Il est bien plus que ça ! Sa nature prosaĂŻque est enfin transfigurĂ©e. C’est tout un monde ! On y trouve Ă  boire et Ă  manger » au sens propre et au sens figurĂ©, tant ce vaste univers est grouillant de vie. Les proportions sont bibliques sous un firmament Ă  proprement parler de nacre, les cieux d'en dessus s'affaissent sur les cieux d'en dessous
 ». La gĂ©omĂ©trie de l’huĂźtre dessine une symĂ©trie cosmique. Elle est un Ă©crin gigantesque qui recĂšle le mouvement organique. On y trouve un sachet visqueux et verdĂątre, qui flue et reflue » Plus qu’une mare », c’est une mer. Ronsard nous invitait dĂ©jĂ  hier soir Ă  la paillardise. Quitte Ă  faire, autant s’y vautrer comme un pourceau. Comment ne pas percevoir l’allusion pornographique au sexe fĂ©minin ? Le jeu de mot sur S’affaissent » donnait dĂ©jĂ  le ton. C’est une vulve qui nous est dĂ©crite. La dentelle noirĂątre sur les bords » confirme l’érotisation. L’huĂźtre est comme une femme qui, Ă  force de patience, dĂ©voile la part la plus secrĂšte de son anatomie. Le couteau Ă©tait le phallus. Le dernier mot revient au poĂšte. Pas question de se laisser dĂ©passer. Encore une fois, il s’agit bien de se l’approprier cette huĂźtre. Parfois trĂšs rare une formule perle Ă  leur gosier de nacre, d'oĂč l'on trouve aussitĂŽt Ă  s'orner. » Cette derniĂšre phrase est bien Ă  l’image de l’huĂźtre opaque et hermĂ©tique. On notera l’étrangetĂ© de l’expression une formule perle », comme une inversion qui sous-entendrait qu’une perle se forme. Cette perle dont on s’orne, ne serait-ce pas finalement le bijou taillĂ© par l’auteur du grec poĂŻesis fabriquer, Ă  savoir le poĂšme ? Il serait cette formule, entendu comme la façon de concevoir et d’agir
avec l’huĂźtre. Conclusion Vivement les fĂȘtes de fin d’annĂ©e ; il n’y aura plus qu’à dĂ©guster.
Ala fin de la premiÚre guerre mondiale, il adhÚre au Parti socialiste et rentre chez Gallimard. Par la suite en 1942, il publie le parti pris des choses suite à son entrée dans le Parti communiste français. Le parti pris des choses est un recueil de 32 poÚmes répartis en 6 catégories différentes telles que : objets, animaux
Voici une description de l'huĂźtre vue par Francis PONGE Francis Ponge - Le parti pris des choses 1942L'huĂźtreL'huĂźtre, de la grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie, brillamment blanchĂątre. C'est un monde opiniĂątrement clos. Pourtant on peut l'ouvrir il faut alors la tenir au creux d'un torchon, se servir d'un couteau Ă©brĂ©chĂ© et peu franc, s'y reprendre Ă  plusieurs fois. Les doigts curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles c'est un travail grossier. Les coups qu'on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d'une sorte de l'intĂ©rieur l'on trouve tout un monde, Ă  boire et Ă  manger sous un firmament Ă  proprement parler de nacre, les cieux d'en dessus s'affaissent sur les cieux d'en dessous, pour ne plus former qu'une mare, un sachet visqueux et verdĂątre, qui flue et reflue Ă  l'odeur et Ă  la vue, frangĂ© d'une dentelle noirĂątre sur les trĂšs rare une formule perle Ă  leur gosier de nacre, d'oĂč l'on trouve aussitĂŽt Ă  s'orner. La derniĂšre de Patrick SĂ©bastien
SĂ©ance3 L'huĂźtre (correction) Introduction Contexte. Le Parti pris des choses de Francis Ponge est un court recueil de 32 poĂšmes en prose (1) publiĂ© durant l’Occupation (1942) et qui prend pour matiĂšre les objets les plus humbles (un galet, les escargots, un cageot), ce qui fera dire Ă  François Mauriac dans Le Figaro que Ponge est le « poĂšte des objets les plus insignifiants ».
Table des matiĂšres PrĂ©face, par Vincent Carraud. IntroductionAvertissement Le chant XXVI de l’EnferCommentaireVirgile, Dante, Ulysse, DiomĂšdeLe rĂ©cit d’Ulysse La brĂšve oraison » d’UlysseLe vol fou d’Ulysse PremiĂšre tire d’ailes pour un vol fou
 Chapitre premier1 - La thĂ©orie des quatre sensLe Banquet ConvitoLa Lettre Ă  Cangrande della Scala2 - AllĂ©gorĂšse et exploration du mondeL’allĂ©gorie nĂ©oplatonicienne Nature aime Ă  se cacher »L’Antre des Nymphes Chapitre II1 - CosmologieLa disparate du mondeLa structure gĂ©nĂ©rale du mondeLa prĂ©cession des Ă©quinoxesLa thĂ©orie de la trĂ©pidationL’image du monde de Dante2 - GĂ©ographieLa figure de la TerreLa question des antipodes et le monde habitableLes mers et les continentsLe tracĂ© des cĂŽtes et l’ocĂ©anLa figure des terres Ă©mergĂ©esL’ocĂ©an Chapitre III1 - HistoireQuestions de mĂ©thode L’esperienza [
] del mondo senza gente »Histoire et progrĂšsLa lĂ©gitimitĂ© des Temps modernesLes Colonnes d’HerculeL’effondrement de la confiance cosmique2 - Du dĂ©sir de connaĂźtre Ă  la curiositĂ©Un dĂ©sir inscrit dans la nature humainePĂ©rĂ©grinations d’un dĂ©sir naturelVoirLes tribulations du dĂ©sir de savoirLa lĂ©gende des SirĂšnesL’ascension du mont VentouxDescente dans les cavernes de l’EtnaUne curiositĂ© sans limites3 - Au delĂ  de Dante, les Temps modernesLa modernitĂ© Ă  l’aube des Temps modernesNicolas de CuesGiordano BrunoL’acquisition de la modernitĂ©Francis BaconLe cas DescartesLa modernitĂ© au dĂ©clin des Temps modernesGeorg Henrik Von Wright DeuxiĂšme partie.
 lors fut la mer par-dessus nous reclose Chapitre IV1 - L’astucieux Ulysse2 - AprĂšs HomĂšreL’homo viator et le retour des SirĂšnesL’épuisement de la figure homĂ©rique d’UlysseMouvement centripĂšte et mouvement centrifuge3 - L’Ulysse de DanteL’ouverture de la base homĂ©riqueDe la curiositĂ© Ă  la dĂ©mesure4 - AprĂšs Dante Ce grand Ă©vĂ©nement qui parmi vous se tait »La fĂ©e Andronica, l’AriostoTorquato TassoLe retour Ă  l’intĂ©rioritĂ©L’inspiration lĂ©opardienneUlysse, le hĂ©ros extĂ©nuĂ©Alfred TennysonArturo GrafGiovanni PascoliSur le Pequod, Ă  la poursuite de l’absolu Chapitre V1 - MĂ©taphoresL’ocĂ©an, mĂ©taphore de l’infiniLa navigationLa conquĂȘte des mersAutres navigations2 - Naufrage et existenceNaufrage et histoireLa mort en merÊtre spectateurLa situation du rescapĂ©RobinsonExister avec le naufrageSeuls Ă  seuls avec l’ocĂ©anCuriositĂ© et engagement dans le monde3 - TransmissionLa transmission difficile Quelque chose de gigantesque
 »Le passeur Épilogue1 - Aucun trĂ©passĂ© ne parle d’autre chose que de sa vie terrestreL’usage du libre arbitreNote sur la querelle du libre arbitre au XIIIe siĂšcleIl cammino della vita2 - Exploration du monde et exploration de soiAller au bout du monde L’archipel des Ăźles MardiL’espace labyrinthiqueAller au bout de soi-mĂȘmeAu-dessous du volcan ConclusionAu risque de la dĂ©chĂ©ance Bibliographieƒuvres et textes de rĂ©fĂ©renceÉtudes Index * Extrait L’Ulysse de Dante L’ouverture de la base homĂ©rique La base homĂ©rique, on l’a vu, donne Ă  construire beaucoup de choses, comme des variations autour d’une structure fondamentale le retour d’Ulysse. Or cette base, depuis l’époque proprement homĂ©rique des poĂšmes homĂ©riques, a considĂ©rablement Ă©voluĂ©, dans de multiples directions. DĂšs l’AntiquitĂ© classique, et bien plus encore au long du Moyen Âge, elle s’est ouverte, avec des rĂ©sultats littĂ©raires au moins inĂ©gaux, souvent inattendus. Si, en gĂ©nĂ©ral, la partie consacrĂ©e aux voyages et au retour d’Ulysse se maintient, la fin et la mort d’Ulysse, en revanche, se perdent dans de multiples versions, enchevĂȘtrĂ©es, laissant pour ainsi dire ouverte la conclusion des poĂšmes [1]. Pour suivre Stanford [2], c’est cet Ă©tat de la tradition homĂ©rique, ajoutĂ© Ă  la connaissance trĂšs partielle [3] qu’il en avait et Ă  l’adaptability de la figure d’Ulysse, qui explique que Dante a pu se sentir autorisĂ© Ă  inventer de toutes piĂšces, ou presque, une fin totalement contraire Ă  la structure et Ă  l’esprit des poĂšmes la disparition du paradigme du retour et le renversement du mouvement centripĂšte en mouvement centrifuge, il se produit donc beaucoup plus qu’un dĂ©veloppement, il y a une rupture et bel et bien une ouverture de la structure de base homĂ©rique traditionnelle. DĂ©sormais, le rĂ©cit ne se termine plus de la mĂȘme façon, et cela change tout il n’arrive pas seulement autre chose aux personnages, nous avons affaire Ă  d’autres personnages, Ă  un Ulysse nouveau, habitĂ© de tout autres pensĂ©es. Ainsi donc, lorsque Dante met Ă  profit l’indĂ©termination reçue d’une tradition homĂ©rique lacunaire quant Ă  la fin d’Ulysse, il opĂšre un renversement inattendu [4] qui relĂšve presque de la provocation. La mort ocĂ©anique qu’il rĂ©serve Ă  son Ulysse excĂšde Ă©videmment le cadre mĂ©diterranĂ©en, mais inverse complĂštement les ressorts du personnage d’Ulysse un dĂ©sir insensĂ© de connaĂźtre prend la place du mal du pays, l’᜕ϐρÎč [hubris] celle de la nostalgie, le mouvement centripĂšte qui le rapproche d’Ithaque devient un mouvement centrifuge. Ce renversement et cette provocation sont d’autant plus remarquables que Dante n’invente rien. En fait, il prend au sĂ©rieux, et mĂȘme au tragique, une fin possible d’Ulysse imaginĂ©e dĂšs l’AntiquitĂ© sur le mode de la fiction parodique, par Lucien de Samosate [5].Le voyage — imaginaire — au-delĂ  des limites du monde connu est, ou sera, un thĂšme de fiction classique et en ce sens, le rĂ©cit de Lucien relĂšve au dĂ©part de l’intention de faire du HomĂšre Ă  l’envers et de dĂ©figurer la figure d’Ulysse, il n’engage que son imagination J’écris donc sur des choses que je n’ai jamais vues, des aventures que je n’ai pas eues et que personne ne m’a racontĂ©es, des choses qui n’existent pas du tout et qui ne sauraient commencer d’exister [6]. » Chez Dante, Ă  supposer qu’il ait connu Lucien, dont il retrouve Ă©trangement les termes mĂȘmes pour dĂ©crire le voyage d’Ulysse et la tempĂȘte finale [7], cette fin — qui n’est qu’un dĂ©but dans le texte de Lucien — n’a Ă©videmment rien de parodique. On voit comment elle vient d’une part boucler toute l’évolution littĂ©raire du traitement du thĂšme d’Ulysse, et d’autre part s’adosser au pressentiment propre Ă  la fin du Moyen Âge de l’effondrement du cosmos. On ne s’attendait guĂšre/De voir Ulysse en cette affaire »Illustration de Jean-Baptiste Oudry, Livre X, fable II. Dante libĂšre la figure d’Ulysse en la dĂ©solidarisant non seulement de la gĂ©ographie homĂ©rique mais aussi de sa teneur anthropologique plutĂŽt rassurante. Son Ulysse n’est plus l’homme du retour, retenu sĂ©parĂ© des siens par un exil douloureux loin de son Ăźle, pĂ©tri de sentiments familiaux et ne pensant qu’au bonheur fini de vivre sur sa terre natale. L’Ulysse de Dante incarne une nouvelle forme de libertĂ©, inquiĂ©tante, faite de liens dĂ©chirĂ©s et d’attaches rompues, mais tĂ©moignant aussi de forces secrĂštement liĂ©es au dĂ©sir et au vertige de la transgression. Ce n’est sans doute pas assez pour en faire un moderne, ni pour justifier sans discussion la future rĂ©cupĂ©ration romantique [8], car ce hĂ©ros reste nĂ©gatif et interdit d’Ɠuvre ; mais c’est trop pour un Moyen Âge dont il fait craquer tous les repĂšres. Ce qui est sĂ»r, c’est que la destruction de la figure homĂ©rique entraĂźne avec elle la destruction du mythe, liĂ© Ă  son illustration possible dans les voyages d’Ulysse, sur lequel reposera une dialectique d’apparence hĂ©gĂ©lienne, celle qui rĂ©sout les contradictions et reconduit heureusement les contraires Ă  l’identitĂ©. Ce qui s’évanouit ainsi, c’est ce qu’on pourrait appeler la mythologie du chez-soi, du retour Ă  soi-mĂȘme Ă  partir de l’ĂȘtre-autre. Ce qui est fondamental avec l’Ulysse de Dante, plus encore que la transgression qui dirige vers l’infini, c’est donc, si l’on considĂšre les choses du point de vue de la force qui dĂ©finit sa trajectoire — centrifuge —, le fait radicalement dĂ©stabilisant qu’Ulysse ne revient pas chez lui et n’y reviendra jamais. L’homme du retour est devenu l’homme du non-retour. L’Ithaque qui symbolise le terme de tout voyage, la conclusion heureuse de toute sĂ©paration, cette Ithaque n’est plus Ă  l’horizon. Et il est clair que l’Ulysse de Dante, contrairement Ă  ce que dit HomĂšre dans les premiers vers de l’OdyssĂ©e, ne se soucie pas de rentrer chez lui. De lĂ  rĂ©sulte le sens profond de l’évitement de cette Ă©tape dans la Divine ComĂ©die. On peut certes se demander, Ă  la lecture des vers 95-97 du chant XXVI de l’Enfer, oĂč Ulysse Ă©voque ses liens familiaux et ses devoirs Ă  l’égard de PĂ©nĂ©lope, s’il a lancĂ© son expĂ©dition au-delĂ  des colonnes d’Hercule directement aprĂšs s’ĂȘtre sĂ©parĂ© de CircĂ©, ou s’il est repassĂ© Ă  Ithaque, avant de repartir pour de nouvelles aventures ; mais si, comme cela semble ĂȘtre le cas, il est parti directement au grand large depuis l’üle de CircĂ©, alors, il est bien l’homme du non-retour, il n’est jamais rentrĂ© chez lui. Et il convient d’insister l’épisode de l’Enfer consacrĂ© Ă  Ulysse est Ă  un tel point en rupture avec la tradition homĂ©rique qu’il se prĂ©sente comme mettant un terme dĂ©finitif aux aventures d’Ulysse, enfermĂ© d’une part dans une figure centrifuge qui exclut tout retour Ă  Ithaque, emportĂ© d’autre part, avec son navire, vers une mort en mer appelĂ©e Ă  le faire disparaĂźtre dans un oubli entier. Le dernier vers du chant XXVI signifie presque explicitement que l’histoire qui vient d’ĂȘtre racontĂ©e est une histoire dont on ne parlera plus infin che l mar fu sovra noi richiuso [9] ». La chute elliptique dĂ©courage toute tentation de romantisme et installe dans le poĂšme un silence da alfa ad omega [10]. Dante use de cette expression Ă  la fin de la Lettre Ă  Cangrande [11]. Expliquant son oeuvre, au terme d’une rĂ©capitulation de son propre voyage, de son ascension de ciel en ciel et donc du principe jusqu’à la fin, Dante entend ainsi marquer fortement le caractĂšre totalisant de son voyage. Ce caractĂšre s’oppose, Ă©videmment, Ă  l’errance qui caractĂ©rise les voyages d’Ulysse et interdit tout autant le retour que l’arrivĂ©e Ă  bon port. La rĂ©fĂ©rence Ă  l’alpha et Ă  l’omĂ©ga introduit une rĂšgle de clĂŽture si l’on est parti du principe et parvenu Ă  la fin, tous les champs de recherche ont Ă©tĂ© Ă©puisĂ©s et il n’y a plus rien Ă  chercher. Toute dĂ©marche d’exploration serait-elle vide de sens ? C ’est peut-ĂȘtre le cas, en effet, dans le cosmos parfaitement clos de Dante. De la curiositĂ© Ă  la dĂ©mesure Si c’est comme conseiller perfide qu’il se trouve en Enfer, Ulysse ne saurait pour autant ĂȘtre enfermĂ© dans sa seule habiletĂ© Ă  tromper, il est non moins curieux, et c’est ce trait que retient Dante, au chant XXVI. À cet Ă©gard, Ulysse se distingue grandement d’une figure que l’on serait tentĂ© de rapprocher de lui, celle de ]ason [12] Dans leur quĂȘte de la Toison d’or, les Argonautes sont intĂ©ressĂ©s, alors qu’Ulysse, mĂ» par sa seule curiositĂ©, apparaĂźt comme un personnage remarquable, puisque son mobile n’est ni l’argent, ni la gloire, ni la piĂ©tĂ© et qu’il ne partage pas les alibis usuels des voyageurs lointains. Et sur ce point, Dante sait Ă©clairer et approfondir les choses. Il a vu en Ulysse un dĂ©sir de savoir assez singulier, en fait d’une puissance exceptionnelle qui en redĂ©finir la nature. Chez HomĂšre, la curiositĂ© d’Ulysse est une caractĂ©ristique parmi d’autres ; chez Dante, cette caractĂ©ristique envahit l’ensemble du personnage [13] et modifie le style de toutes les autres. Il en rĂ©sulte que ce que Dante met en scĂšne, et peut-ĂȘtre condamne, dans le vol fou d’ Ulysse, c’est l’orgueil ou la dĂ©mesure, mais ce n’est pas on ne sait quelle modernitĂ©. Autre chose est la reprĂ©sentation de la dĂ©mesure comme une annonce de la modernitĂ©, ce dont on aurait tort de tirer que Dante l’aurait vue venir et la condamnerait. Tout au plus voyait-il peut-ĂȘtre le Moyen Âge s’effondrer, comme il nous montre Ulysse — qui traduit quand mĂȘme plutĂŽt l’AntiquitĂ© — ĂȘtre englouti et s’enfoncer. L’᜕ϐρÎč, qui fait sans doute pour une grande part, la spĂ©cificitĂ© de l’Ulysse de Dante, n’a pas vraiment de rapport avec la modernitĂ©. La notion, comme on le sait, a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e dans la GrĂšce antique et a vraisemblablement Ă©tĂ© importĂ©e par HĂ©rodote depuis le champ de la tragĂ©die grecque, originaire-ment elle vise les despotes qui abusent de leur pouvoir et ne respectent pas les lois communes, elle vise les atteintes Ă  l’ordre voulu par les dieux [14]. Cette incrimination convient donc parfaitement Ă  l’Ulysse de Dante qui, littĂ©ralement, va trop loin. Comme convient aussi alors la fin appelĂ©e par cet excĂšs, si bien qu’Ulysse est, en ce sens, responsable, ou cause, de ce qui lui arrive, et l’on approfondit davantage le portrait de l’Ulysse de Dante, sans s’arrĂȘter Ă  la description, assez convenue, donnĂ©e en termes d’᜕ϐρÎč, on observera que l’interdit qu’il enfreint, en fait, n’est pas exactement celui que posent les colonnes d’Hercule. Si naturellement le passage de Gibraltar peut encore susciter quelque apprĂ©hension, la mythologie des colonnes d’Hercule ne vaut plus guĂšre, du moins sĂ©rieusement, en cette fin de Moyen Âge. Mais ce qui est dit par Dante, au moins dans l’intensitĂ© de son expression poĂ©tique, c’est qu’Ulysse est un hĂ©ros qui est Ă  la recherche de l’extrĂȘme, qui trouve au fond la signification de ses actes dans la confrontation Ă  l’échec, comme atteinte ou Ă©preuve des limites. Il symbolise bien ce que peut ou ne peut pas l’homme, sans la grĂące faire son salut dans l’histoire, et sans le contexte, proprement mĂ©taphysique ou thĂ©ologique, atteste bien qu’il s’agit du salut de l’ñme et non d’une improbable modernitĂ©. Comme on l’a dĂ©jĂ  observĂ©, en effet, l’épisode du dernier voyage d’Ulysse s’accomplit dans un univers de sens assez bien dĂ©fini. Dante ne cesse d’y rĂ©activer le motif prophĂ©tique du peuple juif dans le dĂ©sert et de la sortie d’Égypte, constante et puissante figuration historique de la dĂ©livrance et du salut. Se dessine ainsi nettement une insistante homologie entre 1’ OdyssĂ©e et l’Exode, Ithaque et la Terre promise, le sens gĂ©ographique du retour et le sens spirituel de l’exil“. Tout cela prĂ©pare pour Ulysse un destin singulier. Car l’Ulysse de Dante pose manifestement un problĂšme dans la mesure oĂč d’un cĂŽtĂ© ce qu’il entreprend est proprement inouĂŻ, mais dans la mesure aussi oĂč, de l’autre cĂŽtĂ©, cette entreprise inouĂŻe s’achĂšve en un Ă©chec sans reste. Dans le contexte donnĂ© d’une histoire du salut, on ne peut qu’en conclure Ă  la fois Ă  la perte des antiques certitudes concernant la fiabilitĂ© du cosmos, mais en mĂȘme temps, Ă  l’impossibilitĂ© de valider toute autre solution de salut tant qu’on reste dans cette problĂ©matique oĂč aucune grĂące n’est promise. De lĂ , l’échec total — on serait tentĂ© de dire dĂ©finitif — de la tentative audacieuse d’Ulysse, mais aussi son caractĂšre infiniment, et dĂ©finitivement fascinant. Mais il y a lĂ  un peu plus que rien. En effet, si la voie d’un salut transgressif est — dĂ©finitivement ? — barrĂ©e par l’échec d’Ulysse, le salut promis dans la rĂ©gion des anciennes certitudes mĂ©diĂ©vales est lui aussi trĂšs rĂ©ellement frappĂ© de nullitĂ© par l’entreprise mĂȘme d’Ulysse, puisqu’il n’y a pas d’autre choix possible que l’entreprise de Dante, qui met son espoir en un salut transcendant, mais qui n’est peut-ĂȘtre pas aussi assurĂ©e qu’on le croit parfois. Que le drame, vĂ©cu jusqu’à la mort, par l’Ulysse de Dante, se nourrisse ou s’exaspĂšre de cette incertitude quant Ă  la consistance radicale du monde, cela pourrait bien comporter une leçon assez large, peut-ĂȘtre moment est sans doute venu d’examiner la question de l’attitude de Dante Ă  l’égard de la figure d’Ulysse, cette figure qui, Ă  bien des Ă©gards, lui tourne le dos et pas seulement en raison de sa condamnation aux peines infernales. On a souvent soulignĂ© combien, en raison de ce que ces pages de la Divine ComĂ©die ont d’indĂ©niablement sublime, il est difficile de ne pas admettre une indĂ©finissable proximitĂ©, une incontestable sympathie de Dante Ă  l’égard de ce damnĂ©. On a manifestement affaire Ă  un cas du mĂȘme genre que l’épisode de Francesca et Paolo [15] voir l’étreinte de leurs corps frissonnants de dĂ©sir au cƓur de leur supplice entraĂźne une irrĂ©sistible compassion, et peut-ĂȘtre davantage. Et si Dante, au fond, secrĂštement, donnait raison Ă  son Ulysse ? Quoi qu’il en soit l’Ulysse de Dante fait problĂšme dans son contexte historique prĂ©cisĂ©ment parce qu’il le met en question. Et l’on est bien obligĂ© de s’interdire toute conclusion Ă  son sujet, car il n’engage en fait Ă  rien, et il n’y a rien Ă  en dire. Le poĂšme de Dante est la mise en question simple du voyage d’Ulysse, mais aussi, inĂ©vitablement, du propre voyage de Dante. On peut soutenir en effet que le salut chrĂ©tien est pessimiste quant Ă  ce monde, et cela le rapproche, ou ne l’éloigne pas tant de l’échec du voyage d’Ulysse la voie chrĂ©tienne du salut, tentĂ©e par Dante, se dĂ©ploie dans un autre monde, aprĂšs jugement. Il n’y a rien Ă  en attendre ici-bas, et Dante connaĂźt parfaitement le monde terrestre et ses limites. p. 248-256 * La critique de Yannick Haenel Transfuge 99-100, juin-juillet 2016. Zoom cliquez l’image. * L’analyse de Karim Oukaci La plus extraordinaire des choses littĂ©raires », disait Borges de la Divine ComĂ©die. Jean-Louis Poirier vient de consacrer Ă  l’un des plus sublimes passages de l’Enfer, qui forme le premier cantique de la Commedia, et le plus pittoresque, un commentaire Ă  bien des Ă©gards trĂšs extraordinaire. Au chant XXVI de l’Enfer, Ulysse surgit d’une fosse obscure sous la forme d’une langue de feu pour donner le rĂ©cit de son dernier voyage au-delĂ  des limites du monde connu. Ces vers fascinants ont Ă©tĂ© l’objet d’une glose considĂ©rable depuis plus d’un siĂšcle quarante pages d’indications bibliographiques si l’on ouvre par exemple Seriacopi 1994. Mais c’est l’interprĂ©tation qu’en fit Hans Blumenberg qui intĂ©resse l’auteur un Ă©vĂ©nement thĂ©orique Ă  part entiĂšre », p. 4, et qui fait toute la nouveautĂ© de son ouvrage dans les Ă©tudes dantesques. L’introduction p. 1-10 propose de voir dans l’aventure d’Ulysse la tentative sans doute la plus entiĂšre de mise en question radicale du monde » p. 1, et interroge cette signification gĂ©nĂ©rale — pour Dante en premier lieu, pour nous ensuite, qui sommes les hĂ©ritiers de la modernitĂ© que le poĂšte florentin a prĂ©cĂ©dĂ©e n’y aurait-il pas dans ce dĂ©sir de connaĂźtre l’inconnu, auquel Ulysse sacrifie tout jusqu’à en perdre la raison il folle volo et la vie il mar sovra noi, quelque chose comme l’indice de la configuration d’un monde qui s’anĂ©antit, en la nĂ©cessitĂ© duquel l’homme ne parvient plus Ă  se fier, contre lequel il lui faut dĂ©sormais s’affirmer, ne serait-ce qu’à titre de contingence ? Ce questionnement sur l’Ulysse de Dante, orientĂ© par une problĂ©matique Ă  la fois cosmologique et mĂ©taphysique, va conduire l’auteur Ă  investir tout aussi bien, puisqu’il s’agit de poĂ©tique, de mĂ©moire et de transmission, l’analyse des mĂ©taphores l’ocĂ©an, la navigation, le naufrage, etc. que l’histoire des concepts le dĂ©sir de savoir, la curiositĂ©, la limite, etc.. Gustave DorĂ©, Inferno XXVI. Au prĂ©alable, JL Poirier se fait traducteur et commentateur du Canto di Ulisse p. 13-55. De sa traduction des terzine en prose p. 14-23, l’auteur avertit qu’elle est volontairement Ă©lĂ©mentaire, exactement sans qualitĂ© » p. 11. On reconnaĂźtra, quoi qu’il en dise, qu’elle est limpide, explicative, Ă©clairante au vers 57, l’ira est attribuĂ©e Ă  Dieu de maniĂšre trĂšs explicite comme ils provoquĂšrent ensemble la colĂšre divine » ; au vers 72, la tua lingua est rendue par ton discours » ; la notion de vertu valore au vers 99 rimant avec ardore, virtute au vers 120 est comprise comme valeur et excellence ; l’alto passo du vers 132 le pas suprĂȘme » pour Longnon, la haute aventure » pour PĂ©zard devient ici la grande traversĂ©e ». — Quant au commentaire p. 25-55, c’est Ă  notre connaissance le premier Ă  ĂȘtre publiĂ© en français qui soit si prĂ©cis et si dĂ©veloppĂ©, attentif Ă  la question de l’intertextualitĂ© comme l’essai de Giglio 1997, soucieux du dĂ©tail et de la structure comme l’étude de Sasso 2011. On se souvient peut-ĂȘtre qu’AndrĂ© PĂ©zard, au dĂ©tour d’une note, avait promis Ă  ses lecteurs une Damnation d’Ulysse, qui ne parut jamais quoique des fragments de ce qu’elle eĂ»t pu ĂȘtre soient prĂ©sents dans l’Ulisse que Pagliaro dĂ©dia au maĂźtre français. Or, si la Damnation de PĂ©zard ne fut pas Ă©crite, c’est semble-t-il qu’elle ne pouvait pas l’ĂȘtre, car JL Poirier, tout en comblant en quelque sorte ce manque, convainc assez facilement que, dans le cas d’Ulysse, damnation et justification s’entremĂȘlent sur un mode prodigieusement complexe Tout le texte de Dante, toutes ses rĂ©fĂ©rences, tout son ancrage historique montrent que ce [dĂ©sir de savoir pour lequel il meurt] est naturel, inscrit profondĂ©ment dans la nature de l’homme » p. 55. Les moments successifs de l’Inferno XXVI, depuis l’adresse Ă  Florence jusqu’à l’orazion picciola d’Ulysse et Ă  sa fabuleuse narration du drame final, sont donc examinĂ©s dans leur littĂ©ralitĂ©, ainsi que dans leurs sources bibliques et classiques, l’importance probable de CicĂ©ron, De Fin. V, 16-18 Ă©tant signalĂ©e. La premiĂšre partie p. 57-226 prĂ©sente la suggestion infiniment sĂ©duisante qu’au-delĂ  de la passion de l’unitĂ© qui anime la doctrine de la Divine ComĂ©die, il y a aussi en elle une intuition de contradictions ou, si l’on ose dire, une conscience malheureuse, dĂ©chirĂ©e par certaines nĂ©gativitĂ©s dont l’épisode d’Ulysse serait l’un des signes les plus puissants. On ne s’étonnera pas que le chapitre premier p. 59-82 rappelle l’ambivalence de l’écriture de Dante, tant l’allĂ©gorisation lui est inhĂ©rente, et expose la rĂšgle que lui-mĂȘme trĂšs tĂŽt formula, inquiet que la profondeur de sa pensĂ©e ne fĂ»t pas pĂ©nĂ©trĂ©e, et qu’il prit soin de thĂ©oriser dans le Convivio la lettre de ses sonnets, chansons, poĂšmes requiert une lecture indispensablement allĂ©gorique — exigence que l’on retrouve dans une expression rudimentaire au § 7 de l’ÉpĂźtre Ă  Cangrande istius operis non est simplex sensus, immo polysemum ». L’auteur insiste sur l’hĂ©ritage que constitue le prĂ©cĂ©dent de l’exĂ©gĂšse propre aux traditions des enseignements nĂ©oplatonicien et chrĂ©tien, Ă©trangement parallĂšles sur le point de traiter la figure d’Ulysse, qu’elle apparaisse chez HomĂšre ou Platon, comme le lieu d’une allĂ©gorĂšse systĂ©matique — ce qu’attestent les Ă©crits de ClĂ©ment d’Alexandrie, de Plotin, de Porphyre, dont l’exercice magnifique sur L’Antre des nymphes est Ă©tudiĂ© en dĂ©tail p. 78-82. C’est Jean PĂ©pin dĂ©jĂ  qui, dans son article sur l’Ulysse platonicien et chrĂ©tien », faisait observer, tout en soupçonnant une origine gnostique Ă  cette douteuse proximitĂ©, qu’Ulysse fut le principal des mythes grecs pour la rĂ©ception desquels les textes patristiques purent bĂ©nĂ©ficier de maniĂšre plus ou moins directe de l’exĂ©gĂšse mĂ©dio-platonicienne. Pour procĂ©der Ă  la dĂ©licate allĂ©gorĂšse de l’Ulysse de Dante, les chapitres II et III font l’hypothĂšse que cette figure exceptionnelle que le poĂšte rĂ©inventa par seul droit de gĂ©nie correspond en fait Ă  une rupture dans la dĂ©termination mĂ©diĂ©vale de l’ordre cosmique et gĂ©ographique d’une part p. 83-127, de l’ordonnance de la question du salut d’autre part p. 129-226 — dĂ©termination que toute la Commedia s’attache, pourtant, Ă  confirmer chant aprĂšs chant. Ainsi il conviendrait de discerner que la reprise par Dante de l’astronomie ptolĂ©maĂŻque se complique d’une dramatisation de quelques principes thĂ©oriques prĂ©cession des Ă©quinoxes, thĂ©orie de la trĂ©pidation qui a pour effet de faire entrer l’irrationnel dans ce que le monde sensible a de plus Ă©levĂ© p. 83-103. Pareillement, la gĂ©ographie du monde habitĂ© se trouve confrontĂ©e Ă  l’irrationalitĂ© des antipodes, de l’ocĂ©an austral, de l’antigĂ©ographie infernale et de ce qui en est la cause mĂ©taphysiquement effrayante en termes de crĂ©ation, la chute de celui que le chant XXXIV dĂ©crit con paura p. 103-127. Le chapitre III, relatif Ă  l’économie du salut, reprend dans des pages brillantes les analyses patiemment minutieuses de Blumenberg sur les concepts de modernitĂ© et de curiositĂ© dont La LĂ©gitimitĂ© des Temps modernes faisait entre autres choses l’histoire. Le voyage d’Ulysse, loin d’ĂȘtre l’emblĂšme sĂ©cularisĂ© d’un itinerarium mentis ad Deum, serait donc un contrecoup du sentiment diffus que s’était Ă©puisĂ©e l’idĂ©e mĂ©taphysique de cosmos, c’est-Ă -dire d’un ĂȘtre du monde adĂ©quat Ă  l’essence divine — et cela avant mĂȘme que ne commençùt la modernitĂ© ce qui caractĂ©risera cette modernitĂ© ..., rĂ©sume l’auteur, c’est la disjonction de la mĂ©taphysique et de la thĂ©ologie, et donc la possibilitĂ© d’un monde qui ne soit pas un cosmos, d’un monde qui ne soit pas la rĂ©alisation d’un modĂšle ou, si l’on peut dire, d’un monde qui ne ressemble Ă  rien. On comprend que, jetĂ© dans un tel monde, l’Ulysse de Dante n’ait eu d’autre pensĂ©e que d’en sortir ... » p. 141. L’une des consĂ©quences de cette perte de confiance dans le monde » p. 145 serait une modification de l’attitude thĂ©orique Ă  son Ă©gard p. 146-226 l’histoire conceptuelle du dĂ©sir de savoir, de ses altĂ©rations en concupiscence et en curiositĂ© est alors retracĂ©e Ă  l’aide de renvois Ă  Platon, Aristote, CicĂ©ron, Augustin, au PĂ©trarque du mont Ventoux, au LĂ©onard des cavernes de l’Etna, etc. p. 146-190, jusqu’aux positions pleinement modernes de Nicolas de Cues et de Giordano Bruno p. 190-221, le Cusain et le Nolain de Blumenberg. L’auteur fait remarquer ce que cette attitude moderne a en dĂ©finitive de tragique La quĂȘte moderne du savoir mime une quĂȘte de l’absolu, elle porte une ouverture Ă  la transcendance, mais elle reste prisonniĂšre du monde ici-bas » p. 191 - tragique que l’Ulysse dantesque annonce, non sans contredire Dante lui-mĂȘme jusqu’au dernier degrĂ©. La seconde partie 227-349 complĂšte l’étude de la fable que contient l’Inf. XXVI par celle de la signification qu’elle a pu prendre dans diffĂ©rentes rĂ©ceptions modernes et contemporaines. Le chapitre IV p. 229-302 part du travail de Stanford sur la complexitĂ© et la plasticitĂ© de la matiĂšre du thĂšme ulyssĂ©en pour y rechercher un invariant possible Ă  travers l’histoire des variations poĂ©tiques depuis le prototype homĂ©rique. Cet invariant serait moins l’idĂ©e de retour que celle d’errance, qui associe la ÎŒáż†Îč aux ΜαυÎčÎșᜱ de façon plus fondamentale. Cela expliquerait qu’à la maniĂšre de l’OdyssĂ©e dont la grandeur, disait Genette, est d’ĂȘtre devenue un point de mire de l’écriture hypertextuelle, l’Ulysse de Dante soit devenu Ă  son tour l’hypotexte privilĂ©giĂ© de poĂštes et de romanciers aussi gĂ©niaux et dissemblables que le Tasse, l’Arioste, Leopardi, Tennyson, Arturo Graf, Pascoli et Melville. Leurs appropriations respectives de l’Inf. XXVI sont l’une aprĂšs l’autre considĂ©rĂ©es. Le dernier chapitre p. 303-349 reprend thĂ©matiquement les mĂ©taphores de l’ocĂ©an, de la navigation et du naufrage avec pour rĂ©fĂ©rences Platon, Primo Levi, le Blumenberg de Naufrage avec spectateur, et s’intĂ©resse Ă  la fonction de transmission qu’un mythe comme celui d’Ulysse a pour fin de remplir — Ă©tant donnĂ©, comme dirait Blumenberg encore, la diffĂ©rence d’extension entre mĂ©taphorique et mĂ©taphysique. Sous ce rapport, l’auteur note qu’il n’y a pas grand sens Ă  faire de Dante le prophĂšte de la modernitĂ© p. 335, puisque, par l’équipĂ©e d’Ulysse, le poĂšte s’établit en passeur d’une expĂ©rience per dar lui esperĂŻenza piena, dira Inf. XXVIII, 48, celle de la mise en question d’un monde fini », et que cette expĂ©rience s’ordonne Ă  un besoin de transmission, qui ouvre sans doute Ă  une espĂ©rance » p. 348. De cette espĂ©rance, l’épilogue p. 351-370 et la conclusion p. 371-373 ne font guĂšre Ă©tat ils insistent sur une nouvelle modalitĂ© existentielle une chose post-moderne », p. 362 que l’auteur appelle la dĂ©chĂ©ance la dĂ©chĂ©ance n’est ni salut ni damnation. Entre les deux, elle est plutĂŽt l’expĂ©rience effrayante de l’impossible nĂ©ant de soi-mĂȘme ... », p. 361. À titre de tĂ©moin, d’Ulysse postmoderne, le hĂ©ros d’Under the Volcano, le roman de Malcolm Lowry, montre d’aprĂšs l’auteur que ce n’est pas l’absence de salut qui rend la vie impossible, mais la vie mĂȘme qui rend tout salut impossible » p. 369, faisant donc prĂ©cĂ©der devant toute autre question celle, anthropologique, du besoin de salut, dont le contenu est redĂ©fini comme besoin de reconnaissance la dĂ©chĂ©ance fait donc apparaĂźtre, plus encore que le dĂ©sir d’ĂȘtre sauvĂ©, le besoin d’ĂȘtre jugĂ©, le besoin de faire reconnaĂźtre ce que nous sommes, le besoin de justification » p. 372. Qu’on nous permette de dire avec briĂšvetĂ© que dans ce livre, l’un des plus beaux et des plus denses, trĂšs certainement, de tous ceux consacrĂ©s Ă  l’étude de la pensĂ©e dantesque, on ne peut qu’admirer sans rĂ©serve l’immensitĂ© de l’érudition, la profondeur de l’enquĂȘte, la finesse des analyses, le charme d’un style plein d’ironie — toutes qualitĂ©s qui assurent un plaisir auquel il est facile et mĂȘme lĂ©gitime de se laisser prendre une lĂ©gitimitĂ© du plaisir dont convient Dante en toutes lettres au chant XXVII du Purgatoire lo tuo piacere omai prendi per duce. Difficile aussi de ne pas se laisser convaincre par les conclusions de JL Poirier sur la richesse et les contradictions de l’Ulysse italien, sur l’actualitĂ© de la mĂ©taphore du naufrage qu’elle tire sa force de la poĂ©sie dantesque ou mallarmĂ©enne, sur le dĂ©sespoir d’une postmodernitĂ© prĂšs d’en revenir Ă  la sagesse que SilĂšne selon Aristote finit par avouer au roi qui l’avait capturĂ©. — Moins Ă©videntes bien que la nature de l’ouvrage interdĂźt que l’auteur les expliquĂąt avec la moindre ampleur nous semblent certaines propositions reprises de Blumenberg sur la fiabilitĂ© supposĂ©e du monde antique, sur la disparition corrĂ©lative de ce sentiment, si c’en est un, Ă  la modernitĂ© il n’est pas aisĂ© d’ĂȘtre d’accord, sans plus de preuves textuelles, avec l’allĂ©gation que cette angoisse ait Ă©tĂ© inconnue des Anciens et que l’histoire de ce sentiment commence seulement Ă  la fin du Moyen Âge, mĂȘme si l’on prend la prĂ©caution d’ajouter — prudence qui change fort peu de choses Ă  l’affaire — qu’il serait plus que tout question ici de son articulation avec une conception de l’acte qui se limiterait Ă  la perspective de l’immanence. Pour ce qui est de l’édition, le lecteur aura la satisfaction de la trouver formellement impeccable, en vĂ©ritĂ© au-dessus de tout reproche une seule erreur de typographie en prĂšs de 400 pages, et encore s’agit-il d’un accent, p. 201 ; un nom s’insĂšre mal Ă  propos entre deux mots, p. 228. Sans doute aussi devra-t-il prĂȘter son attention Ă  la n. 10, p. 27, Ă  la n. 21, p. 31, Ă  la n. 40, p. 72 oĂč il faut lire § 29 » au lieu de § 9 », Ă  la p. 225 non dans les marges de l’Enfer » au lieu de dans les marges de l’Enfer », Ă  la p. 334 son disciple ÉlisĂ©e » au lieu de son fils ». Parlant du fond de cet Enfer, l’Ulysse de Dante n’est donc pas la simple version dramatique du personnage parodique mieux connu du public français, Calogrenant le chevalier ridicule — qui lui aussi cherch[ait] ce qu’il ne [pouvait] trouver », qui lui aussi rĂ©clamait ou l’aventure ou les merveilles », qui lui-mĂȘme manqua de mourir noyĂ©, alors qu’il Ă©tait non pas en mer mais Ă  cheval, dans la tempĂȘte par laquelle ChrĂ©tien de Troyes s’amuse Ă  le punir. Contrairement Ă  lui, si l’Ulysse de Dante est sublimement grand, c’est que, substituant la question de l’hĂ©roĂŻsme Ă  celle du salut, il soumet la vie Ă  une discipline plus qu’à une justification — d’oĂč vient la forme dĂ©sintĂ©ressĂ©e du dĂ©sir, du gran disio qui est Ă©galement grand mĂ©pris. Ne plus ultra montre le tragique de cette grandeur. Qui ne tirerait profit Ă  suivre son auteur dans l’examen de ce tragique qu’il mĂšne avec tant d’intelligence et de culture ? Karim Oukaci, L’oeil de Minerve. * L’Ulysse de Dante France Culture, Les Nouveaux chemins de la connaissance, Avec AdĂšle Van Reth et Didier Ottaviani, MaĂźtre de confĂ©rences Ă  l’École Normale SupĂ©rieure de Lyon, auteur de La philosophie de la lumiĂšre chez Dante. Du Convivio Ă  la Divine comĂ©die, HonorĂ© Champion, Paris, 2004. L’émission commence par la lecture des vers 43 Ă  75 du Chant V de l’Enfer, dans la traduction de Jacqueline Risset Flammarion 1985, p. 241-243. RĂ©fĂ©rences musicales Henrik Bjorrk, VoidumAnonyme, Ciaccona di paradiso e dell infernoLightwave, Glissement d’ÂmeAC/DC, Highway to Hell Lectures Dante, La Divine ComĂ©die , L’Enfer , Chant XXVI, vers 91-120BorgĂšs, Franz Liszt, AprĂšs une lecture du Dante Fantasia quasi sonataSaint Augustin Sergio Balestracci, Passo et mezzo Extrait Adaptation France Culture de La divine comĂ©die avec Alain Cuny et Yves Furet 6 juin 1958. * A propos de l’Ulysse de Dante Le lecteur se souvient-il de ce passage du Coeur Absolu 1987 ? — Je casse trois jugements de la ComĂ©die, Mex. Le premier, bien sĂ»r Épicure. Le deuxiĂšme consiste Ă  s’ĂȘtre dĂ©barrassĂ© trop facilement d’HomĂšre au profit de Virgile, cette plate contrefaçon latine. Je prends donc le parti AchĂ©en contre le parti Troyen de la fondation de Rome. Vous vous rappelez qu’Ulysse est dĂ©crit par Dante comme s’envolant de chez CircĂ© jusqu’à un naufrage en pleine mer en vue du Paradis terrestre
 Du coup, tout le retour Ă  Ithaque est Ă©liminĂ©, la question pĂšre-fils, la question PĂ©nĂ©lope, le massacre lĂ©gitime des prĂ©tendants, le rĂŽle dĂ©terminant d’AthĂ©na. Que Dante ait eu des reproches sanglants Ă  faire Ă  Gemma, sa femme, bien, mais lĂ , quand mĂȘme, il pousse le bouchon trop loin. Il faut attendre le XXe siĂšcle pour assister Ă  la rĂ©surrection d’HomĂšre », selon la belle expression de BĂ©rard, un charmant Français, soit dit en passant. Avant, il est pris en otage, mythologisĂ©, flouĂ©, dispersĂ©, divisĂ©, anonymisĂ©, surtout par la philologie allemande
 Vous me suivez ?— Pfuitt ! fait la boule.— Donc, le grec. On sort Épicure, Ulysse et HomĂšre de l’Enfer, on les met au Paradis
 Philippe Sollers, Le Coeur Absolu, 1987, Folio 2013, p. 125. Mais c’est une autre histoire, un autre voyage, une autre expĂ©rience intĂ©rieure... dont Sollers pourrait parler le 5 octobre 2016 lors d’une confĂ©rence de la SociĂ©tĂ© Dantesque de France voir ici. LIRE Dante au paradisÉCOUTER, VOIR Monteverdi, Il ritorno d’Ulisse in patria * Le pĂ©chĂ© sublime de Francesca et Paolo Chant V de la Divine ComĂ©die DeuxiĂšme confĂ©rence de la SociĂ©tĂ© Dantesque de France, avec Jean-Louis Poirier, ancien Professeur de KhĂągne, 15 juin 2016, Salle des Actes, Sorbonne. Introduction du prof. Vincent Carraud et du prof. Bruno Pinchard. * Rodin, Paolo et Francesca. c. 1887-89 Bronze. x x cm. Zoom cliquez l’image. L’Enfer. Chant V Je descendis ainsi du premier cercledans le second, qui enclĂŽt moins d’espace,mais la douleur plus poignante, et plus de [16] s’y tient, horriblement, et grogne il examine les fautes, Ă  l’arrivĂ©e,juge et bannit suivant les que quand l’ñme mal nĂ©evient devant lui, elle se confesse toute et ce connaisseur de pĂ©chĂ©svoit quel lieu lui convient dans l’enfer ;de sa queue il s’entoure autant de foisqu’il veut que de degrĂ©s l’ñme se pressent en foule devant lui,et vont l’une aprĂšs l’autre au jugement elles parlent, entendent et tombent."O toi qui viens Ă  l’hospice de douleur",me dit Minos quand il me vit,en oubliant de remplir son office,"vois comme tu entres, et Ă  qui tu te fies ;que l’ampleur de l’entrĂ©e ne t’abuse !"Alors mon guide "Pourquoi cries-tu ?N’empĂȘche pas son voyage fatal on veut ainsi lĂ  oĂč on peutce que l’on veut, et ne demande pas davantage."A prĂ©sent commencent les notes douloureusesĂ  se faire entendre ; Ă  prĂ©sent je suis venulĂ  oĂč les pleurs me vins en un lieu oĂč la lumiĂšre se tait,mugissant comme mer en tempĂȘte,quand elle est battue par vents tourmente infernale, qui n’a pas de repos,mĂšne les ombres avec sa rage ;et les tourne et les heurte et les elles arrivent devant la ruine,lĂ  sont les cris, les pleurs, les plaintes ;lĂ  elles blasphĂšment la vertu je compris qu’un tel tourmentĂ©tait le sort des pĂ©cheurs charnels,qui soumettent la raison aux comme leurs ailes portent les Ă©tourneaux,dans le temps froid, en vol nombreux,ainsi ce souffle mĂšne, de çà de lĂ ,de haut en bas, les esprits mauvais ;aucun espoir ne les conforted’aucun repos, et mĂȘme de moindre comme les grues vont chantant leurs complaintes,en formant dans l’air une longue ligne,ainsi je vis venir, poussant des cris,les ombres portĂ©es par ce grand vent ;alors je dis "MaĂźtre qui sont ceux-lĂ qui sont ainsi chĂątiĂ©s par l’air noir ?""La premiĂšre de ceux dont tu voudraissavoir quelque nouvelle", me dit-il alors,"fut impĂ©ratrice de nombreux langages ;au vice de luxure elle fut si rouĂ©equ’elle fit dans sa loi la licence licite,afin d’îter le blĂąme oĂč elle Ă©tait est SĂ©miramis [17], dont on peut lirequ’elle fut l’épouse de Ninus, et puis lui succĂ©da elle tint la terre que le Sultan suivante est celle-ci qui se tua par amour [18]en trahissant les cendres de SichĂ©e ;puis vient la luxurieuse ClĂ©opĂątre [19].Tu vois HĂ©lĂšne [20], par qui advintun si long malheur ; tu vois le grand Achille [21],qui combattit Ă  la fin contre vois PĂąris, Tristan" ; ainsi il m’en montraet m’en dĂ©signa du doigt plus de millequ’amour ĂŽta de notre j’eus ainsi entendu mon docteurnommer les dames de jadis et les cavaliers,pitiĂ© me prit, et je devins comme commençai "PoĂšte, volontiersje parlerais Ă  ces deux-ci [22] qui vont ensemble,et qui semblent si lĂ©gers dans le vent."Et lui Ă  moi "Tu les verras quand il serontplus prĂšs de nous ; alors prie-lespar l’amour qui les mĂšne, et ils viendront."DĂšs que le vent vers nous les plie,je leur dis ces mots "O Ăąmes tourmentĂ©es,venez nous parler, si nul ne le dĂ©fend."Comme colombes Ă  l’appel du dĂ©sirviennent par l’air, les ailes droites et fixes,vers le doux nid, portĂ©es par le vouloir ;ainsi de la compagnie de Didonils s’éloignĂšrent, venant vers nous dans l’air malin,si fort fut mon cri affectueux."O crĂ©ature gracieuse et bienveillantequi viens nous visiter par l’air sombrenous dont le sang teignit la terre,si le roi de l’univers Ă©tait notre ami,nous le prerions pour ton bonheur,puisque tu as pitiĂ© de notre mal tout ce qu’il vous plaĂźt d’entendre et de dire,nous entendrons et nous vous parlerons,tandis que le vent, comme il fait, s’ terre oĂč je suis nĂ©e se trouve au bordde ce rivage oĂč le PĂŽ vient descendrepour ĂȘtre en paix avec ses qui s’apprend vite au cƓur gentil,prit celui-ci de la belle personneque j’étais ; et la maniĂšre me touche qui force tout aimĂ© Ă  aimer en retour,me prit si fort de la douceur de celui-cique, comme tu vois, il ne me laisse nous a conduits Ă  une mort CaĂŻne [23] attend celui qui nous tua."Tels furent les mots que nous eĂ»mes d’ j’entendis ces Ăąmes blessĂ©es,je baissai le visage, et le gardai si basque le poĂšte me dit "Que penses-tu ?"Quand je lui rĂ©pondis, je commençai "HĂ©las,que de douces pensĂ©es, et quel dĂ©sirles ont menĂ©s ou douloureux trĂ©pas !"Puis je me retournai vers eux et je leur dispour commencer "Francesca, tes martyresme font triste et pieux Ă  dis-moi ; du temps des doux soupirs,Ă  quel signe et comment permit amourque vous connaissiez vos incertains dĂ©sirs ?"Et elle "Il n’est pas de plus grande douleurque de se souvenir des temps heureuxdans la misĂšre ; et ton docteur le si tu as telle envie de connaĂźtrela racine premiĂšre de notre amour,je ferai comme qui pleure et parle Ă  la lisions un jour par agrĂ©mentde Lancelot [24], comment amour le prit nous Ă©tions seuls et sans aucun fois la lecture nous fit lever les yeuxet dĂ©colora nos visages ;mais un seul point fut ce qui nous nous vĂźmes le rire dĂ©sirĂ©ĂȘtre baisĂ© par tel amant,celui-ci, qui jamais plus ne sera loin de moi,me baisa la bouche tout [25] fut le livre et celui qui le fit ;ce jour-lĂ  nous ne lĂ»mes pas plus avant."Pendant que l’un des deux esprits parlait ainsi,l’autre pleurait, si bien que de pitiĂ©je m’évanouis comme si je mourais ;et je tombai comme tombe un corps mort. CosĂŹ discesi del cerchio primaio giĂč nel secondo, che men loco cinghia, e tanto piĂč dolor, che punge a guaio. Stavvi MinĂČs orribilmente, e ringhia essamina le colpe ne l’intrata ; giudica e manda secondo ch’avvinghia. Dico che quando l’anima mal nata li vien dinanzi, tutta si confessa ; e quel conoscitor de le peccata vede qual loco d’inferno Ăš da essa ; cignesi con la coda tante volte quantunque gradi vuol che giĂč sia messa. Sempre dinanzi a lui ne stanno molte ; vanno a vicenda ciascuna al giudizio ;dicono e odono, e poi son giĂč volte. O tu che vieni al doloroso ospizio », disse MinĂČs a me quando mi vide, lasciando l’atto di cotanto offizio, guarda com’entri e di cui tu ti fide ; non t’inganni l’ampiezza de l’intrare ! ». E ’l duca mio a lui PerchĂ© pur gride ? Non impedir lo suo fatale andare vuolsi cosĂŹ colĂ  dove si puote ciĂČ che si vuole, e piĂč non dimandare ». Or incomincian le dolenti note a farmisi sentire ; or son venuto lĂ  dove molto pianto mi percuote. Io venni in loco d’ogne luce muto, che mugghia come fa mar per tempesta, se da contrari venti Ăš combattuto. La bufera infernal, che mai non resta, mena li spirti con la sua rapina ; voltando e percotendo li molesta. Quando giungon davanti a la ruina, quivi le strida, il compianto, il lamento ; bestemmian quivi la virtĂč divina. Intesi ch’a cosĂŹ fatto tormento enno dannati i peccator carnali, che la ragion sommettono al talento. E come li stornei ne portan l’ali nel freddo tempo, a schiera larga e piena, cosĂŹ quel fiato li spiriti mali ; di qua, di lĂ , di giĂč, di sĂč li mena ; nulla speranza li conforta mai, non che di posa, ma di minor pena. E come i gru van cantando lor lai, faccendo in aere di sĂ© lunga riga, cosĂŹ vid’io venir, traendo guai, ombre portate da la detta briga ; per ch’i’ dissi Maestro, chi son quelle genti che l’aura nera sĂŹ gastiga ? ». La prima di color di cui novelle tu vuo’ saper », mi disse quelli allotta, fu imperadrice di molte favelle. A vizio di lussuria fu sĂŹ rotta, che libito fĂ© licito in sua legge, per tĂČrre il biasmo in che era condotta. Ell’ù SemiramĂŹs, di cui si legge che succedette a Nino e fu sua sposa tenne la terra che ’l Soldan corregge. L’altra Ăš colei che s’ancise amorosa, e ruppe fede al cener di Sicheo ; poi Ăš CleopatrĂ s lussuriosa. Elena vedi, per cui tanto reo tempo si volse, e vedi ’l grande Achille, che con amore al fine combatteo. Vedi ParĂŹs, Tristano » ; e piĂč di mille ombre mostrommi e nominommi a dito, ch’amor di nostra vita dipartille. Poscia ch’io ebbi il mio dottore udito nomar le donne antiche e ’ cavalieri, pietĂ  mi giunse, e fui quasi smarrito. I’ cominciai Poeta, volontieri parlerei a quei due che ’nsieme vanno, e paion sĂŹ al vento esser leggeri ». Ed elli a me Vedrai quando saranno piĂč presso a noi ; e tu allor li priega per quello amor che i mena, ed ei verranno ». SĂŹ tosto come il vento a noi li piega, mossi la voce O anime affannate, venite a noi parlar, s’altri nol niega ! ». Quali colombe dal disio chiamate con l’ali alzate e ferme al dolce nido vegnon per l’aere dal voler portate ; cotali uscir de la schiera ov’ù Dido, a noi venendo per l’aere maligno, sĂŹ forte fu l’affettuoso grido. O animal grazioso e benigno che visitando vai per l’aere perso noi che tignemmo il mondo di sanguigno, se fosse amico il re de l’universo, noi pregheremmo lui de la tua pace, poi c’hai pietĂ  del nostro mal perverso. Di quel che udire e che parlar vi piace, noi udiremo e parleremo a voi, mentre che ’l vento, come fa, ci tace. Siede la terra dove nata fui su la marina dove ’l Po discende per aver pace co’ seguaci sui. Amor, ch’al cor gentil ratto s’apprende prese costui de la bella persona che mi fu tolta ; e ’l modo ancor m’offende. Amor, ch’a nullo amato amar perdona, mi prese del costui piacer sĂŹ forte, che, come vedi, ancor non m’abbandona. Amor condusse noi ad una morte Caina attende chi a vita ci spense ». Queste parole da lor ci fuor porte. Quand’io intesi quell’anime offense, china’ il viso e tanto il tenni basso, fin che ’l poeta mi disse Che pense ? ». Quando rispuosi, cominciai Oh lasso, quanti dolci pensier, quanto disio menĂČ costoro al doloroso passo ! ». Poi mi rivolsi a loro e parla’ io, e cominciai Francesca, i tuoi martĂŹri a lagrimar mi fanno tristo e pio. Ma dimmi al tempo d’i dolci sospiri, a che e come concedette Amore che conosceste i dubbiosi disiri ? ». E quella a me Nessun maggior dolore che ricordarsi del tempo felice ne la miseria ; e ciĂČ sa ’l tuo dottore. Ma s’a conoscer la prima radice del nostro amor tu hai cotanto affetto, dirĂČ come colui che piange e dice. Noi leggiavamo un giorno per diletto di Lancialotto come amor lo strinse ; soli eravamo e sanza alcun sospetto. Per piĂč fiate li occhi ci sospinse quella lettura, e scolorocci il viso ; ma solo un punto fu quel che ci vinse. Quando leggemmo il disiato riso esser basciato da cotanto amante, questi, che mai da me non fia diviso, la bocca mi basciĂČ tutto tremante. Galeotto fu ’l libro e chi lo scrisse quel giorno piĂč non vi leggemmo avante ». Mentre che l’uno spirto questo disse, l’altro piangea ; sĂŹ che di pietade io venni men cosĂŹ com’io morisse. E caddi come corpo morto cade. Dante, L’Enfer, traduction Jacqueline Risset, Flammarion, 1985, p. 61-67. Rodin, Le baiser ou Paolo et Francesca. 1881-82. Groupe en terre cuite. MusĂ©e Rodin. Photo 24 septembre 2016. Zoom cliquez l’image. [1] Cette abondance et cet enchevĂȘtrement de lĂ©gendes se rapportant Ă  la mort d’Ulysse, joints Ă  l’absence de toute indication claire donnĂ©e par HomĂšre, Ă©taient la source de dĂ©veloppements notables dans la tradition originale » » William Bedell Stanford, The Ulysses Theme, p. 89.[2] Ibid.[3] Rappelons que Dante connaissait les poĂšmes homĂ©riques Ă  travers vraisemblablement BenoĂźt de Sainte-Maure, ou des traditions encore moins fiables.[4] On ne s’attendait guĂšre / De voir Ulysse en cette affaire » Jean DE LA FONTAINE. La tortue et les deux canards, dans Fables, X, 2. La Fontaine connaissait-il Dante ? Par l’intermĂ©diaire de Boccace, c’est possible. En revanche, il avait Ă©videmment lu Lucien de Samosate. Quelques fables, en tout cas, Ă©voquent un dĂ©sir comparable Ă  celui d’Ulysse, et pour le condamner, conformĂ©ment Ă  la problĂ©matique Ă©picurienne. Voir par exemple Les deux pigeons XII, 1, ou Le rat et l’huĂźtre VIII, 9 ; au sujet de cette derniĂšre fable, voir plus haut, p. 175, note 121.[5] LUCIEN, Histoire vĂ©ritable, dans Romans grecs et latins, Ă©d. et trad. Pierre Grimal, Paris, Gallimard, coll. BibliothĂšque de la PlĂ©iade », 1958, p. 1346-1349.[6] Ibid., p. 1346.[7] Ainsi lit-on dans l’Histoire vĂ©ritable, op. cit., p. 1346 s. [
] partant des colonnes d’Hercule, le cap Ă  l’ouest, vers l’OcĂ©an, je m’embarquai, par un vent favorable. La cause de mon voyage et son intention Ă©taient l’activitĂ© de mon esprit et mon dĂ©sir de choses nouvelles, ainsi que la volontĂ© de savoir oĂč s’arrĂȘtait l’OcĂ©an et quels Ă©taient les hommes qui habitaient sur l’autre rive. [
] Nous nous abandonnĂąmes donc au vent [
] et nous allĂąmes ainsi pendant soixante-dix—neuf jours. Le quatre—vingtiĂšme, le soleil se montra brusquement et nous vĂźmes, Ă  quelque distance, une Ăźle Ă©levĂ©e et boisĂ©e, entourĂ©e d’une barre assez faible [
] soudain, un tourbillon se forma, fit tournoyer le navire, le souleva Ă  une hauteur d’environ trois cents stades et le maintint en l’air, sans le laisser retomber sur la mer [
] » Cf. Enfer, XXV I, 97-142. Nous avons dĂ©jĂ  Ă©voquĂ© ce passage, plus haut, p. 48, note 71, Ă  propos du vol fou » d’Ulysse.[8] Avec Tennyson, notamment, et quelques autres. En particulier, l’image, devenue si commune, d’un Ulysse romantique, capable de parler avec force Ă  une sensibilitĂ© moderne, est vraisemblablement due Ă  Francesco De Sanctis Lezioni e saggi su Dante, corsi torinesi, zurighesi e saggi critici, Turin, Giulio Einaudi editore, 1967 et Ă  Benedetto Croce La poesia di Dante, chap. VI ModernitĂ© de Dante », op. cit., p. 168 s.. Une telle lecture, ouverte et libĂ©rĂ©e, a cependant un prix Ă  payer qui est la perte de la dimension allĂ©gorique du poĂšme. Pour cette raison, Charles S. Singleton Journey to Beatrice, op. cit., p. v s’en prend Ă  Benedetto Croce. Sur la rĂ©cupĂ©ration » de l’Ulysse de Dante par un certain nombre de philosophes rĂ©cents Ernst Bloch, Adorno, Horkheimer, Levinas, voir l’exposĂ© trĂšs complet de Ruedi IMBACH, Dante, la philosophie et les laĂŻcs, chap. VIII Ulysse, figure de philosophe », op. cit., p. 215 s.[9] Enfer, XXVI, 142 jusqu’à ce que l’ocĂ©an fut par-dessus nous refermĂ© ».[10] Tel est le titre d’un entretien de Primo Levi avec Walter Mauro, recueilli Ă  l’occasion de la parution de Se non ora quando ? et paru dans Il Mattino du 22 mai 1982 citĂ© dans Primo LEVI, ƒuvres, Paris, Robert Laffont, 2005, p. 1000. Primo Levi y parle du thĂšme du voyage Le voyage est quelque chose de plus c’est le dĂ©part et l’arrivĂ©e, l’alpha et l’omega de la vie, l’imprĂ©vu et l’étrange qui donnent un sens Ă  la vie, l’occasion de faire des rencontres, de se “mesurer” [...]. » Le voyage, qui fait le thĂšme de Maintenant ou jamais, mais qui supporte Ă©galement tout le rĂ©cit, toute la dramatisation de La TrĂȘve, dans la mesure oĂč il est plus qu’essentiellement, dans ces deux exemples, voyage de retour, prend Ă©videmment un caractĂšre odyssĂ©en. Il est par suite naturel que s’y attache
 un certain nombre de rĂ©flexions sur la mĂ©moire, l’écriture et la transmission. Voir plus bas, ch. V, 3.[11] Lettre XIII, À Cangrande della Scala. par. 33.[12] Cf. Enfer, XVIII, 82s.[13] N’oublions pas que, dans l’autre monde, dont la loi est la justice divine, chacune des Ăąmes est reprĂ©sentĂ©e telle qu’en elle-mĂȘme l’éternitĂ© l’explique.[14] Cf. François HARTOG, MĂ©moire d’Ulysse, p. 94.[15] Enfer, V, 73s.[16] Minos dans la mythologie classique, roi de CrĂšte cĂ©lĂšbre pour sa sĂ©vĂ©ritĂ© et son sens de la justice. HomĂšre le place dans l’HadĂšs comme juge des Ames ; Dantes le reprend Ă  travers Virgile, et en fait un dĂ©mon infernal.[17] SĂ©miramis reine mythique de ChaldĂ©e et d’Assyrie, aux XIVe siĂšcle avant JĂ©sus-Christ ; cĂ©lĂšbre par sa beautĂ© et ses excĂšs sexuels, elle aurait selon Orose promulguĂ© une loi autorisant l’inceste.[18] Celle-ci qui se tua par amour / en trahissant les cendres de SichĂ©e Didon, reine de Carthage, dont Virgile raconte qu’elle se tua lorsqu’elle fut abandonnĂ©e par EnĂ©e, trahissant par cet amour la promesse de fidĂ©litĂ© Ă  son mari dĂ©funt, SichĂ©e.[19] ClĂ©opĂątre la reine d’Egypte, maĂźtresse de CĂ©sar puis d’Antoine, exemple traditionnel de luxure.[20] HĂ©lĂšne cause de la guerre de Troie.[21] Achille d’aprĂšs les lĂ©gendes mĂ©diĂ©vales sur la guerre de Troie, Ă  cause de son amour pour PolyxĂšne, il fut attirĂ© dans un piĂšge et tuĂ© par traĂźtrise.[22] ces deux-ci fait divers devenu lĂ©gende. Francesca da Rimini, fille de Guido da Polenta, Ă©pouse Giovanni Malatesta en 1275 ; s’éprend de son beau-frĂšre Paolo da Malatesta ; Giovanni les surprend et les tue.[23] la CaĂŻne c’est la premiĂšre des quatre rĂ©gions du dernier cercle de l’Enfer, le Cocyte. Elle est assignĂ©e aux damnĂ©s traĂźtres Ă  leurs parents.[24] Lancelot diffĂ©rentes version des romans de la Table Ronde racontent ses amours avec GeniĂšvre, femme du roi Arthur.[25] Galehaut sĂ©nĂ©chal de la reine, tĂ©moin d’un pacte d’amour. Dans les textes connus, il pousse GeniĂšvre Ă  embrasser Lancelot. Selon la version inconnue que suit Dante ou suivant sa propre version c’est Lancelot qui embrasse GeniĂšvre. LhuĂźtre L'huĂźtre, de la grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie, brillamment blanchĂątre. C'est un monde opiniĂątrement clos. Lettres - Compte Rendu de Lecture Le parti pris des choses de Francis Ponge ______________________________________________________________________________ ______________________________________________________________________________ Le parti pris des choses est un recueil de poĂšmes Ă©crit par Francis Ponge en 1942. L’intĂ©gralitĂ© des poĂšmes qui le composent sont en prose. Ils pourraient ĂȘtre dĂ©finis de la maniĂšre suivante ce sont des descriptions de choses simples, d’élĂ©ments du quotidien, pouvant sembler tout Ă  fait anodins au premier abord mais qu’il s’applique ici Ă  mettre en lumiĂšre. C’est d’une certaine maniĂšre comme si le poĂšte rĂ©vĂ©lait la beautĂ© et tout le substrat sensible des Ă©lĂ©ments existants, l’entourant, sur lequel son regard se pose. Les sujets de ses poĂšmes varient mais prĂ©sentent nĂ©anmoins quelques points communs il peut s’agir d’élĂ©ments naturels tels que la pluie ou le feu, de nourriture comme l’huitre, les mures, le pain, ou encore de paysages avec le bord de mer. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, c’est la nature qui inspire Francis Ponge. Cette fascination toute particuliĂšre se ressent dans le choix de ses sujets et dans l’attention qu’il a portĂ© Ă  ses composants, que nous percevons au travers de ses poĂšmes. Francis Ponge ne cherche pas Ă  embellir la rĂ©alitĂ©, mais Ă  la prĂ©senter la plus honnĂȘtement possible, parfois mĂȘme de maniĂšre crue ou qui pourrait sembler embarrassante. La rĂ©alitĂ© des faits, dans la laideur ou les aspects les moins esthĂ©tiques qu’elle peut comprendre ne lui fait pas peur. NĂ©anmoins, le talent du poĂšte est notamment Ă  relever dans le fait que malgrĂ© cette objectivitĂ© notable de laquelle il souhaite s’approcher au plus prĂšs, il parvient Ă  faire ressortir une rĂ©elle beautĂ© de ses poĂšmes. En tant que lectrice, j’ai eu cette impression Ă  la lecture des poĂšmes de Ponge, que ce dernier me donnait une loupe ou des jumelles, tout au moins les bons instruments pour percevoir la beautĂ© du monde. D’une certaine maniĂšre, nous pourrions mĂȘme aller jusqu’à accorder Ă  la poĂ©sie de ce poĂšte un aspect curatif, une sorte de remĂšde Ă  la morositĂ© et Ă  l’ennui que peut parfois prĂ©senter la vie il fait don ici d’une invitation Ă  voir et percevoir le monde sous un aspect diffĂ©rent, plus doux et positif. Par consĂ©quent, je ferais le parti pris d’orienter cette Ă©tude autour de la problĂ©matique suivante comment l’auteur peut-il nous toucher au plus profond de nous mĂȘme avec du banal ou du laid, des entitĂ©s se dĂ©finissant tellement par communes » qu’il semble Ă  premiĂšre vue presque impossible de les rendre originales ou mĂȘme surprenantes ? Pour ce faire, nous nous demanderons dans une premiĂšre partie si Francis Ponge cherche rĂ©ellement Ă  peindre une rĂ©alitĂ©, et si oui quelle est-elle. Dans une seconde partie, nous nous pencherons sur les outils dont se sert le poĂšte afin de nous faire comprendre et apprĂ©cier Ă  sa maniĂšre les diffĂ©rentes entitĂ©s et phĂ©nomĂšnes qu’il perçoit. Enfin, notre derniĂšre partie portera sur la relativitĂ© Ă  apposer au laid, et au jugement sensible de maniĂšre gĂ©nĂ©rale Ă  laquelle nous invite Francis Ponge. *** A la lecture des poĂšmes de Ponge, survient la question de savoir si ce qu’il dĂ©crit existe rĂ©ellement, ou bien n’est que le fruit de son imagination, de ses espoirs peut-ĂȘtre, de ses projections AprĂšsla lecture de son poĂšme "L'huĂźtre", il en fait une analyse dĂ©taillĂ©e. Francis PONGE Ă©voque tout d'abord la "classification" de ces oeuvres. Puis il s'exprime sur son livre "Le Parti pris des choses". Marketplace Analyse Français Document Ă©lectronique LycĂ©e 3 pages Description Analyse de "l'huĂźtre" du recueil Le Parti Pris Des Choses de Francis Ponge. MusicalitĂ©, message de l'auteur, la prose forme poĂ©tique et difficile, figures de styles, comparaison entre l'huĂźtre et la prose
 Extrait L’huĂźtre », le Parti-pris des choses de Francis PongeLe Parti-pris des choses est un recueil Ă©crit en 1942 par Francis Ponge et publiĂ© en 1942. Il est composĂ©de poĂšmes en proses oĂč l’on dĂ©crit des objets du quotidien. Le but est de changer le regard du lecteursur eux, de transformer la laideur du banal en une beautĂ© cachĂ©e avec un aspect digne d’ le poĂšme, il y a une description trĂšs organisĂ© de l’huĂźtre. Dans le premier paragraphe, on dĂ©critl’extĂ©rieur de l’huĂźtre. Dans le second... Ce document ne correspond pas exactement Ă  ce que vous recherchez ? Commandez votre document redigĂ© sur mesure depuis notre service Commander un document Commander un document ou bien via la recherche par mots-clĂ©s Ces documents pourraient vous intĂ©resser
LEPARTI PRIS DES CHOSES FRANCIS PONGE. NOTE D'INTENTION Pour l'illustration de cette anthologie sur les poÚmes issus du recueil Parti pris des choses, de Francis Ponge, j'ai décidé de m'inspirer des poÚmes de celui-ci. Dans un premier temps, j'ai décidé d'ajouter un fond de couleur orange à la page de couverture ainsi que sur les autres pages qui suivent qui m'ai inspiré par le
Aller au contenu 💡 Ci-joint, un court rĂ©sumĂ© de Le Parti pris des choses de Francis Ponge, et le lien avec Les Fleurs du mal de Baudelaire et l’alchimie poĂ©tique. Le Parti pris des choses est un recueil de poĂšmes en prose Ă©crit par Francis Ponge entre 1924 et 1939 et paru en 1942. Le recueil est souvent dĂ©signĂ© comme l’oeuvre maĂźtresse de Francis Ponge ; le spĂ©cialiste Jean Thibaudeau le dĂ©crit comme l’accĂšs indispensable Ă  toute l’oeuvre de Ponge ». Il rassemble des descriptions minutieuses de choses en apparence banales objets, lieux, phĂ©nomĂšnes naturels
 en utilisant la langue comme moyen de les connaĂźtre poĂ©tiquement, l’objectif Ă©tant de rendre compte du “monde dans une chose”. L’alchimie poĂ©tique, c’est-Ă -dire le procĂ©dĂ© consistant Ă  transformer l’ordinaire en significatif Ă  l’aide de la poĂ©sie, occupe une place centrale dans Le Parti pris des choses. Ainsi, le poĂšte puise ses sujets dans le monde qui l’entoure un cageot, une cigarette
 mais les voit autrement il regarde le monde en artiste, puis utilise les ressources du langage poĂ©tique pour prĂ©senter diffĂ©remment le monde, et va jusqu’à transformer la laideur en beautĂ©. Par exemple, dans le poĂšme L’huĂźtre, Ponge choisit quelque chose de banal qu’il dĂ©crit comme “grossier” de la nourriture une huĂźtre, dont il donne une description mĂ©ticuleuse de l’extĂ©rieur puis de l’intĂ©rieur ; mais il lui donne ensuite un sens profond, en associant Ă  l’huĂźtre la symbolique de l’univers “à l’intĂ©rieur l’on trouve tout un monde” en faisant rĂ©fĂ©rence Ă  la crĂ©ation du monde dans les textes bibliques “les cieux d’en-dessus s’affaissent sur les cieux d’en-dessous”. De la mĂȘme maniĂšre, dans le poĂšme Le pain, l’aliment Ă©ponyme dont il dĂ©crit dans un premier temps la croĂ»te devient une terre qui cuit dans le “four stellaire”. Cela n’est pas sans rappeler le travail similaire d’alchimie poĂ©tique de Charles Baudelaire, qu’il rĂ©sume dans l’épilogue pour la deuxiĂšme Ă©ditions des Fleurs du Mal “Tu m’as donnĂ© ta boue et j’en ai fait de l’or”. Cliquez ici pour retrouver la fiche sur les diffĂ©rences entre Baudelaire et Ponge.
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