Il a parcouru les scènes du monde entier avec Téléphone puis en solo. À presque 60 ans, Jean-Louis Aubert a posé ses valises dans une très belle propriété, située dans un village d’Eure-et-Loir qu’il tient pour l’instant à garder secret. Le chanteur a reçu L’Echo Républicain chez lui pour parler de son nouvel album, Aubert chante Houellebecq, mais aussi de plein d’autres choses. Loin du discours formaté de l’autopromotion. Comment avez-vous “atterri” en Eure-et-Loir? C’est un concours de circonstances. Je cherchais un local de répétitions. J’avais fini par trouver une sorte de cave située dans le sous-sol d’une galerie marchande près de la Porte d’Orléans. Ça sentait l’huile. Alors j’ai voulu aller plus loin, j’ai pris le train, et j’ai pu acheter ma maison ici pour le prix de cette petite pièce à Paris. Comment se passe votre adaptation? Je suis au paradis. Ça fait deux ans maintenant, j’adore la région. Pensez-vous que votre nouvelle maison eurélienne a influencé votre musique? Oui, bien sûr. C’est mon album beauceron. J’ai enregistré le disque ici, tout seul, dans le petit studio que j’ai aménagé. Les moments d’attente, d’ennui, sont meublés par la beauté de la région, la paix qui règne ici. Je suis venu ici pour me reposer, mais je n’arrête pas de travailler. On ne s’attendait pas forcément à vous voir chanter des poèmes de Michel Houellebecq… Non. Ça s’est fait par hasard. Un jour, une session d’enregistrement a été annulée, et je me suis mis à lire ce livre. Je suis tombé sur Isolement, et c’est devenu instantanément une chanson. J’avais ma guitare, je l’ai grattée, et voilà… Beaucoup de gens, y compris dans le village, n’aiment pas trop la poésie. Je leur ai fait écouter, et ils se sont mis à apprécier. Puis j’ai contacté Houellebecq par mail et je lui ai dit Laissez-moi donner des ailes à vos mots ». Avant de le connaître, quelle image aviez-vous de Michel Houellebecq?Il me faisait un peu peur, certains de ses livres m’ont vraiment déprimé. Mais, petit à petit j’ai saisi la tendresse et la politesse très XIXe siècle du personnage. Recevez par mail notre newsletter loisirs et retrouvez les idées de sorties et d'activités dans votre région. Ça devait être plus simple pour vous de ne pas avoir à écrire vos propres textes. Je suis plus comme un spectateur. J’avais eu le même sentiment avec mon précédent album, Roc’Eclair. Comme si j’avais écrit à quatre mains. J’étais guidé par mon père. Cette fois, c’est par Houellebecq. L’époque est curieuse. La musique est partout, mais cela devient difficile d’en vivre. C’est très facile de faire son disque, c’est plus compliqué de le faire connaître. Avant, on débarquait avec nos chansons et il fallait commencer par faire des concerts. Maintenant, les gens enregistrent sur Internet, chez eux. La musique donne des signes de révolution. C’est la première chose qui a vacillé sur le web. On ne sait pas ce qui va se passer. Mais la culture se diffuse très vite. Avant, il fallait aller dans les grandes villes. Mais je vois qu’ici, dans les fermes aux alentours, il y a des petits théâtres qui se créent. Il y a moins cet attrait vers la capitale. Par exemple, j’ai vu Luc Arbogast, de The Voice, chanter à Auneau. Plus rien n’est impossible. The Voice, justement, ça vous inspire quoi? Tous les chanteurs que j’aime auraient été recalés. Voilà ce que les juges auraient dit Dylan chante trop du nez, Brassens n’a pas de présence, Brel en fait trop… Ce qui compte, ce n’est pas LA voix, mais quand on trouve sa voie. Prenez Aznavour. Tout le monde le trouvait petit, moche… Mais c’est ce qui est anormal qui est beau, nouveau. Moi, au départ, je voulais faire des longs solos de guitare » Vous souvenez-vous de vos premiers pas dans un studio, il y a presque quarante ans? Bien sûr. J’avais écrit une chanson, Plastic rocker, qui devait être une face B. J’avais honte des paroles, alors je ne les montrais à personne. J’étais guitariste, mais le chanteur n’arrivait pas à interpréter mon texte. Alors on a utilisé ma voix. Le producteur m’a dit Toi, tu seras un chanteur ». Je le suis devenu grâce au regard des autres. Moi, au départ, je voulais faire de longs solos de guitare… Qu’est-ce qui vous a donné le goût des mots? Adolescent, j’étais surtout fan de musique anglaise et américaine, et les textes, on ne les comprenait pas. Mais mon père baignait dans la poésie française. Je me souviens qu’un jour, je me suis dit Et si je mélangeais les deux?? » Finalement, c’est le même processus que celui qui a abouti à mon nouvel album. La boucle est bouclée? Quand on est jeune, on croit qu’on est seul au monde et qu’on se fait soi-même. En prenant de l’âge, on se rend compte qu’on est la confluence de beaucoup de choses. Il faut juste passer sa vie pour le voir. L’une des bonnes manières de vieillir, c’est de rassembler toutes les pièces de ce puzzle. Certains moments sont malheureux, mais on se rend compte qu’il faut parfois les traverser. Le rock de votre jeunesse, on ne l’entend plus dans votre musique. Quand j’étais ado, ce qui m’intéressait, c’était de chanter fort. Je voulais écouter des choses que mes parents n’aimaient pas. Évidemment aujourd’hui, je n’écoute pas de heavy-metal dans mon salon. Mais je ne détesterais pas faire une tournée un peu plus dure un jour. Rémi Bonnet